I dont want to freak her out - Aisling

C'était sur un air de Katrina & The Waves que j'ouvris les yeux ce matin. L'odeur du bacon grillé parvenait jusqu'à mes narines, et c'est cela qui me donna la force de me redresser. Je me frottais frénétiquement les yeux afin de pouvoir les garder ouverts, puis me dirigea vers ma salle de bain personnelle afin de prendre une douche brûlante. J'aimais sentir l'eau parcourir mon corps dans une course frénétique sans fin, et j'aimais humer la vapeur qui émanait de mon corps à cet instant précis. Je me préparais ensuite à aller en cours, puis sortis de la maison après avoir pris un petit déjeuner copieux en compagnie de mes parents. Et alors que je mettais le lecteur CD en route dans ma voiture, I put a spell on you de Jay Hawkins joua intensément dans mes oreilles...

J'étais arrivé à l'Université avec bien une demi heure d'avance, et alors que je vagabondais dans les couloirs sans but, c'est là que je la vis. La jeune femme était assise à une table, dans le fond d'une classe vide. Je l'admirais tout en me disant qu'elle préfèrerait certainement être seule. Elle n'était pas du genre à se caser, ni à vouloir copiner avec un garçon comme moi. Je supposais qu'elle n'était pas apte à être amicale, et pourtant... L'envie de lui montrer qu'elle pouvait dépendre de moi me soulevait le coeur. J'entrai.

Salut

Comme tous les matins, le réveil d'Aisling avait sonné, c'était l'heure de se lever. Et comme tous les matins, en l'entendant, avant de l'éteindre elle grogna. Dormir, il fallait vraiment qu'elle dorme un jour. Enfin plus longtemps quoi. Attrapant un sweat, elle l'enfila avant d'aller prendre son petit dej. Rien de bien classieux, juste des céréales puis fila s'habiller. Elle glissa la lanière de son sac de cours sur son épaule avant de se diriger vers la sortie, s'arrêtant devant la prote de la chambre de sa cousine pour lui signifier qu'elle était l'heure qu'elle se lève avant, d'enfin, sortir de son appartement.

Rapidement, elle arriva à l'université, bien plus tôt que la plupart des autres élèves. Faut dire qu'elle prend beaucoup de marge le matin, pour parer aux imprévus et surtout pour travailler un peu avant le début des cours. La blonde avait du mal à bosser chez elle, à cause de sa cousine et de toutes les autres formes de distraction qu'il pouvait y avoir, au moins à la fac elle était tranquille. Ce n'était pas ses amis, puisqu'elle n'en avait pas, ou peu, qui allaient la distraire.

Cependant, elle était installée depuis seulement quelques minutes, le nez dans sa biologie, quand on vint perturber sa tranquillité. Elle leva un regard noir vers le coupable avant de lâcher un petit soupire.

-Salut. Je suppose que tu n'as rien de mieux à faire ?

Elle se méfiait toujours beaucoup des autres et de lui en particulier. Parce qu'il avait la mauvaise idée d'essayer d'entrer dans sa bulle.

Au ton et à la manière dont elle m'avait répondu, même le plus simplet des Dalton aurait pu comprendre à quel point ma présence était in-désirée. Je fronçais les sourcils, et haussa les épaules avant de m'approcher encore un peu de la jeune fille.

C'était étrange, mais j'avais l'impression d'avoir en face de moi un animal que je devais dompter. Un peu comme ce gars dans le film avec les chevaux ! Je posais les yeux sur le livre que la jeune femme était entrain de parcourir. Les sciences humaines. Ces sciences là étaient fascinantes, mais pas au point d'avoir toute mon attention. Je souriais de nouveau.

- Allééééé, sois pas comme ça ! Je veux juste... Apprendre à te connaître ! Y'a pas d'plan drague, rien de tout cela, je veux juste... avoir un moment agréable avec une fille qui je suis certain, peut avoir ce côté mignon qui font que les mecs s'intéressent aux filles...

Je n'étais pas un de ces blaireaux qui faisaient le paon afin de mettre une fille dans son lit. Mais je devais admettre qu'il m'était déjà arrivé de le faire lorsqu'une fille réellement intéressante me résistait. Et c'était ce que j'étais entrain de faire en quelques sortes... Bien entendu, je ne m'attendais pas à ce que cela marche, mais j'espérais probablement briser la glace qui me séparait d'elle. Juste une petite fissure, n'importe quoi. Je voulais faire parti de sa vie même si je n'étais pas la personne qui partageait la sienne.

Je l'ai trouvé intéressante de suite. Lors de mon premier jour à l'Université de Bowen. Je chantais à tue tête derrière le volant de ma voiture la chanson Eye of Tiger de Survivor, histoire de me donner le courage du surmonter l'angoisse d'être le petit nouveau. Et c'est alors qu'elle était passée devant moi. Elle était seule, belle, et lugubre. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai toujours aimé les gens lugubres... Peut-être pour compenser le fait que j'étais toujours heureux. Avoir un juste milieu.

Visiblement, il était têtu. Ou suicidaire, au choix. Enfin, Aisling n'était pas un monstre, mais elle pouvait s'y apparenter parfois. Elle le regarda donc s'approcher sans rien dire, appréhendant juste ce qu'il allait faire.

-Si tu veux un moment agréable avec une fille, va voir une pute, non ?

Et là s'il lui disait que c'était bien pour ça qu'il était là, il ne repasserait pas la porte de la salle envie.
N'importe qui qui avait ne serait-ce qu'entre aperçu Aisling savait qu'elle n'était pas agréable, et qu'elle n'était pas comme les autres filles non plus. Donc si c'était ce qu'il recherchait, il ferait mieux de ne pas perdre son temps avec elle.

-Pourquoi tu vas pas voir les autres filles, tu sais, les mignonnes ? J'suis sûre qu'elles seront ravies de te connaître.

Pour une fois, elle ne lui disait même pas cela sur le ton de la plaisanterie, elle était sérieuse. Les autres filles s'intéresseraient certainement à lui, quelques unes en tout cas, et s'il voulait obtenir quelque chose d'elle il n'aurait pas de mal alors que là avec elle il allait juste galérer inutilement alors s'il n'était pas masochiste autant prendre la bonne décision d'entrée de jeu.

Sa méchanceté ne me perturba même pas. Contrairement à ce qu'elle et pleins d'autres gens pouvaient penser, j'étais loin d'être un coureur de jupon, et chez moi, passer un moment agréable, ne rimait pas forcément avec le mot sexe. Je m'installais à la table devant elle en m'asseyant sur la chaise à califourchon, posa mes bras à plat sur le rebord du dossier, afin de m'en servir pour caler mon menton.

Je l'observais en silence, alors qu'elle reprenait son discours. Certes, il y avait quelques filles qui étaient intéressées par moi, mais moi, j'étais intéressé par elle, qu'elle le souhaite ou non. Je ne pouvais pas aller contre, et de toute façon, le fait de résister à cette attirance ne faisait en aucune façon parti de mes principes fondamentaux de vie. Je me mordillais l'intérieur de la lèvre inférieure puis respira lentement avant de laisser échapper un soupir.

- Une pute ? Sérieusement ? Je ne sais pas pour qui tu me prends, mais je n'en tiendrais même pas rigueur. Tu vaux mieux que ça, ce discours, c'est pas digne de toi. Un moment agréable pour moi ne veut pas forcément dire que je veux coucher avec une fille ou quoi que ce soit, j'attend rien de la part de toi, je veux juste qu'on discute, tu vois ? Et manque de bol, les filles mignonnes comme tu dis, ça m'intéresse pas, et puis, pour tout te dire, en ce moment, et ce, depuis mon arrivée dans cette école, c'est toi, qui a retenu mon attention, pas une fille lambda. Y'a quelque chose en toi...

Evidemment, il y avait quelque chose. Elle était quelqu'un de secret, d'inaccessible. Elle avait ce petit rien qui faisait tout. Son coeur était une flamme, une flamme ardente qui embrasait son corps d'une force impressionnante et aveuglante. Elle avait ce regard, ce regard froid et féroce qui donnait l'impression qu'elle dominait le monde sans vouloir en faire parti. Elle était quelqu'un, et on pouvait le dire de peu de gens.

Il semblait prendre largement ses aises. Il avait de la chance qu'elle ne soit pas plus violente, qu'elle ait un bon fond parce que sinon elle aurait été capable de shooter dans sa chaise pour le faire partir. Son soupire l'amusa assez, visiblement il voulait rétablir la vérité sur son compte.

-Qu'est-ce que tu sais de moi ?

Comment pouvait-il savoir ce qui était digne d'elle ou non ? Comment pouvait-il la juger alors qu'elle refusait systématiquement de lui parler ? Il se faisait des idées sur elle. Sans aucun doute il l'idéalisait. Elle était une fille comme les autres, elle était juste un peu plus méchante que la plupart.

-Je crois que tu fantasmes un peu trop. Je suis une fille lambda.

Ok, ça lui faisait mal de dire ça, de se mettre dans le même sac que les autres filles qu'elle méprisait pour la plupart. Mais même si elle était un peu différente des autres, elle n'avait rien d'exceptionnel. Se calant dans le fond de sa chaise, elle posa son regard bleu son interlocuteur, cherchant d'un coup d’œil à comprendre ce qu'il pensait, ce qu'il voulait vraiment. Qui voulait juste discuter avec quelqu'un ? Quel espèce d'intérêt est-ce que ça avait ?

-Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Elle ne lui dirait certainement rien mais il pouvait toujours demander, à ses risques et périls.

La jeune fille lui demanda alors qu'est-ce que je connaissais d'elle. Et elle avait raison, je ne connais pas grand chose à son propos, mais pourquoi ne pourrais-je pas la juger alors qu'elle s'amusait à le faire en première ? Pourquoi ne pourrais-je pas dire cela alors qu'elle se permettait de porter des suggestions à propos de ma vie alors qu'elle avait toujours refusée de m'adresser la parole sans méchanceté gratuite ? Je laissais alors échapper un nouveau sourire.

- Je sais que tu n'es pas réellement méchante, tu fais juste genre pour faire dégager les gens que tu considères comme des parasites. Genre les gens comme moi, voire tout les autres en fait. Et je pense que d'une certaine façon tu te plais dans cette solitude. C'est morbide je trouve, à notre âge on a tous besoin d'au moins une personne proche pour être sein dans son esprit... Après c'est vrai que je suis quelqu'un de particulièrement heureux et optimiste alors... je suis peut-être mauvais juge quant aux personnes probablement moins heureuses que moi. Et puis, je ne fantasme pas...

Je laissais ma phrase en suspens, je l'observais juste. Je regardais ensuite les alentours, puis la montre mécanique à mon poignet gauche afin de regarder l'heure. J'avais l'impression que le temps s'était arrêté, car cela ne faisait que deux minutes que je m'étais imposé dans son existence. Et comme pour me féliciter d'avoir tenu plus de cinq secondes à ses côtés, le temps m'avait offert l'éternité.

- Tu n'es pas une fille lambda, il y a cette chose... Cette chose intriguant chez toi qui me rend perplexe. Tu n'es pas c'que tu dis, et même toi tu sais que tu es une marginale ici.

La jeune fille me demanda alors ce que je voulais savoir. Il y avait tellement de choses que je voulais savoir sur elle, que je ne savais pas par quoi commencer. Et puis, la première question s'imposa d'elle même, comme si elle était obligatoire afin de savoir si elle et moi nous étions compatibles.

- Quelle est ton genre de musique préféré ? Celui qui te semble être le plus mélodieux, enfin, celui qui te ressemble...

Il n'avait pas tort et c'était assez emmerdant. Aisling n'aimait pas qu'on la perce à jour, qu'on comprenne comment elle fonctionnait. Elle préférait qu'on l'évite, qu'on comprenne qu'elle ne voulait voir personne et rester seule. Mais elle n'aurait pas dit que c'était morbide. Peut-être étrange, sûrement triste d'un point de vue extérieur, mais pas morbide.

-Si ça peut te rassurer, j'ai cette personne proche.

Sa cousine était bien la personne dont elle se sentait la plus proche, elle était comme sa sœur. Et elle n'avait de personne d'autres et sûrement pas de gens stupides, sans intérêts. Peut-être que ça ne semblait pas socialement très sain, mais pour son équilibre psychologique elle trouvait ça beaucoup mieux. Ne pas se mêler au reste de la populace c'était, quelque part, aussi une façon de se protéger.

Heureux et optimiste, ouais, c'était ce qu'il avait l'air d'être. C'était certainement agréable pour les autres de le fréquenter mais la joie de vivre elle, elle s'en passait, parfois elle trouvait même que ça avait des nuances insupportables.

-Je suis peut-être marginale mais je n'ai rien d'exceptionnelle. Je suis une marginale comme les autres marginales, il y en a seulement pas beaucoup dans cette ville pleine de gens joyeux comme toi. Si je t'intrigue juste parce que je n'aime pas les autres et bien... il ne te faut pas grand chose.

Peut-être qu'ailleurs il y aurait eu plus de gens comme elle. Mais, elle ne regrettait pas d'être là contrairement à ce que pouvait laisser penser ses propos.

Comprenant que de toute façon elle était bloquée avec lui jusqu'au début des cours, la blonde lui demande ce qu'il voulait savoir d'elle, une façon comme une autre de tâter le terrain. En entendant sa question, Aisling ne put s'empêcher d'éclater de rire. Disons qu'elle ne s'attendait pas à ça. Plus à quelque chose qui allait du "tu viens d'où?" à "tu suces?" mais sûrement pas en passant par ses goûts musicaux. Levant les yeux vers lui, elle esquissa un petit sourire. C'était une question plus intime qu'il n'y paraissait mais à laquelle, étrangement, ça ne la dérangeait pas de répondre.

-Ce que je préfère c'est écouter mon père chanter.

Au moins elle était franche. Depuis qu'elle était gamine il chantait et jouait de la guitare, un peu de piano avec sa mère aussi, et elle avait toujours adorer les écouter, sans jamais réussir à être musicienne d'ailleurs, elle n'avait pas la patience.

-Et sinon je ne sais pas trop. J'écoute un peu de tout, ça dépend des jours mais plus plus souvent du rock je crois.

Aisling ne s'était jamais vraiment posé la question de son "genre musical". Elle n'avait pas l'impression que c'était réellement une part de son identité, mais peut-être que si.

Aisling me parla alors de son père, du fait qu'il chantait, et que c'était ça, qu'elle préférait. Je trouvais cela admirable que son père prenne le temps de produire de la musique, et de partager cela avec sa famille. J'aimais encore plus le fait qu'elle aimait écouter son  père. Rare étaient les jeunes qui aimaient passer du temps avec leurs parents, et partager leurs hobbies. Rares étaient les jeunes qui partageaient quoique ce soit avec des personnes d'âge mûrs d'ailleurs.

- C'est chouette. J'ai toujours rêvé de savoir joué de la musique, mais je n'ai jamais trouvé le temps pour ça, et je dois bien admettre que je ne suis pas doué de mes doigts. Mais je trouve ça admirable que quelqu'un arrive à produire une mélodie. C'est cool.

Par la suite, elle m'expliqua qu'elle aimait le rock. Je ne pus m'empêcher de sourire. Le rock n' roll était si vaste, tant de styles de rocks différents étaient représentés dans cette catégorie. J'observais longuement la jeune fille. Avait-elle un domaine de prédilection dans le rock ? Ou aimait-elle simplement le rock en lui même sans faire la différence entre toutes les sortes de rock n' roll qui existait ?

- Tu aimes quel style de rock ? Je t'avoue que, j'ai toujours baigné dans un univers de radio pirate. Mes parents sont des fanatiques des années cinquante alors... J'ai toujours eu ce penchant pour la surf...

Aisling esquissa un sourire ne l'entendant. Beaucoup de monde était sensible à la musique mais c'était toujours particulier d'en parler avec quelqu'un.

-C'est pas moi qui vais t'apprendre, à part l'hymne à la joie à la guitare je ne sais pas jouer grand chose.

Ses essaies d'apprentissage n'avaient jamais été très productif. Elle était plus douée pour écouter que pour jouer. Cependant son "je ne suis pas doué de mes doigts" n'était absolument pas passé inaperçu à l'oreille de la blonde.

-Pas doué de tes doigts hein ? C'est bon à savoir.

Elle savait que sa phrase était lourde de sous-entendue, et lourde tout court d'ailleurs. Mais elle, ça l'amusait.

Quand il lui demanda ce qu'elle préférait comme style de rock, elle ne sut pas trop quoi répondre. Elle était assez diversifiée en soit.

-Un peu tout à vrai dire. La surf, c'est plutôt ce que j'écoute quand je fais du sport.

Baissant les yeux vers son livre, elle enroula une mèche de ses cheveux autour de son doigt. Comment est-ce qu'elle en était arrivée là exactement ? A discuter de musique avec un mec à qui elle n'avait pas adresser la parole jusqu'à lors.

-C'est tout ce que tu voulais savoir ?