aux innocents les mains pleines. (the bowery)

aux innocents les mains pleines

S'acclimater à la vie à plusieurs s'avérait moins difficile que prévu, bien qu'Effy soit de loin, celle qu'on voyait le moins trainer dans les espaces communs. Déjà, elle n'aurait pas cru réussir à rester ici sans se faire virer au bout de deux semaines. Encore plus quand elle était en pleine phase de décrochage, plongeant sans vergogne dans ses vieux vices, qu'elle n'avait jamais réellement délaissés, mais qu'elle avait su tenir à une distance raisonnable, plus saine. Distance qu'elle avait envoyé chier à la minute où elle avait senti qu'elle allait se noyer. La situation avec Milo n'était clairement pas favorable à ce qu'elle soit une colocataire modèle, et pourtant, elle avait décidé de venir vivre ici. Déjà parce que ce n'était pas vraiment une colocation. Ensuite, parce qu'elle ne pouvait plus supporter de rester dans cet appartement miteux, quasiment insalubre, et rempli de souvenirs difficiles - soit heureux et désormais touchés de peine, soit déjà bien sombres. L'idée de vivre avec d'autres personnes ne lui avait pas parue si saugrenue, même si le budget avait joué, mais quelque part, elle s'était sentie capable, peut-être, de remplir ce contrat social. Eff' jouait souvent au fantôme, de sortie dans l'ambiance nocturne et trop enivrée que pour rentrer à une heure normale, ou bien enfermée dans sa chambre le temps de cuver. Elle pointait tout de même le bout de son nez, veillant à avoir la mine plus fraîche que la veille quand elle se montrait, et participait aux quelques tâches qui requéraient son attention. Un sourire discret par-ci, une oreille tendue par-là, elle faisait acte de présence, mais restait l'ombre silencieuse en toile de fond, qui observait bien plus qu'elle ne performait. C'était aussi sa façon à elle, naturelle, d'intégrer un environnement. Taciturne certes, mais elle ne manquait pas en retour d'observer les dynamiques qui se jouaient dans un environnement, les positions, les gestes, même imperceptibles. Quand toute sa tête y était, ceci dit. Au moins, on pouvait noter une nette amélioration dans le fait qu'elle ne consomme plus aucune substance à outrance dans son chez-soi, vu qu'elle le partageait maintenant avec d'autres, et que si elle faisait parfois quelques écarts dans sa chambre, elle veillait à laisser sa toxicité à la porte. Ça ne l'empêchait pas de parcourir les endroits les moins recommandables de la ville et de rentrer la tête lourde, comme aujourd'hui. Le soleil s'était baissé alors que ses pensées avaient divagué jusqu'à un sommeil agité, qui ne la rendit au monde réel que lorsqu'on frappa à sa porte. « Oui ? » lança-t-elle après une hésitation, la voix un peu enrouée, douce comme un chaton. La voix de Reyansh s'éleva de l'autre côté de la porte, un peu étouffée, alors que la brune se redressait et se frottait le visage d'un air las, espérant essuyer sa mauvaise mine par ce geste.

@Reyansh Bhakta @Polly Burnett @Ella O'Brian comme on l'a dit, chacune participe (ou non) quand elle le veut

Il était quelques minutes passé 19:00, le soleil s’était récemment couché à l’horizon, on le devinait encore pas trop loin en-dessous, en raison des couleurs rougeâtres colorant le ciel. Reyansh était resté sur le toit du bâtiment de The Bowery pendant tout le coucher de soleil, profitant en solo de ce moment de réflexion et de contemplation. Quand tout était devenu plus noir il avait fermé les yeux, laissant le vent caresser ses cheveux, un mince sourire à la commissure de ses lèvres. Il rouvrit les yeux sur une ville dont les éclairages des lampadaires s’étaient allumés à l’unisson, comme si Dumbledore avait rouvert son Déluminateur pour leur redonner leur lumière. C’est Polly qui aurait été fière de cette réflexion chez Reyansh. Le jeune homme prit une grande inspiration, souffla d’un coup, et quitta le toit afin de redescendre au palier principal de la commune. Le même silence qu’à son arrivée régnait sur les lieux, mais l’artiste remarqua un détail de plus dans le décor : les bottines d’Effy étaient désormais dans l’entrée, ce qui n’était pas le cas à son arrivée à lui. Il tourna la tête vers la chambre de la plus récente habitante de The Bowery. La porte était close. Cela ne changeait rien par rapport à d’habitude. La jeune femme avait tendance à s’éclipser rapidement, à se faire petite, presque invisible. Reyansh l’avait souvent remarquée en retrait, en train de les regarder lorsqu’ils se réunissaient au salon, par exemple. Elle était là, sans être réellement là. Elle n’était pas celle à se mêler aux délires et aux anecdotes. Reyansh s’était souvent demandé s’ils étaient fautifs, incapables d’intégrer une nouvelle personne. Mais elle n’avait pas vraiment cherché à se fondre au groupe, non plus. Elle respectait les règles, elle accomplissait les tâches qui lui incombaient, elle participait à la vie quotidienne de la communauté, sans en faire plus. En demandaient-ils plus ? Non. Mais il aurait sans doute aimé qu’elle se sente autant à sa place qu’eux tous et toutes. Ce dont Reyansh doutait. Il s’arma d’une bouteille de vin rouge qu’il désirait goûter avant de l’intégrer au menu de Beyond Words & Wine, attrapa deux coupes au passage, et alla cogner à la porte de la chambre d’Effy. « Salut. C’est Rey. » S’annonça-t-il, encore un peu hésitant de l’autre côté de la porte. « Je peux entrer ? » Demanda-t-il. Si elle avait répondu oui il se doutait qu’elle était décente, mais cette chambre c’était chez elle, il ne voulait pas non plus y pénétrer sans prévenir. « J’ai du vin. » C’était peut-être un bon argument à ajouter.

C’était la partie qu’Effy avait redouté en venant vivre dans un bâtiment partagé avec d’autres personnes, le fait que n’importe qui puisse venir demander son attention n’importe quand. Et accessoirement la trouver dans des états moins bien reçus pour la société, bien que ça ne la préoccupe pas plus que ça. Ça n’était pas sa grande fierté non plus, il fallait l’admettre. Paradoxalement, la journaliste trouvait inconsciemment un certain réconfort dans ce fait aussi, ayant son espace sans se sentir totalement isolée, sans jamais être réellement seule. Si elle affichait un plus grand attrait pour la solitude, ça n’était pas tout à fait exact, puisque ça pouvait également l’angoisser par moments. Elle répondit donc à Rey, après un court silence qui résonnait comme un malaise. « Yeah, sure. » répliqua-t-elle à la porte, essayant de soigner son ton pour qu’il se fasse plus décontracté, alors qu’elle s’asseyait en tailleur sur les couvertures, histoire de ne pas avoir l’air de la Belle au Bois Dormant shootée qu’elle était. Heureusement, la sieste avait lavé un peu des substances ingérées plus tôt par son système, et ce n’était pas comme si elle s’était totalement flingué les neurones aujourd’hui. La belle Anglaise se demandait d’ailleurs, si on la prenait pour une alcoolique à ce point, pour que Reyansh précise qu’il amenait du vin, comme un présent obligatoire offert au chef d’une tribu respectable. Ou bien, c’était tout simplement elle qui interprétait. Partager du vin avec ses colocataires n’avait rien d’une idée saugrenue. « Hey. » souffla-t-elle en peignant un sourire affable sur ses lèvres, même si on y lisait encore les tourments qui agitaient son esprit jour et nuit.

C’est la vision que Reyansh avait pour The Bowery : un safe space où les âmes se mêlaient les unes aux autres dans le respect et dans l’ouverture. Un endroit où il faisait bon vivre puisqu’il était composé de bons vivants. Un endroit sans barrière ou presque. Évidemment il était au courant que chaque individu avait besoin de son jardin secret et de moments de solitude, lui le premier, surtout lorsqu’il créait. Cependant les personnes qui habitaient la place étaient généralement très sociables également, se nourrissant de la présence des autres. La seule personne qui dérogeait à cette tendance, c’était Effy, Effy qui se la jouait louve solitaire plus souvent qu’autrement, Effy qui refermait sa porte de chambre aussitôt arrivée, Effy qui semblait parfois ailleurs, même quand elle était là. Pourtant c’était une femme très gentille et respectueuse, elle ne foutait pas la merde ici. Reyansh la sentait juste un peu moins intégrée, et ça le peinait. Ce n’était pas l’ambiance qu’il voulait pour elle ici. Il s’était donc armé de ses deux coupes de vin et de sa bouteille à tester, et cogna à sa porte. Lorsqu’elle lui affirma qu’il pouvait rentrer, il tourna la poignée et passa d’abord juste sa tête dans l'entrebâillement de la porte. « Hey. » Lui dit-il à son tour, un sourire aux lèvres. Elle était redressée sur son lit, assise en tailleur. Son sourire avenant cachait autre chose, un sentiment plus triste, qui creusa un petit trou dans le coeur de Reyansh. « Tu as l’air fatiguée, j'espère que je ne te réveille pas ... Est-ce que c’est un mauvais moment ? Je peux revenir. Je voulais juste te proposer de goûter avec moi à ce nouveau vin que j’ai découvert … Je préfère toujours avoir l’opinion d’une autre personne que moi. » Parfois c’était Polly qui goûtait avec lui, mais comme elle n’était pas une grande amoureuse des vins, c’était parfois difficile d’avoir l’heure juste. Peut-être qu’Effy se révélerait une pertinente critique.

Le sourire de Reyansh avait quelque chose de touchant, de communicatif, qui malgré son état, élargit celui de la jolie brune aux yeux fatigués. Elle se frotta d’ailleurs une dernière fois le visage, avant d’ouvrir le bleu intense de ses iris sur son colocataire, comme si cette fois, elle était prête. Le regard posé sur le garçon, Effy attendait la suite, dégageant cette aura de calme plat après une tempête. En la voyant ainsi, il aurait été difficile d’entrevoir les démons qui se déchiraient jours et nuits à l’intérieur de son esprit. Pourtant ils étaient bien là. Mais la bienveillance qui entourait Reyansh, se diffusant jusque dans la chambre recluse de la jeune fille, parvenait à mettre ces batailles en pause. Son colocataire venait lui proposer de goûter un nouveau vin. Effy écoutait ses phrases voilées de sollicitude, nota une variation hésitante dans sa voix, peut-être qu’elle faisait vraiment peur à voir. « Non, ça va. » répondit-elle de ce ton impénétrable qui était le sien, sans s’ennuyer de fioritures. Oui, il l’avait réveillée, mais là n’était pas où elle voulait diriger la conversation, ça n’avait pas d’importance. Elle était partante pour cette dégustation au saut du lit. Évidemment. Qui était-elle pour refuser de l’alcool ? « D’accord. » acquiesça-t-elle quand Rey eut terminé. Le contraste était frappant, entre le débit de paroles prévenantes du jeune homme, et les monosyllabes de son interlocutrice. Elle se leva du lit sans un mot, dépliant ses jambes maigres pour retrouver le sol avec plus d’assurance que ce qu’on n’aurait cru. On aurait pu penser qu’elle allait flancher, que son corps frêle n’allait pas pouvoir se tenir debout seul, mais si. Elle était là, chevelure indisciplinée, regard impénétrable, attitude sauvage, même quand elle était aussi calme qu’un lac. « Je te promets pas un avis d’expert, par contre. Mon truc, c’est plutôt l’alcool fort. » mentionna-t-elle tout de même, sa voix feutrée s’élevant presque comme un miracle, alors qu’elle se dirigeait vers la porte de la chambre, signifiant sans un mot qu’ils en sortaient maintenant, et que Rey n’était pas invité à entrer plus loin dans son espace.

En réplique au sourire de Reyansh, celui d’Effy s’élargit, et tout d’un coup c’est comme si toute la fatigue quittait son corps et qu’elle éveillait son âme à travers son regard. Et quel regard ! Effy avait des yeux captivants et Reyansh l’avait toujours trouvée très belle. Encore plus quand elle souriait ainsi. Son propre sourire ne se lassa donc pas et il présenta la bouteille de vin après s’être assuré qu’elle était partante pour le voir. Elle acquiesça à la proposition, sans y ajouter davantage de formalités qu’un simple d’accord qui disait ce qu’il avait à dire. Effy ne semblait pas le genre de personne à user des mots inutilement. Si Reyansh n’avait pas l’habitude de conversations aussi brèves, il n’en était pas déboussolé outre-mesure. « Cool. » Lâcha-t-il, à son tour assez bref. Effy se leva de son lit avant que Reyansh n’ait le temps de se demander où est-ce qu’ils s’installeraient. Elle marcha vers lui, indiquant clairement dans ce geste qu’il n’entrerait pas plus loin dans sa chambre. Il recula donc pour en sortir, lui laissant du même coup la voie libre pour passer. « De toute façon je ne veux pas un avis d’expert, je veux un avis qui pourrait rejoindre celui des personnes qui viennent à la librairie. Qui sait j’ai peut-être pas mal de clients et de clientes qui préfèrent le fort mais qui se contentent de vin parce que c’est tout ce que j’ai à offrir au BW&W. » Déclara-t-il avec humour dans la voix. Ils se dirigèrent tout naturellement vers le salon, prenant place sur les canapés. Il déposa les coupes sur la table basse et les remplit l’une après l’autre, après avoir débouché la bouteille. Il en tendit une à Effy et garda la sienne entre ses doigts. Il prit une première gorgée, la gardant en bouche un moment pour en apprécier toutes les saveurs, avant d’avaler et de tourner la tête vers Effy, guettant sa réaction qui en dirait beaucoup sur son appréciation.

Effy n'avait jamais considéré vivre en colocation, pour une multitude de raisons, mais aussi par peur sans doute des personnes avec qui elle se retrouverait. Pas qu'elle se serait sentie intimidée, mais elle pressentait le décalage énorme et l'incompréhension qui pourrait survenir dans une relation avec des gens sous le même toit. Ceci étant dit, The Bowery n'était pas une simple colocation, et la jeune Anglaise avait pu constater que concernant les êtres humains y vivant, ses craintes étaient infondées. Elle était bien avec elle-même, sans personne à déranger et vice-versa. Mais ici, chacun semblait respecter son espace et ses barrières, et elle faisait un effort pour ne pas se fermer trop sèchement. Et ça semblait fonctionner, so far. Reyansh ne semblait pas brusqué par l'esprit taciturne d'Effy ou ses façons parfois brutales de signifier ce qu'elle voulait ou ne voulait pas, même sans user de mots. Il semblait s'en accommoder, et d'autres aussi, comme Polly. Malgré son comportement que la journaliste ressentait comme un poil envahissant, elle l'aimait bien, elle était attachante, censée, intelligente. Ces gens, ces personnes normales, qualificatif qu'elle ne se serait pas attribué, ils paraissaient accepter sa présence de chat de gouttière. Discrète et sauvage. Pas inapprochable cependant, si on s'y prenait bien. Comme ce soir, où elle se retrouvait dans le canapé avec son artiste de colocataire. « Crois-moi, ceux qui préfèrent le fort savent où se rendre. » rétorqua la brunette avec un regard entendu. Peut-être que s'était une façon détournée de se justifier devant lui du pourquoi elle n'avait encore jamais mis les pieds dans sa librairie. Elle le regarda servir le vin, saisit délicatement le verre qu'il lui tendait, l'observa alors qu'il goûtait, avant de tremper ses lèvres à son tour. Elle n'avait vraiment aucune connaissance en vin, comme elle l'avait dit plus tôt, alors elle tentait de trouver les bons mots pour décrire le goût sur ses papilles. Saveur bien différente que quand elle s'envoyait des gorgées brûlantes de vodka ou de tequila, ou de gin, ou de rhum, ou d'absinthe. Soit, on n'allait pas faire le tour de ses poisons. « Il est... Bon ? Un peu piquant sur la fin. J'aime bien. » jugea-t-elle d'une voix feutrée, quêtant la réaction du garçon pour avoir son avis à lui.

Le concept de The Bowery était beau mais il n’était pas simple pour autant. La simplicité en elle-même était peut-être mise de l’avant, mais pour trouver des personnes qui iraient tout à fait avec la mentalité de la place, c’était là que ça se corsait. Avant d’accueillir une nouvelle personne, les habitants et habitantes actuel-les de la commune se réunissaient afin d’évaluer si le ou la candidat-e répondait aux valeurs et aux attentes de la communauté. Une seule personne, dotée d’une personnalité qui ne correspondait pas du tout, aurait pu tout défaire ce qu’ils avaient construit ici. Ils y accordaient donc une grande importance. Reyansh se souvenait que la discussion avait été porteuse de quelques inquiétudes, à l’égard d’Effy, mais il avait finalement décidé de lui laisser sa chance. Sans pour autant regretter la décision, Reyansh savait que certaines de leurs inquiétudes étaient fondées. Elle était, certainement, la plus sauvage du groupe, si on pouvait le nommer ainsi. Toutefois elle n’avait aucune action qui allait à l’encontre de leurs valeurs, alors il n’avait rien à dire. Il tenait tout de même à apprendre à la connaître davantage, lui qui se nourrissait des autres, c’est pourquoi il alla la sortir de sa tanière, ce soir, si elle acceptait seulement. Il réussit à ce qu’elle le rejoigne au salon, où ils s’installèrent pour déguster ce nouveau vin, qui ne serait peut-être pas à la hauteur des alcools forts auxquels Effy était habituée. « J’imagine oui qu’on se trouve une petite routine, à force de tester les endroits on trouve les bons choix. Laisse-moi deviner pour toi … Le Hendrix pourquoi pas, ou encore le Wojna ? » Proposa Reyansh, qui avait nommé deux des plus populaires bars de la rue commerçante. Pour l’un ils avaient une grande variété de toutes sortes de fort de qualité, pour l’autre il y avait du rhum de partout dans le monde, même du local. Il ne connaissait pas plus que ça les réputations, cependant, lui était vraiment un amoureux des vins. « C’est vrai qu’il est un peu piquant, il a du mordant. » C’était un vin qui avait un bon niveau d’onctuosité. « Mais il est aussi, je trouve, riche en saveurs. Bizarre à dire mais il y aussi une certaine douceur, comme un léger goût de beurre. » Continua-t-il dans sa description. « Du coup niveau appréciation, pour toi ça passe l’évaluation ? » Elle l’avait qualifié de “bon”, c’était déjà un départ !

Elle savait qu'elle ne rentrait pas forcément,
dans le cadre écrit par les habitants.
L’air de rien, lentement, elle s'y faisait pourtant,
Et ils toléraient sa présence, avec le temps.

De se fondre dans un groupe, d'être acceptée,
Alors qu'elle était différente, effrontée.
Chacun à leur façon, la laissaient s’installer,
L’intégraient comme ils pouvaient, sans forcer.

Et Effy parvenait à être plus détendue,
Que ce qu'au départ, méfiante, elle aurait cru.
Alors de sa voix : « Les bons choix, je ne sais pas. »

Doucement son commentaire ironique perça,
D'une voix si sobre qu'il était à peine possible,
De percevoir l'allusion sarcastique en deçà.

Aussi s’attarda-t-elle tout de même à répondre,
« Le Wojna’s, et d’autres endroits moins fréquentés. »
Allusion vague aux lieux où elle aimait se fondre
Et où Reyansh n’irait jamais s’aventurer.

Loin de la belle Anglaise l’idée de se morfondre,
Pincement dans son cœur encore accidenté,
À la mention du Wojna’s et son ombre
Qu’on n’y voyait plus trop s’y désorienter.

Retrouvant la saveur du moment présent,
Effy observa la robe du vin bienfaisant,
« Je pense que c’est un bon choix, c’est un oui pour moi. »

Elle n’avait pas les mots aussi reluisants,
Mais comme son palais le trouvait satisfaisant,
Elle hocha la tête avec un sourire béat.

Un petit rictus s’échappa des lèvres de Reyansh lorsqu’Effy déclara que ce n’était probablement pas des bons choix, les endroits qu’elle testait et qu’elle adoptait pour vivre ses vices alcoolisées. « C’est pas moi qui vais te morigéner là-dessus. » Déclara-t-il. Il n’était pas du genre à faire la morale à qui que ce soit. « Ou devrais-je ? » Demanda-t-il malgré tout, arquant un sourcil en la regardant. Après tout, si elle qualifiait ces endroits de mauvais choix, elle parlait peut-être d’endroits pas du tout recommandables, où sa sécurité était menacée. Reyansh n’aurait quand même pas voulu qu’elle se retrouve dans une mauvaise posture, en danger. Il hocha la tête lorsqu’elle lui affirma qu’il avait visé juste avec le Wojna’s, mais qu’à cela s'ajoutaient des endroits moins fréquentés. Ce sont ces lieux-là qui inquiétaient un peu Reyansh. Mais Effy, elle vivait sa vie, comme elle l’entendait. Ils continuèrent à discuter un peu du vin, charnu. Sa colocataire approuvait. « Génial. C’est pas le vin le plus gouleyant mais j’aime généralement plus, justement, ceux qui ont du caractère comme ça. Mais bon j’en prends parfois des plus légers, il faut bien qu’il y en ait pour tous les goûts. » Déclara-t-il en reposant sa coupe de vin sur la table basse. Il se leva et se dirigea vers la petite chaîne stéréo du salon. « T’as envie d’écouter de la musique ? C’est quoi ton style ? » Demanda-t-il en ouvrant la radio. Une mélopée se déversa dans tout le salon, puisque des speakers étaient disposés sur quelques tablettes et étagères, aussi, pour mieux répandre le son. « Bon, peut-être pas ça, c’est pas ce qui va nous mettre dans la meilleure ambiance. » À moins de vouloir être triste et mélancolique toute la soirée.

Rey affirmait qu'il n'était pas celui qui allait la réprimander, mais semblait toutefois s'inquiéter des-dits choix de la belle brune. Elle soutint son regard, l'expression impénétrable, comme un chat sauvage se figeant dans la nuit, observant un passant dans la rue sans broncher, sans révéler le moindre indice quant à son prochain mouvement. « Non. I can handle myself. » répliqua-t-elle après cette courte pause, échange de regards qui tentaient de s'apprivoiser, de chercher des informations dans les yeux de l'autre. Elle appréciait la sollicitude de son colocataire, elle pouvait deviner que cela partait d'un bon sentiment. mais la louve solitaire qu'elle était ne demandait aucune protection, ni n'en acceptait. De toute façon, personne n'aurait pu la protéger d'elle-même, et c'était là que résidait le plus grand danger. Effy hocha la tête aux explications supplémentaires de Reyansh sur le vin, et ses goûts en la matière. Elle ne disposait pas d'autant de mots dans son vocabulaire pour décrire les saveurs qu'elle goûtait sur sa langue, mais elle comprenait ce qu'il lui décrivait. Elle reprit une gorgée, profitant d'une saveur d'alcool moins corsée que d'habitude, elle qui comme elle l'avait dit, prenait plutôt la solution la plus simple et rapide pour s'anesthésier l'esprit. « Pourquoi pas. » souffla la jeune femme, ses lèvres se fendant en un sourire en coin détendu. « Pas mal de choses. En soirée, plutôt de la techno et de la psytrance, ou drum and bass, sinon du rock underground, parfois du reggae, du lo-fi... » répondit-elle en révélant plusieurs styles musicaux assez différents, énumérant ceux qui lui venaient en tête. Une musique calme et plutôt mélancolique s'éleva dans la pièce, précédant la remarque du brun qui suggérait de changer. Effy haussa les épaules, tout lui allait, a priori. « Ça me dérange pas, j'aime bien aussi la soul mélancolique. » commenta-t-elle sans pour autant signifier qu'elle souhaitait qu'il laisse ce son-là. S'il voulait mettre autre chose, l'Anglaise n'y voyait pas d'objection.

Elle avait de ces regards qui auraient pu faire fuir une personne un peu moins assurée, un peu moins en confiance. Cela dit Reyansh ne pensait pas qu’Effy puisse être méchante, mal intentionnée. Et il était chez lui, il s’y sentait à l’aise et confortable. Alors, il soutint ce fameux regard bleu perçant. Quand elle lui répondit qu’elle pouvait s’occuper d’elle-même, il acquiesça d’un rapide hochement de tête et d’un sourire. « Je me doute. » Elle n’avait effectivement pas l’air du genre de personne à requérir de l’aide ou des conseils ou de la protection. Au contraire, elle avait plutôt l’air du style à éviter toute forme de contrôle de ce genre. Cela tombait bien, Reyansh n’adhérait pas du tout à la notion de contrôle dans une relation - peu importe la relation. Cette phrase qu’il avait sortie, elle n’était pas sérieuse. Jamais il ne la gronderait pour ses habitudes de vie, ses fréquentations ou ses décisions. Elle faisait bien ce qu’elle voulait, Effy, tant que ça ne teintait pas négativement la Bowery. Le jeune homme se lança dans une tirade pour décrire son vin, avant de se lever pour aller mettre de la musique, non pas sans sonder les goûts musicaux de sa colocataire. C’était également une manière d’en apprendre un peu plus sur elle. Ce qu’une personne aime écouter peut en dire long sur elle. « Un grand éventail. J’aime ça. Bon, dans tout ce que tu me nommes, en ce moment j’sens plus une vibe de lo-fi, alors, voyons voir … » Il chercha une playlist de ce genre musical, et il laissa le beat envelopper tout le salon. Il revint s’asseoir, coupe de vin en main. « J’aime bien aussi la soul mélancolique, mais surtout quand je crée. Si je mets ça, je risque de t’abandonner assez vite pour aller peindre, plutôt. » Admit-il avec un sourire. On ne sait jamais quand l’inspiration frappe !