i know you're trying to fight when you feel like flying (sahar) -tw.

Comme Sahar, Levi préférait prendre les choses à la légère, pour ne pas avoir à concentrer son attention sur la réalité des faits et leur gravité. C’était toujours plus simple d’imaginer qu’il s’en sortirait sans la moindre séquelle, et qu’il n’y avait aucune raison qu’il n’y laisse sa peau. Sauf qu’ils savaient l’un comme l’autre qu’ils se voilaient la face, que la réalité était toute autre, bien plus sombre, presque macabre et qu’il y avait même de grande chance pour que Levi ne s’en sorte pas indemne. Pourtant, l’anglais n’avait toujours pas l’intention de reculer, bien décidé à aller au bout de ses intentions, qu’importent les remontrances de Sahar qui tentait tant bien que mal de le dissuader de s’enfoncer dans le réseau. Son sort était déjà sans doute scellé aux yeux de ceux qui l’embauchaient pour rendre leurs affaires davantage florissantes et Levi avait bien compris qu’il n’était qu’un pion de plus dans cet engrenage infernal. « Toujours aussi charmantes tes remarques. » S’amusa-t-il, pointant du doigt ce sarcasme qui faisait partie intégrant de sa manière de fonctionner et de rétorquer. Il tenta de la déstabiliser, renvoyant la balle dans son camp en rebondissant sur ses mots, même s’il savait que la brune était imperturbable. « Evidemment. » Lâcha-t-il en roulant des yeux, n’ayant aucun doute sur le fait que Sahar n’avait certainement pas besoin de ça pour attirer les âmes qu’elle désirait dans le creux de ses draps. Parce-qu’il était évident que cette femme-là devait faire tourner la tête à plus d’un individu, Levi pouvant aisément en comprendre les raisons. Mais il n’était clairement pas question d’admettre ce genre de pensées devant Sahar, ni même devant qui que ce soit d’autre, conscient qu’il n’en avait aucun droit. Levi il songeait encore à la manière dont Sahar était tombée dans les substances illicites, allant jusqu’à fréquenter les bas fonds de Bowen où elle se procurait les poisons qui lui permettaient de survivre. Il ne connaissait pas son histoire, ayant à peine eu vent des maux qui la rongeaient, ceux qui la poussaient toujours plus bas, semblant l’aider à creuser sa propre tombe. Et s’il n’était pas dans le même état, à pencher pour l’autodestruction, sans doute que Levi aurait tenté de lui tendre sa main, pour au moins l’aider à retrouver son souffle, pour la sortir de cette noirceur sans nom qui désirait infecter chaque cellule de son organisme. « Pas faux. » Répliqua-t-il simplement, n’ayant aucune envie d’être comparé à ces hommes d’une quelconque manière, même si tout laissait à penser qu’il faisait partie des leurs. De fil en aiguille, leurs intérêts pour la débauche convergèrent vers le même point, parvenant à les réunir autour du comptoir pour quelques rails de poudre blanche, parfaitement disposés par Sahar, l’un après l’autre se jetant à corps perdu sur le poison tant désiré. « C’est bizarre, j’te sens soudainement moins méfiante à leur égard. » La chercha-t-il, sous-entendant que la drogue qu’il possédait l’immunisait des autres conneries qu’il avait pu faire. Levi, il savait qu’il devait rester discret malgré tout, même avec le maigre butin qu’il détenait en fin de soirée, parce-qu’il n’était jamais à l’abri qu’un membre du réseau ne vienne lui demander de rendre des comptes. « Ouais. Mais c’est pas le but. » Lâcha-t-il, conscient qu’ils jouaient avec le feu en s’adonnant à ce genre d’envies au milieu du Wojna’s, qu’ils risquaient bien plus qu’ils ne l’imaginaient. « Je vois. » Répondit-il simplement, comprenant sans trop de mal que Sahar était influencée par le besoin de ses doses, elle qui serait sans doute prête au pire pour faire face au manque. Et les premiers effets ne tardèrent d’ailleurs pas à se faire ressentir, Levi les acceptant sans le moindre mal, sentant les battements de son cœur s’emballer un peu plus. « J’vais bien. T’en fais pas, j’vais pas tomber raide mort cette fois. » S’amusa-t-il, un rictus fendant ses lèvres alors que l’intensité de son bien-être semblait s’étendre, lui faisait oublier la morosité de son quotidien. « Tu veux qu’on aille ailleurs ? » Proposa-t-il, ses yeux retrouvant ceux de son interlocutrice.

En regardant Sahar, Levi avait l’impression qu’on lui renvoyait son propre reflet, le miroir renvoyant une image bien morose, celle d’un visage fermé, épuisé par les déboires et les mauvais choix. Comme elle, l’anglais peinait à garder la tête hors de l’eau, ne trouvant refuge que dans les substances en tout genre, les seules parvenant à le plonger dans l’oubli le temps de quelques heures tout au plus. Ils avaient l’air l’un comme l’autre de deux âmes perdues, errant sans le moindre but, finissant par se retrouver au détour d’une nuit où l’insomnie s’était une énième fois invitée à leurs chevets respectifs. Et sans doute qu’il n’aurait jamais pensé Levi, repartir du Wojna’s avec davantage de doutes, ceux que Sahar avait admis dans son esprit en lui imposant un ultimatum des plus inattendus. Faire semblant de rien, laisser les ardeurs s’estomper, c’était ce qu’avait choisi Levi, conscient que leur débat ne mènerait nulle part dans tous les cas, la brune semblant décidée à ne pas le laisser s’enfoncer davantage. Ils trouvèrent rapidement un terrain d’entente dans la profondeur de leurs démons, s’accordant sur leur envie de s’anesthésier les sens, profitant des invendus de la soirée qui leur seraient plus que bénéfiques. Un seul regard échangé avait suffi pour sceller cet accord tacite, qui les plongerait un peu plus dans les ténèbres où ils avaient l’habitude de se complaire. Ils ne se firent pas attendre pour s’enfiler un premier rail, à tour de rôle, à la recherche de l’inhibition la plus totale, s’empoisonnant dans un silence respirant le désespoir. « Peut-être ouais. Mais j’pense quand même qu’il vaut mieux éviter de les provoquer. » Conclut-il, incapable de prédire la réaction de ces types qui n’avaient définitivement aucun scrupule, dont la valeur de la vie n’importait aucunement, si bien que supprimer certaines existences ne leur posait aucun problème. Sahar était sans doute moins méfiante que lui à ce niveau-là, et peut-être que son agression passée y avait son rôle à jouer, lui qui préférait prendre ses précautions et instaurer une certaine distance entre lui et ses nouveaux patrons. « Pourrir dans une cellule qui sent la mort, ça a jamais été quelque chose qui m’attire particulièrement. J’préfère qu’on évite ça, toi comme moi. » Répondit-il, préférant pour une fois raisonner ses pensées, s’imposer des limites pour ne pas sombrer davantage dans le néant. Parce-qu’il n’était pas prêt à prendre des risques aussi inconsidérés juste pour avoir sa dose d’adrénaline dans les veines, lui qui tentait de garder tant bien que mal un minimum de contrôle sur son quotidien. « C’est temporaire. J’vais pas chercher à finir baron de la drogue. » Lâcha-t-il, haussant les épaules face au ton presque amusé perceptible dans la voix de la serveuse. Finissant de faire disparaître les dernières traces de poudre blanche sur le boisé, Levi releva le visage, se laissant imprégner des premiers effets libérateurs de la substance, l’euphorie gagnant peu à peu ses veines. « Je sais pas. Dehors, sur la plage, sur la falaise, ou même chez moi. J’ai plus envie d’être ici. » Souffla-t-il, observant Sahar de ses pupilles dilatées, conscient qu’elle serait dans ses droits de refuser sa proposition, surtout lorsqu’on savait que leur relation faisait parler, alimentant des rumeurs au sein de la rhumerie.

L’idée d’envenimer la situation était de loin la pire qu’ils puissent avoir, Levi considérant qu’ils ne gagneraient rien à s’opposer directement à l’accord passé avec les hommes du réseau. Il espérait, sans doute trop naïvement, que Sahar ne vienne à changer d’avis, à se raisonner sur cette promesse qu’elle lui avait faite, cet ultimatum qui se dressait entre lui et ce monde obscur dans lequel il s’enfonçait de plus en plus. Levi, il n’avait aucun plan, se contentant de survivre comme il le pouvait, pas après pas, jour après jour, la visibilité devant lui paraissant trop incertaine pour envisager une quelconque issue. Pour l’instant, il n’avait tout simplement pas d’autre choix que de continuer à arpenter les ruelles de Bowen à la recherche de ces âmes en perdition, celles qui ressemblaient pour s'y méprendre à la sienne. Il était évident que la brune aurait profité de cette révélation pour l’enfoncer davantage, remuant le couteau dans la plaie en ramenant sur la table l’insouciance qui l’avait mené aux portes des enfers. « Tu vas me le reprocher longtemps ? » Souffla-t-il, levant les yeux au ciel le temps de quelques secondes, bien qu’il savait évidemment qu’il n’était pas en mesure de la contredire, Sahar choisissant les moments opportuns pour lui rappeler qu’il était le seul à avoir fauté. Si l’atmosphère s’était un brin détendue, Levi restait néanmoins sur ses gardes quant au lieu qu’ils avaient choisi pour consommer les invendus de la soirée, se doutant qu’il aurait été plus malin pour eux de trouver un autre refuge pour cette activité. « C’est moi qui dois me détendre maintenant… » Lâcha-t-il, presque comme une pensée qui avait franchi la barrière de ses lèvres, lui qui faisait sûrement allusion à leur échange précédent concernant le trafic auquel il appartenait maintenant. La drogue avait très certainement son rôle à jouer dans leur changement d’humeur, alors qu’ils ne laissaient aucun moment de répit à leurs corps respectifs, essuyant habilement les dernières lignées de poudre disposées sur le comptoir en bois. Levi se rendait compte qu’il n’y avait qu’avec Sahar qu’il dépassait les limites aussi aisément, sans gêne, comme s’ils acceptaient de se dévoiler sans le moindre filtre, laissant apparaître leurs faiblesses et leurs démons aux yeux de l’autre. « Peut-être, ouais. » Conclut-il, d’un bref haussement d’épaules, lui qui avait arrêté de songer aux conséquences de sa décision, au risque de s’enfermer dans une spirale dont il ne ressortirait définitivement pas indemne. « J’aurais besoin d’une associée hors pair pour ça. T’es pas libre toi, en ce moment ? » La chercha-t-il, usant du même sarcasme que Sahar, l’incluant dans cet imaginaire encore plus sordide. La réalité n’en était pourtant pas bien éloignée, même si les substances ingérées leur permettaient sur le moment d’en sourire. Levi, il sentait d’ailleurs la chaleur se diffuser dans ses veines, jusque dans chaque centimètre carré de sa peau, exacerbant ses sens, l’incitant même à proposer à son acolyte des nuits noires de poursuivre leur soirée ailleurs, là où il n’y aurait aucune menace. Il avait relevé ce petit laps de temps, cette latence entre sa question et la réponse de la brune, probablement hésitante à l’idée de le suivre autre part, jusqu’à ce qu’un léger sourire satisfait ne vienne égayer son visage. « C’est comme si c’était fait. » Répliqua-t-il, dénichant à ses pieds une de ces bouteilles empaquetées dans un carton, faisant partie des stocks de la rhumerie, la dévoilant comme un trophée dérobé. « Allez viens, on s’barre d’ici. » Souffla-t-il, lui emboîtant le pas après avoir fait disparaître les dernières preuves de leur passage, verrouillant le bar après que Sahar l’ait rejoint à l’extérieur. Sans un mot, il prit les devants pour déambuler dans un Bowen endormi, eux qui semblaient être les derniers mortels encore éveillés, cette simple idée l’enthousiasmant encore plus. Leurs pas les menèrent tant bien que mal au bord de l’océan, foulant le sable rafraîchi par la nuit bien installée, Levi jetant à quelques reprises un œil au-dessus de son épaule pour s’assurer que Sahar le suivait. « C’est moi où t’es deux de tension, là ? » Se moqua-t-il d’elle, tendant la main pour attraper la sienne, lui donnant de l’élan pour les derniers mètres à parcourir, avant qu’il ne décide de se poser, la bouteille de rhum trouvant refuge dans le sable.

Levi, il commençait à connaître assez Sahar pour savoir qu’elle n’avait pas tiré un trait sur ses erreurs, elle qui ne disait rien mais qui n’en pensait probablement pas moins. Le silence était parfois pire, et c’était sans doute le cas avec la brune dont le pardon n’était semble-t-il pas facile à obtenir. Les remords continuaient d’être présents, surplombant leur conversation à la première occasion, refroidissant l’ambiance pour faire savoir à Levi qu’elle restait sur ses gardes avec lui. Sûrement à raison. Et sa réponse lui confirma que son blason n’était pas près d’être redoré à ses yeux, la serveuse ne manquant pas de lui rappeler que leur situation catastrophique ne résultait que de ses mauvaises décisions. « Ça risque d’être long. » Remarqua-t-il, d’une attitude presque insolente même s’il savait qu’il n’avait pas son mot à dire, incapable de lui reprocher son manque de tact. Avec Sahar, il ne manquait pas de garder les pieds sur terre au moins, la jeune femme se montrant plus que douée pour lui rappeler la réalité des faits lorsqu’il tendait à l’oublier. L’ambiance moins tendue n’était qu’une façade à laquelle Levi tentait de ne pas trop s’habituer, conscient que le moindre mot de travers laisserait à la brune l’occasion de l’enfoncer un peu plus dans sa culpabilité. Alors il restait sur ses gardes, se montrant même raisonnable en évoquant le réseau pour lequel il travaillait, préférant ne pas tenter le diable davantage en consommant la totalité de ses invendus. « Et tu vas aller où ? » Demanda-t-il, mi-sérieux, mi-curieux, conscient qu’il peinerait lui-même à garder sa place au sein de la rhumerie si la brune venait à en disparaître totalement. Peut-être que sans le savoir, c’était sa présence qui le rassurait, eux qui se trouvaient dans le même bateau, traversant vents et marées avec la même difficulté, sans savoir quand reviendraient les accalmies. Pour le moment, ils se laissaient guider par leurs envies irrépressibles d’oublier leur quotidien, s’adonnant à leur activité favorite pour y parvenir, les sens déjà sans dessus dessous après s’être imprégnés de la poudre blanche. Levi, il n’avait désormais plus aucune raison de rentrer chez lui, désirant ressentir ce sentiment de légèreté emplir la moindre cellule de son organisme, jusqu’à l’oubli total. Sans savoir si Sahar était partante, il lui proposa de déserter les lieux pour continuer leur escapade nocturne ailleurs, presque satisfait de la voir accepter sa proposition. Parce-qu’il savait que ça lui coûtait au fond, elle qui n’avait certainement pas envie que leur rapprochement ne devienne un problème pour son couple, quand bien même ils n’avaient jamais dépassé aucune limite. Le corps et l’âme agités par l’effet du poison ingéré, Levi prit les devants pour fermer les portes du Wojna’s, incitant Sahar à le suivre dans la nuit noire australienne. Il se laissa guider par son instinct, par ses pas qui les menèrent jusqu’au bord de l’océan, les invitant à fouler le sable frais. Sentant sa présence derrière lui, il n’hésita pas à lui tendre la main pour qu’ils puissent se stabiliser et avancer à la même allure. « Non, en revanche j’avais pas non plus prévu qu’on arrive demain matin. » La chercha-t-il, avec le même sarcasme dont elle faisait preuve, sa main désormais liée à la sienne pour les mener jusqu’à l’endroit idéal, à quelques pas des vagues qu’ils pouvaient à peine percevoir dans l’obscurité. « Parce-que tu crois que j’suis encore dans la capacité de te noyer après tout ce que j’ai pris ce soir ? » Lâcha-t-il, un sourire moqueur à la lisière de ses lèvres, Levi prenant place dans le sable, séparé de Sahar par la bouteille qu’ils avaient dérobée au Wojna’s. « J’crois que t’es dans un meilleur état que moi pour me faire disparaître. Ça m’étonne que t’aies pas encore essayé d’ailleurs. » Poursuivit-il, ses yeux discernant sa main s’emparer de la liqueur ambrée pour l’inaugurer. « J’comptais sur toi pour nous ramener sains et saufs. » La taquina-t-il, sortant son paquet de cigarettes de sa poche pour en glisser une entre ses lèvres, laissant le paquet à proximité de Sahar si elle désirait se servir à son tour.

Levi, il doutait de pouvoir un jour se rattraper aux yeux de Sahar, convaincu au plus profond de lui-même qu’elle ne trouverait pas la force de lui pardonner ses écarts. Pour autant, ce n’était pas la raison pour laquelle il avait choisi d’endosser ce rôle plus que délétère, préférant mettre en péril sa propre sécurité au profit de celle de la brune. Et il n’aurait sans doute jamais imaginé qu’ils se retrouveraient ce soir, au comptoir du Wojna’s, au beau milieu de la nuit, à s’enfoncer davantage dans leurs viles addictions, les seules sur lesquelles ils parvenaient à s’accorder. Ça en était presque ironique, de constater que leur entente ne semblait s’effectuer que lors de ces nuits où ils optaient pour la débauche, que lorsqu’ils n’étaient qu’à demi-conscients. « Et tu peux me dire avec qui j’vais pouvoir profiter de tout ça si tu pars ? » Lâcha-t-il, presque sans réfléchir, une pointe d’humour parsemant ses mots, pour que la légèreté continue de flotter au-dessus d’eux. Malgré tout, Levi était sans doute le mieux placé pour comprendre les désirs de la serveuse, lui qui avait toujours choisi la fuite dés que l’occasion s’était présentée. Etrangement, l’idée de perdurer au Wojna’s sans Sahar lui paraissait immédiatement moins attrayante, en dépit de tout ce qu’ils avaient traversé, de leurs désaccords les plus profonds, jusqu’à leurs échanges pour le moins musclés, Sahar n’en restait pas moins sa partenaire des nuits noires. Ils avaient au moins encore une nuit pour danser avec leurs démons, la brune décidant contre toute attente de le suivre dans la nuit de Bowen, comme deux âmes errantes. Ils laissèrent la rhumerie derrière eux, faisant en sorte d’effacer les traces de leur passage clandestin, verrouillant la porte pour s’enfoncer dans la noirceur de la nuit, le corps et l’esprit anesthésiés par l’effet des substances empoisonnées. Ils savaient l’un comme l’autre qu’ils n’avaient que quelques heures pour se délecter de cette euphorie créée de toute pièce, puisqu’au réveil, la réalité viendrait les rattraper et les ramener sur la terre ferme. Il était alors question de ne perdre aucune minute de ces sensations addictives, où leurs esprits ne discernaient plus le bien du mal, ni même le chaud du froid. Sentant Sahar traîner des pieds derrière lui, Levi s’empressa de lui tendre sa main, l’aidant à fouler le sable derrière lui jusqu’à ce qu’ils ne prennent place à quelques pas de l’océan, au pied des vagues dont ils percevaient les mouvements. « C’est bizarre, j’pense exactement la même chose de toi. » Lâcha-t-il, conscient qu’en termes d’imprévisibilité, Sahar excellait tout autant que lui, peut-être même plus. C’était comme s’ils se méfiaient chacun des intentions de l’autre, incapables de prédire la suite, ni même d’anticiper la moindre réaction, puisqu’ils étaient tous les deux animés par une spontanéité qui leur portait parfois à défaut. « C’est bien ce qu’il me semblait. » S’amusa-t-il, le ton toujours teinté d’ironie, malgré les paroles morbides qu’ils se soufflaient. « J’aurais jamais imaginé que ce soit Bowen qui me sauve la vie. » Pouffa-t-il, sans se départir du sarcasme qui animait la plupart de leurs conversations, ses yeux trouvant les siens dans la pénombre, alors qu’elle s’était emparée de la bouteille dérobée. « Au pire, tu me laisses là, y’a pire comme endroit pour dormir. » Ajouta-t-il, suivi d’un simple haussement d’épaules, ses doigts retirant un bâtonnet de nicotine de son paquet pour venir l’enflammer à la lisière de ses lèvres. D’un regard furtif, il remarqua la position presque recroquevillée de la brune, l’écoutant reprendre la parole alors qu’il se délesta de sa veste, la lui tendant silencieusement. « Pour qu’ils s’en prennent à toi derrière ? C’est pas dans mes plans, non. » Lâcha-t-il, laissant la fumée blanchâtre s’échapper de ses lèvres, peu convaincu que ces types lâcheraient l’affaire aussi facilement. « T’es en train de voir si y’a possibilité que j’me casse à l’autre bout du monde ? » S’amusa-t-il, prêchant le faux pour obtenir le vrai. « A moins que tu veuilles qu’on se barre tous les deux. » La chercha-t-il, feignant un sérieux auquel elle ne croirait de toute façon pas, juste pour chercher à la provoquer comme il avait l’habitude de le faire.

Ne pas créer d’attaches, c’était ce qu’il s’évertuait à faire là où il vagabondait, là où il errait, pour ne pas rendre la fuite plus compliquée que prévu. Il fallait croire que Bowen était restée l’exception à la règle, lui qui l’avait quitté quelques années pour y revenir, comme si le destin s’était chargé de le guider à nouveau sur les terres australiennes. Levi, il était néanmoins incapable de prédire combien de temps il poserait bagages, conscient que tout ne dépendait pas que de lui, concept qu’il avait davantage expérimenté au cours des dernières semaines. Pour le moment, il osait croire qu’il avait encore une chance de perdurer, que sa sécurité n’était pas en péril au point de ne lui donner aucun autre choix que la fuite. Il tentait de se convaincre, comme il le pouvait, qu’il avait encore un minimum de contrôle sur la situation, refusant de croire qu’il était totalement livré à ces hommes et à leurs choix. Pour le moment, il se raccrochait à sa réalité, à celle qu’il partageait avec Sahar, tentant d’oublier le temps d’un instant le chaos dans lequel ils avaient sombré, lorsque sa chute avait entraîné celle de la brune. La poudre blanche les avait aidé à se vider l’esprit, remplaçant le temps de quelques heures les nuages menaçants par des éclaircies éphémères, qui finiraient tôt ou tard par s’éclipser. Et ils le savaient l’un comme l’autre, que le soulagement ne durerait pas, qu’au réveil, c’était de nouveau l’apnée qui les attendrait. Trop euphorique pour penser à l’après, Levi s’était empressé de poursuivre son chemin avec sa partenaire des ténèbres, laissant derrière eux un Wojna’s qu’ils s’étaient appliqués à laisser intact, sans la moindre trace de leur passage. Sa main trouva finalement la sienne dans la pénombre, guidant ses pas qui s’étaient faits plus lents depuis quelques minutes, y trouvant aussi une aide pour leurs équilibres vacillants. Ils trouvèrent finalement le spot qu’il jugea idéal, ne se faisant pas prier pour s’y installer, la bouteille de rhum valsant rapidement dans les mains de sa collègue. « Ça m’étonne pas de toi, ça. » Répliqua-t-il, conscient qu’à ce jeu-là, Sahar était au moins aussi bonne que lui, leurs tempéraments s’accordant assez aisément sur ces improvisations qui rythmaient leur quotidien. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. C’était le jeu et ils en avaient pleinement conscience l’un comme l’autre. « J’suis pas d’humeur à me battre là. J’ai juste envie de profiter de la nuit. » Se justifia-t-il, n’ayant aucunement l’intention d’y laisser de son sang ce soir, même dans les pires malentendus. Ses yeux valsant entre le tabac qui s’embrasait au bout de ses lèvres et le visage faiblement éclairé de Sahar, Levi fit glisser sa veste de ses bras pour la tendre à sa partenaire, sans même un mot, l’incitant silencieusement à s’en emparer. « J’en sais rien. J’sais juste que je partirais pas sans avoir réglé mes problèmes. » Parce-qu’il n’était pas le seul impliqué, et qu’il était hors de question de s’enfuir en laissant Sahar gérer le chaos dont il était responsable. La fuite aurait été une possibilité à envisager s’il avait été l’unique acteur de cet enfer, lui qui aurait sans doute dissimulé son identité pour se protéger, jusqu’à avoir la certitude complète de sa sécurité. « C’est con, hein ? Je t’ai dit, faut que tu travailles sur tes plans de meurtre plus sérieusement, j’suis un vrai parasite moi. » Renchérit-il, sans même flancher, décidant de pousser le vice jusqu’au bout, l’ironie pour seule défense. Et il ne fut pas surpris de l’entendre enchaîner, ses mots cherchant à le déstabiliser, un léger rire s’échappant de ses lèvres. « J’suis pas un adepte des meufs en couple, si ça peut te rassurer. » Répondit-il, ramenant sa cigarette entre ses lèvres, s’emplissant les poumons du poison désiré. « Ou alors peut-être que j’suis dingue de toi et que j’le cache mal. » La chercha-t-il, une énième fois, avant de rire à nouveau, elle qui n’aurait aucun mal à déceler l’ironie de ses propos. « T’as le droit de te barrer si tu veux. J’ai mes affaires à régler, on verra pour la suite. » Conclut-il, comprenant sans mal qu’Oskár était sans doute sa dernière accroche à Bowen, et que sans lui, il ne resterait que le souvenir fantomatique de sa silhouette dans les rues de la ville. « Tu sais que j'aurais été prêt à me baigner, là tout de suite. » Remarqua-t-il, sans transition, ses yeux cherchant à capter les mouvements des vagues qui s'agitaient devant eux.

Il avait compris Levi, que la dose n’aurait sans doute pas été suffisante pour Sahar, dont le corps semblait assimiler bien trop aisément les substances dont elle s’abreuvait fréquemment. La différence était encore visible entre leurs réactions physiologiques, les consommations de Levi pas encore assez régulières pour que son corps y soit déjà habitué. C’était sans doute la raison pour laquelle son euphorie était décuplée, quand Sahar paraissait plutôt calme, le suivant sans dire un mot, leurs mains se rejoignant lorsqu’ils foulèrent la plage désertée. Si son état laissait à désirer, il était encore assez conscient pour percevoir le corps de la brune frémir à côté de lui, lui tendant sa veste qui ne lui était de toute façon d'aucune utilisé, sa peau déjà réchauffée par le poison qui s’écoulait dans ses veines. « Ça passe pas que par les yeux, tu sais. Y’a rien à expliquer, j’me sens juste bien là, faut croire que t’es de bonne compagnie quand tu veux. » Répondit-il, sur le même ton que le sien, entre espièglerie et sarcasme, lui qui ne se remémorait plus avoir passé un moment aussi léger avec la serveuse depuis le soir de son agression. Parce-qu’il était clair que ces derniers temps, ils semblaient avoir pris un abonnement pour les règlements de compte, leurs échanges virulents ayant raison de leur entente. Ce soir, ils avaient semble-t-il décidé de se laisser une chance, poursuivant la nuit en laissant leurs rancœurs de côté pour la première fois depuis un long moment. « Non, ça a jamais été toi le problème. » Et c’était sans doute la première fois de la soirée que Levi se permettait une réponse dont la sincérité ne pouvait être remise en question, assumant sans la moindre hésitation sa responsabilité. C’était pour tout ça que l’anglais ne se sentait pas en droit de fuir, lui qui n’aurait jamais la conscience tranquille tant que la tempête continuerait de s’abattre de la sorte, et que Sahar en restait une victime collatérale. « Tu pourrais, ouais. Encore faut-il que tu sois à peu près vive pour me faire couler. » Lâcha-t-il, dans le plus grand des calmes, l’ironie leur permettant de planifier leurs stratégies morbides. Il savait pourtant, bien qu’ils en jouaient l’un comme l’autre, qu’une certaine rancune était enfouie quelque part, non loin de la surface, prête à ressurgir à la moindre contrariété. Son rire s’associa à celui de la brune lorsque leurs mots dévièrent sur ses interrogations concernant les intentions de Levi, lui qui s’amusa à renchérir, juste pour la provoquer, comme il prenait un malin plaisir à le faire depuis le début. « C’est cette histoire de trottoir qui te fait croire n’importe quoi. » Pouffa-t-il, ses lèvres évacuant la fumée au-dessus de lui, alors que son regard cherchait celui de sa complice des ténèbres. « Le premier à qui tu brises le cœur ? » Souffla-t-il, profitant de ses mots pour rebondir, un sourcil arqué témoin de malice qui l’animait alors qu’il restait suspendu aux lèvres de la brune, presque impatient de l’entendre riposter, lui qui n’était jamais déçu de ce qu’elle pouvait avoir en réserve. Il aurait dû deviner qu’elle chercherait à le provoquer davantage, pour le pousser dans ses retranchements, Levi parvenant à trouver cette flamme presque narquoise danser dans les iris de Sahar. « Je sais pas, peut-être tes plans de noyade. » Balança-t-il, faisant mine de réfléchir, son mégot touchant à sa fin. « Tu me suivrais, là aussi ? » A en voir sa posture recroquevillée, Levi savait qu’il avait plus de chance de se prendre un refus catégorique qu’un simple acquiescement, lui qui en oubliait presque le danger qu’ils encourraient à se jeter dans les bras de l’océan dans leur état second.

A en croire les apparences, on aurait presque pu penser que la dose qu’ils avaient inhalée avait été différente, les effets sur leurs organismes respectifs paraissant presque opposés, allant de l’inertie à l’euphorie. Il était plus qu’évident que la régularité de leur consommation y avait son rôle à jouer, Sahar étant bien plus assidue que lui lorsqu’il s’agissait de s’empoisonner le corps et l'âme à coups de remèdes chimiques. Pour autant, cette distinction entre leurs comportements n’avait pas eu raison de leur entente ce soir, les poussant même à s’enfoncer un peu plus dans la noirceur de la nuit. « Ça c’est toi qui le dis, et t’as pas l’air très objective sur ce sujet. » Répondit-il, dans cette même démarche de spontanéité, amusé par ces réflexions qui fusaient entre eux, comme s’ils bataillaient férocement pour avoir le dernier mot. Et il fallait croire qu’à ce jeu-là, Sahar était une adversaire de taille. C’était sûrement l’un des traits de la personnalité de la brune qui la définissait le mieux et qui contribuait à son charme, quand bien même Levi ne comptait certainement pas lui faire une faveur en le lui avouant. Sincère, il l’avait pourtant été en admettant tout haut qu’elle n’avait jamais représenté un problème à ses yeux, et qu’il était l’unique responsable de l’ouragan dont ils étaient victimes. Sans doute qu’une once de nostalgie avait pu être décelable dans le ton de sa voix, bien qu’il savait pourquoi il menait son combat aujourd’hui. « Je me base sur ce que je vois, c’est tout. » Répondit-il, plissant les yeux alors qu’il percevait les notes d’un ton faussement menaçant de la part de la serveuse. Il s’en amusait Levi, de leur échange et leurs propos pas très conventionnels, aux allures légèrement morbides, sans même qu’ils n’y voient le moindre problème. Depuis l’agression, il fallait croire qu’ils se jouaient encore plus de la mort, la tournant en dérision à la première occasion. Au fond, Levi ne pouvait qu’admettre qu’il appréciait cette légèreté environnante entre la brune et lui, ayant cette fausse impression que le pire était derrière eux alors qu’ils ne faisaient que l’ignorer le temps de quelques heures volées à leur réalité. « C’est l’impression que j’te donne ? D’être brisé jusqu’aux os ? » S’amusa-t-il, pouffant de cette propre réflexion qui ne mettait que très peu en valeur sa personne, bien qu’il savait parfaitement où est-ce que voulait en venir Sahar. Si elle avait pu d’elle-même distinguer les ecchymoses sur sa peau, elle avait aussi pu très rapidement entrevoir les fêlures de son âme qu’il n’avait jamais réellement cherché à lui dissimuler, équivoques de son désir permanent d’oubli et d’abandon. A sa seconde réflexion, il leva les yeux au ciel, exagérant un soupir d’exaspération avant de s’emparer de la main de la brune, la posant sans prévenir au niveau de son thorax. « C’est fou, hein ? » Poursuivit-il, dans un souffle espiègle, sa main maintenant sa paume sur les vibrations de son myocarde avant de la libérer, s’amusant des réactions provoquées par l’impulsivité de son geste. Levi, il n’avait d’ailleurs plus aucun filtre, probablement trop euphorique pour retenir ses pensées, faisant part à Sahar de son envie grandissante de rejoindre l’océan, qu’importent l’horaire peu conventionnel et ses sens décuplés. « J’me disais bien que t’étais une petite joueuse. Ça ne fait que confirmer c’que je pensais. » La chercha-t-il, haussant brièvement les épaules, entre nonchalance et insolence volontairement jouées. Sans une once d’hésitation, Levi se redressa, sa main atteignant l’encolure de son haut dont il se délesta, suivi de son jean qu’il fit tant bien que mal glisser le long de ses jambes, victime de son équilibre bancal. « T’as toujours pas changé d’avis ? » Lança-t-il, à l’égard de Sahar, redressé devant elle, prêt à succomber à l’appel de l’océan.