the little things that give you away (perring)

Perry semblait mal à l'aise, dérouter de la situation. Aisling ne lui jetait pas la pierre, elle n'avait aucune idée de comment se comportait les autres enfants, c'était peut-être pour ça qu'elle ne s'inquiétait pas outre mesure. Peut-être qu'elle avait tort, c'est bien pour ça qu'elle était ouverte à l'idée de discuter de ça avec quelqu'un d'autre, quelqu'un de plus extérieur.

-C'est possible oui. On est tous un peu comme ça, non ? A ne pas se comporter de la même façon en privé et en public... J'ai l'impression qu'on fait la distinction très tôt.

Elle glissa une main dans ses cheveux blonds, semblant continuer à réfléchir à la question.

-Peut-être aussi qu'on devrait avoir une discussion tous ensemble, tous les trois je veux dire.

Elle lui adressa un sourire quand se défendit, en quelque sorte, de réagir ainsi.

-Non mais ne t'inquiète pas, je comprends. Tu as raison, s'il y a un problème il faut s'en occuper le plus tôt possible. J'ai déjà plein de défauts en tant que mère... Je ne veux pas non plus passer à côté si tu penses qu'il y a un problème.

Même si elle faisait de son mieux depuis des années, elle ne se sentait toujours pas tout à fait légitime dans son rôle de mère, et ce malgré l'arrivée d'Harper dans leur vie. Elle ne ressemblait pas aux modèles qu'elle avait pu avoir et s'en voulait un peu. Mais elle ne pouvait rien y faire non plus : elle ne pouvait pas devenir une autre personne.

Les barrières, la gêne, le tact, ce ne sont pas vraiment des choses qu'il connaît. Son comportement ne diffère pas vraiment qu'il soit chez lui avec ses colocataires ou bien en public avec du monde qui l'écoute. Il a dû tout de même apprendre à agir un peu différemment suivant les interlocuteurs, notamment au travail. Au début il n'avait aucun professionnalisme, son charme et ses belles paroles réussissaient à en partie compenser son manque de connaissances mais il y avait tout un tas de règles qu'il ignorait. Alors à présent si Perry ne ressemble toujours pas à un patron de grande entreprise ordinaire, avec ses chemises jamais complètement boutonnées et son panier de basket dans le bureau, il a appris à être un peu plus sérieux. Le Perry du travail n'est plus le même que le Perry de la coloc. Alors c'est tout à fait possible que la Siobhan qu'il connaît ne soit pas la même que celle qu'elle est à l'école. « Oui elle a peut-être compris ça. Déjà qu'elle soit avec toi ou avec moi, elle est pas tout à fait pareil. » Elle a bien compris du quel des deux elle pourrait obtenir quelque chose plus facilement. « Faudrait qu'on fasse ça…le talk…enfin non pas ce talk là mais un talk. » Dit-il en riant, pour lui le talk c'est celui du sexe et s'il n'est pas pour cacher la vérité à ses enfants là dessus, Sio est encore bien trop jeune. « Tu t'en sors très bien ! On assure pas trop mal quand même. » Relativise-t-il. Pour deux personnes pas franchement destinées à devenir parents à la base, ils ont bien changé.

Aisling hocha la tête aux mots de Perry. Oui, les enfants s'adaptaient bien plus qu'on ne pouvait le penser en fonction des lieux et de leurs interlocuteurs. Et Siobhan avait très tôt été dans cette situation, il y avait les moments où elle était avec papa, et ceux où elle était avec maman. La coloc, et la maison avec Isaiah... Elle ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose dans le développement de sa fille, d'avoir appris à adapter son comportement aussi tôt.

-Elle est intelligente.

Elle lui dit avec un sourire. Elle évita de rajouter qu'elle tenait ça d'elle. Elle rit avec lui quand il évoqua le "talk".

-Oui pour ça j'aimerais qu'on attende encore un peu. Je ne suis pas vraiment prête.

Même si, mine de rien, il y a déjà pas mal de choses dont iels devraient parler avec leur fille, notamment la notion de consentement.

-Mais oui, parlons-lui, il n'y a pas de raison que ça se passe mal.

Perry cherche à la rassurer, et comme assez rarement avec lui, ça la touche profondément. Elle lui adressa un sourire. Il y avait peu de chance qu'il lui mente pour lui faire plaisir, elle le connaissait.

-Oui, j'imagine que ça aurait pu être pire... Non... Je sais que ça aurait carrément pu être pire.

S’il peut se venter de beaucoup de choses, Perry sait que sur son intelligence il doit faire profil bas. Il est conscient de ne pas être le couteau le plus aiguisé du tiroir et joue sur d’autres aspects de sa personnalité pour compenser. Il est bien content que ses filles s’en sortent mieux que lui de ce côté là et ne vivent pas les moments de solitude qu’il peut parfois ressentir en voyant qu’il ne comprend pas moitié de la conversation. « Je suis content qu’elle ait plus pris de toi que de moi là-dessus. » répond-il avec un sourire avant de proposer qu’ils aient tous les trois une conversation sérieuse pour être sûr que tout va bien chez leur fille. Mais en parlant de talk, il pense à un autre talk, tout aussi important à avoir avec son enfant, mais aucun des deux n’est prêt à l’avoir, il faut dire qu’ils ont le temps. « Moi non plus, j’dois gérer ça avec Penny et bon...une à la fois ! » Quand il s’agit de faire des blagues en rapport avec le sexe à ses amis, il n’a aucun problème mais quand il s’agit d’en parler sérieusement avec sa fille, il est beaucoup moins à l’aise. Il se souvient que lui on lui avait seulement dit de se protéger et de faire gaffe à pas faire tomber quelqu’un enceinte, mais à part ça il a été lâché dans la nature. Il n’a pas envie que ses enfants refassent les mêmes erreurs que lui ou subissent les choses qu’il a pu faire subir par le passé à ses expériences d’un ou plusieurs soirs. Même si Siobhan connaît quelques difficultés actuellement, le jeune homme rassure Aisling, ils ne sont pas de si mauvais parents, ils sont même plutôt pas mal. Elle approuve, ils auraient pu être bien pire. « Oh oui ! J’pense qu’on est tombé sur le peu d’univers où ça se passe pas trop mal. »

Aisling ne put réprimer un petit rire alors que Perry désignait l'intelligence de Sio' comme venant de son côté à elle. Elle aurait pu lui dire gentiment que lui aussi avait bien des qualités intellectuelles mais la blonde n'était pas très douée quand il s'agissait de réconforter les gens - surtout en mentant. Puis elle n'avait pas l'impression qu'il ait vraiment besoin d'être réconforté.

-Il faut bien qu'elle bénéficie de mes rares qualités !

Parce que, de quel autre côté voudrait-on qu'un enfant d'Aisling hérite ? De sa force de caractère, peut-être, mais sans doute pas de son talent pour les relations humaines, ou de ses penchants autodestructeurs.

Quand il évoqua le fait qu'il devrait avoir le fameux talk avec sa fille aînée, la blonde prit un instant de réflexion. Elle était déjà si grande, Penny ? Le temps passait à quelle vitesse exactement ? Est-ce que, dans un claquement de doigts, elle aussi se retrouverait à avoir cette conversation avec Siobhan ? Elle secoua doucement la tête de droite à gauche pour se sortir de ces pensées.

-Bonne chance. Là-dessus, je crois bien que je suis incapable de t'aider. Mais j'imagine que tu as des amies, si jamais tu aimerais que ce soit une femme qui lui parle...

Des femmes un peu plus... compétentes qu'elle ? Elle n'avait aucune idée du genre de compétence qu'il fallait avoir. Mais elle était presque certaine de ne pas les avoir.

Elle esquissa un sourire quand Perry approuva que les probabilités pour qu'ils se débrouillent tous les deux aussi bien dans leur rôle de parent - qui plus est ensemble - était particulièrement faible. Elle hocha doucement la tête de bas en haut.

-Comme quoi, parfois, les astres sont alignés. Même entre nous.

Même si ça ne l’a pas fait entre eux, à cause de Perry faut bien le dire, il peut tout à fait reconnaître qu’elle possède de nombreuses qualités. L’intelligence déjà, pas franchement une qu’il possède lui et puis elle a réussi à le supporter, plus ou moins bien suivant les moments, elle affirme aussi ce qu’elle veut. Cette qualité est souvent mal vue chez les femmes alors qu’un homme qui affirme ses idées à tendance à être bien vu. Il espère que Siobhan ne se laissera pas marcher sur les pieds non plus mais qu’elle ne l’enverra pas trop chier non plus. « Si elle a pris que nos qualités de chaque côté, elle dominera le monde ! » répond-il en riant. Alors que comme ils l’ont évoqué un peu avant, elle sans doute dû prendre de leurs défauts aussi et avoir ses propres qualités et défauts, parce que chaque humain est unique et n’est pas que la somme de ce que sont ses parents. Il le voit bien avec ses enfants, aucun n’a les même parents (enfin il y a Perry de commun à deux mais ça s’arrête là), ils sont tous les trois très différents mais ont tout de même quelques points communs, quelques choses qu’ils aiment tous. « Oui, parce que même si j’ai envie de lui en parler moi, je sais que y’a des trucs que je pourrais pas lui expliquer parce que j’ai pas vécu ça. » Il y a des questions sur la sexualité auxquelles il ne pourrait pas répondre parce qu’il est un homme cis, donc il sait comment les choses fonctionnent pour lui mais comment ça se passe à l’intérieur du corps d’une femme, il ne peut pas vraiment en parler. Heureusement en dehors d’Aisling, dans son entourage, il connaît pas mal de femmes, Tahlia sa coloc ou Poppy sa sœur qui pourraient prendre ce rôle. Et si la jeune femme ne se sent pas la plus à même de parler de ce sujet, il sait qu’il peut compter sur elle pour plein d’autres choses et que finalement, leur relation se passe plutôt bien, malgré un passif assez important. Ils arrivent à s’accorder sur une vision de la parentalité qui leur convient à tous les deux. « Oui et j’pense que de toute façon on voulait pas que Sio grandisse dans une guerre entre nous, au final c’est parce qu’on veut tous les deux qu’elle soit heureuse que ça se passe pas si mal, je pense. »

Dominer le monde ? C'est ce que chacun souhaite pour sa progéniture, non ? Elle esquissa un sourire à cette idée. Seraient-ils des parents diaboliques ? Perry sans doute que non, alors ce désir était totalement légitime.

-Je suis déjà en train de lui confectionner un plan d'action pour ça. Je propose de commencer par prendre le contrôle de sa classe.

Heureusement que l'idée était assez absurde pour qu'il soit évident à tout le monde que la blonde plaisantait, parce qu'elle disait cela avec beaucoup de sérieux.

La blonde acquiesça d'un signe de tête alors qu'il lui confiait ne pas pouvoir lui parler de tout ce dont il aimerait parce qu'en tant qu'homme il n'avait pas vécu les mêmes choses. C'était bien légitime. On pouvait dire ce qu'on veut, et espérer encore plus, les hommes et les femmes n'étaient pas égales dans tout ce qui avait attrait à la sexualité. Biologiquement c'était une évidence, mais il n'y avait pas que ça.

-Je comprends. Tu peux lui parler d'un certain nombre de choses, surtout que je ne doute pas de ta bienveillance sur le sujet. Et je suis sûre qu'une amie proche pourra prendre le relai. Tahlia peut être ?

Elle ne savait pas vraiment quelle amie proche parce qu'au fond elle ne connaissait pas si bien les relations de Perry, mais il connaissait sans doute des femmes à l'aise avec les enfants. Plus qu'elle quoi. Mais elle savait que Tahlia était une colocataire de longue date, elle imaginait qu'ils devaient être très proches.

A sa remarque sur la raison de leur entente, la blonde resta silencieuse quelques instants. Est-ce qu'ils s'entendaient bien pour Siobhan ? Elle ne saurait vraiment le dire.

-Non, c'est sûr, personne ne voulait qu'elle soit au milieu d'un conflit, et je sais que chacun a pris sur soi mais... Je pense aussi qu'on est juste capable de bien s'entendre.

Bizarrement Perry n’a aucun mal à imaginer Aisling dans le rôle de la super méchante qui veut dominer le monde via sa fille. Lui serait sans doute le prisonnier qui attend que quelqu’un vienne le secourir parce qu’il n’a aucun courage ni aucun talent particulier en matière d’évasion, à part celui de draguer le ou la gardienne pour qu’iel le laisse sortir. « J’crois que là elle essaie plutôt de dominer à la maison, le plan ne se passe pas comme prévu ! » dit-il en riant, se sentant beaucoup plus détendu qu’en arrivant. Même si les choses ne sont pas réglées, ils ont vu ensemble pour voir ce qui pourrait aller mal dans la vie de leur fille et expliquer son changement d’attitude. Avec Penny c’est un autre genre de problème qu’il a, avec l’arrivée de l’adolescence, il doit lui parler de certains sujets dont une partie qu’il ne maîtrise pas. Lui il voit le monde de son point de vu d’homme blanc cis privilégié. Il a certes eu des problèmes parfois parce qu’il est bi, mais il a été relativement épargné. Pour le reste, il lui faudra sans doute l’aide d’une amie pour échanger avec sa fille. Ça lui fait plaisir qu’Aisling le trouve bienveillant, il essaie de faire de son mieux et elle est bien placée pour savoir que parfois, même s’il ne pense pas à mal, il peut être complètement à côté de la plaque et faire plus de dégâts qu’autre chose. « Oui Tahl’ pourra m’aider à mon avis, elles discutent déjà un peu toutes les deux. » Étant donné qu’elles vivent ensemble, c’est un peu comme si les colocs du 17 étaient des semi-parents pour les enfants des trucs. Ils sont là pour les garder, passer du temps avec eux, discuter. Sans trop savoir pourquoi, il a l’impression que sa remarque sur le fait qu’ils essaient de bien s’entendre pour le bien de leur fille, ne fait pas tant plaisir à Aisling. Comme quoi, malgré les années Perry peut toujours être à côté de la plaque avec elle. « Bah oui on s’entend bien même en dehors de ça j’pense. Fin j’veux dire à une époque on était quand même pas mal proche, you know what I mean, ça sort pas non plus de nulle part. J’m’entends pas avec toutes celles qui me menacent avec un couteau en pleine nuit. » Dire qu’elle l’avait pris pour un gros stalker cette nuit-là. Lui se rendait pas compte qu’il donnait l’impression de la suivre et que ça pouvait être vachement flippant. Maintenant il voit un peu plus que quand on est une femme et qu’on se balade la nuit, on fait gaffe à tout.

Aisling fit mine de réfléchir alors que Perry soulignait que jusque-là, son dessein était plus modeste que le monde.

-C'est parce qu'elle n'a pas encore bien compris de qui elle devait s'entourer pour réussir.

Un sourire narquois au coin des lèvres, elle ne put s'empêcher de se dire qu'avec son père, à priori, elle était plutôt bien partie.

Elle n'enviait pas du tout Perry sur sa problématique avec sa plus grande fille. Comme il disait chaque chose en son temps. Elle avait le temps d'y penser, contrairement à lui. Elle hocha la tête en souriant quand il confirma que Tahlia pourrait tout à fait le faire, qu'elle parlait déjà avec Penny. Elle imaginait que pour la jeune fille ça devait être un peu comme une grande sœur ou une tante. Elle n'avait jamais été en coloc' donc elle ne comprenait pas l'amour de Perry pour ce mode de vie, mais étant donné que ses colocs' ne semblaient pas changer très souvent, ou en tout cas certaines restaient "historiquement", iels devaient avoir des liens forts ensembles.

Elle ouvrit un instant la bouche sans réussir à dire quoi que ce soit avant de la refermer et de détourner le regard avec un sourire. Elle ne repensait pas si souvent à leur rencontre. C'est vrai qu'elle était particulièrement atypique, que si les choses se déroulaient de la même façon aujourd'hui... rien ne serait pareil, certainement. Ou peut-être bien que si. Est-ce qu'elle avait beaucoup changé par rapport à cette Aisling d'il y a... si longtemps ? Elle secoua doucement la tête de droite à gauche.

-A quelle époque est-ce que tu essayes de me ramener hein ?

Plongeant son regard dans le sien, elle le regardait presque avec un air de défi, pour absolument aucune raison.

-En vrai, avec qui est-ce que tu ne t'entend pas ?

Si Perry n’a pas un côté machiavélique assez développé pour vouloir régner sur le monde tel un super méchant, il est au moins à l’aise pour parler aux gens et bien s’entendre avec eux. Peut-être que sa fille héritera de ce côté là de lui plutôt que d’essayer de faire la loi à la maison. « Elle finira peut-être par comprendre qu’en secret c’est moi qui tire toutes les ficelles. » répondit-il en essayant d’avoir un air énigmatique, ce qui ne fonctionne pas trop. Si le côté bad boy mystérieux était très tendance pour draguer il y a quelques temps, Perry n’a jamais été dans cette catégorie, trop peu crédible pour faire même semblant. Lui il a toujours misé sur le gars sympa qui fait des blagues et des sous-entendus, il n’a pas trop eu besoin de se construire un personnage puisque c’est ce qu’il est réellement. Il a bien menti quelques fois, dans sa jeunesse, pour conclure mais il regrette cette époque où il n’a pas toujours eu les meilleurs comportements. Comme quoi s’il reste encore immature et irresponsable sur pas mal de points, il a tout de même réussi à s’améliorer avec le temps. Avec trois enfants il n’a pas trop eu le choix de grandir un peu, même si ce n’est pas seulement pour eux qu’il a changé, il a aussi compris qu’il a eu certains comportements qui n’étaient pas normaux et que son statut d’homme lui permettait d’avoir sans être remis en question par la société. C’est ce qu’il faudra qu’il dise à Penny aussi, de se méfier des hommes comme il a été et de ne pas se dire que le problème c’est elle alors que sont juste les hommes qui profitent de leur position dominante (à deux doigts de devenir un militant féministe Perry…). La discussion revint sur eux deux, en dehors des enfants, de la relation qu’ils ont fini par construire durant toutes ces années, avec des bases assez bancales à commencer par leur rencontre que le jeune homme évoque alors. Il lui sourit avant de répondre. « Oh c’était pas non plus y’a si longtemps...genre 4...euh..6, non 7, 8 ? What ? Nan ça peut pas faire aussi longtemps ! » Il ne réalise pas que ça fait autant d’années qu’ils se connaissent, il se sent vieux tout d’un coup, lui qui s’attache toujours à sa vingtaine. Pas étonnant que leur relation ait autant évolué vu les années. « En vrai...y’a pas énormément de gens avec j’m’entends pas, fin ça dépend. Déjà y’a des gens du boulot, genre les vieux que j’vois en rendez-vous ou des gens qui sont full coincés et qui aiment pas trop ma manière de bosser, mais j’les aime pas trop non plus. Mais en dehors de ça pas grand monde, ‘fin pas des gens que j’dois fréquenter quoi. Mais bon vu que j’ai réussi à m’entendre avec toi j’ai un peu vaincu le boss final. » répondit-il en la taquinant.

Aisling arqua un sourcil aux propos de Perry. Lui, tirer les ficelles ? Elle serait bien incapable de faire croire ça à leur fille, même elle avait assez de jugeotte pour voir que ça n'avait rien de crédible !

-J'attends de voir ça, oui !

Un sourire taquin sur les lèvres, elle regardait Perry avec amusement. S'il était aussi sympathique, c'est bien pace qu'il n'avait rien du grand méchant, ni en agressivité, ni en fourberie. La jeune Aisling n'avait pas toujours fait les bons choix en matière d'hommes, pour tout un tas de raison, mais elle était tombée sous celui de Perry et malgré toute la peine qu'il lui avait faite, il n'avait vraiment pas été le plus dangereux pour elle.

Alors que Perry fait maladroitement le décompte des années depuis leur rencontre, Aisling met ses mains sur ses oreilles.

-Tututut ne dis rien. Je ne veux rien entendre.

Elle non plus ne veut pas reconnaître que ça fait si longtemps. Avoir des enfants lui avait suffisamment mit un cup de vieux comme ça, pas la peine d'en rajouter. Elle n'était plus cette gamine qu'il avait rencontré, c'était indubitable. Mais elle n'était pas tout à fait une adulte non plus. Alors qu'elle avait deux filles ? Il serait peut-être temps...

Elle fait la grimace, prend l'air boudeuse alors qu'il la compare aux boss final des gens à ne pas aimer, ou quelque chose comme ça. Ceux avec lesquels on ne s'entend. La blonde n'allait pas nier faire partie de ces gens-là. Mais avec Perry c'était différent, pas vrai ?

-Je ne sais pas si je dois essayer de te faire croire que je n'ai pas un aussi mauvais caractère que ça ou... Admettre que tu as un espèce de super pouvoir.

Perry dans le rôle du grand méchant fourbe et calculateur, ça ne peut exister que dans un univers alternatif. S’il peut faire preuve de méchanceté par moments, c’est surtout parce qu’il a du mal à voir les sentiments des gens et qu’il les blesse sans s’en rendre compte. C’est un peu facile comme excuse certes, mais il essaie de s’améliorer là-dessus, même si ça ne fonctionne pas à chaque fois. Au moins là il se rend compte que leur fille ne va peut-être pas très bien et que ça mérite qu’ils se penchent sur la question. En attendant de pouvoir résoudre le problème, il évoque un temps où Siobhan n’était même pas sur le point d’exister, une époque qui lui semble à des années lumières de maintenant. Et pourtant, le fait de se rendre compte que c’était il y a huit ans, ça lui fait un petit choc. Aisling non plus n’est pas prête pour voir la réalité du nombre d’années depuis leur rencontre en face. Elle se bouche les oreilles, ce qui le fait rire. Lui aussi est un expert dans le déni pour ce qui concerne son âge. Le cap des trente ans a eu du mal à passer mais à présent il se raccroche à lui, n’admettant pas vraiment qu’il en aura bientôt trente-quatre et que dans pas si longtemps il sera plus proche des quarante que des trente. Oh non il n’est définitivement pas prêt ! « On est vieux ! » dit-il pour l’embêter avant de parler de sa capacité à s’entendre plutôt bien avec tout le monde. Pour lui, il a réussi à s’entendre avec elle donc le reste c’est du gâteau. Enfin il ne pense pas qu’elle soit si dure que ça, il faut peut-être juste ne pas s’arrêter à la première impression mais Aisling n’est pas une grande méchante non plus, pas aux yeux de Perry en tout cas. « Je sais que t’as pas un si mauvais caractère que ça...c’est juste que bon la première impression donne pas forcément envie de persévérer. » dit-il toujours en repensant à leur rencontre. « Mais maintenant avec les filles ça contrebalance, tu as l’air d’une gentille petite maman innocente. » ajoute-t-il, à nouveau pour l’embêter sachant très bien qu’elle ne rentre pas dans le stéréotype de la mère sans défenses.

Aisling fait une grimace à l'affirmation de Perry, lui lance presque un regard mauvais, comme s'il s'agissait d'un païen qui chantait dans les oreilles d'un prêtre. Et aujourd'hui c'est elle la prêtresse. Drôle de métaphore.

-Parle pour toi !

Aisling était plus jeune que lui, et au début de leur relation on aurait même pu souligner qu'elle était un peu trop jeune. Sa maturité à elle et son immaturité à lui rééquilibraient sans doute la balance.

-Qu'est-ce que ça fait de passer les trente ans d'ailleurs ? Tu as fait une petite veillée de deuil pour dire adieu à tes jeunes années ?

Son sourire était narquois. Ce n'était pas très gentil, mais c'est lui qui avait commencé à parler d'âge après tout.

Elle ne pouvait pas contredire quant à la première impression qu'elle lui avait donné, ou même à la première impression qu'elle donnait aux autres en général. Elle avait tellement de râteaux à des gens - relationnellement, sexuellement, amicalement - qu'on pourrait sans doute faire un calendrier de l'Avent de ses meilleures punchlines. Être désagréable n'était pas une seconde nature chez elle, c'était la première. Et pourtant Perry, tout comme Isaiah, avait réussi à voir au-delà de ça.

-Oui, en fait, c'est fait exprès pour que les gens ne persévèrent pas à la base.

Elle esquissa un léger sourire.

-Mais il faut toujours qu'il y ait des personnes comme toi.

Et cette fois ce n'était pas une insulte, même pas un vrai reproche.
Elle arqua un sourcil à ses mots, Perry était peu subtile quand il essayait de l'emmerder... C'était sans doute pour ça que ça fonctionnait autant.

-Mais oui, c'est exactement ce que me disent les autres parents à la sortie de l'école d'ailleurs "tu as l'air si innocente !".

Contrairement à lui, Aisling n’a pas encore franchi le cap de la trentaine. Elle se permet donc de le taquiner à son tour, sachant bien que ce passage a été difficile pour lui. Enfin non, peut-être qu’elle n’en sait rien après tout mais elle le connaît suffisamment pour savoir qu’il n’a pas envie de vieillir et que franchir une dizaine ne lui fait pas plaisir. « Pas loin...et maintenant j’en reviendrais presque à regretter cette période...mes jeunes années s’envolent ! » dit-il d’un air théâtral. Maintenant il bassine un peu moins tout le monde avec son âge mais l’année de ses trente ans, il a fait part de son désarroi à tous ses amis, mais pas vraiment à Aisling, puisqu’il sait qu’elle aurait sauté sur l’occasion pour en remettre une couche. C’est ça sa vraie méchanceté, de connaître ses points faibles et d’en profiter pour l’embêter ! Comme il le lui dit, il ne pense pas qu’elle soit vraiment méchante mais qu’elle laisse cette première impression, ce qui lui permet de faire du tri et de facilement éliminer du monde. Sauf qu’il y en a qui ne s’arrêtent pas à ça, comme Perry. « Ouais...j’ai tendance, enfin eu tendance à être un peu trop persévérant et...insistant. » expliqua-t-il en repensant aux fois où il n’a pas su comprendre que la personne en face n’était pas intéressée et qu’elle voulait juste qu’il parte, pas qu’il la convainque de changer d’avis. Peut-être que s’il rencontrait Aisling aujourd’hui, dans les mêmes circonstances, leur discussion s’arrêterait en deux minutes. Il rit lorsqu’elle affirma que les autres parents la présentent comme une personne innocente. « Et c’est souvent ceux qui ont l’air innocents qui le sont le moins ! »

Aisling esquissa un sourire, même si elle aimait embêter Perry et se moquer de lui, et trouvait parfois aussi qu'il en faisait trop, elle comprenait ce sentiment. Ce manque de l'insouciance. Ces moments de vie où ce qu'on faisait n'avait pas autant de conséquences qu'aujourd'hui.

-Je crois qu'on la regrette toutes et tous.

Qui ne regrettait pas la période de sa vie où iel était plus jeune ? Peut-être Isaiah. Isaiah ne regrettait jamais rien après tout. Elle, elle était très heureuse aujourd'hui, mais elle ne pouvait nier que parfois sa liberté lui manquait.

Si avec le recul Aisling aurait pu voir cet aspect de Perry comme un défaut, elle ne se souvenait pas lui en avoir vraiment voulu, il ne l'avait jamais forcé à quoi que ce soit, c'est elle qui s'était laissée entraîner à chaque fois. Et elle avait aussi aimer ça. Elle avait tendance à l'oublier aujourd'hui mais Perry lui avait apporté beaucoup de bons moments et avait même été un soutien.

-Ca t'a parfois réussi, non ?

Elle esquissa un léger sourire. Pour une fois, elle ne lui envoyait pas des piques.

Elle eut un rire puis lui tira la langue à son insinuation.

-Je crois surtout que ma blondeur et ma jeunesse jouent pour moi au premier abord... Jusqu'à ce qu'ils m'entendent ouvrir la bouche !