Andy, you're a star in nobody's eyes but mine + Andrew

A un peu moins d'une heure de voiture au sud de Bowen se trouvait Hideway Bay. Un petit coin sympa, pas forcément très réputé pour le surf, mais où on pouvait s'amuser un peu. Il y avait surtout là-bas une maison qui attendait Léo pour le week-end. Il devait avouer que deux jours loin de chez lui, ce n'était pas de refus alors, il avait accepté l'offre de son ami qui lui avait proposé, très concrètement, de s'installer comme chez lui. La seule condition, c'était qu'il garde le chien, un beau berger australien nommé Flash, que son pote ne pouvait pas emmener avec lui, il faudrait lui tenir compagnie, le nourrir, le balader sur la plage ou en foret. Mais pour le reste, Léo serait libre. En soi, c'était un deal acceptable pour le photographe, même s'il n'était pas le meilleur ami des animaux, il ne détestait pas les chiens non plus et il aimait bien celui-là. Alors, il avait proposé à Andrew de l'embarquer avec lui, son pote semblait plutôt dans une mauvaise passe et il s'était dit que ça lui ferait du bien de prendre l'air, ailleurs. En plus ça faisait un moment qu'ils parlaient de se faire un week-end nature, surf, entre homme, l'occasion était donc parfaite. Léo avait récupéré Drew chez lui et ils avaient pris la route dans la matinée du samedi pour arriver tranquillement avant le déjeuner. Dans le pickup de l'Australien, il y avait tout le matériel de surf, mais aussi de quoi se faire de bons barbecues et passer un bon moment. La journée était belle, chaude, mais pas étouffante, Léo avait hâte de se poser et simplement profiter. Ils arrivèrent à Hideway Bay un peu avant midi et furent accueillis par Flash, trop heureux d'avoir de la compagnie. Je sens qu'on va être bien ici. J'te présente Flash, il est super sympa. Le chien venait déjà saluer son nouvel ami. De mémoire, il y a deux chambres au fond du couloir. Il le désigna du bout du menton. Tu choisis celle qui te convient. Je nous allume le barbecue ?! La maison était grande et lumineuse, de grandes baies vitrées donnaient sur le jardin et, au loin, on devinait la plage.

Léo n'avait pas forcément pensé à demander à Drew s'il aimait les chiens. Ça ne lui était pas passé par la tête un seul instant, pourtant le musicien aurait pu en avoir peur, être allergique, ou simplement ne pas aimer ça. Tout comme lui, de base, n'était pas passionné par les animaux. Finalement ce fut une bonne surprise pour son ami qui semblait enchanté de cette compagnie à quatre pattes. Et, visiblement, le coup de foudre fut réciproque pour l'animal qui le suivait déjà partout. Il t'aime bien ! C'était peut-être bien que Drew soit là pour donner de l'affection à cette brave bête, parce que si Léo était OK pour s'en occuper, il ne serait sûrement pas le plus câlin. Ils entrèrent dans la maison, les bras chargés et Léo désignait les chambres à son copain. Il faisait déjà chaud en cette fin de matinée. On doit avoir du coca dans la glacière, j'en prendrais bien un verre. Léo avait prévu quelques bières, mais il savait que Drew avait un problème avec l'alcool, il ne savait pas tellement à quel point, mais la dernière soirée qu'ils avaient passé au pub tous les deux lui restait en mémoire, alors il commençait léger, il n'avait pas besoin d'alcool de toute manière. Tu peux découper des poivrons pour les mettre sur la grille, la viande attend sagement, il faut déjà que j'allume le feu. Ils étaient sur la terrasse, on entendait la mer au loin, quelle situation idéale ! Si le photographe avait hâte de se mettre sur une planche, il avait bien envie de se griller cette bonne piece de viande avant, en gros il voulait profiter de son week-end, ils avaient tout leur temps. Il n'était pas encore au courant des rituels de son ami. Et au fond même s'il savait, ça ne poserait pas de problème, chacun faisait avec ses petites manies.

La pièce de bœuf était belle, elle méritait qu'on en prenne soin et Léo aimait faire attention quand il était en cuisine, il l'assaisonna comme il fallait et s'occupait d'allumer les braises tandis qu'Andrew semblait mettre tout son cœur à épiner les poivrons. Ils formaient un bon duo tous les deux, visiblement autant méticuleux l'un que l'autre. Léo se retourna à peine quand il entendit la question de son ami. Max et moi, on est copain depuis l'école, on a tous les deux étudié le journalisme à Brisbane et depuis on essaye de se voir souvent ouais. J'tavoue qu'entre mes voyages et les siens, c'est pas forcément aussi régulier que ça, mais je connais bien la maison, comme tu le vois ! Ce couillon a eu l'idée de prendre un chien alors qu'il est toujours entre deux avions. Ajouta-t-il en secouant la tête. Clairement, Léo pensait que c'était une mauvaise idée. Pourtant, ledit Max n'avait pas d'enfant, tandis qu'Emerson en avait deux à présent, ça revenait finalement au même en termes d’attention à donner et à lui non plus ça ne posait pas de problème de laisser ses gamins. Allez, va pour les tomates ! Il avait volontairement répondu à la dernière question avant la précédente. Mais il avait terminé sa préparation, la viande était à cuir, à l'étouffer dans le barbecue ultra-moderne, il n'avait plus grand-chose à faire. alors, il était revenu se poser à côté de Drew, son verre sur la table face à lui. Ce genre de week-end n'est pas de refus, c'est un peu chaos en ce moment. Qu'il avoua sans détours, ils commençaient à bien se connaître à présent, Léo pouvait parler au musicien. Et toi, tu vas bien ? Même s'ils s'étaient revus depuis la sortie d'hôpital de Drew, Léo s'inquiétait toujours pour lui, il le savait encore fragile.

Léo ne put s'empêcher d'éclater de rire à la réponse d'Andrew. Ses arguments étaient plutôt bien trouvés, il n'avait pas tort. Et puis, potentiellement, un chien pouvait aussi te tenir chaud aux pieds du lit. Mais pour lui, rien ne remplaçait la chaleur féminine, les courbes qui le faisaient chavirer, les discussions partagées et les réveils torrides. D'ailleurs, à bien y regarder, il n'y avait pas forcément besoin d'un animal ou d'être en couple pour ça, parce que le chien, il fallait le sortir, le nourrir, lui donner de l'affection, jouer avec lui, finalement, c'était un sacré engagement. Non, il avait une bien meilleure solution pour contenter tout le monde. Et il tendit son ustensile de barbecue en direction de Drew. J'ai encore mieux. Des relations sans lendemain, c'est ça la meilleure solution ! Au moins t'as pas à ramasser ses crottes et ses poils. Mais il n'y a pas de prises de tête non plus, c'est parfait ! Le photographe n'était pas peu fier de lui sur ce coup. Il finissait de préparer le barbecue et vint s'installer près d'Andrew pour qu'ils puissent avoir une vraie discussion sans être trop loin l'un de l'autre. Ça tombe bien, on est là pour ça, pour ne pas penser aux filles, aux gamins, aux emmerdes. On va se faire de belles vagues, de bons repas. Tu vas voir, mon poulet, ça va te faire le plus grand bien et tu vas prendre des couleurs, t'es un peu palot. Il avait une sale mine, Andrew, il ne sortait pas tellement de sa boutique, un week-end au grand air, c'était tout ce qu'il lui fallait. Il hocha la tête en buvant une gorgée de son coca. Je suis clairement trop vieux pour ça, ouais ! Mais c'est pas ce que j'appelle le chaos. Le chaos, c'est de voir Alba quasiment tous les jours sans qu'on soit pour autant ensemble. C'est l'enfer. La blonde lui manquait atrocement et il ne pouvait rien y faire.

Il était évident que Léo blaguait. Cependant, il l'avait été, à une époque, cet homme qui ne vivait que pour les histoires sans lendemain, qui défendait farouchement sa liberté. Il ne pouvait nier qu'il avait adoré cette vie sans attaches, avec une nouvelle femme dans son lit quand il en avait envie. Il séduisait à Bowen, à Paris ou à New-York, il n'avait aucun scrupule. En même temps, il ne faisait pas de mal, il ne promettait jamais rien. Mais tout ça semblait bien derrière lui à présent. Parfois, la tentation était là, pas plus tard qu'au mois de décembre, quand il avait passé ce séjour en Italie avec Freja. Ils étaient si proches tous les deux, c'était si facile, réellement tentant, entre eux, il y avait toujours eu beaucoup de sensualité. Mais ils s'étaient tenus à quelques regards, quelques sous-entendus, rien de plus. Bien qu'il reste séducteur, Léo chérissait le bonheur d'avoir cette nouvelle chance avec Alba, il ne comptait pas tout foutre en l'air pour une nuit de plaisir. Quoi qu'il aurait peut-être pu, finalement, puisqu'Alba s'était à nouveau éloignée depuis. Je ne vois pas le problème. Si tu assumes de passer pour un coureur de jupons ! Il y avait fort à parier qu'Andrew n'était pas de ces hommes-là. Léo le voyait comme le cliché du rockeur torturé, amoureux d'une seule et unique femme, une histoire tortueuse qui lui ferait composer de belles mélodies. Le problème étant que ladite-femme soit Charlize, mais bon, il ne pouvait pas être parfait, le musicien ! Il était drôle, Drew, à tenter de comprendre son histoire alambiquée, il y était presque, mais ce n'était pas totalement ça. Il but une gorgée de son coca avant de grimacer. Non, c'est plutôt l'inverse. Elle veut être avec moi, je pense. Mais elle a peur de s'engager par rapport à la petite. Elle a peur de tout le package adoption, installation ensemble, vie de famille. Et ce qui nous empêche de nous éloigner, c'est Jonah, notre fils. Parce qu'on l'a déjà, cette foutue famille, qu'elle le veuille ou non ! Elle nous l'a imposé il y a sept ans ! Il s'emportait un peu, Léo, il en voulait à Alba d'avoir fait ce bond en arrière après tous leurs efforts. Il soupira en regardant le musicien jouer avec le chien. Moi j'veux qu'elle revienne. J'ai rempli les papiers d'adoption pour Kai, seul. Parce que j'ai peur qu'elle me soit enlevée si j'attends trop longtemps qu'Alba soit prête. Mais je sais que je ne pourrais pas le faire sans elle. Cette famille, il la voyait avec elle, il ne s'imaginait pas un seul instant être seul pour élever sa fille. Et toi, t'as eu des nouvelles de Charlize ? C'est mort alors, vraiment ?

Il fallait bien avouer que ce genre de réputation s’assumait et que ce n’était pas évident pour tout le monde. Léo avait fini par s’y faire, à être considéré comme un homme à femmes, un coureur de jupons. Gamin il en était même assez fière, ça gonflait son égo masculin. Ce qui était plutôt stupide, avouons-le, mais là n’était pas le propos. Aujourd'hui il s’était assagi, il ne jouait plus avec les femmes, il ne courait plus après non plus, à part après Alba, mais c’était encore un autre sujet. Bref, il était clair qu'Andrew ne faisait pas partie de cette team là et c’était très bien pour lui. Mouais, je m’en doutais un peu ! Il sourit, amusé, Andrew c’était le gars sage, le romantique. Oui, je lui ai dit. Fut un temps, pas si lointain, où Léo ne parlait pas, il ne disait pas ce qu’il avait sur le cœur, il gardait tout pour lui et avançait, fier comme un coq. Mais il avait fini par comprendre qu’il valait mieux parler, alors il lui avait tout dit, à Alba et c’était cette honnêteté qui l’avait fait fuir, ironie du sort. La conversation était assez grave pourtant les deux hommes s’en sortaient avec de l’humour et la remarque de Drew fit rire Léo aux éclats. Imaginer son pote avec une perruque blonde était hautement amusant. Pas sûr que les assistantes sociales soient très sensibles à ton charme. Mais si j’ai besoin d’une doublure pour répéter mon discours, je saurais que je peux t’appeler. Je suis certain que t’es canon en blonde. Ils revinrent à un sujet un peu moins drôle, mais ça faisait partie de l’échange. Outre la perspective du surf, ils étaient aussi ici pour se vider un peu la tête de tous leurs déboires sentimentaux. Léo hocha donc la tête, il n’avait plus le cœur à faire des blagues sur la pâtissière, vu l’état de son ami. Tu crois qu’elle venait pour rompre ? Que c’était le but de sa visite ? Il était fataliste, Drew. Mais Léo savait d’expérience que la vie pouvait réserver des surprises. T’es pas à l'abri de la recroiser, vous bossez assez près l’un de l’autre. On ne sait jamais, laisse faire le temps. Dites donc, il ne jouerait pas les cupidons pour sa pire connaissance et son ami, Léo ?! Il disait qu’il n’était pas romantique, mais c’était un amoureux de l’amour, le photographe, un vrai cœur d’artichaut, au fond.

Imaginer un gaillard comme Drew perché sur des talons avec sa perruque blonde, c'était tout de même particulier pour Léo, mais il rit à ses bêtises et cette légèreté lui fit du bien. Le problème ce ne sera pas la blondeur ou les talons, mais ton torse un peu trop velu à mon goût, mon lapin ! Ils riaient de bon cœur avant d'aborder un autre sujet un peu moins risible, le retour au sérieux se fit directement et Léo regrettait presque d'avoir parlé de Charlize. Mais ils étaient aussi là pour ça, pour se changer les idées et se vider la tête de leurs peines de cœur. Les mots du musicien touchèrent Léo parce qu'il avait vraiment l'air amoureux et triste. Cette histoire résonnait en lui aussi, combien de fois avait-il voulu retenir une femme qu'il laissait pourtant partir ? Combien de femme avait-il repoussé pour ne pas faire plus de mal alors qu'il se plaisait dans leur chaleur. Ce n'était pas la même chose, généralement, il n'en était pas amoureux. Quoique, il avait bien quitté Alba ou Blanche alors qu'il en était amoureux. Ce n'était jamais simple, ou peut-être que c'était nous qui compliquions toujours tout. T'as fait ce que t'as pu surtout. C'est jamais simple de gérer les sentiments. Il n'avait pas tort, Drew, quand ou voulait s'éviter, on pouvait tout à fait passer toute une vie l'un à côté de l'autre sans se voir. Mais qui sait, la vie réservait parfois des surprises. Il haussa alors les épaules sans savoir quoi ajouter à ça. On peut accéder au spot du fond du jardin. Répondit Léo en désignant l'horizon face à lui. Il y a un passage qui mène à la plage, après c'est à cinq minutes à pied. Donc, on a tout notre temps. Il faudrait plutôt qu'on étudie les horaires de marées pour y aller au bon moment.Il se releva pour aller regarder la cuisson de la viande. On était plutôt pas mal. T'as faim ? C'est quasiment prêt.

Chewbacca semblait un peu exagéré tout de même. Finalement, Léo ne savait pas tellement à quoi ressemblait Andrew torse nu. Enfin, avait-il vraiment envie de la savoir ? Il rit à sa réplique tandis que le musicien, à son tour, se confiait sur ses déboires sentimentaux. Décidément, ils n’avaient pas de chance ces deux-là. Quoi que leur chance allait finalement tourner, un peu plus tard, ils l’ignoraient juste à ce moment-là. C’est ça, il faut aller de l’avant. Il y a d’autres poissons dans l’océan. Conclus Léo avec un petit air entendu. Facile de dire ça, alors que même lui n’avait pas envie de trouver une autre femme que celle qui le rendait déjà fou. Non, on a un emplacement idéalement situé ici. Cette maison, cette localisation, ç'avait tout d’une vraie pépite, Léo s’y sentait toujours bien quand il y séjournait. Face au barbecue, il commença à retirer les quelques légumes qui s’y doraient tranquillement la couenne avant qu’ils ne crament, puis il jeta un œil à la viande, la cuisson semblait parfaite. À la bonne heure, à table mon poulet ! Il déposa le morceau de bœuf dans l’assiette que Drew lui tendait, ils pouvaient retourner à table. Il esquissa un sourire amusé en écoutant la question de son ami. J’t’avoue qu’au départ j’en ai pas mal profité. J’ai fait de la photo de mode, c’était chiant, même si j’avais des bombes devant mon objectif tous les jours. Et j’peux te dire que, si moi, je craquais facilement pour les filles toutes en jambes et petites tenues, elles étaient pas mal attirées par le fantasme du photographe ! Il ne mentait pas, Léo, il avait vu des filles devenir folles quand il s’approchait d’elles. Sacrée époque quand même, il avait la jeunesse et l’audace, il avait le monde à ses pieds. Pourtant, ça ne le faisait pas vibrer. Moi, je voulais parcourir le monde et raconter ce que je voyais, toutefois je suis nul pour écrire, alors je le prends en photo et de cette façon, j'écris une histoire. Il sourit, plus sérieux cette fois, la photo, sa passion, il la respectait trop pour gâcher son talent à coucher avec de jolies filles. Tiens, d’ailleurs, en parlant de photo ! Il se leva pour aller chercher son portefeuille à l’intérieur et y retirer un vieux cliché aux couleurs ternes, celles de deux très jeunes enfants entre un et deux ans qui couraient en culottes courtes dans un jardin. Deux garçons visiblement, aux joues rebondies et à la mine ravie. Ma mère m’a donné ça quand je lui ai parlé de toi. Il parait que les deux loustics, là, ce sont nous. Comme quoi, ils devaient devenir amis ces deux-là, c’était écrit depuis leur enfance et ils ne le savaient pas.