oops, i did it again (joséphine)

Un bon matin pour aller faire un footing, n’est-ce pas ? C’est ce qui était prévu du moins. Pas de classe ce matin, seulement quelques heures de cours cette après-midi alors tu avais le temps de faire un peu de sport. Et puis, si tu faisais pas de sport, tu allais t’en vouloir. Dès que tu avais du temps libre et que tu voyais le soleil pointer le bout de son nez, tu préférais sortir prendre l’air que de rester enfermer à jouer de la musique pendant des heures. Alors que tu n’étais qu’un loup solitaire, le grand air te faisait du bien des fois. Mais pas cette fois. Ça faisait bien une quarantaine de minutes que tu courais dans le quartier, et tu commençais à fatiguer. Mais il fallait encore vingt minutes avant que tu rentres chez toi. Sauf que ça n’allait pas se passer comme ça. Fatigué, un peu touché par le soleil, tu perdais rapidement l’équilibre. Tu n’avais pas vu la stupide roche qui n’avait rien à faire sur le trottoir.. « Eh merde » dis-tu en tombant comme un abruti. Bon, bah voilà, la première belle gamelle à Bowen. Il en fallait bien une. Mais elle te faisait mal ta cheville, c’était pas bon signe. Alors tu restais par terre quelques instants, espérant que quelqu’un sorte de sa maison pour venir t’aider. Mais bon, tu pourrais rester là des heures, ça se trouve personne n’allait venir t’aider.

@Joséphine Gibson

Le réveil était bien dur ce matin, la bouche pâteuse, Jo avait l’impression qu’un étau appuyait sur sa tête. La veille, elle avait abusé en prenant un xanax et un antihistaminique. Elle le savait pourtant qu’il ne fallait pas trop combiner les médicaments, mais le sommeil avait tardé à arriver. Il lui fallait du repos, éviter que ces pensées parasites viennent l’envahir. Elle envoyait juste un petit message à son cabinet pour les avertir de son retard. Elle n’avait de compte à rendre à personne, elle faisait amplement des heures supplémentaires. Posée devant la fenêtre sa cuisine, elle dégustait son café, un remède contre cette fatigue latente. Jo elle était dans une pente trop raide, prenant de plus en plus de petites pilules pour s’endormir. Elle refusait de consulter qui que ce soit, un psychologue pourrait trouver ces failles d’enfance, rien ne pourrait réparer la perte de sa fille et de sa famille. C’était avec ses pensées qu’elle observait l’extérieur, et elle vit un jeune homme se ramasser par terre. Une vraie chute, le genre qui fait mal mais un peu ridicule. Sauf qu’il ne se relevait pas. Jo ne réfléchissait pas, sortant pour voir si l’homme irait bien, c’était une rue maudite. En trente secondes, elle était dans la rue. « Est-ce que tout va bien ? » Demandait-elle, un peu inquiète.

T’étais tombé comme une merde sur le trottoir pendant ton jogging. Il fallait vraiment que ça t’arrives, un matin de semaine où tout le quartier devait être entrain de travailler et que personne ne devrait être chez eux. Alors t’étais sur ton bout de trottoir, entrain de regarder les dégâts sur ta cheville droite. Mais quel idiot… pensas-tu à voix basse. Alors que tu étais entrain d’enlever ta chaussure avec difficulté, sans te faire mal, tu entendais quelqu’un qui sortait d’une maison aux alentours en te demandant si tout allait bien. « J’aimerai bien vous dire que oui, mais je vous mentirai » dis-tu avec un léger rire nerveux. Tu enlevais enfin ta chaussure et ta chaussette et tu voyais que la cheville avait un peu gonflé. Eh merde, comment t’allais faire maintenant ? « Vous auriez un peu de glace s’il vous plait ? Histoire que ça gonfle pas pendant des heures ? » demandas-tu à la jeune femme en l’implorant légèrement du regard.

Joséphine ne trouvait rien de beau dans cette rue. Elle ne se souvenait pas de l’après-accident, mais bien de l’avant. Par contre, elle revoyait régulièrement ce camion qui fonçait droit sur sa voiture. C’était avec ces pensées là qu’elle vit le jeune homme tomber par terre. Elle déposait son café sur le rebord de son plan de travail avant de le rejoindre. Jo commençait par une question stupide, non il n’allait pas forcément bien, il ne s’était pas relevé depuis sa chute. Il enlevait sa chaussure et chaussette et Jo vit la cheville enflée. C’était une vilaine entorse. « Oui oui bien sûr ! » Elle retournait vite fait à l’intérieur pour récupérer un paquet de petits pois congelés qu’elle n’avait pas utilisé depuis des années. Elle prit son téléphone pour appeler les pompiers, les anciens collègues de son ex-mari. En sortant, elle retrouvait le blessé. « Tenez. » Disait-elle en souriant légèrement. « Les pompiers sont en chemin. » Disait-elle doucement, un peu paniquée tout de même de revoir des figures de son passé.

Ça sentait la belle entorse que tu venais de te faire. En enlevant ta chaussure ainsi que ta chaussette, tu voyais bien que ta cheville avait un peu enflée. L’arrivée d’une jeune femme dans la rue te faisait plaisir, quelqu’un t’avait entendu et tu allais pouvoir commencer à te soigner. « Merci, c’est adorable » dis-tu avec un sourire quand la jeune femme se dirigeait vers chez elle pour aller te chercher de la glace. Tu savais pas comment tu allais rentrer chez toi, ni surtout comment mais au moins, tu n’allais pas rester tout seul sur ce bout de trottoir en étant handicapé. Elle revenait rapidement avec un paquet de petit pois congelés que tu posais directement sur ta cheville. Et en plus de ça, elle te signalait qu’elle avait appelé les pompiers. « Oh merci beaucoup, mais il fallait pas appeler les pompiers, j’vais pouvoir me lever au bout d’un moment et rentrer » dis-tu avant de poser le paquet sur ton pieds. Tu grimaçais lorsque tu posais le froid contre ta cheville endolorie. « Ouais, si en fait, c’est peut-être nécessaire » dis-tu avec un rire. Heureusement que tu avais passé ton date avec Arielle dans les montagnes quelques jours avant, t’avais pas trop besoin de ta cheville en ce moment mis à part pour taper sur ta caisse claire sur ta batterie.

Il y a bien longtemps qu’elle n’avait pas aidé une personne dans cette rue. La dernière chute dont elle avait dû panser les blessures avaient été celles de sa fille. Jo prit deux grandes respirations avant d’appeler les pompiers. On lui avait raconté son accident, les collègues de Tommy, les cris et les pleurs. Jo ne se souvenait de rien puisqu’elle était inconsciente à ce moment là. Derrière le combiné, elle donnait l’adresse, raccrochant assez rapidement pour pas qu’on lui pose des questions. Puis elle retournait voir le blessé. Evidemment, il lui affirmait que les pompiers n’étaient pas nécessaires, jusqu’ à ce qu’il pose la glace sur sa cheville. Jo riait. « Oui c’est nécessaire ! » Disait-elle avant de s’asseoir sur le trottoir. « Je vais attendre avec vous ! » Et dès qu’elle verra le camion, il filerait vite chez elle pour éviter de croiser une personne qu’elle connaissait.

Fallait bien que ça t’arrives à un moment donné. Tu te retrouvais comme un imbécile, assis par terre à attendre que la jeune femme qui t’avait remarqué revienne avec de la glace. Une fois la poche de glace posée sur la cheville, tu ressentais le besoin d’être aidé par les pompiers et ça faisait rire la jeune femme. « J’voulais faire le bonhomme qui a pas mal mais en fait ça marche pas » dis-tu en joignant ton rire au sien. Tu t’asseyais un peu mieux sur le sol, et la brune faisait de même. « C’est gentil, merci » dis-tu avec un sourire. Elle avait l’air de compatir à ta chute. Alors un petit blanc s’installait entre vous. En même temps, tu ne la connaissais pas et c’était pas super comme rencontre, t’avais bien l’air d’un idiot. « J’m’appelle Zach au fait » dis-tu avec un sourire en coin, brisant le silence qu’il y avait entre vous.

Jo avait été perdu dans ses pensées. Elle s’enfermait, refusant de laisser entrer son ancienne famille, ses anciens amis de nouveau dans sa vie. Elle en gérait rien du tout. Ce jeune homme, il avait réussi à la faire sortir, lui offrant la possibilité d’être elle, sans qu’on ne l’associe à la perte tragique qu’elle avait vécu. Elle riait à sa remarque et à son entêtement de vouloir se lever. « Les hommes parfois. » C’était plus une blague, au moins il avait conscience que ça ne marcherait pas cette fois-ci. A son tour elle s’asseyait, attendant les pompiers. Il ignorait qu’elle allait fuir, de peur de tomber sur un ancien collègue de Tommy. Même si elle n’avait aucun souvenir de l’accident, elle n’avait aucune envie de voir leur regard de pitié. « C’est normal, je ne vais pas te laisser seul avec les petits pois. » Elle souriait. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas sourit Jo. Il se présentait, et c’était l’occasion pour Jo de se présenter, dans cette ville où beaucoup de personnes la connaissait. « Jo, enfin Joséphine mais tout le monde m’appelle Jo. » C’était plus simple, plus facile à retenir.

Heureusement qu’elle était venue à ton secours, cette femme. Tu ne la connaissais pas, mais tu sentais qu’elle était gentille. T’avais voulu faire le mec, en faisant genre que tout allait bien mais tu n’en étais pas capable, et ça l’avait fait rire. Et tu riais aussi. Elle était resté avec toi, à attendre que les pompiers arrivent pour venir t’aider. T’allais surement ressortir de là avec des béquilles et une attelle, la belle affaire. « J’sais pas si tu pourras les manger après, l’odeur de mes pieds s’est surement incrusté dedans » dis-tu en faisant une grimace. Mais c’était plus pour détendre l’atmosphère qu’autre chose. Tu te présentais à elle, et à son tour elle se présentait. « Enchanté, Jo » dis-tu avec un sourire franc. Tu connaissais pas grand monde ici, c’était une nouvelle personne que tu rencontrais dans cette nouvelle ville, dans cette nouvelle vie. « On m’a dit que se fouler la cheville c’était le meilleur moyen de rencontrer des gens » dis-tu en haussant les épaules avec un rire.

Ça faisait longtemps que Jo n’avait pas parlé avec un inconnu comme ça. Elle rencontrait les gens dans le cadre de sa profession, mais à côté de ça elle restait chez elle. Enfin, là elle l’avait rencontré dans sa rue, alors qu’il venait de se faire une cheville. Assez improbable comme rencontre finalement. Jo était allée lui chercher le sachet de petits pois congelés. Elle riait à sa remarque avant de perdre rapidement son sourire. Ce sachet il était vieux, ça lui servait surtout pour les petites bosses d’Amélia ou pour soulager Tommy quand il s’était prit un coup au travail. « Ils ont déjà servit plein de fois pour ce genre de blessure. » C’était bien plus pratique que tout autre sachet de froid. Ils se présentaient l’un à l’autre. « Enchantée Zach ! » Peut-être qu’elle allait lui donner un petit surnom, du genre Zach le coureur ou Zach le maladroit. Evidemment elle garderait ce surnom pour elle. Elle riait à sa remarque. « C’est une bonne stratégie en effet ! La prochaine fois reviens ici à 18h et tout le quartier sera enchanté de t’aider. » Elle lui fit un petit clin d’œil. S’il était tombé à 18h, elle ne serait jamais sortie, il y aurait déjà eu plusieurs personnes et Jo ne voulait pas trop voir ses voisins.

C’était pas forcément dans tes habitudes de parler aux inconnus, mais Jo était gentille et puis elle t’aidait alors que t’avais fait une chute bien bête. Elle t’avait même emmené une poche de petit pois surgelé que tu avais automatiquement mis sur ta cheville. Tu sentais déjà l’effet du froid et ça te faisait du bien. « C’est la poche de petit pois de secours ? » demandas-tu dans un rire. C’est vrai que c’est pratique d’avoir ça dans son congélateur, tu y pensera en rentrant chez toi à en acheter une pour tes petites blessures bêtes. « Oh bah heureusement que j’ai pas fais ça à cette heure-là, j’suis pas trop dans le sociable » dis-tu en mimant une grimace. Là, c’était différent. Une personne, ça va tu peux gérer mais tout un quartier, non merci, loin de là.

Il y a bien longtemps que ce paquet de petit pois n’avait pas servit. Il restait là au fond de son congélateur, mais depuis le départ de Tommy et Amélia, Jo n’avait plus l’utilité. Enfin, sauf aujourd’hui, se rendait-elle compte. Elle riait légèrement à sa remarque. « Oui ça servait en cas de petits bobos ou d’entorse. » Elle s’asseyait à côté de lui sur le trottoir à attendre les secours. Peut-être qu’elle devrait jeter cette poche de petits pois, à quoi ça servait après tout ? Elle n’aimait pas spécialement ça et à part pour elle, il n’avait plus trop d’utilité. Il n’était pas forcément tombé au bon moment s’il voulait rencontrer du monde. Jo n’était pas encore partie au travail parce qu’hier elle avait abusé sur l’antistaminique et elle n’avait pas réussi à se réveiller. Mais il se trouvait dans une zone résidentielle où tout le monde était déjà partit depuis plusieurs heures au travail. Elle fronçait légèrement les sourcils avec un rire. « Je pensais que vous vouliez rencontrer du monde. » Au loin elle entendait les sirènes des pompiers et elle se releva, prête à rentrer chez elle.

Elle utilisait les termes du passé et tu ne savais pas trop pourquoi. A vrai dire, tu n’axais pas lui demander de déballer sa vie alors que tu venais de la rencontrer il y a cinq minutes. C’était pas le moment. Mais en tout cas, elle avait été très gentille de t’aider et d’appeler les pompiers. C’était surement une petite foulure mais bon, tu pouvais pas trop marcher. « Une personne ça suffit » dis-tu avec un léger rire. T’étais pas du genre à être bavard ni à être trop amical avec les gens. Ta famille pouvait en témoigner. Au loins, tu entendais la sirène des pompiers qui arrivait et tu voyais Joséphine se lever. « Merci d’avoir attendu avec moi » dis-tu en posant ta main sur son bras alors qu’elle se levait. Tu lui accordais un sourire sincère et elle s’en allait vers chez elle. Et toi, t’allais devoir expliquer aux pompiers ta mauvaise chute et te taper la honte devant eux.

FIN DU SUJET.