#222 - mais pas de pluie, pas de fleurs, pas de rire, pas de pleurs, je t’évite par peur - jamie

22h. Ce genre de soirée dans lesquelles j'me sens un peu vieux. Heureusement, j'ai mon compagnon habituel, un bon joint. Quand Haley m'avait proposé de passer à son appartement pour une soirée, j'avais un peu hésité. J'étais naze de ma semaine, mais j'avais du mal à résister à l'appel de la nuit. J'trouvais ça terriblement triste de rester seul à l'appartement que je partageais avec Skye. D'autant plus que cette dernière est toujours de sortie. Alors j'avais finis par accepté, ne sachant pas trop qui j'allais croiser. Mais l'ambiance était bonne, il y avait d'la bonne musique et moi j'avais trouvé ma place, sur le petit balcon. Mon joint entre mon pouce et mon index, une bonne bière fraiche dans l'autre main. J'étais accoudé au balcon et j'regardais la nuit. Dans mon dos, j'entendais la musique qui tambourinait dans le salon. Il y avait pas mal de tête connue, mais j'sais pas pourquoi, j'arrivais pas à m'mettre dans le mood. Peut-être qu'avec quelques bières supplémentaires et un peu d'ivresse, j'arriverais à décrocher. Mais en fait, il y avait la présence d'une personne qui me mettait un peu mal à l'aise. Jamie. Une écossaise, amie d'Haley à l'époque d'Edimbourg. J'avais toujours du mal à m'sentir bien quand quelque chose me rappelait cette période de ma vie. On s'était un peu parlé, mais très clairement je l'évitais. Parce que j'avais pas envie de penser à l'Ecosse, à mes parents et à tous les démons qui s'agitaient souvent au fond d'mes tripes. Alors, je tentais simplement de m'embrumer l'esprit pour plus penser à tout ça.

@Jamie Rankin

Depuis sa sortie de l’hôpital, Jamie ne s’éloignait pas d’Harry, voulant rattraper les temps perdu. Ces quelques mois loin de son fils n’avait pas été facile à vivre, tout comme découvrir ce nouveau quotidien. Rien n’était simple pour Jamie, une lutte continue entre les risques de rechuter dans la dépression. Elle ne se sentait toujours pas légitime à être mère, effrayée de ce qu’elle pouvait faire de mal. Carter l’avait encouragé de sortir ce soir et de rejoindre son amie de toujours. Haley était revenue dans la vie de l’avocate, comme une petite étincelle qui ramenait l’écossaise dans ses plus profonds souvenirs. L’écosse. C’était des vieux souvenirs d’enfance. Enfance joyeuse, Jamie se souvenait de ces quelques moments doux en famille avant de subitement déménager parce que son père était décédé. Pendant quelques années, Haley et Jamie avait réussi à rester en contact, avant de se suivre de très loin sur les réseaux sociaux quand ils sont apparus. Ne connaissant pas grand monde à cette soirée, Jamie restait plutôt discrète sirotant un thé glacé. Attiré par un autre solitaire, elle s’approchait de la fenêtre. Ramsay, elle le connaissait aussi depuis toujours, même si à l’époque il n’était que le grand frère de sa grande copine. Parfois, il jouait avec les fillettes, mais c’était il y a près de trente ans. Aujourd’hui, si avec Haley, le naturel avait repris avec facilité. Ramsay restait à l’écart, plutôt froid avec Jamie, comme si sa présence la dérangeait. « Cette odeur … elle me ramène à mes plus beaux souvenirs d’étudiante. » L’odeur du cannabis chauffé était réconfortante pour l’avocate, ravivant les flammes d’une époque insouciante. « Je peux te poser une question ? » Demandait-elle fixant son interlocuteur dans les yeux. Jamie avait encore beaucoup de travail à faire pour aller mieux. Mais elle avait gagné en sensibilité et à parler de suite des choses qui pouvaient la déranger.

Perdu dans mes pensées, je fumais le joint que je tenais entre le pouce et l'index. C'était un petit réconfort que je m'octroyais assez souvent. Après les longues et rudes journées à endosser le rôle de directeur de l'école de danse, je craquais très souvent pour ce petit plaisir. Et encore plus durant le week-end. J'avais posé ma bière en équilibre sur la rambarde du balcon quand j'entendais dans mon dos que quelqu'un s'approchait. Je tournais la tête et mon regard se posa sur Jamie. Mon corps se raidit un instant avant d'écouter ses mots. Un sourire s'afficha sur mon visage. J'étais peut-être pas très à l'aise face à elle mais j'étais pas impoli non plus. Jamie, je n'avais rien conter elle, en particulier. Elle me ramenait juste à des trucs que je préférais oublier, enterrer très loin dans mon esprit. Elle n'y pouvait rien, c'était peut-être à moi de faire un travail sur moi-même, et enfin accepter mon passé. J'lui tendais le joint. "Tiens, si tu veux t'faire un petit shot de nostalgie." Finalement, elle me demanda si elle pouvait me poser une question. Ca tiqua un peu ma curiosité. J'plantais mon regard dans le sien et j'me redressais un peu. J'sais pas si c'était de l'inconfort, ou juste que j'me préparais à toute éventualité. "Bien sûr, Jamie, je t'écoute." Ca pouvait s'voir à mes yeux que j'étais un peu tendu. Heureusement que le joint me permettait de relativiser. De quoi j'avais peur au juste ? Jamie, elle allait pas me bouffer. Elle s'entendait bien avec Haley, alors pourquoi moi, j'y arrivais pas? J'm'attendais à tout, mais sur le moment, je ne voyais pas tellement quel genre de questions elle pourrait me poser.

Jamie ne voulaits pas forcément le déranger, mais sa solitude l’attirait plus que toute la foule. Le calme était parfois important, et Jamie ne savait plus vraiment comment se comporter. Tous les codes étaient tombés et elle avait peur parfois de replonger même si elle se sentait un peu plus forte chaque jour. Cette odeur de cannabis lui ravivait l’odorat la portant dans une nostalgie lointaine mais pas que. Ça lui était arrivé à Jamie de fumer de temps en temps, ne culpabilisant pas du tout de l’illégalité du moment. On lui avait déconseillé de reprendre de la drogue ou même de boire pour les prochains mois, voir les prochaines années. « Non c’est gentil, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée pour ce soir. » Elle répondait avec un léger sourire, avant de laisser ses yeux se perdre sur l’horizon. Ne pas boire de l’alcool ou ne pas fumer, ne l’empêchait pas de continuer à faire le travail sur soi-même. Ramsay, il était distant avec la blonde, fuyant la plupart du temps son regard. Elle fut assez surprise de le voir se décaler pour lui laisser un place. L’air frais vient caresser son visage, elle en profitait pour prendre une grande bouchée d’air. « Qu’est-ce que je t’ai fais ? » Demanda-t-elle sans demi-mesure. Autant arraché le pansement d’un seul coup, Jamie avait besoin de savoir. Peut-être lui avait-elle dit quelque chose à leur nouvelle rencontre qu’il n’avait pas apprécié ? C’était dommage ce froid distant parce que l’avocate avait de bons souvenirs avec l’aîné Lockwood.

Depuis qu'elle était arrivée sur le balcon, on avait été enveloppé d'un certain calme. Comme si le bruit en fond, d'la soirée, d'la musique, des rires, nous parvenaient, mais de très loin. J'étais un peu perdu dans mes pensées quand elle s'était approchée de moi. J'lui avais souris, poliment. Pas franchement ravie de la voir. Je n'avais rien contre elle, personnellement. J'étais convaincue qu'elle était une très bonne personne. C'est juste.. qu'elle me faisait penser à l'Ecosse, et j'arrivais pas à dealer avec ça. J'lui avais proposé mon joint qu'elle avait refusé. J'l'avais alors gardé entre mes doigts, le temps de tirer une latte supplémentaire tout en entendant qu'elle voulait me demander quelque chose. Ca m'avait un peu crispé. J'suis pas très doué pour cacher quand quelque chose ou quelqu'un me dérange. J'suis bon danseur mais terrible acteur. Alors, j'attends, j'attends d'savoir ce qu'elle peut bien me demander. Jamie, elle y va pas par quatre chemins. Sa voix, elle claque presque dans le silence de la nuit. Je reste stoïque, une fraction de seconde. J'sais pas comment j'vais me sortir de ce truc là. J'peux pas mentir, mais ça impliquerait que j'parle ouvertement de mon passé, et je sais pas si j'ai la force de ça. Je soupire un peu, secouant la tête. "Tu m'as rien fait du tout Jamie." J'marque une pause. J'lui dois bien des explications. J'suis pas sauvage comme ça habituellement. J'suis pas un grand causant c'est sûr, mais éviter les gens, c'est pas dans ma personnalité. J'tourne la tête et j'plonge mes yeux dans les siens. Elle doit peut-être voir à cet instant, qu'il y a comme une once de tristesse qui s'place dans mes iris. "C'est que .. c'est pas personnel du tout, vraiment. J'sais pas ce que Haley a pu te raconter sur notre passé en Ecosse, mais il y a pas mal de truc que j'essaye d'oublier. Et quand quelqu'un ou quelque chose me ramène à cet endroit, ça me déstabilise." Déjà, j'me rendais compte que ça faisait un bien fou d'le formuler. J'savais pas trop comment elle allait accueillir ce que j'venais de lui dire. J'voulais pas qu'elle le prenne personnellement. Surtout pas.

Les thérapies l’aidaient à mette des mots sur les situations silencieuses. Le langage du corps était bien plus expressif que quelques mots balancés rapidement. Ramsay n’avait jamais été désagréable avec Jamie, mais tout son corps hurlait d’animosité. Jamie avait quitté l’écosse lorsqu’elle avait quatre ans, et ses souvenirs étaient plutôt flous. Bien sûr, elle se souvenait des jeux, des ambiances et des rires. Il y avait aussi beaucoup de tristesse avec la mort de son père qu’elle n’avait pas forcément compris à l’époque. Elle en parlait de cette époque avec sa psychologue, et avec Ramsay, il était temps de mettre les mots sur ce malaise. Jamie savait être éloquente, utiliser les mots avec parcimonie ou les lâcher avec brutalité. Elle maîtrisait les conversations pour amener les autres à son point de vue. C’était son métier, et Ramsay elle l’affrontait de front. Peut-être allait-il s’offusquer ? Jamie s’y préparait mentalement, prête à recevoir les ondes de culpabilité si jamais elle lui avait fait quelque chose. Mais elle ne voulait pas rester dans l’ignorance, préférant guérir ce problème si c’était possible. Accoudé à la fenêtre, elle scrute son interlocuteur, plutôt surprise de sa question si franche. Elle fronçait les sourcils d’incompréhension. « Alors pourquoi j’ai l’impression que tu me détestes à chaque fois que tu me vois ? » Cette fois-ci il n’y avait pas eu de réflexion intérieure, c’était une question de passion, incontrôlable. Jamie voulait comprendre et s’il n’avait rien fait, pourquoi ne l’aimait-il pas. Son regard se transformant, laissant apparaitre de la tristesse dans les yeux de Ramsay. Haley et Jamie parlaient de l’Irlande par leur souvenirs d’enfant. Les deux femmes venaient à peine de se retrouver et parlait plutôt de leur joie que du passé qui les hantait. Les Lockwood ne semblaient pas avoir eu que des bons souvenirs en Ecosse, loin de là même. Elle pouvait comprendre Jamie que des personnes ou des lieux pouvaient faire ressurgir des souvenirs douloureux. « D’accord. » Répondait-elle simplement, se rendant compte qu’elle ne pourrait rien faire. « Je ne peux pas changer le passé, ni le fait qu’on se connaisse de l’Ecosse. Je suis désolée si je ramène avec moi des souvenirs douloureux. » Elle ne lui en voulait pas, on ne contrôlait pas toujours les divers sentiments qu’on pouvait ressentir.

Moi qui pensait que j'étais assez discret quand à mon malaise face à Jamie, j'crois qu'elle avait bien su lire en moi. J'étais peut-être plus expressif que ce que je pouvais bien le croire. J'me souvenais très bien d'elle, plus petite. Haley et elle jouait beaucoup ensemble, elles étaient plus jeunes que moi. C'était encore une époque où on s'rendait pas trop compte de l'enfer qu'on vivait à la maison. Quand Jamie avait disparue de nos vies, on avait grandit et c'était devenu vraiment la misère. J'essayais de pas y penser à ces années de calvaire. Mais malheureusement, c'était bien ancré en moi. J'me réveillais, souvent la nuit, avec des espèces de boum au coeur d'angoisse. J'essayais d'les réfréner. J'essayais d'pas les écouter. J'en avais jamais parlé à personne. Pas même à Haley. Jamie, elle était revenue à Bowen, dans nos vies, et j'arrivais pas à être à l'aise avec ça. Sa question, elle était franche, un peu rude. Mais elle était largement légitime. J'lui avais assurée que c'était pas contre elle personnellement, qu'elle ne m'avait rien fait et que c'était surtout moi qui devait faire un travail sur moi même. Jamie avait l'impression que j'la détestais. J'm'en voulais à ce moment là d'avoir laisser transparaître autant de malaise à son contact. J'secouais un peu la tête, de droite à gauche, comme un signe de protestation. "J'te déteste pas, vraiment. J'ai même plutôt de bons souvenirs de toi, en Ecosse." Et pourtant, ils étaient rares les bons souvenirs. J'avais fini par lui expliquer un peu, que ce qu'elle me renvoyait, c'était de mauvais souvenirs. C'était pas spécifiquement elle, c'était ce que représentait l'Ecosse. J'avais tenté d'lui expliquer et elle semblait comprendre. Elle avait raison aussi, elle n'y pouvait rien. Fallait que j'arrive à passer au dessus de ça. Peut-être que si j'me confiais d'avantage, ça allait me libérer d'un poids. Généralement, tout garder en dedans, c'était pas bon. J'l'écoutais attentivement. "Soit pas désolée Jamie. C'est à moi d'faire un travail sur tout ça. Mais tu vois, l'Ecosse, j'l'ai fuis, à 23 ans, j'ai emmené Skye et Lewis avec moi, on a sauvé notre peau. J'essaye d'oublier tout ça, mais ça r'vient, sans cesse. C'est à moi d'faire des efforts, pour te détacher d'l'Ecosse. J'suis que t'es géniale en plus." J'souris un peu, histoire de briser un peu la glace qui nous entourait. Haley et elle étaient amies, elles s'entendaient bien, elles étaient contentes de s'être retrouvées. Jamie était quelqu'un de bien, j'en étais sûr. C'était à moi d'apprivoiser mes craintes. Et rien que d'l'admettre, ça me demandait beaucoup d'efforts.

Dans ses yeux d’enfant, les Lockwood était une famille tout à faire normal. Haley et Jamie adoraient courir toute l’après-midi dans les parcs à côté de chez elle. Parfois Thomas et Ramsay, les deux grands-frères les rejoignaient pour une après-midi de fous rire. Il ne lui restait pas beaucoup de souvenirs, le décès du père Rankin avait précipité leur départ aux Etats-Unis. Jamie n’a pas eu une enfance malheureuse, mais sa mère ne fut plus jamais la même après le décès de son mari. En quittant l’Ecosse, Thomas et Jamie devenaient presque des orphelins, perdant contact avec leur pays de naissance. Haley, elle l’a retrouvé bien plus tard et aujourd’hui les deux femmes étaient heureuses de passer du temps ensemble. Ce n’était pas le cas de Ramsay, qui se fermait totalement à la présence de Jamie. Susceptible et plus sensible, ça lui faisait un peu de peine, ne se souvenant plus du mal qu’elle avait pu lui faire. Jamie était en reconstruction, apprivoisant son nouveau rôle de mère et d’un épisode de maladie mentale. Elle avait appris à compartimenter les choses, essayer de ne plus être touchée par des choses qui pouvaient la blesser. Ramsay avait été rangé dans cette petite boîte jusqu’à ce soir. L’avocate avait besoin de savoir, parce que sa personnalité reprenait le dessus. Curieuse, têtue, elle avait ce besoin de connaître la vérité. Il ne la détestait pas. Elle fronçait les sourcils, peu convaincue de cette réponse. « Souvent quand on a de bons souvenirs avec quelqu’un on ne se renferme pas comme une huitre. » Répondait-elle avec douceur. Les mots étaient peut être francs, mais Jamie ne venait pas l’attaquer, juste comprendre. Puis elle comprit rapidement que quoi qu’elle ferait, rien ne changerait. Ce n’était pas elle le problème, mais ce qu’elle représentait. Pourtant, elle n’avait vécu en Ecosse que quatre ans, mais c’était suffisant pour que Ramsay l’associe aux highlander et surtout à son père. Elle ne pouvait rien faire. C’était comme son fils Harry, il ne pouvait rien faire même si sa mère avait été mal à cause de lui. Elle l’écoutait, se rendant compte qu’il n’avait pas les mêmes souvenirs qu’elle. Ramsay était loin d’être ce petit garçon heureux qu’elle avait dans ses souvenirs. Elle souriait à sa dernière remarque. « Pas tant que ça je t’assure. » Surtout pas ces derniers mois, Jamie n’avait rien de génial. Pendant quelques secondes, elle ne disait plus rien, soufflant légèrement. « Tu sais que ce n’est pas de ta faute … Tout ce qui s’est passé en Ecosse. Tu n’étais qu’un enfant. » Disait-elle avec un ton très calme. Il n’avait pas trop mis de détail, mais Jamie en avait déjà entendu des témoignages comme ceux-ci dans sa vie professionnelle.

Ca avait ça le plus difficile à vivre durant mon enfance: le fossé entre ce que la famille Lockwood pouvait renvoyé comme image aux autres et la dure réalité qui se tramait une fois les portes de la maison fermées. C'était pas évident pour Jamie de véritablement comprendre pourquoi j'avais une telle aversion pour l'Ecosse. Dans ses souvenirs, c'était des rires, des conneries, des gamins qui s'amusent quoi. C'était aussi ce que j'avais en mémoire quand je pensais à elle et à Thomas. Mais, quand les Rankin avait quitté l'Ecosse, la vie pour nous, Haley et moi, elle avait fait que s'empirer. Effaçant peu à peu les souvenirs doux du début de notre vie. C'était très certainement ça le plus difficile à gérer aujourd'hui. Trouver l'équilibre entre le bon et le moins bon, entre le passé et le présent. Jamie, elle avait mis les pieds dans le plat, me demandant de but en blanc pourquoi j'étais comme ça avec elle. J'avais tenté une explication et sa réplique me fit sourire un peu. J'secouais un peu la tête, avant de porter mon joint entre mes lèvres avant de répondre. "C'est pas aussi simple que ça." Ouais, j'étais distant avec elle, c'était certain. Elle avait le droit à des explications. J'écoutais ses mots qui venaient briser un petit silence qui s'était installé entre nous. J'sentais ma gorge se serrer en entendant ses mots. Ce n'était pas de ma faute. J'serrais la mâchoire, pour ne pas laisser le flot de souvenirs douloureux monter au bord de mes yeux. C'était pas une partie de plaisir de repenser à tout ça. J'secoue encore une fois la tête. "J'ai jamais compris pourquoi .. nos parents nous détestaient autant. Haley et moi. On était des enfants oui .." J'suis presque songeur. J'tourne la tête vers Jamie. J'crois que mes yeux sont devenus un peu brillants, j'sens en tout cas que ça me remue de parler de tout ça. Entre Lockwood, on en parlait pas trop, c'était un peu devenu taboo, on essayait surtout d'oublier. "J'sais pas pourquoi j'te raconte tout ça." que j'lui dis avec un mince sourire. J'retire une taffe sur mon joint et j'recrache l'épaisse fumée dans l'obscurité de la nuit. "Peut-être que tu me comprendras un peu mieux comme ça." J'aimais pas être le type mystérieux, mais j'me rendais compte que j'pouvais l'être un peu malgré moi. Je marquais une courte pause et j'lui dévoilais très probablement le plus grand secret de ma vie. "Nos parents étaient .. violents, très violents. Moralement et physiquement. Surtout avec Haley et moi." Voilà, c'était sorti. J'sais pas trop si Jamie le savait. Mais au moins, là, ça pouvait difficilement être plus clair. J'ravalais péniblement ma salive, me mordant l'intérieure de la joue pour ne pas faire tomber une larme. Regardant un peu ailleurs, pour tenter de calmer la vague de ressentis que j'sentais bien puissante.

Jamie savait que rien n’était facile dans la vie. Il y avait des blessures profondes que chaque être portait en lui. Les réactions à ces traumatismes étaient toutes différentes. On réagissait en fonction des armes qu’on possédait. Il paraissait peut logique pour Jamie de se fermer face à une personne qui avait apporter du positif dans la vie de quelqu’un. Mais Ramsay avait raison. Ce n’était pas aussi simple. Elle aussi de son côté, elle avait éloigné de Carter quand elle se sentait au plus bas. Sa guérison lui avait permis à relativiser les choses et à prendre chaque émotion comme elles venaient. « Je sais. » Répondait-elle. Pourtant, elle aimerait que tout soit plus simple. Surtout avec Ramsay. Ils se connaissaient depuis tellement longtemps. Sentant le froid sur son visage, Jamie profitait de ce moment pour rassurer Ramsay. Peu importe le contexte, rien n’était de sa faute. Il n’était qu’un enfant. Ils étaient tous des enfants. Les Lockwood étaient victimes de violence alors que les Rankin avaient connu le deuil bien trop tôt. Trente ans après, ils avaient tous avancé, et ils étaient tous devenus des bonnes personnes. Jamie avait toujours détesté les affaires concernant les familles et les enfants, parce qu’il y avait une grande injustice. La phrase de Ramsay confirmait ce qu’elle pensait. Les enfants passaient leur temps à culpabiliser des agissements des adultes. « Oui vous n’étiez que des enfants. » Depuis qu’elle était mère, Jamie se demandait dans quelle mesure ces agissements allaient avoir des impacts sur son fils. Elle s’en voudrait qu’il souffre d’actions ou de paroles qu’elle pourrait lui dire. Elle souriait légèrement à sa question. Elle non plus ne savait pas pourquoi il lui racontait tout ça, même s’il avait besoin elle l’écouterait. Mais il était lancé et Jamie n’allait pas l’arrêter maintenant. Ça lui fit mal à Jamie, d’apprendre que son amie de toujours et son frère avaient vécu des atrocités lorsqu’ils étaient enfants. Il n’y avait aucun mot, rien ne pouvait enlever la douleur qu’ils avaient subi. « Je suis désolée. » Disait-elle simplement, serrant légèrement l’avant-bras de Ramsay comme un geste de soutien. Maintenant, elle comprenait pourquoi il avait dû mal, elle lui ramenait que des souvenirs d’une mauvaise époque. « Je vais te laisser. » Disait-elle en souriant, lui montrant qu’elle ne lui en voulait pas.

Cette entrevue avec Jamie, elle était aussi douloureuse que nécessaire. J'lui devais bien des explications, par rapport à mon comportement froid envers elle. Alors j'lui avais ouvert un peu mon coeur, racontant des brides de ce qu'on avait pu vivre avec Haley en Ecosse, pour qu'elle comprenne mon point de vue et ma froideur envers elle. J'm'en voulais d'réagir comme ça, quand elle était là. Parce que généralement, j'arrivais à passer outre mon passé. En arrivant à Bowen, on avait repris un nouveau départ, ça remontait à plus de dix ans maintenant, c'était censé être derrière moi, mais il y avait des trucs que j'arrivais pas à oublier. Et ce soir là, c'était particulièrement présent dans mon esprit. Jamie, elle accueillait ce que je lui disais avec beaucoup de bienveillance. Elle a raison dans le fond Jamie, on était que des enfants à cet époque et on ne pouvait pas éternellement porté ce fardeau sur nos épaules. Mais j'crois que c'était beaucoup plus facile à dire qu'à faire. On en parlait que très peu avec Haley, Lewis et Skye, comme si on avait laissé tout ça derrière nous, enterrant ces mauvais souvenirs. Skye et Lewis ne s'en souvenaient que très peu, j'avais déjà du batailler un peu avec Skye d'ailleurs, qui m'en voulait toujours un peu de l'avoir arrachée à son Ecosse natale. Mais c'était pour son bien, j'en étais persuadé. J'avais sauvé une bonne partie de la vie de Lewis et de Skye, en y perdant moi même quelques plumes. Mais c'était pas le plus important. J'étais un peu fataliste sur cette situation, mais j'espérais vraiment pouvoir un jour passé au dessus de ça et de pouvoir entretenir une vraie relation saine avec Jamie. Haley y arrivait bien elle. J'devais en être capable. Après les révélations que j'venais d'lui faire, Jamie posa simplement sa main sur mon bras, prononçant quelques mots. J'souris un peu tristement. "T'y es pour rien Jamie." que j'lui disais doucement. Sur ce, elle se leva et je hochais la tête à ses mots. "Bonne soirée Jamie." que j'lui répondais, lui souriant en retour. J'la retenais pas, parce que là, j'avais juste besoin d'être seul. J'allais pas traîner à cette soirée, j'étais pas dans un bon mood et ce depuis le début. Il y avait des soirs comme ça, où les démons du passé étaient un peu plus puissants que d'habitude et j'étais juste fatigué de batailler contre eux.

FIN