Halloween party : Sujet commun

La mâchoire d’Annushka se crispa légèrement à la réponse de Woody. A quoi est-ce que ça servait, ce qu’il faisait ? Est-ce qu’il croyait vraiment qu’elle ne remarquait rien ? Il lui avait dit, il l’avait avoué, sa forme physique déclinait. Pourquoi alors continuait-il ce jeu-là, avec elle ? Il n’avait pas besoin de la tromper, c’était ridicule. Etait-ce à lui-même qu’il essayait de prouver quelque chose ?

Sans un mot, ils arrivèrent enfin en bas de la rampe, sur le sable. La jeune femme ne put retenir un soupir intérieur lorsqu’il lui expliqua que le sable rendait la traversée plus difficile. Est-ce qu’il avait peur de perdre la face devant elle qui ne le jugeait pas, jamais ? Peut-être qu’elle oubliait un peu, elle-même, comment ça avait été difficile de montrer sa douleur, son infirmité aux autres lors de la perte de sa cheville. Elle finit par venir s’appuyer sur Woody, faisant attention à ne pas poser le pied blessé au sol.

-Je sais que c’est difficile mais… Tu as le droit d’être vulnérable avec moi.

Elle n’avait pas osé lever ses yeux vers les siens en lui disant ça. Elle se contenta d’inspirer, se mordant la lèvre avant de poser délicatement sa tête sur son épaule, retrouvant son regard, un léger sourire sur le bout des lèvres.

-J’avoue que j’aurais espérer autre chose pour notre première plage.

Puis, elle dirigea son regard vers les petits bateaux et les ambulanciers. Ce serait bientôt leur tour. Elle espérait que Woody pourrait rester à ses côtés même si elle était prise en charge. Parce qu’elle avait peur, de plus en plus peur d’être seule.

Bien sûr que c’était à lui-même qu’il tentait de prouver quelque chose. De se prouver qu’il était encore capable de se relever, d’avancer. Et pas qu’en ne se soutenant que lui. Il voulait pouvoir continuer à porter ceux qu’il aimait, Woody. Il voulait pouvoir continuer à tout faire comme avant. Mais c’était un mensonge, un énorme mensonge qu’il ne pouvait évidemment plus renier. N’importe qui s’en rendrait compte, alors c’était plus facile encore pour ceux qui étaient déjà au courant de tout. Annushka était au courant de toi. Et elle voyait très bien dans son petit jeu. Quand elle lui affirma qu’il avait le droit d’être vulnérable avec elle, il détourna le regard. « Si je te l’ai dit ce n’était pas pour que tu l’utilises contre moi à chaque occasion, Ann’. » Dit-il, sur la défensive. La russe ne disait cela que pour l’aider mais lui le percevait comme une attaque face à laquelle il devait riposter. Il n’était pas encore prêt à parler de sa maladie au quotidien. Ils reprirent leur marche sur le sable, vers les bateaux de secours. « Notre première plage ? » Demanda-t-il en arquant un sourcil, un faible sourire en coin. « Il y en aura d’autres. » Affirma-t-il, même s’il ne savait pas ce que signifiaient toutes ces premières qu’Annushka s’imaginait, espérait. Ils arrivèrent finalement à un bateau dans lequel ils purent monter et, en une quinzaine de minutes, entassés comme des sardines, ils arrivèrent aux plages de Bowen. Les ambulanciers attendaient les blessés.

@Annushka S. Kovalevski

Les mots de Woody lui firent mal au coeur. Ce n’était pas la première fois, et ce ne serait sûrement pas la dernière qu’il manquait de tact avec la petite Russe. Mais ce soir, en plus, il se montrait injuste. Le regard de la jeune femme se fit fuyant. Comment pouvait-il croire qu’elle puisse faire quoi que ce soit contre lui. Elle poussa un léger soupir. Le chemin de Woody jusqu’à l’acceptation semblait encore bien loin.

-Comme si j’étais capable de faire quelque chose contre toi.

Une fois à clopiner sur le sable, il la rassura quand il lui dit qu’ils en auraient d’autres, des sorties à la plage, même s’il avait semblé un peu perplexe au début. Pourtant, les choses semblaient assez naturelles à Annushka. Aller à la plage avec quelqu’un qu’on appréciait était une sortie comme une autre, sans sous-entendu.

-Fais attention, je vais te prendre au mot.

Ils finirent par atteindre les bateaux, plutôt rapidement malgré le handicape de la jeune femme. Arrivés à Bowen, les secouristes l’examinèrent, jaugeant tout comme Woody que ce n’était rien de très grave mais qu’il faudrait quand même y faire attention dans ses déplacements à venir pour ne pas aggraver les choses. La soirée aurait très clairement pu mieux se passer.

Il remarqua évidemment le regard fuyant d’Annushka, Woody. Mais le mal était fait. Il était souvent dans cette mentalité-là, à se dire que lorsque les mots trop durs avaient franchi la barrière de ses lèvres, il était alors trop tard. Les excuses n’étaient pas un art que le trentenaire maîtrisait. Il se contenta donc de détourner le regard à son tour, mal à l’aise mais tentant surtout de ne pas le montrer. Ne jamais montrer ses doutes et ses faiblesses, c’était le mot d’ordre de l’aîné des Rutkowski. Les mots d’Annushka eurent un effet double. Ils étaient à la fois un baume sur le cœur, à la fois un couteau qui en redéchirait les plaies. « C’est pas obligé d’être intentionnel. » Fit-il seulement remarquer, pour lui faire comprendre qu’à chaque fois qu’elle ferait allusion à sa maladie, lui aurait mal. Lui le prendrait comme une attaque. Il fonctionnait ainsi. Heureusement, l’atmosphère se détendit un peu plus alors qu’ils parlaient de cette partie remise à la plage. « Tu peux. » Déclara-t-il simplement au fait de le prendre au mot. Il esquissa un sourire, et accompagna Annushka vers les secouristes qui la prirent en charge. Quand elle fut libérée, ils quittèrent ensemble jusqu’à la sortie de la plage, où leurs chemins se séparèrent pour cette nuit.

@Annushka S. Kovalevski