Are you somewhere feeling lonely ? (Hugo)

Cela ne faisait que quelques jours qu'elle était revenue à Bowen et déjà Tahlia avait revu quelques personnes de son entourage : Sam, Lys, Carter. Mais il en manquait un à l'appel : Hugo. Hugo et sa rupture récente. En apprenant qu'il avait rompu avec Sara, Tahlia était tombée de haut. Pour elle, c'était le couple goal, la représentation même du couple qui durait, qui donnait presque envie de s'engager (presque). Mais elle savait, elle savait aussi les côtés les plus sombres, ces heures enchaînées au boulot et cet éloignement que le jeune couple avait connu. Mais Tahlia avait cru qu'ils allaient passer au-dessus, qu'ils allaient rebondir. Elle s'était trompée. Et aujourd'hui, elle se trouvait là, pas loin du service de Hugo, cafés en main qui accorderaient une petite pause à son ami, dont c'était la boisson adulée. Il ne savait pas qu'elle était de retour à Bowen. Ce n'était pas l'envie de faire une surprise malvenue, loin de là. Elle n'avait pas été présente lors de la rupture du jeune homme. Elle voulait juste être présente aujourd'hui, lui apporter du soutien, être l'oreille qui l'écouterait ou l'épaule sur laquelle se reposer. Installée sur l'un des sièges inconfortables de l'hôpital et alors qu'un de ses collègues lui avait confirmé qu'Hugo allait bientôt prendre sa pause, Tahlia guetta l'arrivée de son ami. Quand il apparut dans son champ de vision, elle attendit qu'il passe devant elle – l'esprit sûrement ailleurs – pour l'interpeler : « On me dit qu'un café bien chaud attend Monsieur Patridge. »

Bowen, tu ne l’avais jamais quittée si ce n’était que pour des vacances en Espagne. « Tu dois connaîtrrrre la familia, Corazon. » que ta mère te répétait sans cesse. Tu y avais été jusqu’à tes dix-huit ans. Et même lors des deux dernières années, t’avais plutôt envie d’être avec Sara et de jouer à des jeux d’adultes, si vous voyez ce que je veux dire… Entre temps, t’avais pas réellement renoué avec la place. Et puis soyons sérieux deux minutes, tu viens de vivre une rupture qui t’a arraché le cœur. Elle te trompait et tu l’avais su… Tu te souviens encore du soir où tu t’étais retrouvé chez Esras. T’étais presque muet tant t’avais plus rien à dire. Cette femme que tu croyais aimer avec réciprocité, avait choisi une autre femme pour s’envoyer en l’air. Ça et puis, ton pote t’avait déjà bien aidé en disant que lui aussi l’avait vue sur Bowen Bowtie. Ton cœur avait un peu écopé de tout ça. T’avais perdu du poids, c’était visible. Tu passais du temps au gym, comme tu le pouvais et tu continuais de muscler. L’entraînement te permettait de ne pas penser. La boxe te permettait de te défouler. Quant au travail, c’était une simple routine. Bientôt, tu terminerais ton internat et ta spécialisation. T’en avais besoin, t’avais besoin de te rattacher à une certaine stabilité. Tu allais livrer un dossier en mains propres au secrétariat pour demander quelques faveurs et on t’arrêtait en entendant « ...Monsieur Patridge... » Ça avait sans doute été précédé de quelque chose d’autre, mais tu n’en savais rien. Tu avais les yeux rivés sur le dossier en question et tu relevais le regard où tu voyais Tahlia et ton cœur se réchauffait soudainement… Encore plus lorsque tu voyais les cafés dans ses mains. Tu déposes le dossier sur la chaise puis les deux gobelets qui étaient dans les mains de la brune. Tu la serrais contre toi, la faisant virevolter dans les airs. « J’croyais que tu reviendrais pas. » que tu lui admets. « Tu me donnes deux minutes? » Que tu lui demandes en pointant le dossier. « Deux minutes. » Que tu promets en disparaissant quelques instants en donnant les précisions au secrétariat pour mieux revenir près d’elle. « Comment tu vas? » que tu lui demandes en prenant de nouveau un café entre tes mains pour goûter ce liquide des dieux.

Quand Hugo posa ses yeux sur elle, Tahlia lui adressa un grand sourire chaleureux. Elle le laissa prendre les deux gobelets de café qu'il posa sur la chaise et s'empressa de s'engouffrer dans ses bras, dans une étreinte qui montrait à quel point cela lui faisait du bien de le revoir. Un rire vint même s'échapper de ses lèvres quand, poussé par la joie des retrouvailles, Hugo la fit tournoyer dans les airs. Quand ses pieds retrouvèrent le sol, elle haussa les épaules aux mots de son ami. « Tu sais bien que l'on ne peut pas rester loin de Bowen trop longtemps. Je n'aurai pas voulu que tu m'oublies. » dit-elle, malicieuse. Alors qu'il lui demanda de l'attendre deux minutes, Tahlia répondit avec un sourire : « Je t'en accorde même cinq. » Ils ne s'étaient pas vus depuis presque un an, elle pouvait bien attendre cinq minutes. Cinq minutes pour qu'ensuite il soit tout à elle. Patiemment, elle attendit qu'il donne ses instructions au secrétariat avant qu'il ne revienne vers elle. Elle lui tendit le café encore bien chaud et leva les yeux vers lui. « ça va. Ça va beaucoup mieux. »  Il lui arrivait encore d'avoir des moments difficiles, le choc psychologique de sa fausse couche n'étant pas totalement résolu, mais elle arrivait à aller de l'avant. « C'est plutôt à toi que je dois poser la question. » dit-elle avec réserve. « J'aurais dû te prendre un muffin ou un cookie pour aller avec ton café. » Elle se permit de poser une main sur son visage, avec douceur, afin de l'observer, lui et ses joues creusées. Il avait perdu beaucoup de poids et cela se voyait d'un premier coup d'oeil « Comment tu te sens ? » Elle avait une partie de sa réponse, mais elle voulait l'entendre à haute voix. Garder tout pour soi n'était pas la meilleure solution et elle comptait montrer qu'elle était prête à tout entendre. Qu'elle était là, désormais.

Son sourire te réchauffait. Physiquement et ton âme aussi, ça te faisait du bien de la voir, qu’elle soit là, proche. « Bowen c’est comme une drogue… » que tu finis par échapper puis à l’entendre, tu esquissais un sourire. « J’croyais que tu savais que t’étais inoubliable, Tahlia Wates. » Tu lui adressais un clin d’œil avant de disparaitre quelques minutes. Tu revenais vers elle alors qu’elle te tendait un autre genre de drogue : du café! Tu l’attrapais pour en boire quelques gorgées. Elle t’avouait que ça allait beaucoup mieux, tu faisais un petit sourire plein de compassion. Tahlia ne tardait pas à te retourner la question, prudente. Tu déglutissais, tu frottais tes cheveux de ta main de libre et tu détournais maintenant le regard vers le plancher. « C’est pas ma meilleure période. » Que tu te contentais de dire en haussant les épaules. Après tout, ton couple s’était séparé relativement récemment. « Attends, j’ai si mauvaise mine? » Que tu te mets à rire alors qu’elle te parle de muffin ou de cookie. « Tu sais très bien qu’un café, c’est tout ce dont j’ai besoin. » C’était vrai. Tu carburais au café. Tu avais déjà été en pire état, des fins de semestres qui t’avaient bien amoché. À sa question, tu ne savais pas trop quoi répondre. « Tu veux la version courte ou la version longue? » que tu lui demandais en soupirant doucement. « Sans blague, ça va. J’commence à me remettre sur pieds. Je m’entraîne. On vend la maison qu’on a acheté Sara et moi… J’ai un nouvel appart. C’est pas si mal. » que tu lui dis en faisant un rapide tour de piste. Avais-tu parlé de tes émotions? Moyennement, mais ce n’était pas si facile à faire pour toi. « Je m’entraîne beaucoup, ça m’évite de cumuler trop de colères. Toi, la vie t’es douce? »

« Ouais mais le genre de drogue qui fait du bien. » dit-elle avec un léger sourire, surtout quand on connaissait la longue période d'addiction qu'avait connu Tahlia en compagnie de Juliann. Elle avait clairement traversé l'enfer. Reposant son regard sur Hugo qui la taquina en disant qu'elle était inoubliable, la brune rétorqua aussitôt : « Bien sûr que si je le sais ! Mais je ne le dis pas parce qu'on va croire que j'ai la grosse tête. » Un rire joyeux s'échappa de ses lèvres. Mais les paroles du jeune homme lui faisaient un bien fou. Elle avait eu peur, Tahlia, d'être oubliée, de connaître la solitude en revenant ici, elle qui était partie comme une voleuse. Elle le laissa rejoindre la secrétaire à qui il donna des directives, avant de lui tendre son café quand il revint vers elle. Evidemment, les questions sur leurs états d'esprit étaient de mise. Et au fond, Tahlia se faisait du souci pour lui. Elle ne l'avait pas vu depuis un moment donc elle voyait les kilos perdus et les cernes qui subsistaient sous son regard. Quand Hugo lui demanda s'il avait une si mauvaise mine, Tahlia haussa les sourcils, l'air de dire tu veux vraiment une réponse ?: « Oui. Clairement. Mais t'inquiètes, tu as toujours ton charme. » Elle esquissa un sourire, se disant que c'était peut-être par l'humour qu'elle pourrait atténuer les choses, tout en disant que oui, il avait une sale tête. Buvant alors une gorgée de café, elle finit néanmoins par lui demander comment il se sentait. « Tu peux me sortir la version longue. » Elle attendait la version longue, même. Il parla de son entraînement, de sa maison vendue, de son nouvel appart. « Il faudra que tu m'invites. » dit-elle, d'abord, attendant la suite. Parce qu'il faisait un constat de ce qui lui arrivait, là, à présent, mais il ne parlait pas de ce qu'il ressentait. Alors quand il avoua s'entraîner beaucoup pour se défouler, pour ne pas accumuler toute la colère en lui, elle demanda : « Tu sais que la colère, ça bouffe ? » Elle en avait fait les frais et avait décimé son entourage avec cette émotion. « Tu en parles, au moins ? » Il était peut-être en retrait avec elle, mais peut-être en parlait-il à d'autres.