EMRYS † this hurricane chasing us all underground.

Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle est certaine de le trouver là-bas. Le soir n'est pas encore vraiment tombé, il doit être entre dix-sept et dix-huit heures, pas plus et l'horizon se teinte d'un joli coup de pinceau orangé. Elle grimpe les marches de l'immeuble avec le sourire aux lèvres, le coeur léger. Elle passe devant la porte de chez lui mais ne s'y arrête pas. Elle a ce pressentiment qu'il est là-haut et jusqu'ici, son fort intérieur ne l'a jamais trompé. Enfin, avec Emrys, faut se méfier, parce que rien ne se passe vraiment comme elle l'espère. Enfin, comme elle s'y attendrait quoi. Sinon, il serait encore ce pauvre stagiaire qu'elle traiterait aussi durement qu'elle l'apprécierait. Triste dérision, quand elle y repense parfois. Elle n'aurait pas pu espérer meilleure tournure des choses. Cette fois, pas l'escalier de secours mais celui "sans dangers" plutôt et elle débouche sur le toit. Là-bas, la bâche qui cache le canapé lit un peu déglindé sur lequel ils ont passé leur première nuit – innocente – en tant que couple. Elle sourit, mais son sourire s'agrandit encore plus en voyant sa silhouette un peu plus loin. Il lui fait dos. Et elle avait raison. Son instinct ne l'a pas trompé. Discrète et à pas de loups, elle marche jusqu'à lui en priant pour qu'il ne l'entende pas, et d'un seul coup, glisse doucement ses mains autour de lui, se collant contre son dos en fermant les yeux. « Bouh. » fait-elle doucement, mi-amusée mi-espiègle, comme toujours avec lui, à croire qu'il fait ressortir une personnalité d'elle qu'elle aurait enfoui très profondément.

La réaction se fait longue à attendre et déjà Pandore sent que quelque chose cloche. Elle espère que, pour une fois, c'est elle qui se fait des idées. « Hey. » Certains n'auraient vu là-dedans qu'un salut banal, normal, un peu distant peut-être mais sans plus. Mais la française grimace – heureusement qu'il ne peut pas la voir. Elle, elle sait que c'est anormal. Elle se glisse timidement devant lui en lui soulevant le bras, pour pouvoir être face à lui. Elle n'est pas du genre à ne pas voir les choses en face. « Bonne journée ? » Elle cherche son regard. Son ton sonne terriblement faux et elle sent une sorte de malaise s'élever en elle car c'est la première fois depuis qu'ils sont ensembles. Détournant le regard, elle hoche un peu la tête. « Je dirais que c'était une journée banale. » répond-elle sans lui retourner la question, parce que ça ne sert à rien, parce que faire semblant pour ce genre de choses, elle ne sait pas faire. Elle replante fermement ses yeux dans les siens, mais elle ne sourit plus. Tendrement, sa main vient caresser sa joue. Elle aimerait l'embrasser là, doucement, pour le saluer, mais ça lui semblerait déplacé au vue du ton qu'il a eu avec elle. Ben ouais, elle est peut-être blonde, elle n'est ni dupe ni naïve et elle sait reconnaître quand quelque chose lui est destiné. Elle se racle doucement la gorge, laissant retomber sa main, l'accrochant à l'épaule d'Emrys. Elle essaie de sourire. « Ça ne va pas ? » demande-t-elle alors d'une voix mi-innocente mi-hésitante. Quelle question stupide, non ça ne va visiblement pas. Déjà qu'ils ont un peu de mal à comprendre comment se comporter en couple – dois-je l'appeler mon coeur ou mon amour ou est-ce que ça fait ringard ? – elle ne sait sûrement pas bien encore comment agir ... quand vraisemblablement s'annonce un moment de "crise". Peut-être lui reproche-t-il sa relation un peu ambiguë avec Perry ? Elle n'en sait rien et se met soudain à chercher mille et unes choses qu'elle aurait pu faire de mal, sans trouver où le malentendu s'élève pourtant.

« Si ça va ! » Courant d'air, il est déjà loin. Les bras ballants, elle les croise alors, le suivant des yeux comme s'il allait se jeter du toit. Elle peine à comprendre et le fait qu'il tourne ainsi autour du pot en mimant le mec-qui-va-bien-mais-qui-montre-quand-même-que-ça-va-pas ... ça commence à la lasser aussi. Mais le voir si nerveux contraste tant avec l'image qu'elle a de lui qu'elle reste impassible. Presque inquiète. Il se tourne et affronte enfin son regard – qu'elle peine à présent à soutenir. « Non t’as raison, ça ne va pas. » Serrant les dents, elle ne bronche pas, attendant donc qu'il s'explique et qu'il parle, malgré son impatience. Elle n'est pas bien sûre d'avoir vraiment envie d'entendre en fait. « Ça t’es arrivé souvent d’être en couple ? » Ça aurait été une question normale, elle aurait répondu avec le sourire que non, ça ne lui est en effet pas arrivé souvent. Mais son ton accusateur lui hérisse les poils sur les bras. D'ailleurs, elle essuie un frisson. On dira qu'il fait froid, là sur le toit. « Qu'est-ce que tu... » Mais elle n'a pas vraiment le temps de dire quoi que ce soit. « Non parce que je dois être un peu con, ou alors j’ai loupé un détail important, mais peut être qu’on en est pas un pour toi.. » La rancoeur brûlant dans ses paroles la laisse pantoise. Elle le dévisage, les sourcils froncés, son air de nouveau sévère et glacial sur le visage. « Mais qu'est-ce que tu racontes ? » siffle-t-elle, avant de soupirer en passant une main dans ses cheveux. Non parce que là, elle ne comprend rien du tout. Ok on pourrait lui reprocher d'avoir une relation bizarre avec son colocataire, mais Emrys a déjà eu vent de Perry, et il ne semble pas à la française qu'il réagirait comme ça s'il parlait vraiment de lui. Mais qui alors ? Oui elle avait revu Thad, mais il ne s'était rien passé. Oui elle avait revu Jack, mais il ne s'était rien passé. Non, rien. Parce qu'elle s'était fixée des règles, sans doute pour la première fois de sa vie. Parce que ce qu'elle ressentait pour lui, c'était du vrai. « Bon explique-toi, on est adultes il me semble, pas la peine de parler en énigmes. J'sais que je suis pas forcément la copine modèle, mais si t'as un truc à me reprocher, fais-le clairement, ça ira plus vite. » fait-elle un peu plus durement qu'elle ne le voudrait. Peut-être parce qu'elle doute. Peut-être parce qu'en effet, elle est loin d'être la petite-amie modèle et que ça la torture à chaque fois qu'elle croise un autre couple où tout a l'air si facile et que pour elle, c'est si compliqué.

Bon ok, il a vraiment l'air en colère. Elle ne l'a jamais vu comme ça. Elle n'a jamais vu ce regard presque... haineux ? sur elle. Elle peine à le soutenir. Elle se montre têtue, insolente et elle lui tient tête, mais au fond, ça la blesse. Lui aussi a dû être blessé, forcément. Elle a dû faire quelque chose de travers. Alors elle riposte. On lui a toujours dit que la meilleure défense reste l'attaque. Mais elle prend une décharge encore plus violente dans les dents. « Je t’ai vu embrasser ce mec bordel ! » En mode carpe, elle ouvre la bouche, puis la referme. Surprise. La première idée qui lui vient c'est qu'il a dû confondre, que ça n'était pas elle. Elle n'a embrassée personne. Bordel, personne à part lui ! Elle reste absolument muette, parce qu'elle comprend que là, y a un réel malentendu. Elle profite du silence pour fouiller dans sa mémoire ce qu'elle a fait les derniers jours. Troublée, elle laisse ses yeux dériver dans le vide, pensive. Mais où est-ce que... En plus j'ai même pas bu à outrance, c'est pas comme si j'avais une soirée qui manquait dans mes souvenirs quoi. Il y a bien eu cette soirée avec Ash, elle en garde un souvenir amusé par leur gêne qui avait suivi ce moment où il avait fait semblant de l'embrasser. Puis les révélations et quelque part, le soulagement. « Je savais pas que tu étais à ce point en manque d’affection pour aller retrouver je-ne-sais-qui derrière mon dos. » Secouée par ses paroles, elle lève les yeux et le voit avancer plus encore à chaque mot. Par instinct, elle recule de quelques pas, le regardant avec une méfiance farouche comme si elle avait soudain peur qu'il la frappe. Chose qu'il ne ferait jamais, elle le sait. Enfin non, elle n'en sait rien, mais elle en est persuadée. Elle secoue la tête plusieurs fois, soudainement désemparée. Elle peut se défendre contre quelque chose qu'elle a fait. Là, elle se sent coincée. « Euh.. Emrys, t'as dû te tromper, j'ai embrassé personne.. » Elle se trouve un peu ridicule de lui sortir ça. Elle l'accuse presque de ne pas savoir la reconnaître, mais là, elle ne voit aucune autre explication. Elle s'entoure de ses bras, soupirant doucement, se calmant. Ben oui, ça la calme un peu de savoir qu'en fait, elle n'est pas accusée d'être égoïste par exemple ou que sait-elle encore. Même si plus tard viendra peut-être une colère d'un autre genre. Celui de ne pas avoir la confiance de l'autre. Bon en même temps, si tôt... c'est normal. Elle s'approche alors, relevant presque timidement les yeux, comme si elle approchait un taureau qu'il ne faut pas énerver. « J'te promets que c'est vrai.. Explique-moi, parce que.. ça peut pas être vrai. » fait-elle en cherchant son regard, passant d'un oeil à un autre pour surveiller toute évolution dans son expression. Pandore le radar.

Elle aurait envie de partir. De s'en aller, loin d'ici, loin de lui, loin de cette ville, loin de tout. De fuir, encore une fois et comme toujours lorsqu'il y a un soucis. Affronter, c'est tellement plus dur. Comme à cet instant. Affronter son regard, affronter ses mots tranchants comme des rasoirs. Le pire pour elle ce n'est même pas la teneur de ses paroles. Mais le ton. Ou plutôt quelque chose de plus profond encore. La douleur, le goût de trahison qui se cache dans ses mots. Comme si elle l'avait vraiment fait. Pourquoi ne lui fait-il donc pas confiance ? Comment le pourrait-il, Pandore ? Tu ne lui as jamais vraiment montré qu'il pouvait avoir confiance en toi. Jamais. Leur relation a débuté un peu chaotiquement. Non, ils ne se sont pas rencontrés au cinéma. Ni dans la salle d'attente d'un médecin. Ni en prenant un café au bar du coin. Non. Elle lui a toujours montré sa grande faculté à ne pas savoir gérer les choses quand bien même montre-t-elle que c'est toujours elle qui commande. Preuve numéro une ? J'aime bien mon stagiaire alors je le vire sans aucune raison. Boum. Et pourtant elle est là. À préférer s'expliquer que s'enfuir. À préférer l'affronter que le perdre. Parce qu'inévitablement et indéniablement : quelque chose la retient à lui. Elle n'arrête pas de passer sa main dans ses cheveux avec nervosité. Elle se la joue version caïd avec ses phrases insolentes et son air glacial. Tout ça juste pour ne pas montrer qu'elle aimerait juste fondre en sanglots comme une enfant. « Bar de la plage … » Elle fronce les sourcils, sa voix – bien que très froide – la ramène au moment présent avec brutalité. Elle a sorti les lieux au "hasard", disons que ce sont les lieux où le plus de choses auraient pu se passer. S'il s'était passé quelque chose ! Elle cherche dans ses souvenirs, elle reste muette, elle veut trouver, elle veut comprendre, se faire pardonner. Quand elle trouve enfin, il lui coupe l'herbe sous le pied.

« Ça n’a pas d’importance. De toute façon, on a pas signé de contrat hein. » Elle aimerait lui tordre le cou. Oui, oui, radical, mais c'est le genre de phrase qui l'agace. Il dit ça en jouant celui qui n'en a rien à faire, en plus. Mais... et si son indifférence n'était pas mimée ? Prise d'un doute effroyable, elle cherche à l'enterrer du mieux qu'elle le peut. Elle ravale sa fierté, pour une fois, mais elle a du mal à parler d'une voix qui n'est pas un minimum agressive. Souvenez-vous de l'anecdote du chien blessé. « Non c'est vrai, t'as raison. C'est pas un contrat qu'on a signé, c'est une mise en couple. Et ça compte bien plus à mes yeux. » affirme-t-elle sèchement, comme pour comparer son contrat de stage qui avait volé en fumée à l'instar de leur attirance. Un vent glacial la fait alors frissonner plusieurs fois de suite. Elle se blottit de ses propres bras, bien trop fière (et trouillarde il faut l'avouer) pour aller chercher sa chaleur à lui. De toute façon il la repousserait. Et assez fort pour qu'avec un peu de chance, elle tombe du toit et ne survive pas à la chute. Au moins, elle cessera de détruire un peu tout ce qu'elle touche. Elle renifle, fissurant son masque de plus en plus. Mais elle n'a plus grand chose à perdre, en fin de comptes, n'est-ce pas ? « Emrys... » fait-elle d'une voix presque suppliante pour attirer son attention. « Le mec que tu as vu s'appelle Ash. Oui, il a essayé de m'embrasser. J'ai eu un mouvement de recul, et lui aussi d'ailleurs, parce qu'il ne faisait que s'amuser et que ça l'a gêné tout autant que moi. » Elle s'approche d'un pas, puis d'un deuxième, essayant de chercher son regard, sa voix baissant peu à peu, dénuée à présent de toute colère. « Emrys... ce type est gay. Y a rien d'autre entre lui et moi qu'une simple amitié. » La gorge nouée, elle n'ose cette fois pas détourner son regard, cherchant sa réaction, cherchant à voir s'il doute même de ses paroles ou non. Elle se mord la lèvre très très fort, presque angoissée. Le problème est peut-être là. L'un et l'autre n'ont aucunement l'habitude de se mettre en couple. Ils sont là, deux pantins perdus qui se sont tapés dedans comme des icebergs. Pas l'habitude ni des règles, ni de la jalousie, ni de cette douleur équivoque à aucune autre. Mais peut-être que ce problème peut au contraire être transformé en une force. On dirait qu'ils n'ont pas encore, néanmoins, trouvé comment faire.

Elle a envie de se jeter dans ses bras. De lui dire qu'elle est désolée si elle n'est pas une copine parfaite. De lui dire qu'elle fera des efforts s'il le faut, qu'elle brûlera tout ce qu'il y a de mauvais en elle pour le garder. Mais non. Toujours cette foutue fierté qui est là, comme une barrière. Ah, elle le sait, Pandore, elle le sait. Qu'elle est loin d'être parfaite, que Dasha est sûrement une meilleure petite amie pour Dexter qu'elle ne l'est elle pour Emrys. Ah mais oui, elle le sait. Si Perry se complait dans son monde parfait à lui répéter qu'il n'y a pas plus parfaite qu'elle, elle n'y croit pas la petite Parisienne, oh non. Elle n'y croira jamais, parce que c'est faux. Et elle en est conscience. Ce n'est pas parfaite qu'elle veut être. Elle veut juste être mieux. Elle le fixe, elle attend, les secondes sont longues et la torturent. Peut-être le temps a ralenti, peut-être s'amuse-t-il d'elle, lui aussi. Peut-être mieux vaut-elle qu'elle s'en aille, qu'elle quitte le toit de cet immeuble, qu'elle déménage encore une fois, qu'elle aille détruire d'autres personnes ailleurs. Ses yeux bleus fixent Emrys, sans relâche, comme si elle voulait voir la moindre étincelle dans son regard. Elle a peur, Pandore, oh oui qu'elle a peur. Elle est trop fière pour le dire, mais elle tremble de l'intérieur. « Il est gay. » Elle ne dit rien. Oui, il est gay, et elle en est certaine. Ash le lui a dit clairement. Sinon ils se seraient peut-être embrassés, elle le sait. Il ne semble pas convaincu. Est-ce de sa parole qu'il doute ? Elle préfère ne pas interpréter ça ainsi, elle risquerait de s'énerver. Panda, elle ne fait pas confiance à tout le monde, on peut même dire qu'il n'y a que de rares exceptions à qui elle peut accorder sa loyauté. Mais ce qu'elle déteste, c'est qu'on remette ça en cause. Elle a envie de se jeter dans ses bras mais elle n'ose pas. En fait, elle ne sait pas vraiment si elle a le droit. S'il lui pardonne ce qu'elle n'a pourtant pas fait, s'il est prêt à oublier pour repartir encore plus forts. Elle cherche son regard, la délicate insolente, mais ne trouve pas vraiment de quoi rassurer son coeur endiablé. « Il joue souvent à embrasser les copines des autres ce mec ? » Elle sourit, c'est plus fort qu'elle. Il dit ça pour plaisanter, n'est-ce pas ? Il a l'air plus détendu, non ? Hum peut-être, peut-être pas. Peut-être n'est-ce là que ce qu'elle a envie de voir. Peut-être ne la croit-il pas. Ou peut-être ne veut-il pas admettre qu'il a vu faux. Elle n'en sait rien, elle, il ne parle pas ! Il ne dit rien d'autre.

D'un ton plus léger, elle hausse les épaules, souriant un peu. « Je n'sais pas. Peut-être qu'il veut essayer de les voler, mais avec moi ça n'a pas marché, j'ai déjà été kidnappée. » Elle lâche alors un petit rire si innocent qu'il en semble déplacé par rapport à la conversation et à la tension qui s'en échappait il y a encore quelques secondes. Ses nerfs qui lâchent, peut-être. Kidnappée ? Oui, enfin, elle annonce un peu clairement la couleur quoi. Elle est déjà volée par quelqu'un. En effet, il est là à quelques pas d'elle et elle n'est pas fichue de le lui dire bordel ! Mais quelle incapable fait-elle... Finalement, puisque parler sérieusement et sentimentalement ne semble pas être de ses capacités, elle franchit la distance qui les sépare pour le prendre dans ses bras. Elle se fiche qu'il la repousse, elle veut le faire une dernière fois; ah oui croyez-moi, elle a véritablement peur de se faire jeter comme une chaussette usagée quoi. Le mériterait-elle ? Qui le sait... Elle passe ses mains dans son dos, le serrant encore un peu plus fort. Elle ne sourit plus. Elle a envie de pleurer. De lui crier d'ouvrir les yeux, de boucher ses oreilles puisqu'elle n'arrive pas à parler, mais d'ouvrir grands les yeux. Si elle est là, ce n'est pas pour rien. Elle n'ose pas relever la tête. Elle ne veut pas affronter la réalité. Elle tremble, petite feuille, elle tremble...

Rassurée. Du soulagement. Oui, c'est ce qu'elle ressent. Elle a tellement eu peur de le perdre, peur qu'il lui échappe comme ça entre deux mots plein de rancoeur, avec cette flamme de déception dans le regard à son égard, qu'elle sent ses nerfs se relâcher, qu'elle a envie de rire et de pleurer à la fois, qu'elle veut juste s'assurer qu'il est encore bien là. Elle n'a jamais ressenti ça. Oui il y a eu quelques histoires. Oui il y a eu bon nombre d'aventures. Mais il n'y avait pas ça. Cet espèce de sentiment qu'elle ne pensait jamais connaître, jamais sentir pulser au fond d'elle. Pour la première fois de sa vie ou presque, elle comprend qu'elle vit pour quelqu'un d'autre qu'elle-même comme elle le faisait jusque là dans la stratégie du naufragé sur l'île déserte : ne s'embarrasser que de l'indispensable, jeter le reste, ne rien risquer. Mais tout l'a pris au dépourvu, en fin de compte. Il lui est devenu indispensable à sa survie et ça la terrorise parfois de l'avouer. Elle a peur un instant, en se jetant ainsi dans ses bras, qu'il la repousse mais quand elle sent ses bras se refermer autour d'elle, elle se laisse aller contre lui, les yeux clos. Elle sent son visage dans ses cheveux et le serre contre elle encore plus fort, de peur qu'il ne lui échappe pour de bon si elle venait à le lâcher. « J’espère qu’il te kidnappe bien. » Amusée, elle relève alors les yeux vers lui, cherchant son regard. Elle caresse doucement sa joue, toute sa tension précédente évaporée comme neige au soleil. Elle sourit, un peu. « Ça, je n'en doute pas. C'est le meilleur voleur de la ville. » Malgré toutes les métaphores voilant ses paroles, n'est-ce pas des compliments, tout ça ? Peut-être bien. Elle fronce doucement le nez, l'observant patiemment. « Il y en a d’autre. » Elle baisse les yeux, détournant le regard vers le vide, vers la ville étendue sous eux. Que répondre à ça ? Ça n'est même pas une question, elle ne peut même pas répondre par la négative. Ça a des allures d'affirmation et Pandore est à deux doigts de le prendre comme une accusation. Mais peu encline à repartir dans une discussion désagréable, elle préfère prendre ça légèrement. Mais avec franchise. Encore. Elle relève la tête, se détachant de lui juste pour pouvoir le regarder correctement, posant ses mains sur ses bras comme pour l'empêcher de s'enfuir. « Je sais que ni toi ni moi n'en avons l'habitude mais Emrys il faut que... il va falloir qu'on se fasse confiance. » murmure-t-elle doucement, même si rien que pour elle, faire confiance à quelqu'un d'autre qu'elle-même, c'est presque un effort surhumain et surtout, contre-nature. Elle se met alors sur la pointe des pieds – il est toujours un peu plus grand qu'elle, c'est injuste – et pose son front contre le sien. « S'il y en avait d'autres, et que ces autres comptaient vraiment, je ne serais pas là en ce moment. » avoue-t-elle doucement avec un fin sourire, cédant alors à son envie pour déposer délicatement ses lèvres sur les siennes dans un long baiser, comme si elle espérait que ça signe un pacte divin entre eux. Elle lui sourit ensuite, rouvrant ses yeux bleus en gardant son front contre le sien, l'observant simplement.