can't live without beautiful drama (freja)

Une fraction de seconde. C'est ce qu'il te faut pour croiser le regard de Landon et détourner le tien aussi vite. Ce n'est pas possible, il ne peut pas être là. Pas après des semaines de silence radio, pas après cette maison qu'il a mis en vente sans même t'en toucher un mot. Pas alors qu'il semblait construire une vie dans laquelle tu n'avais plus ta place. Tu décides de reporter ton attention sur ces vêtements pour bébés qui se trouvent devant toi, l'ignorant comme lui l'a fait ces derniers temps te donnant l'impression d'être totalement insignifiante à ses yeux. Alors bien sûr, il t'a averti de son départ malgré les circonstances déjà compliquées entre vous à l'époque. Et si tu pouvais comprendre ses raisons, aujourd'hui, tu ne comprends plus rien du tout. Aujourd'hui, tu ne comprends pas ce qui a pu lui prendre autant de temps sans te donner une seule petite nouvelle. Tu ne demandais pas grand chose. Un sms et tu étais contente mais même ça, il n'a pas été capable de te le donner. Perdue dans tes pensées, tu ne le sens pas tout de suite s'approcher et quand c'est le cas, il est trop tard pour t'en aller. Néanmoins, quand Landon s'adresse à toi, de ton côté, tu ne lui adresses même pas un regard, sélectionnant un petit ensemble de vêtements pour bébé. Tahlia va adorer même si elle risque de te réprimander pour ces achats multiples. « Ouais, t'as ta réponse. » Dis-tu simplement, fuyant son regard volontairement. Comme s'il n'était pas là, tu continues à faire ton shopping dans la boutique, marchant à travers les rayons. Tu choisis des petits chaussons pour bébé, souriant à la vue de ceux-ci avant de sentir à nouveau la présence de l'anglais derrière toi. Tu te retournes finalement, lui faisant enfin face et croisant enfin réellement son regard. Tu lui adresses ton regard le plus froid, le plus dur, mais c'est tout ce qu'il mérite. Tu ne penses pas l'avoir déjà regardé de cette façon-là mais c'est parce qu'il t'a blessée et que tu as décidé de tirer un trait sur lui au moment où tu es passée dans sa rue et où tu as vu l'affiche à vendre. « Qu'est-ce que tu veux ? » Demandes-tu en soupirant et en arquant un sourcil. Si aujourd'hui il est décidé à te parler, toi, tu ne l'es pas. Ce n'est pas quand lui l'a décidé et où il l'a décidé. Ça ne fonctionne pas comme ça la vie.

A l’image de votre relation avant que tu ne quittes Bowen, les mots qui glissaient entre les lèvres de la norvégienne n’avaient rien perdu de leur tranchant. Tu avais presque oublié à quel point ça faisait mal de l’entendre s’adresser à toi de la sorte, encore plus quand elle ne t’accordait pas le moindre regard, ni même la moindre attention. A l’image de Bowen, tu avais laissé Freja de côté. Pour quelques semaines d’abord, puis c’était rapidement devenu des mois. Le plus triste dans tout ça, c’est que tu ne t’étais pas rendu comte du temps qui avait filé depuis ton départ, il était passé trop rapidement pour que tu puisses penser à quoi que ce soit, bien trop accaparé par ta mère, par ce besoin de réussir à te libérer de tout ce qui t’avait toujours retenu. T’aurais pu t’en servir comme d’une excuse mais ça n’aurait été qu’un mensonge, qu’une façon de cacher une vérité dont tu avais pris conscience en Europe. T’aurais d’ailleurs pu t’en arrêter là pour aujourd’hui, laisser Freja reprendre son shopping, prendre la direction de la sortie mais tu pouvais pas. Tu la connaissais suffisamment pour savoir que tu l’avais blessée. Avant ton départ, pendant ton départ et sûrement encore aujourd’hui en la suivant sans un mot, à lui imposer cette présence qu’elle semblait vouloir fuir, parce qu’elle t’en voulait, parce que c’est exactement ce que tu avais lu dans ses yeux lorsqu’elle avait fini par se retourner vers toi pour te faire face. Pire que des mots, t’étais même pas capable d’y déceler cette étincelle qui se trouvait dans son regard, celle qui avait été présente même quand elle avait semblé te détester pour tout ce que tu avais pu faire à Tahlia, pu dire à Woody ou après t’être servi de ses paroles contre elle. Il n’y avait strictement rien dans son regard qui te permettait de trouver un repère, de te raccrocher à quelque chose qui te permettrait de la toucher comme ce fut le cas à l’époque. «Je suis passé chez toi jeudi dernier, enfin à l’appartement. Mais on m’a dit que t’avais déménagé.» Ton regard fuit le sien et se pose sur ce qu’elle tient entre les mains. «Il y a pas mal de choses pour lesquelles je te dois des explications, ou des excuses. Ou sûrement un peu de tout ça à la fois.»  Et c’est en relevant tes yeux vers les siens que tu te reprends. «En fait, j’aurais voulu qu’on puisse parler. Je sais que c’est ni l’endroit, ni le moment mais à vrai dire, j’ai pas l’impression qu’il y en aura vraiment un.» Sauf si cette attitude qu’elle avait était simplement due au choc de te revoir mais t’étais pas naïf et tu savais reconnaître quand une personne ne comptait pas croiser à nouveau ton chemin. T’avais toujours fait en sorte que les gens te détestent et sans le vouloir, t’avais donné toutes les raisons à Freja pour te détester à son tour.

Il ne doit pas être habitué, Landon, à cette Freja-là. Celle qui ne lui montre aucun intérêt, qui ne daigne même pas le regarder comme s'il n'était qu'une distraction, qu'un minuscule petit point inutile dans ce grand magasin. Tu n'as jamais été cette Freja-là avec lui jusqu'à aujourd'hui. Même après les Bowards, même après cette fameuse soirée avec Tahlia, tu as été capable de passer au-dessus de ta déception, au-dessus de ta tristesse, mais pas aujourd'hui. Son silence n'a été que la fois de trop. Landon t'a donné l'impression de n'être rien à ses yeux alors aujourd'hui, tu ne fais que lui rendre la monnaie de sa pièce. Et tu es bien décidée à faire durer ce petit jeu le plus longtemps possible. « Ouais bah écoute... de nos jours, les gens ne préviennent plus lorsqu'ils déménagement. » Rétorques-tu en haussant les épaules nonchalamment. Mais alors que tu t'apprêtes à retourner à tes emplettes, Landon ne t'en laisse pas l'occasion et reprend la parole. « J'suis même pas sûre d'avoir envie d'entendre tes explications. » Ta voix est tranchante tout comme ton regard mais tu ne peux cacher cette colère qui t'habite depuis trop longtemps et qui est dirigée vers lui. Néanmoins, après quelques secondes, tu soupires et ajoutes : « J'comptais prendre un café pas loin d'ici, tu peux m'accompagner si tu veux. » Tu n'as pas envie de lui donner l'impression que tu plies, ni même que tu as envie de lui parler mais malgré tout, tu as quand même besoin d'entendre ce qu'il a à dire pour, peut-être, passer à autre chose et tirer un trait sur cette belle relation que vous avez vécue, tous les deux. « Laisse-moi juste finaliser mes achats. » Tu emportes encore une grenouillère et un petit livre en différentes matières pour bébé avant de te diriger vers la caisse, les bras complètement pleins. Tahlia va encore t'engueuler mais tu t'en fous, rien n'est trop bien pour ta filleule. Une fois tes achats réglés, tu te diriges vers la sortie, attendant que Landon te rejoigne à l'extérieur. Le café n'est qu'à quelques mètres d'ici mais sur le chemin règne un silence de plomb. Tu ne comptes pas faire la conversation pour lui faire plaisir, tout ce que tu veux c'est entendre ses explications et te barrer aussi vite. Arrivés devant le café, tu décides de prendre une place en terrasse et dans le but de faire durer davantage encore ce silence entre vous, tu attrapes la carte pour te décider avant que le serveur n'arrive. Ce n'est que deux minutes plus tard que, après avoir commandé un cappuccino, tu poses ton regard sur l'anglais, enfin prête à entendre ce qu'il a à dire. « Vas-y, j't'écoute. » Dis-tu alors que ton regard sonde le sien.