Now we need to have a serious conversation you and me ! | Manwë

Lorsque l’on frappa à sa porte, le brun émit un grognement en se relevant tant bien que mal de sa couchette sur laquelle il somnolait à moitié. Il n’aurait sans doute pas dû attaquer une énième bouteille hier soir. Peu de personnes connaissent son adresse, ils se comptent sans doute sur les doigts de la main, ces personnes privilégiées qui ont un accès son monde à lui. Sa cabane, comme il dit, au fin fond de l’espace caravaning, à l’écart des autres, au calme, presque secret. Loin des gens de la ville, c’est cette tranquillité qu’il cherche, dont il a besoin pour désormais supporter la vie. Il ne se dira jamais dépressif, ce n’était pas son genre, il avait simplement l’étrange sentiment d’errer sans but, depuis qu’il avait sa vengeance, depuis qu’il avait tué son père. Cela faisait déjà une année. Déjà.

Il se lève, avec un petit mal de tête. Il s’apprête bien à envoyer bouler ce visiteur lorsqu’il ouvre la porte dans un grincement. Ok, il vivait clairement avec rien et pourtant, il avait les moyens dès à présent de s’acheter une villa avec piscine s’il le souhaite… Ouais… Mais il ne le souhaitait pas. “ Hm… Si tu l’dis. “ Parler de quoi ? Man’ n’en savait trop rien, il ne savait pas trop où il en était niveau paiement de loyer et franchement, il s’en fichait. Ouais, il s’en foutait de tout, il s’en fichait de fermer son magasin, mais il se doutait bien que Blake n’était pas de cet avis. Si Manwë s’était toujours moqué du système monétaire de la civilisation, en pur anarchique qu’il est, ce n’était pas le cas de Blake.

Le luthier recule pour laisser le passage à son vieil ami, l’intérieur était assez désordre mais puisqu’il n’avait que très peu d'affaires, ça passait sans que ne fasse capharnaüm. Les fenêtres étaient restées ouvertes, il ne savait plus depuis quand d’ailleurs. Man se laissait vivre ces derniers temps, vivant au gré de rencontres involontaires qui lui insufflent une pulsion de vie qui s'essouffle bien vite avec la solitude. “ J’imagine que ce n’est pas vraiment pour l’plaisir de voir ma p’tite gueule que t’as fait l’déplacement, alors j’t’écoute… “ lui dit-il en s'asseyant sur la banquette, laissant à Blake la possibilité de s’asseoir sur l’une des chaises. Soit Blake avait besoin de lui pour régler un problème, soit c’était lui le problème. Dans tous les cas, il y avait un problème à résoudre ici.

Il y a quelque chose chez Manwë que je n’ai jamais réussi à comprendre, en vrai j’ai de l’affection pour lui à un certain point parce que sinon je n’aurais jamais fait autant d’effort pour l’aider à se sortir de sa merde. Je lui ai donné des chances que je n’ai jamais donné à personne d’autre, pourquoi ? Même moi je me le demande parfois. Il y a cet air nonchalant sur le visage, sa manière de parler un peu traînante aussi, je ne comprends pas comment on peut se complaire dans ce genre d’environnement. Mon regard passe sur l’espace autour du mobil-home et je secoue la tête, je n’arriverais pas à vivre ici, pas que j’ai besoin de luxe ou quoi que ce soit, mais j’ai toujours été fier de travailler, de me donner à mon boulot et si la rumeur est vrai, il a foutrement les moyens d’avoir mieux que ça. Ma visite ne semble pas le ravir outre mesure, pourtant il n’a pas vraiment le choix maintenant que je suis face à lui et je m’impose. Si j’le dis, si j’le dis… Pourquoi il essaye déjà de me faire sortir de mes gonds ? On ne rit pas de moi comme ça et surtout pas quand il y a de l’argent en jeu.

J’entre dès qu’il me laisse passer et je jette un oeil sur l’intérieur de son domicile, je m’avance ensuite lentement vers la table et je prends place sur l’une des chaises alors que Man s’installe sur la banquette. “En effet, j’suis certain que ça ne fait pas tellement plaisir de voir la mienne non plus. ” Je soupire et passe ma main sur l’une de mes joues piquantes dues à la barbe de trois jours qu’il y a dessus. Je soupire, cherchant les mots pour savoir comment aborder le tout avec Man, sans être sur les nerfs dès le départ, parce que bien qu’il soit l’homme que j’emploie pour péter des gueules de temps à autres, j’ai pas envie de devoir utiliser mes poings aujourd’hui, moi aussi je sais me défendre quand il le faut. “Ça commence à faire un moment qu’on se connaît toi et moi pas vrai ? ” Je demande comme ça, voir s’il va comprendre où je m’en vais avec ça.

C’est un peu tôt pour proposer une bière, quoique… Man aurait bien aimé ranger les bouteilles vides qui trainent, même si franchement, il enverrait clairement chier Blake s’il lui faisait la moindre réflexion sur sa consommation d’alcool. Il voulait bien être sympa et tolérer cette visite surprise, mais faut pas pousser.

“ Disons… Que j’ai pas envie d’voir grand monde en ce moment… “ Manwë avait toujours eu sa franchise pour lui, bien sûr il avait ses secrets, ses mensonges, comme tout le monde. Personne n’est jamais sincère à 100%, mais il n’était pas un homme trop malhonnête dans le fond. “ Mais puisque que t’es là. “ Il lui adresse un léger sourire, sans agressivité, c’est juste bizarre de se revoir. Le brun ne sait pas trop à quoi s’attendre, la liste des reproches peut être bien immense, il en a bien conscience, alors il ne va pas tendre le bâton pour se faire battre. Il attend de voir, c’est comme ça qu’il fonctionne maintenant.

“ Ouais, un moment… T’es venu là pour m’rappeller qu’on est vieux, hm ? “ Il lève un sourcil interrogateur avec un p’tit sourire un soupçon espiègle. Son flegme dérangeant, il l’a si spontanément qu’il ne s’en rend plus compte. Il sort un paquet de clopes et un briquet pour s’allumer une cigarette qu’il propose au grand blond.

Ok, il avait dit qu’il attendait de voir, mais il se rendait bien compte que Blake tournait autour du pot, plus ou moins.  “ Écoute, j’sais que j’ai merdé un paquet d’choses depuis l’année dernière et… Enfin bref, va s’y, dis moi c’qui va pas. Tu veux que j’ferme l’atelier ? “ Le luthier était prêt à cette éventualité, bien qu’il n’avait aucune idée de quoi faire d’autres de sa vie. Rien, sans doute. Il n’avait plus la patience d’apprendre un autre métier, ni même l’envie. Il exhale la fumée de ses poumons avant de planter son regard d'émeraude dans celui de son interlocuteur “ J’sais que c’est pas rentable pour toi, j’ai abusé d’ta patience. Encore. “ Parce que c’était pas la première fois que Blake l’aidait et qu’il fichait tout par terre. Blake ne lui devait rien, il pouvait mettre son magasin dehors s’il voulait récupérer le local, Man’ n’était pas légitime de négocier, de s’y opposer, il le savait très bien et il n’allait pas jouer au con là dessus. Toutes les choses ont une fin.

Les visites de courtoisie ce n’est pas tellement mon genre. Si je suis ici, c’est pas parce que ça me fait plaisir d’y être il faut le savoir. Je ne dis rien sur le ménage de l’homme, mais clairement il ne fait pas très souvent le ménage à voir les corps morts de ses bouteilles. Disons que je serais incapable de vivre dans un tel désordre, ce n’est pas pour rien que j’ai une femme de ménage qui vient une fois semaine pour faire ce que je n’ai pas le temps de faire et même mon fils fait attention.

« Ça ne me surprend pas… » que je lâche d’un air un peu dédaigneux, laissant mon regard détailler l’homme pendant un moment. C’est étrange que des gens réussissent à se complaire dans ce qu’ils ont et qui ne font aucun effort pour améliorer leur sort. Ce n’est pas comme s’il n’avait pas les moyens de le faire, je sais maintenant de source sur qu’il pourrait avoir mieux. Ça n’a jamais été facile de communiquer avec l’homme tatoué, je n’ai jamais su comprendre comment il pensait ou encore ce qui se passait dans sa tête et je ne suis pas certain d’avoir vraiment envie de m’y retrouver.

« Tu pense que je n’ai que ça à faire ? Venir te voir pour parler du fait qu’on vieillit ? » Je soupire avant de sortir une clope et de l’allumer. Ne me gênant pas pour le faire, je ne lui demande pas la permission. C’est mieux pour sa santé qu’il ne dise rien parce que je tente déjà de garder mon calme. Cette nonchalance qu’il a, il semble même pas avoir une petite idée du pourquoi je suis présent ici aujourd’hui. Je reste silencieux, haussant un sourcil en sa direction quand il se met à déblatérer. Je secoue la tête avant de poser ma clope dans un cendrier. Je pose mes coudes sur la table et je prends mon visage entre mes mains avant de laisser un long soupir s’échapper de mes lèvres.

« Abuser de ma patience… Depuis que je te connais j’ai l’habitude. Une chose que tu devrais savoir depuis le temps, c’est que je déteste qu’on me prenne pour un con Manwë ! » Je lève les yeux vers lui, plongeant mon regard glacial dans les siennes. « Je me suis arranger pour te sortir de la merde dans laquelle tu t’étais mise, rachetant l’immeuble pour y’a boutique, payant tes mois de loyer en retard. Et j’apprends que tu as une petite fortune qui dort dans ton compte ? Tu me prends vraiment pour un con ? » Il pouvait quand même pas penser que je ne saurais jamais tout ça ? Tout finit par se savoir, tout ! Surtout quand on a de bons contacts. « Combien de temps encore tu pensais pouvoir te foutre de ma gueule comme ça ? » Demandais-je les dents serrées. Tirant une nouvelle taffe de ma clope !

On peut dire qu’il ne l’avait pas venu venir celle-là, vraiment. Ça le contrariait assez pour qu’il redresse l’échine, pour étirer sa colonne vertébrale et essayer de dissiper les tensions de celle-ci à l’évocation de cet argent. Blake semblait avoir oublié qu’il n’avait jamais été question que le luthier soit son larbin et il avait tout intérêt à changer de ton… Vraiment. Il s’en fichait que Blake s’entrainait régulièrement à la gym pour avoir une carrure pareille, il n’hésiterait pas à lui rentrer dans le lard s’il le cherchait de trop et il le sait. Comme il l’a dit, ils se connaissent depuis longtemps, assez longtemps pour savoir qu’il n’y avait pas d’ennemis qui lui fasse peur, pas même la mafia, alors certainement pas de Blake Morgan. Il n’était pas obligé de gagner à chaque fois, souffrir ça lui fait pas peur non plus. Blake sait pourtant qu’il ne faut pas trop le chercher, parce que tout sec comme il est, il sait faire mal… Parce que Blake, il se doute bien que les rumeurs comme quoi il aurait tué son père à mains nues.
Ce ne sont pas juste des légendes.

“ C’est ça que t’es venu chercher, hm ? L’argent d’mon père… “ Franchement, il savait Blake vénal, mais certainement pas au point de venir appuyer sur quelque chose d’aussi douloureux que cet argent acquis par son père, l’argent qui transpirait d’la douleur des gens qu’il avait torturé, d’la douleur même de Manwë et de sa mère. Et Blake, il le connaissait depuis toujours, Blake, il sait à quel point tout ce qui touche son paternel est une véritable torture de l’âme pour lui. La voix du luthier était devenue plus grave, enrouée par la colère. “ Va te faire foutre Blake. J’t’ai jamais supplié pour ça, d’me sortir d’la merde comme tu dis. Ça t’arrangeait bien d’m’avoir sous l’coude pour faire ton sale boulot. Alors, si notre deal ne te convient plus : j’libère la place. Mais t’auras pas ce fric. Non. “ Alors qu’est-ce qu’il va advenir de cet argent ? Il n’en sait rien… A sa mort, il reviendra à Jules et Charlie… Il misait sur eux pour trouver la réponse à cette question.

La question qui se posait maintenant, c’était de savoir à quel point Blake voulait cet argent, s’ils allaient sérieusement devoir se battre à cause de ça… Que cet argent maudit continuera à faire ce qu’il a toujours fait : des dégâts.

Manwë se demandait à cet instant pourquoi il avait accepté de dealer avec un connard pareil, ils n’avaient rien à voir… Rien. Lui, il se fichait de l’argent, il se fichait du confort, de l'opulence, il cherchait pas à avoir plus. Il voulait juste être libre et certainement pas l’esclave d’ambition financière et il ne s'était jamais caché auprès du blond, non… Il avait toujours montré un désintérêt inégalable face à l’argent, l’incarnation de l’esprit punk. Ils ne viennent pas du même monde, mais jamais il n’aurait pensé qu’ils arriveraient à se quereller sincèrement pour l’argent. Le Morgan se mettait le doigt dans l'oeil s'il s'imaginait que se foutre sur la gueule le fera signer un chèque... A moins que secrètement, il ait toujours rêvé de ça lui aussi, se battre avec lui. Ce monde est pathétique. C'était bien pour ça qu'il n'avait aucune envie de rester à Bowen anymore, mais si seulement... Ouais, si seulement il n'y avait pas cette petite rousse.

Deux personnes complètement opposées ! Je le connais depuis longtemps, mais je n’ai jamais compris sa manière de vivre, sa manière d’être. Le manque d’ambition flagrant dont il fait part me fait hérisser les poils sur les bras ! Comment peut-on se contenter de si peu ? Il pourrait tellement avoir mieux, faire mieux ! Il a un passé compliqué certes ! Il y a des rumeurs qui courent dans toute la ville et je me doute qu’au final ce ne sont pas de simples rumeurs, mais bien la vérité toute crue qui circule ! Je suis assez bien placé pour le savoir ! Je crache le morceau sans détour, j’ai pas l’habitude de faire du fla fla et je fini par lui dire ce pourquoi je suis ici !

Oh, je vois tout de suite à son attitude que ça ne lui plaît pas ! « J’suis venu chercher l’argent que tu me dois pour tes loyers en retards ! » Je lui demande pas de racheter l’immeuble minable que j’ai acheter pour le sortir du trouble, éviter que son seul gagne pain soit mis à la rue avec toute ses choses ! Ça ne plait peut-être pas, mais je ne suis pas rendu là où je suis parce que j’ai fait la charité ! Je n’ai pas non plus demandé à personne d’autre de venir chercher cet argent en lui faisant des menaces. Il me semble qu’il devrait le savoir que je suis capable de bien pire que ça ! J’écrase ma cigarette dans le cendrier. « Tu veux que j’aille me faire foutre ? Comme c’est mignon Manwë ! Tu penses vraiment que c’est toi qui a le gros bout du bâton. Tu veux plus travailler pour moi, pas de soucis ! Tu aurais préféré que je te laisse te retrouver dans la rue ? Tu aurais préféré te retrouver avec rien ? » Je laisse échapper un soupir et me redresse pour lui faire face, serrant les poings et les desserrant pour garder une certaine contenance.

« Je suis pas venu me battre, mais te faire comprendre une chose. On ne se fout pas de ma gueule. J’ai été patient plus d’une fois avec toi. » Je sors un bout de papier de ma poche et le pose sur la table. « Ça c’est le montant de ta dette ! Je vais être gentil et te laisser quinze jours pour me trouver cette somme-là ! Tu veux pas prendre l’argent de ton père ? Je m’en contrefiche ! Démerde toi pour avoir de l'argent ! » Travailler un peu plus ne lui ferait pas de mal non plus ! On est pas tous destinés à être riche et encore, je ne suis pas le pire de tout ces mecs embourgeoiser, j’ai encore un coeur contrairement à bien d’autres grand de ce monde !

Ses mains tatouées glissent sur la table pour prendre ce morceau de papier, c’était beaucoup de mise en scène pour pas grand chose selon lui, mais il joue le jeu sans faire de commentaire pour cette fois. Il n’avait rien répondu plus tôt, parce qu’il n’avait pas la réponse à la question posée. Est-ce qu’il aurait voulu se retrouver avec rien ? Il ne sait pas… Il est doué pour se saboter lui-même, ça il le sait… Parce que réussir quelque chose dans sa vie, c’est pas habituel, lui, il est habitué au chemin de l’échec et le reste, c’est un peu trop l’inconnu pour lui. Posséder quelque chose, c’était presque effrayant pour lui. Posséder, ça induirait la possibilité de perdre… Et perdre… Il l’avait assez vécu pour savoir que ça fait mal, ça fait encore mal aujourd’hui, d’avoir perdu sa mère si jeune…

Ses yeux verts observent la somme réclamée, il ne s’était pas même rendu compte d’être à ce point en retard dans ses paiements. Il reste silencieux le brun, il réfléchit à cette situation, à sa vie en ce moment. Puis il relève ses émeraudes pour regarder son interlocuteur. “ Il y a cette fille… “ Certainement que ce cher Blake ne s’attendait pas à un début de réponse comme celle-ci. “ Elle veut travailler à l’atelier, même si j’peux pas la payer pour le moment. “ Il pourrait, avec l’argent de son père. Ça lui faisait mal au crâne d’ailleurs, cet argent, ce qu’il devait en faire… Ou pas. Donner l’argent du sang de sa mère, d’autres sans doute… Non. Il ne le pouvait pas. C’était au-dessus de ses forces. “ J’me suis rendu compte qu’elle avait c’truc que moi j’ai pas… Elle y croit à cet endroit. “ Parce que lui, il s’était définitivement lancé dans l’affaire persuadé que ça ne durerait jamais, d’ailleurs, ça n’aurait jamais été le cas sans Blake. Lui, il n’y avait jamais cru, pas une seule seconde. Mais dans ce qu’il ne disait pas, ça se comprenait que cette fille, il avait pas envie de l’abandonner. Est-ce qu’il avait déjà exprimé ce genre de choses ? Certainement pas, il l’avait toujours joué solo, parce qu’il ne savait pas avant Maddie, qu’il avait besoin d’elle… Mais pas à n’importe quel prix. “ J’te demande pas d’comprendre pour l’argent d’mon père, pour toi… D’l’argent c’est juste de l’argent. D’ailleurs Blake, c’te somme c’est quoi pour toi ? Rien sans doute. Tout au plus, l’symbole du respect que j’dois avoir pour toi, hm ? Tu peux me croire que si j’te donne cet argent, c’est comme si j’te pissais à la raie, mon pote. Donne moi un mois et t’auras la moitié de ça. Sinon tu sais quoi ? Ok. D’accord. J’vais te faire un putain de chèque et c’est terminé. “ Au moins, ça se terminera en lui pissant dessus symboliquement. Pour la suite ? Il se débrouillera, il s’est toujours débrouillé. La balle était dans le camp du grand fortuné, c’était bien ce qu’il voulait après tout ? " J'suis pas un chien errant auquel on lance un os en se sentant Bon seigneur tu sais, j'm'en sortirai. Alors, tu l'veux ce chèque ou pas ? "

L’argent n’est pas un problème pour moi, elle l’a été durant mes premières années de travail avant d’être capable de vivre confortablement. J’ai toujours travaillé fort pour ce que j’ai et ce n’est pas demain la veille que je vais arrêter. Même si au fond, je pourrais presque prendre ma retraite demain matin sans avoir à m’en soucier. Sauf que ce n’est pas dans mes plans et si j’en suis là, c’est que j’ai toujours fait attention à où j'investirais. Quand j’ai pris la décision de racheter l’immeuble et de payer les loyers en retard de l’homme assis face à moi, je savais que je n’aurais pas d’énorme retour sur l'investissement, mais j’ai voulu l’aider. Jusqu’à ce que je me rende compte qu’il aurait facilement pu se sortir de la merde par ses propres moyens. C’est ce mensonge que je ne tolère pas. Je l’observe alors qu’il ouvre le papier contenant le montant des loyers impayés.

Croisant les bras sur mon torse, je me lève, fixant la réaction de l’homme qui reste silencieux, curieux de voir ce qu’il va finir par dire. On ne sait jamais avec lui dans quelle direction ça peut aller. C'est quelque chose que j’ai appris avec le temps et puis, je reste silencieux… Je ne mets pas d’huile sur le feu, je fronce cependant les sourcils quand il me parle d’une fille qui veut travailler avec. “Tu peux pas, juste parce que tu veux pas utiliser cet argent qui dort ? Il faut que tu fasses quelque chose cette place va finir par couler, déjà si elle réussit à remonter un peu la place ça ne fera pas de tord et tu seras probablement plus à même de payer le loyer à temps ! ” Putain, ce mec sait vraiment pas comment les affaires marches, il veut pas prendre l’argent de son père, mais s’il l’investissait il pourrait ne même pas le toucher et vivre mieux juste avec les intérêts ! Bordel, c’est n’importe quoi, je n’ai jamais vu quelqu’un refuser de l’argent qu’il n’a même pas eu à bosser pour. “C’est pas ce que c’est pour moi, putain Man, j’suis un homme d’affaire, cet argent que tu me dois en ce moment je peux pas le faire fructifier. Je te l’ai prêté sans intérêt et j’ai l’impression que tu te fous de ma gueule, en plus c’est comme si tu te cachais de moi en ce moment. T’as quelque chose à te reprocher ?” Je pense pas qu’il me respecte vraiment, donc même s’il me pissait à la raie ça changerais pas grand chose dans ma vie. Je continue de le fixer et je décroise les bras en soupirant. Le regardant de haut en bas et secouant la tête. “La moitié de la somme dans un mois. Pas un jour de plus. Si je n’ai rien par contre je vends l’immeuble et tu devras t’arranger avec le nouveau propriétaire pour essayer de garder la boutique. Il faut que tu te bouge un peu, tu peux pas rester comme ça ad vitam eternam.” J’lui laisse une chance, il ne veut pas l’utiliser parfait, mais je veux l’argent en retard le plus rapidement possible. Point final.

Non, il ne voulait pas utiliser cet argent, ça le rongeait ce fric, plus qu’il ne voulait bien le dire. Il n’avait jamais eu beaucoup de moyens, depuis son enfance il vit dans des taudis. Son père avait laissé enfant et femme croupir dans un appart merdique pendant qu’il s’offrait des weekend dans des villas de luxe, c’était ça, la douloureuse vérité. Manwë se demandait si sa mère avait su, pour l’argent. Elle devait, puisqu’elle le suppliait souvent de lui payer sa drogue, il avait les images en tête, les pleurs, les cris… Ça ne le quittera jamais. Cet argent aurait pu la sauver, elle aurait pu aller dans le meilleur centre de désintox du pays. La vie aurait pu être autre chose, mais non… Cet argent était là, sur son compte à lui désormais, incapable de savoir quoi en faire si ce n’est… Rien.

“ Sans doute… “ Répondit-il au sujet de Maddie, de cette fille qui avait toute la motivation qu’il n’avait jamais eu à faire en sorte que quelque chose fonctionne pour une fois dans sa vie. Alors, porté par ce souffle de volonté, il finit par proposer un chèque ou une nouvelle alternative de remboursement que Blake accepte, le deal est scellé d’un hochement de tête du luthier. Un mois, la moitié. Ça va être tendu, mais pas infaisable. “ J’me cache pas de toi, Blake. “ Il ne se cachait de personne, ce n’était pas le genre de la maison. “ Après cette histoire de meurtre… J’voulais seulement m’faire oublier et peut-être bien faire couler cet atelier, ouais. J’voulais ne plus avoir de raison de rester ici, à Bowen. “ Au moins cette fois Blake avait ce qu’il voulait, de l'honnêteté. C’était presque une confession à ce niveau là, un quasi-miracle. Le grand tatoué attrape un paquet de clopes sur le plan de travail derrière lui pour s’en allumer une à son tour. “ Mais j’crois qu’il y aura toujours quelque chose pour m’empêcher de partir. “ Ou plutôt, quelqu’un, mais ça, Blake l’comprendra très bien tout seul. Pas cette fille du magasin, Maddie, bien qu’en partie… Sans doute… Maddie avait encore besoin de lui, il le savait. Mais il pensait plutôt à cette autre fille, trop jeune pour lui, Hazel. Elle lui a fait gouter aux couleurs de la vie qu’il n’avait jamais connues dans le passé et y’avait pas moyen de se la retirer d’la tête.

Il fallait qu’il reste, encore un peu.

“ Et m’refait pas l’coup du big boss méprisant Blake, j’suis sérieux, pour notre sécurité respective, on dirait mon défunt géniteur. “ Non, cette démarche venant de Blake ne lui plaisait le moins du monde, il lui disait cela avec un calme presque glaçant. Ce n’était néanmoins pas une menace, juste une information. Manwë était assez bien luné aujourd’hui, mais il lui déconseillait fortement de le titiller trop souvent de la sorte. Ils savent très bien pourquoi il n’a jamais pu supporter d’ordre, de hiérarchie ou même les règles en général et désormais, il lui arrivait souvent d’oublier où était la limite.

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Avoir une pierre à la place du coeur, il est possible que ce qu’on dise de moi soit vrai au final. Je pense plus à l’argent et aux bénéfices qu’à ce qui se cache derrière les excuses. J’en ai rien à foutre de son père ou de ce qu’il a pu faire. Je ne suis pas non plus complètement insensible, je suis certain qu’il a briser son enfance, mais justement, raison de plus pour utiliser cet argent et pisser sur sa tombe, faire ce qu’il peut pour se sortir de cette situation de merde.

Je ne sais pas comment il fait, mais il a de la chance le con, il réussit toujours à se sortir des situations les plus improbables. Il y a le tas d’histoire qui le suit aussi, dans son sillage les gens parlent dans son dos, mais il réussit quand même à avoir ce qu’il veut. Là, il pense même avoir de la relève, bien qu’il ne puisse pas la payer. Je me demande bien qui est cette gamine et ce que ses parents ont pu lui apprendre pour qu’elle accepte de travailler sans rémunération. M’enfin. C’est son problème, je ne vais pas aider tout le monde non. Je ne suis pas la banque de charité, j’accepte à contre-coeur le deal qu’il me propose, mais je ne jouerais plus après ça. S’il ne respecte pas, il devra assumer les conséquences de ses actes. “Tu as intérêt à ne pas te cacher, mais te faire oublier des autres c’est une chose, tu sais je n’en ai rien à foutre de ce que tout le monde raconte. Si tu voulais faire couler cet atelier pour filer après, tu aurais pu me le dire et on aurait trouver le moyen pour que tout passe sur le dos du vandalisme et j’aurais pu empocher ce que tu me dois et avoir un petit quelque chose pour ta boutique avant de partir. ” Il sait que j’aurais pu l’aider avec ça, sans qu’on perde de l’argent lui et moi. Il sait qui je suis et ce dans quoi je peux tremper. “Les limites tu te les mets toute seule, si tu voulais vraiment partir tu ne serais plus ici déjà.” Je soupire fortement, me lève et prend appui contre le comptoir, les mains derrière moi.

“J’ai rien à voir avec ton géniteur, c’était peut-être pas la bonne tactique, mais ça t’a fait réagir et j’espère que tu vas faire quelque chose pour t’aider à améliorer ton sort un peu. Putain, depuis le temps que je te connais, je t’ai jamais laissé couler mais j’peux pas tenir comme ça encore. Tu penses peut-être pas le mériter, mais t’as le droit aussi de réussir quelque chose et arrête de te cacher derrière des excuses. ” Il faut qu’il se brasse un peu, il peut pas être heureux en vivant comme ça non ?

“ Hm, faut croire que c’est pas ma spécialité d’savoir traficoter pour gagner l’gros lot ? “ qu’il lui répond concernant cette histoire d’arnaque à l’assurance, plus ou moins, car vandalisé, le magasin l’a été. Manwë avait passé beaucoup de temps à tout restaurer, probablement que cette énergie déployé avait rassuré Blake à croire que le luthier comptait bien faire fonctionner cet atelier. Mais une fois les travaux fini, les lieux bien plus beaux que dans le passé, il s’était évaporé le p’tit Druid. Sans motivation, aucune. Jusqu’à Maddie. C’est bête, parce que dans le fond, elle fait pas encore grand-chose à part changer des cordes, mais pour lui, ça change beaucoup. Il s’est habitué toutes ces années à être seul chez lui, seul au travail, seul au milieu de gens… Sa vie changeait, il ne savait pas si c’était une bonne chose, mais il devait essayer au moins de suivre un peu ce changement. Ouais, il allait essayer cette fois.

Il esquisse un faible sourire “ Peut-être que je n’veux plus vraiment partir… “ Partir, se serait laisser Hazel derrière lui. C’est ce qu’il devrait sans doute faire pour elle, pour qu’elle ne s’attache pas à lui, un vieux quarantenaire avec un passé beaucoup trop lourd. Ce passé, elle l’a accepté, elle l’en a protégé même auprès des flics. “ Définitivement pas la bonne tactique mon vieux, même si j’ai jamais vraiment compris pourquoi tu m’a jamais laissé couler. “ Son regard dans celui du blond, il lui signifie clairement qu’il n’a pas envie de connaitre les motivations du plus âgés à son égard. Il ne fait pas de profit, certes, Man lui avait été utile plus d’une fois pour régler des comptes à des gars, parfois juste des mauvais payeurs, comme lui. Comble de l’ironie. Pourquoi lui ? Franchement, il est persuadé qu’il y a des choses qu’il ne vaut mieux pas savoir. “ On s’habitue à ça, c’te merdier autour de toi. J’sais bien que tu t’imagine pas passer un jour ici, moi j’ai passé ma vie comme ça, j’vivais déjà dans des squats avec ma droguée d’mère. J’veux pas vivre comme un prince, j’suis bien ici. “ C’est familier, c’est tout ce qu’il a jamais connu, et dans des logements classique ça fait trop haut de gamme pour lui, pour qu’il se sente chez lui. “ La p’tite, elle se sent bien dans cet atelier. J’crois qu’elle se sentait bien nulle part ces derniers temps... J’vais pas laisser couler cet endroit Blake, parce que ça sera à elle un jour. “ Il achève sa clope sur ces belles paroles, jamais il n’a montré autant de motivation pour son travail qu’à ce jour. “ T’avais autre chose à m’demander ou on est bon ? Oh… A moins que tu veuilles me parler de ta p’tite vie pendant que tu m’as sous l’coude ? “ Il sourit, ils ne parlaient pas souvent de ce genre de choses, déjà parce que Man n’avait soi-disant jamais rien à dire et deuxièmement parce qu’ils se voyaient bien peu de manière générale….