It's hard to take courage in a world full of people [Aïnhoa]

taptaptap taptaptap
Les doigts d’Haksel pianotent nerveusement sur le comptoir alors que ses yeux tentent de s’accrocher à autre chose qu’à ces clients dont les mains dérangent avec un peu trop de désintérêt les pots de miel qu’elle avait mis un soin tout particulier à empiler. Elle inspire par le nez, les lèvres pincées alors que la gelée royale se retrouve entre deux bocaux de pollen. Taptaptap taptaptap. Elle gonfle les joues et lève les yeux au ciel, elle aurait vraiment préféré enfiler sa combinaison pour aller visiter ses ruches mais apparemment, il faut aussi qu’elle sache tenir le Love Bee Tender, parce que ce sera à elle, un jour, de reprendre l’affaire. Finalement, un soupir, relativement bruyant, franchie la barrière de ses lèvres. Tu parles, elle embauchera quelqu’un pour s’occuper de la partie “humains” et elle passera ses journées à pomponner ses abeilles. Et peut-être développer son théâtre de marionnettes. Ou envisager de brasser une bière au miel. Tout sauf faire le cèpe derrière sa caisse enregistreuse en regardant l’anarchie s’emparer de ses rayonnages. “Mais il renifle les bougies Ivan…il renifle les BOUGIES ! J’ai pas les capacités pour gérer ça ! Leur nez sur mes bougies…invente un robot pour prendre ma place…ou un cache-blaire qu’ils arrêtent de mettre leurs narines partout. ” Elle retire son doigt de l’icône d’enregistrement pour envoyer un vocal à son frère, tout cela en un français au lourd accent belge.

“Le Love Bee Tender vous remercie pour votre achat.” L’anglais est rudimentaire et le sourire on ne peut plus crispé. Elle a tendu le sac à ses clients, ils ont fini par les acheter ces bougies, celles qui ont tant éveillés leur curiosité olfactive. Maladroite mais bonne commerçante, elle a même glissé un tube de baume à lèvres cicatrisant à base de miel et une petite carte de fidélité tamponnée. Il y a une autre cliente dans la boutique, elle se demande si celle-ci va sniffer ses bougies ou peut-être faire des traces de doigts sur les bocaux ? Ca aussi c’est un problème. Alors qu’elle remet un peu d’ordre dans les étagères - le miel avec le miel et le pollen avec le pollen -, son regard tombe, partiellement accidentellement, sur l’autre personne. Wow, ce serait bizarre de détourner les yeux et rien dire là. Mais c’est aussi très bizarre de la fixer comme ça en silence. “Heu…” Elle ouvre le bec, passe son interface de “Français” à “Quelque chose qui ressemble à de l’anglais” et parvient à baragouiner une sorte d’approche commerciale “...J’peux faire deux bougies et la troisième offerte…tant que vous n’en mettez aucune dans votre nez.” Rajoute-t-elle, sérieuse comme un pape, en levant un index très concerné.