way down, the lights are dimmer (aino)

Depuis sa sortie de l’hôpital et du centre de rétablissement, depuis qu’il avait accumulé quelques médailles de sobriété, Lennox évitait tous les bars, toutes les tavernes, et il en était même à éviter tous les restaurants ayant une licence d’alcool. Il ne se faisait pas confiance, tout simplement. Avec Lou qui était toujours à l’hôpital malgré les mois qui s’écoulaient, avec son attirance pour Andreas qui ne cessait d’augmenter, avec le refus qu’il avait reçu d’accueillir un enfant en famille d’accueil, le vide se creusait dans le cœur de Lennox, et il avait soif d’oubli. Cet oubli, il l’avait toujours trouvé dans l’ivresse. Il se refusait toutefois cet accès trop facile à l’absence temporaire. Il devait se trouver d’autres moyens d’affronter les aléas de la vie, de confronter ses démons intérieurs et de les taire. C’est pourquoi, plutôt que d’entrer dans la première brasserie du coin, il se rendit au marché de Noël afin de réchauffer son cœur et d’étancher sa soif avec un chocolat chaud non alcoolisé. Celui-ci en main, dans la petite tasse en carton qui lui brûlait les doigts, Lennox déambulait sous les lumières et les guirlandes, tentant de trouver un peu de réconfort parmi le bonheur des autres. Fort malheureusement, le notaire avait toujours été plutôt mauvais pour ressentir ce que les autres ressentaient. Il n’avait donc jamais été capable de copier les sourires, d’imiter la joie, de calquer leur bonheur. En soupirant, Lennox s’assit sur un banc et regarda les gens passer. À la recherche d’un visage qui lui ressemblerait. À la recherche de traits qu’il reconnaîtrait.

Ça devait bien faire plus d’une semaine que je me disais qu’il ne fallait pas que je déprime de nouveau, une semaine que c’était le triste anniversaire de la mort de ma grand-mère, si on pouvait appeler ça comme ça. Je n’ai jamais fait mon deuil, je n’ai jamais accepté qu’elle soit partie, même s’il était temps de passer à autre chose et que c’était voulu qu’elle meurt, mais moi je ne voulais pas l’abandonner. Je sortais de plus en plus de chez moi pour ne pas sentir cette pression chez-moi qu’était sa pseudo-présence, dans les pièces, dans les souvenirs. Elle était partout ces derniers-temps et ça m’en rendait malade. Je détestais ça. Tout comme je détestais l’endroit où l’on m’avait traîné. Un marché de Noël, j’avais bien hâte de faire mes valises et partir rejoindre ma famille pour fuir ça, même si je pense que ça serait d’autant plus grand là-bas. Ici j’avais l’impression de connaître tout le monde et je ne voulais que personne ne me reconnaisse. Sans y prêté forcément attention, parce que je me perdais sans doute trop vite dans mes pensées, je m’éloignais de mon groupe, me retrouvant avec celle qui me comprenait le mieux ; la solitude. Les guirlandes brasillaient, la chaleur tapait malgré l’obscurité qui s’était bien installé, tout me donnait envie de fuir. Je zieutais les gens en enviant leurs places. Je continuais mes pas sur encore quelques mètres avant de m’arrêter devant un banc, seulement une personne assise, je pouvais large l’embêter. « J’peux ? » Pas une seconde plus tard, je prenais place, ce n’était pas son banc, dans tous les cas, donc j’pouvais m’asseoir où j’voulais, même si ça venait à le heurter, briser son confort. Je tournais mon regard sa tasse avant de le reporter sur le verre que j’tenais entre les mimines. « Une boisson chaude avec cette chaleur ? Vous êtes suicidaire ? » Lançais-je sur un ton ironique, même s'il fallait bien être taré pour le faire.

Une voix féminine l’extirpa de ses pensées. Il n’avait même pas remarqué la blonde qui s’était approchée de lui, ou plutôt de son banc. Il avait légèrement sursauté, manquant sans doute de se renverser du chocolat chaud sur les jambes. Il ne remarqua pas ce détail non plus. Lennox ne remarquait plus grand-chose ; il voyait à travers les choses, parce qu’il ne voyait plus d’intérêt dans quoi que ce soit excepté Andreas, et malheureusement celui-ci était hors de portée, parce qu’il était avec Lou, et que Lou était dans le coma depuis des semaines. Lennox contemplait donc cette impasse en oubliant qu’autour de lui, le monde tournait. Et cette femme n’avait pas attendu que Lennox sorte de son brouillard pour s’asseoir. « O-o-oui … » Balbutia-t-il quand même, alors qu’elle était déjà assise, tout simplement pour ne pas avoir l’air d’un sauvage qui ne répond même pas à une simple question du genre. Certes, sa présence à moins d’un mètre de lui ne l’égayait pas vraiment, parce qu’il avait trouvé un peu de confort dans son éternelle solitude, mais il n’avait aucun droit sur ce banc. Il aurait pu tout simplement se lever dans cinq minutes, pour ne pas donner l’impression de la fuir. C’était son plan. La blonde l’aborda toutefois, mettant un certain doute face à son prochain mouvement. Il eut un léger rire devant l’exclamation de la jeune femme. Si seulement elle savait ! « On peut dire ça comme ça, oui ! » Plaisanta-t-il (en tout cas, elle, elle croirait qu’il plaisantait). « J’me prête au jeu. Paraît que Noël sans chocolat chaud, c’n’est pas vraiment Noël … » C’était Lou qui le lui avait dit. Parce qu’elle venait d’un pays où l’hiver était robuste, où les sorties de neige se terminaient par cette boisson chaude autour du feu. Mais ici, c’était l’été, et Lou n’était pas là. Alors pourquoi s’entêtait-il à lui faire plaisir, à se fondre à son mode de vie, même quand elle ne pouvait en prendre conscience ? Lennox dévisagea quelques secondes la blonde, avant de froncer légèrement les sourcils. « Je vous ai déjà rencontrée à quelque part, je pense … » Mais il n’aurait su dire où. Dans sa tête, la fête de Lily-Anaëlle durant laquelle il avait joué dans une piscine à boules et sauté dans un château gonflable était bien loin derrière …

Je pensais avoir parlé sans être méchante pour une fois, j'n'étais pas trop d'humeur à faire chier les autres. Alors pourquoi est-ce qu'il commençait à avoir du mal à parler ? Je n'étais pas tant intimidante physiquement parlant, si ? Taille moyenne et aussi frêle que personne. Et si on se fiait qu'au physique, lui pourrait largement me foutre une bonne raclée. Mais bon, sur ce point, je ne me laissais jamais faire et si je devais me prendre un coup, je riposterais bien rapidement. Tout ça pour dire qu'il devait bien être la dernière personne à avoir peur de moi, surtout en cette période de l'année qui n'avait rien de joyeuse pour moi. Même si sur l'instant, j'aurais aimée être comme ces autres qui aimaient offrir des cadeaux, en recevoir et tout le bordel qui allait avec, parce que j'ne pouvais pas passer à côté de cette fête. Je soupirais avant de jeter mon regard sur mon voisin et pour ne pas rester dans un long silence qui me mettait mal à l'aise, je sortais une phrase totalement random — que j'aurais aussi pu garder pour moi. « J'ai ... » J'arrêtais cette phrase précipitamment, j'pouvais clairement pas lui dire que j'connaissais d'autres moyens qui allaient sans doute plus rapidement. Lui ne comprendrait pas mon humour, il ne me connaissait pas. « Rien. » Je le laissais ensuite parler de son Noël et chocolat puis j'haussais un sourcil. « Vraiment ? C'est en hiver qu'on boit du chocolat chaud ... là faut prendre des boissons fraîches. » Je lui montrais mon verre à mon tour, clairement que j'passerais pour l'alcoolique de service avec ma bière, mais j'en avais rien à foutre. « Vous n'êtes pas australien, c'est ça ? » Il ne fallait pas être un génie pour savoir que de l'autre côté de l'équateur, ils étaient en train de se les cailler pendant que nous, nous profitions d'un Noël à la plage. Mais s’il pensait ça, alors peut-être qu’il venait d’ailleurs. « Mmh … si vous traînez dans les bars peut-être, sinon ... » Je restais le dévisager quelques secondes, cherchant où est-ce que j’pouvais bien l’avoir vu. Puis cette vidéo de lui et Sacha me revenu en tête. « Oh … je crois bien, oui. » J’essayais de camoufler ma grimace en buvant mon verre. « Un ami de Lily ? »

La blonde commença une phrase pour la laisser ensuite et ne jamais la terminer, finalement. Lennox fronça légèrement les sourcils quand elle laissa visiblement tomber son idée, mais passa à autre chose. Il n’avait pas nécessairement besoin de savoir ce qu’elle avait en tête, surtout si elle avait jugé qu’elle ne devrait pas le faire. Ils parlèrent donc du fait que le chocolat chaud se buvait en hiver et qu’en Australie, à ce temps-ci de l’année, ils devaient prendre des boissons fraîches. Lennox esquissa un sourire en baissant les yeux vers la bière, boisson qu’il aurait très certainement choisie s’il avait encore pu boire. Malheureusement, s’il le faisait, le pire l’attendait sans doute. Ce chocolat chaud serait donc suffisant. « Si, je suis australien. Mais … ma copine vient du Canada. Elle m’apprend un peu de sa culture et je me suis dit qu’aujourd’hui, pour elle, j’essaierais de le vivre un peu. » Parce qu’elle était endormie depuis trop longtemps, parce qu’elle n’allait pas bien. Ça ne la sauverait pas, mais ça le rapprocherait peut-être d’elle. Il s’en était tellement éloigné. « Mais c’est vrai que quand il fait plus de trente degrés, le chocolat chaud n’est pas l’idéal … » Il rit. Pourtant, il était persuadé que Lou lui en aurait fait boire, si elle avait été là. Finalement, à force de regarder la jeune femme, Lennox avait fini par reconnaître ses traits. Toutefois, il n’arrivait pas à replacer son visage dans le bon contexte. Il lui demanda alors s’ils se connaissaient bien de quelque part. Au départ, elle ne sembla pas vraiment le reconnaître, avant de réaliser que si. Quand elle demanda s’il était un ami de Lily-Anaëlle, il fit le lien. « Ah, c’est ça ! Oui, enfin, je la connais. Mais je me souviens, tu étais dans les jeux dehors, toi aussi ! » Lennox avait un peu honte de se replacer lui-même dans ce contexte, mais tant pis. Ils étaient tous les deux dans la même situation.

Dès qu’il commence à me parler de sa copine, je crois faire une overdose d’amour. C’était sympa d’en apprendre sur les gens, mais que j’avais déjà vu une fois, là je ne savais pas qui était cette femme. Qu’importe, il sortait avec une canadienne folle qui le faisait boire du chocolat chaud avec cette température. Mais je crois que les plus fous étaient ceux qui vendaient cette chose. « Passe des vacances là-bas, c’est plus rapide. » Ça ferait sûrement un choc, je ne sais pas combien de degrés il faisait là-bas, mais c’était l’hiver. C’était eux qui avaient le Noël avec le sapin et la neige. Nous c’était plus bikini et plage avec bonhomme de sable pour compenser le bonhomme de neige, ces choses tellement gamines. « Et la culture est aussi différente que la notre ? » Je n’y irais jamais par faute d’argent, peut-être d’envie aussi, j’y j’avais assez d’argents, je m’en irais en Suède pour voir mes grands-parents qui sont restés là-bas, avant qu’ils y passent. Pour qu’ils ne gardent pas dans leurs derniers jours ce souvenir d’une petite blonde de cinq ans. Que je ne fasse pas la même erreur non plus que j’ai fais avec ma grand-mère qui était venue ici, je ne voulais pas ne pas être présente quand ils iraient mal. Mais pour l’instant tout allait bien pour eux. Du moins, c’est ce que j’avais entendue avec le père. Mais dans le contexte, le Canada je m’en foutais bien au fond, mais bon. Un peu de culture, ça ne faisait de mal à personne, même pas à moi. Puis de chocolat chaud nous passions à l’anniversaire de Lily. Je l’avais déjà vu lui, en compagnie de Sacha, cette garce. Mais je ne le lui disais rien, je pouvais p’t’être même sympathiser avec pour faire chier l’autre grognasse en question. J’suis certaine que ça lui ferait un mal de cul certain. « Peut-être bien oui ! J’ai pas vraiment joué … mais j’étais dehors. » Avec Woodpecker même. Du moins avant que j’lui jète mon alcool-café dégueu à la gueule. « Tu n’avais pas une brune à tes côtés ? C’est elle la canadienne ? » Si je tombais aux côtés de son mec, il faudrait que je fasse attention. « Oh mais attends … il n’y a pas eu une rumeur sur vous deux ? Après que votre … arrivée dans les jeux gonflables, tout ça, tout ça. » Un sourire en coin, je restais rire un peu. Ça devait bien rebondir dedans avec c’te pétasse.

Elle avait de la répartie, cette blonde, et Lennox en était un peu déstabilisé. Il n’avait pas cette facilité à répondre du tac au tac avec des répliques bien placées et bien pensées, non. Lennox était bien trop timide pour ça et surtout, trop intimidé par tous ces gens qui l’entouraient et qui semblaient tellement mieux exceller que lui dans la vie. Cette femme n’était peut-être pas riche, pas accomplie, pas heureuse, mais elle avait déjà ce petit caractère unique que Lennox arrivait à déceler chez elle. Cette originalité qui la colorait, alors que lui était fade, prêt à disparaître. Alors non, il ne voyagerait pas au Canada, parce qu’avec le décor blanc, il risquerait de devenir invisible. Quoique l’idée fût plutôt réconfortante, maintenant qu’il y songeait. « Il paraît que c’est quinze heures de vol, je ne sais pas si je qualifierais cela de plus rapide … » Répondre par des faits, par des calculs mathématiques, par de la logique. Tout mais pas de sentiment, pas de confession, pas de personnalité. La blonde lui demanda alors si la culture était, elle aussi, différente de la leur. Il haussa les épaules. « Je ne sais pas trop … On ne parle pas plus que ça de son pays … » Et ils ne parlaient plus du tout, d’ailleurs, puisqu’elle jouait aux princesses endormies sans jamais donner un seul signe qui puisse leur permettre de déceler la vie en elle. Lou et Lennox avaient eu l’impression de se connaître par cœur, c’était d’ailleurs par cela qu’ils justifient leur tombée en amour si rapide. Mais, au fond, ce n’était sans doute pas le cas. Il ignorait tout des coutumes qui avaient guidé son enfance, il ignorait tout de cet endroit à l’autre bout du monde dans lequel elle était devenue celle qu’il avait rencontrée. Lennox ne connaissait pas Lou, non. Et il n’aurait jamais la chance d’y remédier. Peu importait, pour le moment, puisque la blonde lui parlait de la fête de Lily-Anaëlle pendant laquelle ils s’étaient sans doute croisés. C’était pour cette raison que son visage lui était si familier. « Non, non, ce n’était pas elle. C’était une bonne amie à moi. » Puis, il baissa la tête quand elle eut parlé de la rumeur. « Il y a bien eu une rumeur sur nous … Mais faut pas se fier à tout ce qu’on lit sur le net. » Répondit-il, d’un ton trop sec pour les circonstances festives. Il faut dire, ce sujet était sensible pour Lennox. Il avait été l’élément déclencheur de tellement de doutes entre Lou et lui. Tout ça pour un article sans fondement. Une fois sa voix calme retrouvée, Lennox dit alors : « Ma copine était dans la piscine à balles. Je croyais t’y avoir vue avec un autre homme. » Sans doute se trompait-il. Il n'avait jamais été doué avec les visages.

Je haussais les épaules, quinze heures pour aller ne voyage ça semblait raisonnable à mon sens, c'est vrai qu'il y avait plus rapide, mais la seule fois où j'ai pris l'avion ça devait être dans les environs. Mais j'étais jeune, c'est encore un souvenir flou et ce n'est pas vraiment les choses que je recherche à savoir dans ma vie, pour ne pas me dégoûter d'être aussi loin d'une autre partie de ma vie ou me donner envie en sachant que je n'ai aucun sous, que ce soit un miracle encore que j'ai un toit. « Tu marques un point. » Je lui lançais un dernier regard quand il disait qu'ils ne parlaient pas de son pays avec sa copine. C'était peut-être normal, je ne savais pas combien de temps elle avait vécue dedans après tout, mais pour connaître une personne, faut mieux connaître d'où elle vient ? Du moins, s'il a fait une partie de sa vie ailleurs, pour parler de son enfance et tout le reste. Je m'y connaissais pas assez en couple de tout manière. Pour moi des gens qui voyageaient avait toujours quelque chose à dire sur où ils avaient été, donc pour venir ici c'était la même chose. Sauf mon frère, lui restait mystérieux sur son voyage de six mois dans un autre pays, mais je n'avais pas envie de savoir des histoires l'incluant lui et d'autres femmes. « Ok ... on va simplement dire qu'entre ici et là-bas, il y a simplement les saisons qui s'inversent et qu'ils font comme nous ... les plages en moins. » Je ne pense pas qu'il y ait des plages partout au Canada, plutôt des lacs, mais encore une fois, j'y connaissais tellement rien en géographie que j'ne pouvais pas m'avancer. On finissait par reparler de cette ville, plutôt ce qu'il s'y était passé il y a quelques mois de ça qui avait semblé faire un des plus grands événement de la ville parce que Lily semblait la connaître en entière. J'essayais de me re-situer, le regarder lui pour le remettre en situation aux côtés de la brune qu'était Sacha. Mais elle n'était qu'une simple amie, malgré la rumeur qu'il y avait eu. « Mh, j'veux bien t'croire là-dessus. Je serai une pute qui aurait perdu sa maison, mais qui vivrait dans une caravane, puis je serais trop bien souvent accompagnés d'hommes en dehors de "ce boulot". » Je crois que c'était tout ce que j'avais entendue parler sur moi. Enfin, je ne l'aurais pas appris si un vieil alcoolo m'avait pas demandé de mes services. Alors, quand on ne sait pas de quoi on parle, on s'emballe vite — surtout moi, ça devait bien être mon pire problème et celui qui me ferait perdre mon emploi. « Y'avait pleins d'hommes dans cette piscine. Y'avait même une gamine. » J'ne veux pas que l'on m'associe à mon ancien voisin, je ne l'avais même pas revu après cette soirée, je crois qu'il avait mal pris le fait que j'm'en aille sans rien lui dire. En même temps, faut pas trop me demander quand je suis énervée. « Tout ça pour dire, j'ne pourrais pas me souvenir d'elle ... je crois pas. » De sa copine, parce que la plupart des personnes se trouvaient plus sous les balles que dessus. « Mais peut-être que j'connais, d'ailleurs. J'ai souvent croisés les gens qui étaient dans les balles. » Pas vraiment souvent parce qu'il y en avait pleins d'inconnus, mais il y en avait certains que je croisais à chaque événement que la ville pouvait faire.

Lennox esquissa un sourire. Il se doutait bien que pas mal plus que les saisons étaient interchangées, qu’entre l’Australie et le Canada, il y avait une panoplie de différences. Différences qu’il aurait aimé constater, auprès de Lou, pendant qu’elle lui ferait visiter tous les endroits ayant composé son enfance. Ça ne se ferait sans doute jamais. Lennox le savait, maintenant, que tous ses espoirs de bâtir un avenir avec elle étaient peine perdu. Il ne verrait jamais le Canada, du moins, pas à travers le regard que Lou avait un jour eu, avant de perdre la vue. « On peut dire ça, ouais. » Répondit-il, un malaise grandissant face au manque de mots dans ses réponses. Lennox sentait bien qu’il ne facilitait aucunement la conversation. La pauvre faisait des efforts, à lui poser des questions, à inventer des réponses, et lui était monosyllabique ou presque. Il aurait préféré fuir, mais sans doute aurait-ce été encore pire que de répondre deux-trois mots. Il ne savait pas, en fait. Il n’avait jamais su comment agir avec les autres. La blonde lui parla finalement des rumeurs, ce qui eut le don de le rendre encore plus gêné, si c’était possible. Il haussa les sourcils quand elle mentionna que si on se fiait à ce qu’ils racontaient sur ce blog, elle serait une pute en caravane. « Oh. Ah, ouais, ils ont été durs sur toi aussi. » Peut-être davantage que sur lui. Lennox avait seulement découvert la vérité via ce blog, mais jamais il n’avait encore été victime de tels mensonges. En même temps, il ne savait pas trop ce qui était le pire. Tout dépendait sans doute de ce que les gens voulaient bien croire. La blonde sembla finalement un peu sur ses gardes quand le notaire aborda le fait qu’il avait cru la voir dans la piscine avec un homme. « Oh euh, oui, effectivement … C’était juste un point de repère pour moi, désolé. C’est vrai qu’il y avait pas mal de monde. » Dans sa tête, les gens s’étaient classés comme : Lou, la gamine, la blonde et le grand blond, les deux amis, etc. Il n’avait pas voulu la froisser en l’associant à qui que ce soit. « Elle s’appelle Lou. » Dit-il en haussant les épaules. Peut-être que le prénom sonnerait une cloche dans la tête de la blonde, peut-être que non. De toute façon, il était sans doute préférable qu’ils n’aient pas Lou en commun. Lennox se sentirait encore plus mal d’exister s’il se trouvait en présence d’une amie de la brunette aux bois dormants. « Vous êtes venue seule au marché de Noël ? Je pensais être le seul à être assez fou pour s’infliger ça. » Dit-il en esquissant un sourire. Tout le monde était en famille, en amoureux, en amis. Quelques solitaires par-ci et par-là qui complétaient leurs cadeaux de Noël en achetant des produits artisanaux. Mais Lennox n’avait pas beaucoup de gens sur sa liste, pas beaucoup de cadeaux à offrir. Et la seule personne avec qui il aurait pu échanger quoi que ce soit de vrai à Noël allait mourir avant.

Ça m’importait peu de ce que pouvait écrire ces gens sur moi, j’étais même surprise que quelqu’un trouve à écrire sur ma vie. Dans le sens où je préférais passer inaperçue malgré mes gestes, mais au lieu de ça maintenant tout le monde, ou presque, connaissait mon existence avec des choses qui étaient fausses. Mais ce que les gens pouvaient penser de moi, ça m’était égal aussi. Je n’avais pas eu envie de me suicider après ça, je ne m’étais pas dit non plus que ma vie était finie, que j’allais perdre mon boulot. Parce que mon patron s’en foutait bien aussi. Peut-être que ça l’avait fait ricaner aussi. Non, vraiment, ils pouvaient continuer d’écrire sur moi et je prendrais toujours un malin plaisir à répondre de la merde. « Ma vie est inintéressante, peut-être qu’ils veulent juste m’aider à la rendre plus palpitante. » Avec des conneries pareilles, ils feraient mieux de parler des fois où j’me bats, là y’aurait plus de choses à dire. Quoi que, j’voulais pas finir par aller en prison parce que j’étais trop violente envers la société, il ne manquerait plus que ça. Et personne ne pourrait me sortir de ce foutoir en plus, personne ne pourrait acheter les autres. On finissait par parler de la soirée de Lily-Anaëlle, il me demandait si j’étais pas avec un homme à cette soirée et rien que penser à Matthew ne me faisait pas tant plaisir. Il était pas méchant cet homme, mais c’était ça le problème, il a sans doute dû être vexé, enfin si c’était le cas, au point de déménager, c’était qu’il devient bien être susceptible. J’suppose simplement qu’avec son boulot, il devait se rendre autre part. « Pas grave … Ouais y’avait un sacré monde. » Comment elle pouvait se faire autant d’amis ? Enfin, j’pense qu’elle avait juste envoyé une invitation à toute la ville et c’était terminé. Je réfléchissais quelques secondes à qui pouvait être Lou avant d’avoir une image brouillée en tête. « Ah si, je connais ! Je l'ai croisé à quelques soirées. » Connaître était un bien grand mot d'ailleurs, je ne l'avais que parler rapidement. Puis je fronçais les sourcils après m'être souvenu que CJ m'en avait parlé quand elle se battait avec Minus, ou quelque chose comme ça. Ce n'était pas la mère du rejeton de CJ ? Y'avait peut-être pleins de Lou dans cette ville, ceci-dit, j'me trompais encore sans doute. « Je voulais sortir de chez-moi, puis j'ai été traînée par un groupe … d'amies. Mais comme toujours elles m'ont échappée, alors j'me retrouve seule. Mais j'compte pas les retrouver, ceci dit. » Elles devaient faire trop de choses que moi je n'aimerais pas, en fait, je ne savais même pas pourquoi j'étais venue. « J'n'aime plus trop ça Noël, j'espérais que ça me redonnerait goût. Mais pas vraiment. » C'était bien trop bizarre de le passer sans ma grand-mère, je ne trouvais plus rien de jolie à voir à Noël, les guirlandes et toute la clique. Puis de toute façon, je n'avais jamais vraiment aimée ça, parce que moi j'pouvais offrir de cadeaux à personne et je n'aimais pas qu'on me dise que ce n'était pas grave, je sentais bien que quelque chose clochait à chaque fois. « Ouais … je n'aime pas ça. » Je reprenais une gorgée de ma boisson en regardant le vide, ça se passait toujours comme ça quand je pensais à tout ce qui allait mal en ce moment.

Lennox esquissa un léger un sourire, peu convaincu, en entendant la blonde lui dire que les Writers voulaient l’aider à rendre palpitante sa vie. « Ils ont une bien étrange conception du concept d’aide, alors … » Il rigola nerveusement, surtout parce que sa gêne ne s’était pas dissipée malgré l’apparence d’aise qui avait pu s’installer entre eux. Après tout, ils discutaient de tout et de rien, on aurait pu croire que la glace était brisée, mais ce serait pas mal plus long pour apprivoiser Lennox. Elle devait d’ailleurs sentir son malaise ; il était palpable. Le notaire osa finalement lui parler de la fête de Lily-Anaëlle, puisqu’il pensait l’avoir déjà vue à cet endroit. Il avait vu juste, d’ailleurs, mais ce qui devait être un sujet bien léger devint un peu plus intimidant quand il sembla faire un faux-pas en parlant de l’homme avec qui elle se trouvait. Lennox trouvait toujours le moyen de se mettre les pieds dans les plats, peu importe la situation. « C’est à se demander si tous les invités connaissaient réellement la fêtée ! » Avait ajouté le jeune homme pour meubler la conversation, pour finalement réaliser que ce pourrait être vexant à l’égard de Lily-Anaëlle. « Enfin, ce ne serait pas surprenant, Lily-Anaëlle me semble être une bonne personne … mais … je veux dire, moi-même je ne la connais que très peu et j’y étais … » En accompagnateur de Lou davantage qu’en invité. Sans doute avait-ce été le cas de plusieurs autres personnes. D’ailleurs, ils en parlèrent, de Lou. La blonde sembla la connaître pour l’avoir croisée à quelques soirées. Le trentenaire hocha la tête. « Ouais, dès qu’il y avait un événement en ville, elle s’y rendait … Je veux dire, elle s’y rend. » Parler comme si tout espoir était déjà tombé … il avait honte. Afin de cacher les teintes rosées de son visage, il changea de sujet et parla du marché de Noël, où elle semblait être venue seule, tout comme lui. « Oh, euh … c’est dommage. Ça semble être un si beau temps de l’année. » Mais puisque pour lui, ça ne l’était pas vraiment non plus, il ne pouvait qu’être d’accord avec la jeune femme. Pourtant, il semblait incapable de partager avec elle, et encore moins lui demander les raisons pour lesquelles elle n’aimait plus Noël. Il ne pensait pas avoir le droit de s’immiscer ainsi dans sa vie. Elle n’avait rien demandé.