Il s'était décidé un peu à la dernière minute, mais à peine sorti de Bowen, Joaquim regrettait déjà d'être sur la route pour aller chez sa sœur pour le week-end. Elle avait surjoué la joie de le voir, lui avait forcé sur le sourire au téléphone, et c'est en fonçant sur l'autoroute que le blond aux allures nordiques se demandait jusqu'à quand il allaient jouer la comédie, Pen et lui. Ils se mentaient tous les deux, et Joaquim ne savait pas du tout jusqu'à quand cette mascarade allait continuer.
Pourtant, sa sœur, c'est tout simplement tout, dans sa vie. Depuis sa naissance, et même avant le petit Joa chérissait le fait d'être le grand frère, et il chérissait encore plus cette petite puce aux yeux clairs et aux cheveux blonds, comme lui. Avec à peine trois ans de différence, ils étaient devenus tous les deux plus que des frère et soeur, il étaient devenus amis. Des bêtises d'enfants, aux embrouilles dans leur cercle d'amis qu'ils partageaient tous les deux, ils avaient vécu ensemble mille et une aventures. Ils avaient toujours été ensemble, et même pendant leurs études, pas une semaine ne passait sans qu'ils ne s'appellent, et il suffisait d'un mot pour que Joaquim saute dans sa voiture et parcourt des centaines de kilomètres pour aller voir la prunelle de ses yeux.
Ils se disaient tout, leurs peines, leurs joies. Leurs crushs, que Joaquim surveillait d'un œil protecteur. Il était un peu chien de garde, et il se rappellera toute sa vie de la réaction de Pen quand il avait cassé le nez d'un de leurs copains qui avait osé regarder sa sœur un peu trop longtemps. Elle lui avait dit "tu m'étouffes!" et il avait répondu "pas encore, tu veux que j'essaye?" avant de finir par rire tous les deux du pauvre malheureux qui avait gardé une cicatrice très longtemps après l'échauffourée.
Alors, quand Penelope lui a annoncé qu'elle était tombée follement amoureuse, Joaquim était plus que sur ses gardes avec celui qui avait pris le cœur de sa sœur. Au fil du temps, Marcus avait su se faire accepter par le Blond, de toute façon, Joaquim n'avait pas vraiment eu le choix. Elle semblait tellement heureuse, que même en essayant, Joaquim n'aurait rien pu faire pour la calmer un peu. Si bien qu'il n'était que peu étonné quand ils lui avaient annoncé leur union.
Un sourire sur son visage.
Le mariage avait été superbe. ca transpirait l'amour à tous les étages, Joaquim détestait cette ambiance, mais voir Penelope dans sa robe blanche, ça valait tout l'or du monde. Elle était l'Amour, elle était la Joie, comme, il supposait, toutes les mariées le jour de leurs épousailles.

Et puis, Brisbane. Les poings serrés sur le volant, Joaquim se souvenait de ce simple texto qu'elle lui avait envoyé. "Je pars. Un poste en or. M'en veux pas". Bien sûr, qu'il lui en veut. Ils se disaient tout, tout le temps. Marcus, qui avait su percer la carapace de Joaquim. Tout laisser tomber, du jour au lendemain? Incompréhensible pour le grand frère. Même si sa soeur a toujours été plus volatile que lui, il n'aurait jamais cru qu'elle pouvait prendre une aussi grosse décision sans même lui en parler avant.

Bien malgré lui, il se sentait trahi. Qui était donc finalement cette femme, cette soeur qu'il aimait tant? Ils avaient essayé de renouer le lien, comme pendant leurs études, mais la fête était finie pour de bon. Ils espaçaient leurs appels, puis leurs sms. Maintenant que Joaquim était dans sa boîte, il ne pouvait pas aller et venir comme il l'entendait, alors, c'est une ou deux fois par an qu'il allait voir sa soeur, qui n'éprouvait pas d'ailleurs tant le besoin que ça de le voir, puisqu'elle se déplaçait pas du tout jusque Bowen.

Cette fois ci, il avait pris une chambre d'hôtel, plutôt que d'aller chez elle. Pen avait un peu tiqué, Joaquim pensait pour la forme qu'autre chose. Il ne savait pas si elle se rendait compte à quel point son départ l'avait affecté. Il n'arrivait pas à le lui dire, et elle ne posait aucune question profonde. Une fois sa chambre prise, il choisit une boulangerie et achète quelques viennoiseries, pour enfin se retrouver devant la porte de son appartement, dans un immeuble plutôt pourri, tocquant quelques coups tout en prenant une grande inspiration.
La mascarade va commencer, attention à vos yeux et à vos oreilles se disait il, au fond de lui.

Joaquim avait beau être ce grand blond froid et distant avec toute personne étrangère à son petit cercle, il était plus qu'affectueux et tendre avec ceux qui lui étaient chers. Penny était la prunelle de ses yeux depuis le jour où elle était née, il l'aimait plus que tout au monde,et n'importe qui pouvait jalouser leur complicité quand adolescents, ils faisaient les 400 coups ensemble, ou quand ils pouvaient passer des heures au téléphone. Ils n'avaient jamais eu de secrets l'un pour l'autre, alors, le départ de sa petite soeur lui avait déchiré le coeur. Qu'avait il pu bien louper? Il y avait forcément quelque chose, Penelope ne serait jamais partie sinon, elle qui était tant amoureuse de Marcus, lui qui la rendait si heureuse..

Ces questions le taraudaient encore quand Pen apparut les cheveux trempés, et le torchon bien humide à la main.

"Pen!" Un sourire s'était de suite fendu sur le visage du grand blond. Difficile de paraître trop fâché quand sa petite sœur lui avait tant manqué. Elle le faisait entrer, et après avoir rendu son étreinte,  Joaquim fronçait légèrement des sourcils en scrutant ce petit appartement sans âme, ou en tout cas, sans l'âme de Pen.

"Franchement? c'était pas une partie de plaisir. J'ai oublié mes cds, et les radios étaient juste pourries, mais bon. j'suis bien arrivé, c'est le principal"

Il ne pouvait pas s'en empêcher. Il avait essayer de faire un effort, surtout qu'il n'avait pas vu Pen depuis ce qui lui avait apparu comme une éternité, mais c'était plus fort que lui. Déjà qu'il bataillait pour ne pas hausser le ton sur cette petite sœur qui avait osé partir loin de lui, il ne pouvait pas en plus raconter n'importe quoi sur cette "si jolie route, tu verras" entre Bowen et Brisbane. Non. C'était des heures d'agonie au volant, il allait pas lui mentir.

"Mais j'suis content d'être arrivé au bout de cette peine, et surtout..." Il lui sourit de toutes ses dents en secouant le sachet de viennoiseries juste sous le nez de Penelope "j'ai de quoi me remonter le moral! Tu me fais un café noir, s'il te plaît?"
Et pendant qu'il la suivait jusque la kitchenette, il demandait nonchalemment
"Alors, c'est comment la vie dans cette ville pourrie?"