keep on asking why we're still divided (zelda)

Les deux derniers mois avaient continué à être tendus, entre Zelda et moi. Par moments, j’avais l’impression qu’on remontait la pente et que tout irait pour le mieux, et le jour d’après, il fallait repartir à zéro dans les réconciliations. Je ne savais plus trop comment gérer la situation mais en même temps, je n’avais aucune envie de confronter Zelda à ce sujet. Je lui avais dit que je ne lui demanderais pas de me pardonner, que je ne m’attendais pas à ce que ça se fasse en un claquement de doigts, alors je devais assumer que ça prendrait le temps que ça prendrait. Quand même, ça me faisait quelque chose de savoir qu’elle reparlait à Freja comme les copines qu’elles avaient toujours été, et que de mon côté je restais toujours sur le palier de son logement lorsque je venais prendre Lara pour quelques jours. Les « échanges » se faisaient de manière parfois froides, parfois cordiales à la limite de la cérémonie trop bien répétée. Aujourd’hui toutefois, je savais que je resterais pour un peu plus longtemps, parce que Zelda m’avait invité à prendre le café avec elle. Ce serait la première fois que je rentrerais chez elle depuis des mois. Je devais avouer que le stress était monté en flèche, ce matin, quand vint l’heure de partir. Je ne savais pas trop si elle m’attendait avec un parpaing à me lancer en pleine tronche, comme elle le disait si souvent. Ou peut-être qu’elle avait empoisonné le café. Ou peut-être qu’elle voulait vraiment qu’on discute et qu’on règle les choses. Toutes ces possibilités s’offraient à moi, c’est pour vous dire à quel point on fonctionnait en dents de scie, ces derniers temps. Je cognai finalement à la porte de son appartement après avoir poireauté devant pendant deux minutes à me demander quoi faire, quoi dire. Lorsqu’elle m’ouvrit, je me contentai de sourire, et de lâcher un : « Bon matin. », en attendant la suite.

Je posai les yeux sur Lara, d’abord. Elle accaparait toute mon attention, quand elle était dans les parages. Je souris en regardant le doudou en forme de toast, puis je ris en la regardant mordre dedans. Zelda vit mon regard et mon amusement et m’expliqua que c’était un cadeau de Jess, alors que je rentrais dans l’appartement. « Elle va devenir aussi gourmande que son père. » J’arquai un sourcil. « Et que sa mère, à bien y penser. » Nous étions deux gourmands, pas pour rien que nos soirées préférées, à l’époque, étaient celles où nous dévalisions l’épicerie pour se faire un repas à la maison, avec tout plein de trucs à bouffer, emmitouflés sous les couvertures amenées au salon. Salon qui avait bien changé, constatais-je. L’appartement au grand complet avait été relooké. J’ouvris de grands yeux. Le coin cocooning bébé, le canapé framboise, son bureau en coin, ses bibliothèques de mangas et de jeux, tous ces nouveaux meubles. Ça lui ressemblait tellement. C’était beau, épuré, tellement différent de l’ancien aménagement de son logement. « Wow. Tu n’as pas chômé. Avec Lara, en plus … t’aurais dû me le dire, ça m’aurait fait plaisir de t’aider à monter tout ça. » Mais je n’étais plus son homme, je n’étais plus celui qu’elle appelait lorsqu’elle avait besoin d’aide. Et même si j’étais maintenant avec Freja, je ne pouvais m’empêcher de ressentir de la tristesse. Mon amitié avec Zelda me manquait cruellement, et même si nous n’étions plus un couple, j’aurais aimé qu’elle se sente encore à l’aise de m’appeler pour tout et pour rien. Malheureusement, j’avais tout gâché, et je ne pouvais que m’en prendre à moi-même. « C’est vraiment magnifique. » Et ça me forçait à me dire qu’il faudrait que j’apporte quelques changements au #17, moi aussi, pour prévoir des endroits aussi mignons pour Lara. Florian allait peut-être prendre la poudre d’escampette, ou alors ce serait moi qui réaliserais à mon tour qu’il était temps que je passe à autre chose. Que je me prenne un endroit rien que pour moi … et mes deux enfants. Bon, pour le moment, Ally ne voulait plus que je sois dans la vie de Maxwell mais cette fois, je ne lâcherais pas le morceau aussi facilement. Elle m’avait déjà volé trois années auprès de mon fils, elle ne m’en prendrait pas davantage. Zelda m’invita à m’asseoir et je le fis, m’asseyant sur le canapé avec bien moins d’aise qu’avant. Je souris en regardant Lara dans son tipi. « Je la comprends, moi aussi si j’avais un tipi j’voudrais constamment dormir dedans. » Zelda me questionna alors sur les dodos de Lara, chez moi. C’est vrai que nous n’avions aucune idée des expériences de l’un et de l’autre, avec notre fille. Je réalisai soudain qu’inévitablement, on manquerait un tas de premières fois chez Lara, en raison de notre séparation. Ses premiers pas, peut-être que seule Zelda les verrait, ou moi. Il fallait que je prenne l’habitude de tout filmer, pour que Zelda ne rate rien de nouveau. « Oh tu sais, avec ma voix angélique quand je lui lis des histoires ou que je lui chante des berceuses … elle a tôt fait de s’endormir. » Je ris. « Ou peut-être que c’est parce qu’elle a déjà compris que pour mettre fin au supplice, elle doit fermer les yeux. » Je continuai de rire légèrement, avant de reporter mon attention sur Zelda. « Et toi, comment vas-tu ? » Demandais-je, désirant une vraie réponse, parce que je voulais tellement qu’elle aille bien, qu’elle se remette de la tempête.

Je ris à la réplique de Zelda. De mon côté, les cochonneries n’auraient pas à être cachées, il n’y en avait pas. Cela rendrait peut-être la tâche encore plus difficile pour la maman, d’ailleurs, puisque lorsque Lara serait chez elle, ce serait la caverne d’Ali Baba ! Bon, évidemment, pour ma fille, je ne me montrerais pas aussi restrictif qu’envers moi-même par moments. Je savais fort bien que trop de règles strictes envers la nourriture n’est pas mieux que trop de liberté. Je ne voulais pas que Lara grandisse avec une relation malsaine avec la nourriture, comme ça avait été le cas pour moi. « Elle trouvera vite toutes tes cachettes, elle va être futée la petite. » Je souris. Nous en étions déjà à lui inventer une vie, des scénarios dans lesquels on se trouvait tous les trois, même si c’était de manière séparée. Cette pensée m’attristait mais ces arrangements familiaux étaient de plus en plus communs. Il fallait que je fasse la paix avec. C’était surtout le fait de le vivre à deux reprises qui me rebutait. Ce scénario-là existait autant du côté d’Ally et de Maxwell que du côté de Zelda et de Lara. Where did I go wrong ? Ah, j’avais merdé à tellement de moments et d’endroits. Ils ne se comptaient même plus. J’entrai finalement dans le logement complètement métamorphosé. Ça avait dû être un travail monstre, et tout ça pendant qu’elle avait Lara. Je m’en voulais de ne pas avoir aidé, mais en même temps, comment aurais-je pu savoir ? Je réalisai alors à quel point je ne faisais plus partie de la vie de Zelda. Ça me brisa le cœur. « D’accord. » Dis-je tout simplement quand Zelda m’énuméra toutes les personnes qui lui étaient venu en aide. Tout le monde sauf moi, au fond. Je culpabilisai en silence. Elle voyait bien dans mon regard : un truc s’était cassé. Entre nous et en moi. Je restai cependant honnête quand elle me demanda si j’avais les mêmes soucis de dodo avec Lara. J’eus l’impression qu’elle ne m’écoutait pas, ou que d’une oreille, mais elle releva tout de même le fait que ma voix semblait rouillée, d’après mes dires. Je ris. « Visiblement. Faudrait qu’on retourne l’entraîner. » J’ouvrais alors la porte à des retrouvailles. À un retour aux sources de notre amitié. C’était un essai, mais il était peut-être trop tôt encore. Je demandai finalement à Zelda comment elle allait, pas telle une question anodine mais telle une réelle interrogation. Ça va quand j’pense pas à toi. Je baissai les yeux, serrant la mâchoire pour retenir l’émotion. Mes muscles se crispaient d’inconfort. Éviter. « Ça paraît que tu vas beaucoup à la salle. Ton corps a changé, t’as l’air vraiment en forme. Ça te va bien … » J’esquissai un faible sourire. « Tu vas faire rager les autres mamans qui viennent d’accoucher. » Ce n’était évidemment pas le corps post-partum de toutes les femmes. En rêve, sans doute. Zelda reprit à propos de ses pensées lorsque dirigées vers moi. J’eus envie de partir. Je n’en pouvais plus de ressasser ces mêmes émotions mais en même temps, je les savais nécessaires pour Zelda. « J’sais plus quoi faire non plus, Zeld’. Je te laisse vivre ce que t’as à vivre, même si ça implique que j’m’en prenne souvent plein la gueule parce que je le mérite mais … je suis fatigué de ça, aussi. J’aimerais tellement qu’on puisse … aller de l’avant, redevenir amis, pouvoir se parler sans cette constante douleur. » Mais était-ce possible ?

Je souris. C’était vrai que de nous deux, Zelda était la plus futée. J’avais longtemps été le mec peu éduqué, très naïf, pas trop au courant de ce qui se passe dans le monde. C’était encore le cas, d’ailleurs, mais je m’efforçais de lire un peu plus qu’avant, surtout l’actualité, pour comprendre un peu mieux. Et avoir l’air moins idiot aux dîners entre amis. Pour le moment cependant, mon intelligence ne m’importait peu, je savais que ma bêtise était plus grande encore, après tout ce que j’avais fait subir à Zelda. Et je sentais qu’elle avait encore tellement de retenue, avec moi. Quand je faisais un pas vers l’avant, et elle faisait deux vers l’arrière. Je sous-entendis qu’il aurait été bien de retourner au karaoké ensemble, et elle remit cette réflexion à plus tard. On verra bien. J’hochai silencieusement la tête, attristé. Je pensai bien faire en la complimentant, parce que tous ses efforts à la salle de gym portaient fruits et il était important de le souligner, mais cela la gêna plutôt. Je soupirai discrètement. « Désolé. » Dis-je simplement, commençant à trouver l’ambiance trop tendue, trop difficile à gérer. Je n’aurais pas dû accepter cette invitation à prendre un café. Zelda n’était visiblement pas prête à plus qu’un échange de garde sur le seuil de la porte de nos appartements respectifs. Sans doute regrettait-elle aussi de m’avoir invité à rentrer. Elle devait comprendre, là, en même temps que moi, que ce n’était pas la meilleure des idées. On tentait de combler un silence qui ne voulait qu’être laissé tranquille. Je regardai Zelda se lever pour aller cueillir notre petite fille dans ses bras, avant qu’elle ne me reprenne sur mon choix de mot. Je ne la laissais pas vivre ce qu’elle avait à vivre. Elle survivait. Je soupirai, à nouveau, las de cette situation dans laquelle je nous avais plongés. Quand elle mentionna Instagram, je baissai les yeux. Il faudrait que je pense à dire à Freja de ne pas trop publier à propos de nous, dans les prochaines semaines. Je comprenais que ça puisse être douloureux pour elle. « J’veux pas le rub dans ta face, hein … J’avais même pas trop … réalisé l’impact. Je parlerai à Freja. » Je pris Lara lorsque Zelda me la tendit. Je vis ses yeux embués de tristesse. Mon cœur se brisa un peu plus en l’entendant me dire qu’elle m’aimait encore. « Je suis prêt à te le laisser, tout ton temps, Zelda. » Lui assurais-je. Puis, je fronçai les sourcils tout légèrement, berçant Lara contre moi. Qu’on réessaye ? Parlait-elle de notre amitié, ou de notre amour ? J’étais amoureux de Freja, ça m’était tombé dessus par hasard, sans prévenir, mais c’était la vérité. Pour ce qui était de l’amitié entre Zelda et moi, je voulais croire que ça en valait la peine. « Tu crois que ça ne vaut pas la peine qu’on tente de redevenir amis ? » La questionnais-je pour mieux comprendre le fond de sa pensée. S’il était question de revenir ensemble, pour moi, ce n’était plus sur la table. Pas parce que je ne l’aimais plus. Zelda était une partie importante de ma vie, elle était la mère de ma fille, elle était une femme extraordinaire, l’une de mes meilleures amies. Alors oui, je l’aimais. Mais en couple, ça ne fonctionnait pas, pas pour moi. Si on réessayait, je la blesserais encore, parce que quelque chose clochait chez moi. Je ne fis qu’esquisser un sourire quand Zelda grogna qu’elle s’était morvée sur la main, puis je regardai Lara pendant que sa maman se lavait les mains. Quand elle revint et réclama un câlin à trois, je relevai un regard surpris vers elle. Une montagne russe. « Bien sûr … » Je me levai, Lara contre moi, et m’avançai vers Zelda, pas certain de savoir comment m’y prendre.

J’hochai la tête quand elle me demanda de ne pas en parler à Freja. « Ok. » Dis-je. Mais au fond, je savais que je ne pourrais sans doute pas m’empêcher d’en parler à la norvégienne. Après tout, je ne lui cachais rien et, surtout, je comprenais que ça puisse faire de la peine à Zelda alors aussi bien mettre Freja au courant. Elle déciderait ensuite de ce qu’elle ferait de l’information ; à partir de ce moment-là, ça ne m’appartiendrait plus et surtout, je ne voudrais pas lui dire quoi faire. Je pris finalement Lara lorsque sa maman me la tendit. Je vis bien sûr la détresse dans le regard de mon ex et ça me fit tellement de peine. Je tentai de ne pas le montrer dans mon regard, pour que Lara ne soit pas confrontée à nos deux visages empreints de tristesse. Je regardai ma fille avec un sourire qui se voulait le plus crédible possible, même si la situation n’était pas des plus heureuses entre sa mère et moi. J’espérais sincèrement que ça changerait, qu’on pourrait lui offrir un environnement d’amour pour se développer. Peut-être pas l’amour auquel Zelda et moi on s’était attendus, mais d’amour vrai quand même. Lara n’arrêtait pas de bouger, de couiner et de râler dans mes bras, alors je me mis à marcher tout en lui faisant faire de petits sauts, pour la calmer ou l’amuser, n’importe quoi pour éviter une crise de larmes imminente. Celle de sa maman était suffisamment crève-cœur. Elle m’expliqua qu’elle aurait aimé qu’on réessaie, et si au départ je pensais qu’elle parlait de notre amitié, je compris qu’elle parlait de notre relation amoureuse. Je déglutis. « Zelda, je … » Je ne savais même pas par où commencer, comment lui dire, comment enlever l’espoir sans lui faire encore plus de mal. « Si ça n’a pas fonctionné, entre toi et moi, comme couple, je pense que c’est pour toutes sortes de raisons et … et je pense pas que ça fonctionnerait une deuxième fois. » J’haussai les épaules, tristement. « Et … et je ne ferais pas ça à Freja, non. » Non seulement je ne lui ferais pas le coup mais, surtout, je n’en avais pas envie. La norvégienne m’avait donné un équilibre et m’acceptait comme j’étais malgré tout le bagage qui venait avec moi. J’étais un aimant à problèmes et pourtant, elle n’avait pas pris la fuite. « À moi aussi ça m’manque. Notre folie me manque. On a perdu ça à travers tous les putains d’drames, que ce soit ceux externes ou ceux qu’j’ai créés entre nous. C’est ce que j’ai toujours aimé de notre relation. Y’avait rien d’lourd, rien d’grave. » J’esquissai un sourire. Elle essuya ses larmes. « T’excuses pas, Zeld’, voyons. Je comprends. C’est normal. » J’en avais pleuré des coups, moi aussi. Juste pas maintenant. Je me joignis finalement à mon ex pour ce câlin familial, ne me reculant que lorsqu’elle reprit la parole pour parler de mon autre ex. Je sentis mon visage s’enflammer quand elle parla d’Ally qui était passée ici. Je fronçai les sourcils. La rousse voulait que mes enfants se connaissent entre eux mais moi, par contre, je demeurais dans l’ombre ? « J’en reviens pas qu’elle soit venue te voir … » Zelda m’expliqua ce qui s’était passé, ce qu’elle avait dit à Ally, et à ce moment précis je ressentis une énorme vague d’amour envers Zelda. Elle était une personne exceptionnelle. « Merci. Merci tellement, Zelda. Pour ce que t’as dit à Ally, pour t’être tenue debout pour moi, mais aussi pour toute ta compréhension par rapport à cette situation … Tu t’excuses de pleurer mais à travers tout ça t’as été tellement forte que tu peux bien pleurer toutes les larmes de ton corps ça changera rien à ce que je le pense. Et je ne peux rien prendre de ça pour acquis parce que justement, avec Ally, j’ai bien vu que ça ne tenait qu’à un fil. Alors merci, encore. Merci. » Je pris sa main pour la serrer dans la mienne, cambrant légèrement le dos pour m’assurer que Lara restait bien contre moi. L’ambiance fut plus légère le temps que Zelda nous invite à nous asseoir pour manger. Elle apporta un plateau de thé, café et brownies. Je souris. J’aimais sa cuisine. Alors qu’elle nous servait, elle ramena le sujet d’Ally puisqu’il y avait bien sûr tant à dire. Je soupirai. « Café, s’il-te-plaît. Merci. » Je cherchai mes mots. « Je ne lui ai pas parlée depuis une petite soirée de Noël qu’on avait faite pour Max. Je lui ai annoncé à ce moment-là qu’on avait eu un bébé, toi et moi. Elle a … pété les plombs … Vraiment, je ne m’attendais pas à ça. J’ai rien compris. Elle a explosé et m’a dit que je ne reverrais plus jamais Maxwell, que je dégageais de leur vie … » Dis-je avec la voix qui craqua à la fin. Après tout, je n’avais pas revu mon fils depuis plusieurs semaines, malgré mes efforts. « Je crois que je vais devoir me battre en justice pour avoir la garde de Max. C’est la seule manière, contre Ally. J’arrive pas à la raisonner. » Et vu ce qu’elle était venue dire à Zelda, je me disais que la poussière n’était pas retombée.

De toute façon faut pas ravaler son vomi. Elle le disait avec un sourire moqueur mais ce n’était plus si drôle, pas pour moi. J’esquissai quand même un sourire parce que je ne savais plus me comporter autrement que comme ce malaise ambulant qui cherche juste à toujours détendre l’atmosphère ou encaisser les coups dans le même objectif. « Ouais, c’est ce qu’on dit. » Dis-je avec une fausse légèreté, moi qui avais la gorge nouée à force de me tenir debout dans une situation aussi bizarre. Je n’aurais pas dû accepter de venir, c’était trop tôt. En même temps, quand je voyais Zelda pleurer comme ça face à moi, je ne pouvais m’empêcher d’avoir aussi envie d’être là pour elle, pour la prendre dans mes bras et sécher ses larmes, même si j’étais la cause de celles-ci. Elle s’excusa d’être à ce point émotive et évidemment je ne pouvais pas lui en vouloir pour ça, même si ça me faisait de la peine et que ça me faisait mal, je ne pouvais lui en vouloir. Je ne pouvais que comprendre. J’aurais été dans le même état, à sa place. J’avais été dans le même état, avec Ally, quand elle était partie la première fois. Et ça me ferait encore mal quand elle repartirait une seconde fois, même si l’amour n’était plus là. Lorsque Zelda me réclama un câlin, je m’approchai d’elle, la petite Lara dans mes bras, et tous les trois on se serra comme une famille se doit de le faire. Une famille atypique, certes, mais une famille quand même. D’ailleurs, il fut maintenant question d’un autre membre éloigné de cette petite famille, à la tête d’une autre famille que je composais : Ally. La maman de mon fils. Fils dont elle voulait me priver, encore. À propos des actes de cette dernière, je ne pus que prendre le temps de remercier Zelda d’agir complètement à l’opposé. Elle gardait une relation saine pour Lara et moi, et pour ça, je lui serais éternellement reconnaissant. Cela allait peut-être de soi pour certains, mais visiblement pas pour d’autres. « On prouvera à Alice que l’amour prend différentes formes et que même si on n’est plus ensemble ensemble, ça peut rester beau. » Je souris. De plus en plus de parents se séparent ou divorcent, alors ça ferait au moins un bon modèle à suivre dans cette catégorie-là. « Des gros mots ? J’dis JAMAIS de gros mots moi, c’est toi la pire ! » L’accusais-je, faussement offusqué. Je laissai finalement Zelda reprendre Lara pour qu’elle puisse la poser dans son tipi, et on passa finalement juste à côté pour prendre le café, pouvant toujours garder un œil sur la petite qui s’amusait avec les jouets au-dessus de sa tête. Je la regardai un moment, paisible, avant de soupirer et d’entrer dans le sujet épineux du moment : Ally. C’était la bataille en justice qui m’attendait, autrement je ne reverrais pas mon fils. Je craignais même qu’elle reparte à New York avec lui. « Je sais, je suis d’accord avec toi, y’a quelque chose qui va pas, j’essaie de comprendre et de me mettre à sa place mais bien franchement, j’vois pas pourquoi elle réagit aussi … intensément. » Je soupirai à nouveau, massant mon front de mes deux mains. J’en avais des maux de tête. Déjà que je dormais moins la nuit quand j’avais Lara, maintenant il y avait aussi ce problème qui me tenait éveillé. Je dévisageai Zelda en train d’imiter Ally, haussant les sourcils de surprise face à la caricature. J’esquissai un sourire quand elle imita la rousse ne pas comprendre que j’avais continué à vivre pendant toutes ces années, avec une super rouquine super-mieux. « C’est à peu près ça, ouais. » J’étais rassuré de voir que Zelda pensait comme moi, là-dessus. Qu’elle trouvait cela exagéré et égoïste, elle aussi. Je pouffai de rire en même temps que la jeune femme. Ça faisait du bien d’en rire, même pour une minute. Je serrai ensuite la main de Zelda dans la mienne quand elle affirma qu’elle me soutiendrait dans cette bataille. « Merci, Zeld’. J’en aurai besoin. Déjà que je connais rien à ces trucs, je suis un paquet de nerfs depuis … » Zelda ne connaissait peut-être pas le langage juridique plus que moi mais au moins, à plusieurs têtes, je m’en sortirais mieux. Et puis j’aurais un avocat, bien sûr. « Ouais, j’veux bien, mais je peux pas la forcer … Et si j’en fais la proposition elle risque de m’assassiner. For real. » Je pris une gorgée de café. « Tu pourrais lui en glisser un mot, toi ? Vu qu’elle est ouverte à une relation entre vous et les enfants … p’t’être qu’elle t’écouterait un peu plus … » Je baissai les yeux. « Désolé, je devrais pas te demander ça … »

J’hochai la tête. Je comprenais qu’enfant, certains concepts étaient plus difficiles à saisir que d’autres. L’amour n’était qu’un grand mot, un grand sentiment que les enfants ne connaissent qu’à travers des histoires ou des modèles dans leur entourage. Et en grandissant, ils vivent à leur tour ce grand mystère, et arrivent à le comprendre un peu mieux … ou pas. De mon côté, l’amour demeurait la plus grande énigme de la vie. Mais je comprenais aussi beaucoup mieux que le verbe aimer était plus difficile que d’autres à conjuguer. Je n’ajoutai rien à propos d’Alice, préférant me montrer outré quand Zelda m’accusait de dire des gros mots alors que j’avais toujours eu un vocabulaire impeccable – hum. J’éclatai de rire quand elle me traita de nouille géante, c’était bien la preuve qu’elle ne disait pas souvent des gros mots. Elle disait surtout des mots … drôles. « Ok, ok, je retire ce que j’ai dit, c’est pas des gros mots tes trucs, même que … j’sais même pas si on peut qualifier ça d’insultes. » Je continuai de rire, d’un rire léger. Zelda, même quand elle s’emportait, pouvait difficilement être prise au sérieux pour certaines personnes. Moi, je la prenais au sérieux, mais seulement parce que je savais fort bien que derrière ses mots mignons se cachaient une réelle colère ou une réelle tristesse. Elle était juste une trop belle personne pour l’exprimer avec des mots crus. Bref, une fois installés à la table pour le thé, Zelda me ramena à un sujet pas mal douloureux. Je soupirai quand elle qualifia Ally de personne toxique. J’opinai. « T’as bien fait de ne pas en rajouter … Juste la dernière fois, elle a explosé, et ne s’est pas trop contenue même si Maxwell dormait juste à côté alors … j’aurais pas voulu que Lara assiste à ça. Même si elle est toute petite et qu’elle comprend rien à ça, une énergie aussi négative, ça se ressent … » Et je ne voulais pas que Lara vive un stress de ce genre en sentant la tornade Ally. Raison de plus pour espérer qu’elle ne garde pas Maxwell à temps plein. Elle était tellement imprévisible, j’avais peur que ça ait une mauvaise influence sur mon fils. Mais quand même, même si Zelda ne s’en était pas mêlée à ce moment-là, j’osai quand même lui demander de parler à la rouquine de cette histoire de garde qu’elle ne voulait pas partager. Je regrettai aussitôt, bien sûr, ce n’était pas à elle de le faire. « Non, non, t’inquiète … J’veux vraiment pas te mêler à ça, je m’excuse. J’vais attendre qu’elle se calme, j’ose espérer qu’elle voudra m’en parler, en adultes, sans s’emporter. » Puis, Zelda me questionna sur ma vie …et ma relation avec Freja. Je figeai, un moment. Rien à voir avec son attitude à mon arrivée, où elle ne voulait absolument rien voir, rien savoir. Je secouai doucement la tête. « Zeld’, je respecte que ce soit trop tôt pour toi. On n’est pas obligés d’en parler. Chaque chose en son temps. Je sais que tu veux bien faire et m’faire sentir que tout ça est ok mais … mais je sais que ça l’est pas, et je comprends. » Je lui souris et lui pris la main. « Mais merci d’essayer. T’es la meilleure. L’homme parfait pour toi t’attends et il sera clairement le plus chanceux des hommes. » Je lâchai sa main pour porter ma tasse à mes lèvres.

J’haussai les épaules quand Zelda s’excusa de nous faire passer du rire aux larmes et des doutes aux angoisses. Je soupirai doucement en secouant la tête, avant d’arborer un léger sourire sur mes lèvres. « Pour une fois, pour ça, je peux remercier Ally. Elle m’a bien pratiqué à vivre des montagnes russes d’émotions. Je pense que plus rien ne peut m’effrayer à ce propos, maintenant. » Je ris doucement. Il était vrai que j’en avais vu de toutes les couleurs, avec elle. Si nous avions vécu de grosses disputes, surtout ces dernières semaines, nous avions aussi vécu de magnifiques moments, quelques années auparavant. Je n’étais pas tombé amoureux d’elle pour rien, en y restant même longtemps accroché. Notre amour avait été très, très intense. Celui avec Zelda avait tellement, tellement doux. Peut-être un peu trop pour moi qui avais été habitué à ces montagnes russes, d’ailleurs. Alors que mon ex me parlait des comportements d’Ally, de sa trêve ou de sa prise d’otage, j’hochai la tête. « On peut jamais savoir ce qui se trame au fond de sa tête. » Ally était un être complexe, je la respectais ainsi, mais il était vrai que c’était parfois trop difficile à gérer. Là, ça avait été la goutte de trop, la goutte qui avait créé une vague m’emportant loin d’elle. Ou elle de moi, à voir. Zelda me questionna alors à propos de Freja, mais je n’avais aucunement envie de remuer le couteau dans la plaie. Elle prenait des nouvelles parce qu’elle débordait de gentillesse, Zelda, mais elle ne faisait pas attention à son cœur dans le processus. Alors moi, je la protégeais d’elle-même, en laissant l’eau couler sous les ponts avoir d’aborder ma nouvelle romance. « T’es peut-être pas parfaite, mais en tout cas tu t’en rapproches drôlement. » Je ris, puis souris, et terminai mon café devenu tiède. « Je devrais sans doute y aller. Merci pour l'invitation. Et je suis content qu'on ait eu cette discussion. » Il était à peu près temps qu'on tire certaines choses au clair.