let's play (lucian)

Depuis ton plus jeune âge, tu es passionnée par le sport. Cette passion ne te vient certainement pas de ta mère, qui ne comprend pas le plaisir que tu prends à toujours vouloir outre-passer tes limites. Elle vient peut-être de ton père mais ça, tu ne le sais pas. Ce que tu préfères, c'est le surf. Il n'y a que dans l'eau que tu te sens vraiment libre et la sensation que la mer te procure est indescriptible. Tu aimes aussi beaucoup la course et tu ne manques jamais ton rendez-vous du matin, un petit footing dans la forêt perdue. Le matin très tôt, lorsque l'air est encore frais et que le soleil sort à peine le bout de son nez, c'est le moment idéal pour s'affairer à cette tâche. Ce matin, tu ne déroges pas à la règle. Alors que toute la maison est encore silencieuse, tu enfiles ta tenue de sport ainsi que tes chaussures de course et trottine tranquillement jusqu'à la forêt. Ce n'est qu'une fois arrivée que tu mets un peu plus de vitesse et que tu t'entraînes à devenir meilleure. La forêt perdue est l'endroit idéal pour faire du sport : il n'y a pas grand monde, surtout le matin, et le calme de la nature est apaisant. Parfois, tu aimes faire ton footing sur la plage mais courir dans le sable est loin d'être une tâche simple alors tu ne le fais pas souvent pour ne pas te fatiguer trop vite. Petit selfie du matin, écouteurs dans les oreilles et la course peut enfin commencer. Tu ne fais pas le même parcours tous les jours, de peur d'entrer dans une routine ennuyante, alors tu vas où le vent te mène, parcourant tous les recoins de cette belle forêt. Après quelques minutes alors que tu te pensais seule, tu croises un jeune homme, un autre coureur. Tu ne fais pas vraiment attention à lui et continues tes efforts en essayant d'augmenter la cadence au fur et à mesure de ton avancement.

Je matin je me levais et me préparais silencieusement pour ne pas déranger le coloc. En habits de sports et après avoir avalé de quoi me tenir un peu le ventre, je prends mes clés et sort de l’appartement. Je roule jusqu’à cette forêt que j’avais découvert quelques jours auparavant et à laquelle je m’étais attaché. Bien qu’elle soit un peu loin, le cadre est toujours plus sympa que de courir  sur un tapis ou en rond autour d’un stade. Mais je trouve ça ironique de prendre la voiture pour aller faire du sport….

Je me gare enfin à l’orée de la forêt et prépare mes affaires. Je sors une serviette pour l’après exercice, et bois quelque gorgées d’eau avant de laisser tout ça sur le siège passager. Je m’étire contre la voiture, le soleil s’est levé mais l’air est encore frais, c’est le moment parfait de se remplir les poumons d’air pur. Je mets mes écouteurs et lance la musique pour commencer à m’entrainer.

Je cours à un rythme plutôt lent pour démarrer, mon corps se réhabitue encore à faire du sport après deux ans d’interruption. J’ai réussis à garder la même silhouette mais j’ai un peu perdu en muscles. Je suis le même chemin que j’ai pris les dernières fois à petite allure pour m’échauffer. Je me perds dans mes pensées, à écouter le rythme de mon cœur battre au même tempo que le bruit de mes pas sur le sol en terre.  

D’habitude l’endroit est calme et je n’ai croisé qu’une seule fois quelqu’un, et aujourd’hui c’est une seconde. Je me fais dépasse par une jeune fille frêle qui semble plutôt jeune. Ca me réveille, j’ai assez trainé, je sors mon ipod pour changer de musique et mettre quelque chose de plus rapide et accélère. Assez vite je me retrouve à courir à la même allure quelques mètres derrière elle. Je ne réfléchis plus au chemin que je suis, je la suis elle. Mais après une minute je me rends compte, un jeune homme qui court derrière une fille dans une forêt très peu fréquentée, ça pourrait être mal interprété. J’accélère un peu plus pour la dépasser, mettant ainsi un terme à toutes suspicions d’agressions. En la suivant j’ai dévié de mon chemin habituel et je suis un peu perdu, je ralentis un peu pour réfléchir à quelle direction prendre, ouest, c’est ça. Je prends un petit chemin qui va vers l’ouest et devrait en théorie me rapprocher de la voiture.

Le sport a toujours été quelque chose d'important dans ta vie. Tu es une personne qui aime évoluer et tu ne veux surtout pas t'enfermer dans une routine où il ne se passe rien. Le sport te détend, te permet de te relaxer et même si à la fin d'une séance tu es fatiguée, cela te permet de toujours repousser tes limites ainsi que de voir à quel point tu peux aller pour te dépasser. C'est également un très bon moyen de te changer les idées et, soit de ne penser à rien du tout, soit au contraire de réfléchir à certaines choses de ta vie. Ayant beaucoup de mal à contrôler tes émotions, probablement à cause de ton jeune âge ou peut-être simplement de ton caractère, le sport t'aide à faire un travail sur toi. Tu ne renonceras jamais à ces petits moments en tête à tête avec toi même. Mais aujourd'hui, il semblerait que tu ne sois pas seulement avec toi même. Chose très rare pendant ton footing matinal, tu croises quelqu'un qui fait la même chose que toi. Ce jeune homme que tu dépasses sans trop y faire attention, trop concentrée sur la musique dans tes oreilles ainsi que sur ta respiration. Au fur et à mesure que tu accélères, tu sens sa présence derrière toi jusqu'à ce qu'il te dépasse à son tour. En tant que grande compétitrice, tu prends ça comme une sorte de défi. Et même si ça n'en est pas un de sa part, ça en deviendra un venant de toi. Alors tu accélères de plus belle et tu le dépasses une deuxième fois alors qu'il est en train de ralentir. Après cela, tu ralentis à ton tour et te retournes vers lui avec un sourire. « Alors on est perdu ? » dis-tu sur le ton de l'humour en haussant légèrement la voix pour qu'il t'entende, ayant remarqué ses écouteurs dans les oreilles. Tu retires un écouteur pour mieux l'entendre et continues de trottiner sur place. « Tu peux me suivre si tu veux, je connais bien l'endroit. » Puis tu reprends doucement la course en jetant des regards furtifs derrière toi pour vérifier s'il te suit ou non.

Elle me dépasse quand je ralentis et j’entends par-dessus ma musique qu’elle me lance une pique, puis me propose de la suivre. D’où elle se permet de remettre en doute mon sens de l’orientation, elle me prends de haut ? Je connais bien l’endroit aussi, enfin un petit peu. Bon c’est vrai, en dehors de mon sentier habituel je ne connais pas trop, mais je peux m’orienter, ou du moins essayer. Après m’avoir rattrapé, elle se met à courir légèrement devant moi. Je lui lance un : « Non merci, je sais vers où aller, il fallait juste que je me repère un peu. » J’accélère pour la dépasser à nouveau, et histoire de lui montrer que je n’ai pas besoin d’elle, je me lance dans un petit sprint sur 100 mètres. Mais à la fin de ce 100 mètres, le sentier fait un tournant abrupt et je me rends compte que ce chemin ne menait à rien, il s’effaçait et donnait sur un lac. Mince, je n’avais pas prévu ça, maintenant je passe pour un idiot. Je ne vois aucun autre sentier qui part du lac à part celui que je viens d’emprunter, et je ne me sens pas trop de passer entre les arbres, y’a pas mieux pour se fouler la cheville, et une fois ça suffit.

Bon réfléchis, il doit me rester quelques secondes avant qu’elle me rattrape, si elle m’a suivi sur ce chemin. Quoique, elle qui connait si bien le coin, elle devait savoir que c’était un cul-de-sac et ne m’aurait pas suivi. Bon vite, une idée, au cas où elle débouche derrière moi, je m’appuie sur un arbre au bord du lac, le dos tourné au sentier, et m’étire légèrement en faisant semblant d’admirer le paysage. Mais un problème plus important me guette, à l’avoir suivie j’ai vraiment perdu mon chemin, et s’il y a d’autres chemins qui sont des voies sans issues, je ne sais pas combien de temps je vais mettre à retrouver la voiture. Ça risque de se finir en promenade hors des sentiers. J’ai déjà un atout, le soleil est encore bas dans le ciel, je peux non seulement de profiter du frais encore quelques moments et j’ai la position exacte de l’Est. J’entends quelques pas au loin, le mieux serait que je la joue fine pour pouvoir la suivre afin de sortir de cette forêt. Je lance dans sa direction un : «  Alors on a du mal à suivre ? » C’est pas un super départ, mais je n’ai que ça qui me vient à l’esprit.

Qui dit sport dit aussi compétition. Certes, pas pour tout le monde, mais lorsque cet homme te dépasse puis que tu le dépasses à ton tour, ton esprit de grande compétitrice ne peut pas s'empêcher de prendre le dessus. En voyant qu'il ralentit et qu'il a l'air un peu perdu, tu lui lances une petite réflexion bon enfant mais loin d'être méchante. Pendant ce temps, tu continues de courir sur place pour ne pas trop perdre le rythme, tu était partie sur une bonne lancée alors ça serait dommage de devoir tout recommencer. Mais le jeune homme n'a pas l'air d'avoir apprécier ta petite remarque et refuse ta proposition de te suivre. Pourtant, tu connais cet endroit comme ta poche alors c'était la meilleure façon pour lui de ne pas se perdre et de pouvoir retrouver facilement son chemin plus tard. Tu hausses les épaules et tu n'as rien le temps d'ajouter puisque le voilà déjà reparti dans un sprint. Tu ne démords pas et reprends la course en le suivant et en essayant d'accélérer sur les cent mètres sauf que tu as du mal à le rattraper à cause de ce faux départ. Au bout des cent mètres, là où se trouve le petit lac de la forêt perdue, tu t'arrêtes non loin de lui et commences quelques étirements en essayant de retrouver un rythme de respiration normale. Tu le foudroies presque du regard lorsqu'il te lance à son tour une petite pique. Un sourire narquois se dessine doucement sur tes lèvres, il ne va pas s'en tirer comme ça. « T'es parti avant, c'est de la triche. » Tu lèves les yeux au ciel. Même si tu es bien consciente qu'il a probablement un meilleur niveau que toi, tu es quand même prête à le défier. « On refait les mêmes cent mètres, si tu gagnes t'auras le droit de finir la course avec moi pour retrouver facilement ton chemin. Et si tu perds, je te laisse ici et tu te débrouilles.  » Tu le regardes avec un grand sourire. « Alors ? » Tu te positionnes à côté d'un arbre, qui sera votre point de départ, et attends qu'il vienne se poster à côté de toi. Cette fois-ci, vous partirez réellement en même temps.

Elle arrive peu après moi et je fais mine de ne pas trop prêter attention à elle pendant mes étirements. Elle me regarde avec des yeux noirs après que je lui ai fait une remarque et ça me fait sourire. Je souris encore plus quand elle me lance une réplique qui me confirme que c’est une mauvaise perdante. Je sens que ça va mal se finir entre nous, elle n’a pas l’air d’aimer perdre et moi non plus. Je laisse échapper un petit rire : « Bien sûr, si tu ça t’aide de penser que si j’ai gagné c’est parce que je suis « parti » en avance » . Et voilà que je parle de gagner de la même façon qu’elle parle de tricher. Comme si elle n’était pas prête, nous étions deux à trottiner et si elle n’a pas réussi à me suivre c’est qu’elle n’est pas assez rapide.

Je m’assois dans l’herbe pour étirer mes abducteurs un peu. «  Comme si j’avais besoin de toi pour retrouver mon chemin, mais puisque tu tiens à perdre une seconde fois j’accepte avec plaisir » . Je ne sais pas ce qui me prend de lui répondre comme ça, peut être les vieilles habitudes qui reviennent au galop, et puis qu’est ce qui lui fait penser que je suis perdu ? Comme si j’avais besoin de son aide.  Cette sensation c’est la même qui m’anime quand je suis en présence de ma sœur. Tandis que je me relève je plonge ma main dans l’eau pour me mouiller un peu la nuque et balance dans sa direction les quelques gouttes d’eau restantes sur ma main en espérant que ça fasse disparaitre ce sourire narquois sur son visage. Je finis d’étirer mes bras et me place à ses côtés. Je cale mon pied contre une racine et regarde devant moi : « 100 mètres, ça s’arrête jusqu’au chêne qui penche, à peu près » . Le chemin est plutôt plat, mais ça reste un chemin de forêt et il y a quelques petits trous où se prendre les pieds.

Je commence le décompte, quitte à perdre quelques bouffées d’air, de toute façon je pense avoir un avantage sur elle, elle a beau être sportive, mon atout c’est la technique. « 3, 2, 1, go ! »

Lena n'avait pas imaginé que son footing matinal, d'habitude si calme, prendrait cette tournure. Elle avait volontairement provoqué ce jeune homme en lui demandant s'il était perdu, et il avait retourné la provocation en commençant une course qu'il avait gagné. En tant que mauvaise perdante, Lena le rejoignit quelques instants plus tard alors qu'il était en train de s'étirer. Elle avait jugé qu'il était parti avant et que c'était donc de la triche. « J'étais pas prête ! » répondit-elle en s'étirant. Puis il lui vint une idée, celle de recommencer les cent mètres, à départ égal cette fois, pour les départager une bonne fois pour toutes. Un petit rictus se dessina sur ses lèvres à la remarque du jeune homme. S'il n'avait pas besoin d'elle pour retrouver son chemin, il ne le retrouverait sûrement pas facilement, elle avait bien remarqué qu'il ne savait plus du tout où il était. Elle, qui avait l'habitude de passer du temps dans cette forêt, savait pertinemment qu'il était parfois difficile de se guider tant les chemins se ressemblaient. Elle haussa les épaules. « Qu'est-ce qui te fait penser que je vais perdre ? » demanda-t-elle en le regardant s'asseoir dans l'herbe. « Parce que j'suis une fille c'est ça ? » finit-elle par dire en souriant. Elle avait beau être une fille, elle avait toute la technique qu'il fallait même si elle avait bien compris qu'il était plus rapide qu'elle. Elle se retourna d'un geste rapide lorsqu'il envoya les gouttelettes dans sa direction. « Très drôle ! » dit-elle en gardant toujours le même sourire narquois sur ses lèvres. Ils se mirent tous les deux en position de départ alors qu'il lui expliquait jusqu'où ils allaient devoir aller pour terminer les cent mètres. Elle hocha la tête et se concentra sur sa voix qui annonçait le décompte. Trois, deux, un, go ! Elle commença à partir en trombe, elle était plutôt bien partie avant que son pied se prenne dans un petit trou. Elle trébucha et s'allonga de tout son corps sur le sol. « Merde ! » groga-t-elle en se redressant. Elle leva le regard vers son partenaire, déçue d'avoir perdu. « Voilà t'as gagné, t'es content ? » demanda-t-elle en restant assise au sol. Elle n'était pas blessée, juste une petite égratignure sur le genou, rien de très important mais après cette défaite et cette chute, elle n'avait même plus envie de se relever.

Non seulement elle est de mauvaise foi, mais en plus elle me prend pour qui ? Je suis un homme donc forcément je dois prendre de haut les femmes ? Je ne suis pas misogyne, j’ai connu des femmes qui m’ont en fait baver. Mais objectivement, j’ai de plus grandes jambes et surement plus d’entrainement qu’elle, sauf ces deux dernières années. Je lâche un « Tss » entre mes dents et ne prends même pas la peine de développer une réponse.

Tout en faisant le décompte je remets mes écouteurs et place mes pieds, à deux, je relève mon bassin et  transfère une partie de mon poids sur mes bras. En disant « Go » je m’élance avec des foulées puissantes mais petites le temps de prendre de la vitesse, je n’entends plus rien tellement je suis concentrée sur le point d’arrivée. à mi-chemin je jette tout de même un coup d’œil à côté de moi et ne vois rien, de l’autre côté non plus. Je hasarde un coup d’œil en arrière quitte à perdre de la vitesse mais ne la voit pas. Je ralentis et regarde un peu plus attentivement, elle est 40 mètres plus loin allongée au sol, c’est donc pour ca que je l’ai pas vue immédiatement, mais ses habits tranchent avec le paysage vert et marron de la forêt.

Je coupe ma musique et reviens en trottinant vers elle, une fois à côté d’elle je m’accroupis et regarde si elle s’est fait mal, mais déjà elle me parle sèchement, visiblement de mauvaise humeur. « Et bien techniquement personne n’a gagné, vu qu’aucun de nous deux n’est arrivé au chêne. » Je l’observe un peu plus attentivement et ne vois qu’une égratignure, et peut être des futurs bleus mais pas d’os qui ressors. « Ca va, pas trop mal ? Cette forêt est vicieuse, je me suis foulée la cheville l’autre jour ici. Disons que c’est pas de chance, on a qu’à remettre la course à une autre fois. Je t’aide à rentrer au parking ? » Dis-je en me relevant et en lui tendant la main pour l’aider. Après tout l’aider à marcher serait une bonne excuse pour qu’elle me ramène au parking.

Elle haussa les épaules lorsqu'il ne répondit rien à sa remarque. Elle avait rencontré beaucoup de garçons qui pensaient être plus forts que les filles, surtout en sport, alors elle en connaissait un rayon. Elle avait bien remarqué que ce n'était pas son genre, mais elle avait voulu lui envoyer cette petite provocation pour le taquiner, à laquelle il ne prit même pas la peine de répondre. Alors elle lui avait lancé un défi, celui de refaire la course pour les départager. Il n'y avait pas grand chose à gagner, ni à perdre, s'il était perdu, il retrouverait son chemin tout seul, peu importe le temps qu'il mettrait. Mais Lena aimait la compétition et même quand il n'y avait rien à gagner, elle était toujours à fond pour gagner. Elle détestait perdre même si elle finissait toujours par accepter la défaite au bout d'un moment. Le jeune homme avait prononcé le décompte et ils étaient partis tous les deux à grand vitesse. La course avait plutôt bien commencé pour Lena qui n'était pas loin derrière son concurrent et qui allait mettre encore plus de vitesse poeur le dépasser. Seulement, elle avait fait une chute et s'était étalée sur le sol frais de la forêt. Déçue d'elle, elle ne se releva pas et resta planté là, assise sur l'herbe. « T'as la victoire modeste. Tu aurais gagné de toute façon. » dit-elle en grimaçant. Il s'accroupit devant elle pour évaluer les dégâts mais il n'y avait rien de bien méchant. Ce n'était qu'une petite chute de rien du tout, elle avait connu pire, mais elle était mauvaise perdante. « Ca va j'ai rien. » répondit-elle un peu trop sèchement. « Bon d'accord pour la prochaine fois. En espérant ne pas subir cette humiliation une deuxième fois. » En réalité, elle ne se sentait pas humiliée. C'était quelque chose qui arrivait à tout le monde, qui aurait même pu lui arriver à lui, surtout dans la forêt où le sol n'était pas plat. Elle hocha la tête en guise de réponse et attrapa sa main pour se relever et essuya ses vêtements pleins de terre. « Merci. » dit-elle en commençant à marcher pour rentrer au parking. « T'étais vraiment perdu ou pas du coup ? » demanda-t-elle en refaisant sa queue de cheval. « Moi c'est Lena, au fait. » Elle lui adressa un sourire. Malgré la défaite, elle était contente d'avoir trouvé un partenaire avec qui courir, ça lui donnerait l'occasion de s'entraîner avec de la compagnie.

Alors qu’elle me répond, je me rends compte qu’elle est moins compétitive que ce que je pensais. Malgré sa chute, elle n’aurait jamais dû admettre que j’aurai gagné, mais au contraire aurait du tout faire pour organiser une nouvelle course et me prouver sa supériorité. Je commence à croire qu’elle est plutôt mauvaise perdante, voire même qu’elle se serait sabordée pour ne pas vivre une humiliation…. J’avoue que j’ai encore du mal à cerner son personnage et je ne sais pas quoi penser. Je lance tout de même un : « Il ne faut pas s’avouer vaincue si vite » . Certes, je suis certain que j’aurai gagné mais je ne souhaite pas vaincre quelqu’un de si pessimiste, quel plaisir ça pourrait me procurer ? Je préfère écraser quelqu’un qui s’est donné à fond.

De toute façon, faire un 100 mètres dans une forêt où les sentiers sont sinueux, où il y a des trous, des racines et des branches, c’est pas la meilleure idée. Si on veut vraiment se faire une course sans dangers, et dieu seul sait que je sais qu’on peut se faire mal ici, il faut le faire dans de bonnes conditions. Il doit surement y avoir un stade où on pourrait courir un vrai 100 mètres. « La prochaine fois on devrait le faire sur une vraie piste. Comme ça pas d’excuses et on pourrait comparer nos vrais aptitudes » , dis -je en lui lançant un clin d'oeil.
 
Une fois relevée je passais ma main autour de sa taille en précisant : « Ta cheville ne te fais pas mal quand tu t’appuies dessus ? »  Il ne manquerait plus qu’elle se soit fait une entorse ou une foulure. On fait quelques pas et elle s’arrête pour se recoiffer et me demande si j’étais vraiment perdu. Je ne comptais pas lui dire la vérité, mais au vu de sa triste mine j’opte pour une version arrangée de façon positive de la vérité : «  J’étais momentanément perdu, mais en cherchant un peu j’aurai facilement retrouvé mon chemin ! Puis c’est comme ça qu’on apprend à connaitre un endroit…. » .

Elle me regarde avec un sourire en se présentant, je lui réponds en souriant également : « Moi c’est Lucian » . On marche quelques minutes et je vois au loin entre les troncs un espace plus dégagé ainsi que des voitures.  Si elle s’est fait mal il ne vaudrait mieux pas qu’elle marche pour rentrer chez elle, ni qu’elle conduise. «  Tu va pouvoir rentrer seule ou tu veux que je te dépose en voiture ? » .

HRP:

L'esprit de compétition de Lena s'était comme envolé après sa chute, mais il reviendrait très vite lorsqu'ils auront fixé une date et un endroit pour la prochaine course. Un meilleur endroit que la forêt d'ailleurs, pour que rien ne puisse les gêner dans leurs pas. Elle retrouva son sourire lorsqu'il lui dit qu'il ne fallait pas s'avouer vaincu. C'était mal connaître Lena, elle avait dit ça surtout pour le flatter, mais elle était persuadée qu'avec encore un peu d'entraînement, elle pourrait le battre. Il avait certes plus de facilité qu'elle, mais elle n'était pas du genre à se laisser abattre. Alors si ce jour-là ce n'était pas son jour, elle continuait d'y croire pour la prochaine fois. « Oh non mais je gagnerai la prochaine fois. » dit-elle en accompagnant sa phrase avec un clin d'oeil provocateur. Pour l'heure, même si sa chute n'était pas grave, elle n'avait plus envie de courir. Elle ne se sentait pas vraiment humiliée même si ce n'était jamais drôle de tomber en pleine course, après tout elle ne le connaissait pas alors elle s'en fichait pas mal de tomber devant lui, même si ça lui coûtait la victoire. « Je suis d'accord. On ira au stade, ça sera mieux. » répondit-elle avec un peu plus d'enthousiasme. Elle avait déjà hâte. Elle se releva avec l'aide du jeune homme et il se montra particulièrement attentionné en lui demandant si sa cheville ne lui faisait pas mal. Sans le vouloir, elle avait rougi lorsqu'ils étaient entré en contact, elle qui n'avait pas vraiment l'habitude des garçons. « Non non, ça va ne t'inquiète pas. » Elle n'était pas timide, mais certaines situations la mettaient quelque peu mal à l'aise. Elle remis alors le sujet sur le tapis, en demandant s'il était vraiment perdu. Ils avaient parié que s'il perdait, elle le laisserait là en plein milieu de la forêt et il aurait dû retrouver son chemin tout seul. Elle savait bien qu'il l'aurait retrouvé, elle avait seulement voulu mettre un peu de piment dans le moment, elle commençait d'ailleurs déjà à réfléchir à un pari pour leur prochaine course. C'était quelque chose qui pouvait être drôle et elle pourrait peut-être en tirer quelques avantages. C'était une affaire à suivre... « Tu es nouveau en ville ? » demanda-t-elle spontanément. Ce n'était pas parce qu'il était perdu dans la forêt qu'il ne connaissait pas Bowen, mais Lena qui traînait un peu partout dans la ville ne l'avait jamais croisé ni même aperçu, d'où sa question. Ils marchaient tous les deux en direction du parking pour que le jeune homme puisse retourner à sa voiture. Lena, elle, était venue à pieds mais elle n'habitait pas très loin. Ils firent les présentations avant qu'il ne se propose gentiment pour la raccompagner. « Si ça te dérange pas de me déposer, je veux bien. C'est pas très loin. » Elle avait hésité, parce que monter en voiture avec un parfait inconnu n'était pas du tout le genre de chose qu'elle aimait faire, elle se méfiait assez pour ne pas prendre de risques, mais elle n'avait pas vraiment envie de rentrer en marchant, même si elle n'avait mal nulle part, elle avait hâte d'arriver chez elle pour prendre une douche. Ils arrivèrent au parking et montèrent dans la voiture. « Rassure-moi, t'es pas un kidnappeur ou un truc du genre, hein ? » demanda-t-elle avant de rire. Elle ne se sentait pas très à l'aise dans cette situation alors elle essayait de détendre l'atmosphère. Elle avait entendu tellement d'histoires glauques qu'elle en était arrivée à se méfier, ce qui n'était pas une mauvaise chose. Et surtout, après les évènements survenus récemment à Bowen, elle avait un peu peur de sortir toute seule, même si elle ne voulait pas non plus arrêter de vivre à cause de la crainte. Sa mère préférerait qu'elle ne sorte pas, mais Lena, elle, avait besoin de quitter la maison plusieurs heures par jour pour ne pas se sentir emprisonnée.

Spoiler:

Mes muscles tiraient un peu après les efforts de non seulement un footing, mais aussi de deux petits sprints. La petite brise matinale encore fraiche sur mon corps en sueur me fit frissonner. Il me tarde de rentrer à la voiture pour attraper une veste et me couvrir un peu plus. Alors qu’on marchait, elle me demande si je suis nouveau en ville, décidemment ça doit se lire sur mon visage, d’abord ma coloc et maintenant elle, je dois vraiment avoir une gueule de bleu. Un peu irrité je réponds : « Oui, je suis arrivé y’a un peu plus d’un mois, et toi ? Tu es ici depuis longtemps ? ».

On arrivait presque au parking quand je lui ai proposé de la raccompagner, m’inquiétant toujours un peu de sa cheville. Elle accepta assez vite, puis commença à montrer un soupçon d’hésitation et me demanda si je n’allais pas la tuer. L’incongruité de sa question me fit perdre le fil de mes pensées désarçonna et je la regardais droit dans les yeux pendant quelques secondes sans répondre. Quand je repris mes esprits, je me suis rendu compte que rester muet à ce genre de questions donnait une très mauvaise impression. Au mieux elle pourrait penser que je suis un peu attardé, au pire…. Je m’hâta de répondre : « Non, je proposais juste de te ramener à cause de ta cheville, mais si tu ne veux pas je comprends tout à fait. Tu as raison de ne pas faire confiance à des inconnus. » Monter dans la voiture d’un jeune homme rencontré en forêt, cela ressemble au début d’un article à la une d’un journal ! Je l'observais un instant et me dit que sa défiance devait surement être dûe à son jeune âge, elle semble à peine majeure.

Devant ma voiture j’ouvris la porte arrière pour attraper une veste et l’enfiler, je ne savais pas si elle allait vouloir monter ou non, mais je ne voulais surtout pas la brusquer. Pour ne pas qu’elle soit gênée de refuser mon invitation, je préférais lui offrir une alternative et lui demanda : « Est ce que je peux au moins avoir ton numéro pour qu’on remette ca au stade ? ».

Lena avait senti l'irritation dans la voix du jeune homme suite à sa question. Peut-être n'aimait-il pas parler de lui ? Elle n'était pas vraiment curieuse, mais elle ne se voyait pas marcher avec lui dans le silence. Autant en profiter pour faire connaissance, même s'il ne semblait pas du même avis. « Oh. » se contenta-t-elle de répondre en s'empêchant de lui demander d'où il venait. « Moi je suis née ici. » Elle haussa les épaules. Lorsqu'ils arrivèrent au parking, il proposa de la raccompagner chez elle. Elle n'avait aucune blessure ni douleur dûes à sa chute, mais si elle pouvait éviter de marcher jusqu'à la maison, pourquoi pas. Elle avait d'abord accepté, puis avait montré une pointe d'hésitation. Il ne faisait pas peur, mais Lena se méfiait beaucoup des gens. Monter dans la voiture d'un inconnu était quelque chose qu'il ne fallait jamais faire, on le lui avait appris depuis toute petite. Lorsqu'il la rassura sur le fait qu'il n'allait pas la kidnapper ou la tuer, elle s'autorisa un petit rire, surtout en voyant son visage désarçonné. « C'est gentil de proposer. » Elle le regarda ouvrir la portière et enfiler sa veste sans bouger. Il reprit ensuite la parole pour lui demander son numéro pour qu'ils puissent se recontacter pour leur prochaine course ensemble. « Oui bien sûr je vais te le donner. » dit-elle en s'approchant de la porte avant de la voiture, côté passager. « Bon, d'accord pour que tu me raccompagnes. Mais ne t'inquiète pas pour ma cheville, elle va bien. » Elle monta dans la voiture qu'il fit démarrer quelques secondes plus tard. Elle lui indiqua le chemin à prendre pour l'emmener à la maison, ce n'était qu'à quelques petits kilomètres de la forêt. « File-moi ton téléphone si tu veux, j'enregistre mon numéro. » dit-elle sur le chemin. Le jeune homme était assez silencieux, alors quelques minutes plus tard, l'adolescente brisa le silence une nouvelle fois. « Est-ce que je peux te demander ton âge ? Ca me perturbe de ne pas savoir. » Elle n'était pas douée pour deviner l'âge des autres. Elle préférait demander directement. Et puis, s'ils allaient être amenés à se revoir, elle aurait aimé en savoir un minimum sur lui, malgré le fait qu'il semblait ne pas vraiment aimer parler de lui.

Elle précise bien que sa cheville va bien, mais je reste un peu inquiet, une foulure, aussi légère soit-elle peut toujours être un peu douloureuse, et stimuler la région irritée n’est pas très bon. « Comme ça ta cheville se repose un peu, et tu n’auras pas d’excuses à la prochaine course. » Elle monte du côté passager et je fais de même, démarre la voiture et commence à sortir du parking. Elle m’indique le chemin de sa maison en me rendant le portable et je prends la droite. D’après ce qu’elle me dit, elle habite vraiment près d’ici.

Alors qu’on roule, elle me demande mon téléphone. Je l’attrape de la poche de ma veste et lui tends, il n’y a pas de code ou de symbole à dessiner pour le déverrouiller, je suis célibataire et n’ai rien à cacher. Après avoir renté son numéro, je lui dis de poser le portable au niveau du porte gobelet. « Tu t’es appelée avec ? Comme ça tu auras aussi le mien. » J’ai entendu dire que les gars demandent ça pour être sûr que la fille ne leur donne pas de faux numéro, mais vu les circonstances, je doute qu’elle veuille m’écarter, je ne la drague pas et elle a accepté que je la reconduise chez elle. Je me sens obligé d’ajouter : « Comme ça si j’oublie de te rappeler, tu pourras m’envoyer un message. »

Un silence lourd tombe entre nous, on vient à peine de se rencontrer et nos conversations ont surtout tournées autour du jogging, maintenant qu’on ne court plus, nous n’avons aps grand-chose à nous dire. Alors que mes pensées tournaient autour de cette idée, elle me demande mon âge. Je rigole un court instant, elle semble vraiment dérangée de ne pas savoir. « 24 ans, et toi ? Et surtout, pourquoi est-ce-que tu tiens à le savoir, c’est une question assez…. bizarre ? ». Je continue de rouler selon ses instructions, je ne connais pas ce coin de la ville, ce sont des petites maisons assez cosy. « Le quartier où tu habites est plutôt cool, c’est combien le loyer pour une maison par ici ? ». Une fois que je serai un peu mieux installé dans cette ville, je pourrais peut-être envisager de déménager dans une petite maison.

Elle n'était pas blessée mais elle accepta quand même la proposition du jeune homme de la raccompagner chez elle. Il semblait vouloir qu'elle se repose pour leur prochaine course, probablement pour qu'il puisse l'humilier encore plus, car il avait clairement un meilleur niveau que l'adolescente, mais elle ne se laisserait pas faire, jamais. Ils montèrent dans la voiture et Lena lui indiqua le chemin à suivre pour rejoindre sa maison. Elle n'avait pas vraiment envie de rentrer chez elle, comme tous les jours, mais elle n'avait pas le choix. Elle commença à réaliser son programme de la journée dans sa tête pour éviter au maximum de croiser sa mère ou son beau père. Mais il allait bien falloir, puisqu'elle n'avait pas passé de temps avec son petit frère depuis longtemps et ça lui manquait. Elle sortit de ses pensées pour attraper le téléphone du jeune homme afin d'y entrer son numéro pour qu'ils puissent prendre contact pour la prochaine fois. « Okay je fais ça alors. » dit-elle en appelant son propre numéro avec le téléphone de Lucian. « Voilà. » Elle reposa le téléphone à sa place et regarda la route pour être sûre qu'il prenne la bonne direction. Pour détruire le silence qui s'était installé entre eux, Lena posa une question. En réalité, c'était la première question qui lui était venue en tête et le jeune homme la qualifia de bizarre. Tout dépend des points de vue. Ce pouvait être une question tout à fait normale entre deux personnes qui font connaissance, même si, il fallait l'avouer, il n'avait pas l'air d'avoir envie de ça. En même temps, lorsqu'il annonça son âge, elle comprit bien vite pourquoi. Il était plus âgé qu'elle, qu'allait-il raconter à une gamine ? « J'ai dix-huit ans. Et c'est juste pour savoir, comme ça. » répondit-elle en haussant les épaules. « J'essayais juste de faire la conversation mais il faut avouer que je suis vraiment naze. » Elle lui montra la route où il fallait tourner pour arriver dans son quartier. Ils étaient presque arrivés devant sa maison. « Franchement j'en ai aucune idée, c'est mon beau père qui paye et ça ne m'intéresse pas vraiment. » répondit-elle en pointant sa maison du doigts. Elle n'était pas prête de quitter la maison familiale, hélas, alors elle ne s'intéressait pas vraiment au prix des logements. « C'est ici. » Elle détacha sa ceinture pendant qu'il se garait devant la petite cour de sa maison. « Mais ouais c'est plutôt cool ici. Tu habites dans quel quartier, toi ? » demanda-t-elle en espérant qu'il ne trouve pas cette question aussi bizarre que la première.