should i be afraid ? -r.

Tu avais vu Lou. Et puis d'autres filles, comme Nevaeh. Avec qui tu as longuement discuté, avec qui tu avais parlé à coeur ouvert. Aujourd'hui, tu te trouvais de l'adresse que Lou t'avait donné. Elle t'avait demandé de l'appeler et elle t'inviterait à passer. Tu avais sauté l'étape qui consistait à l'appeler pour te rendre directement chez elle. C'était un geste un peu impulsif, même pour toi, mais tu avais eu besoin de la voir, à tout prix maintenant. « Bonjour, est-ce que Lou est là ? » avais-tu demandé un peu maladroitement. C'était une idée folle, mais que ne ferais-tu pas pour elle ? Elle était ton amie, et même plus. Ta béquille, celle sur qui tu te reposais, celle sûr qui tu avais toujours pu compter. Alors, tu étais là, face à un homme, à qui tu ne savais pas vraiment quoi dire. « Vous êtes Lennox, non ? » Tu l'avais bien dit que tu ne savais pas. Ca semblait évident que c'était lui, mais comme il avait une belle et grande baraque, ça aurait tout aussi bien pu être le majordome. Après, pourquoi pas ? Il était grand, presque aussi grand que toi. Et vieux aussi. Dans ses traits, qui semblaient être trop étirés pour son âge, trop fatigué, comme marqué par la vie. Tu ne faisais pas le malin devant lui, tu avais un air plus que sérieux, plus que concentré. Tu ne voulais pas paraître pour un connard fini, pas devant l'homme de ton ami. Le fiancé même, si tu avais bien suivi l'histoire qu'elle t'avait conté. Même si un jour, ça te tuerait de savoir que c'était lui, et pas toi, l'homme qu'elle va épouser, pour le moment, cette idée était encore bien trop loin dans ton esprit. Bien trop enfouie, dans ton cœur.

Ce logement vivait lui-même des hauts et des bas, en ce moment. Parce qu’il avait vu un couple d’abord heureux se détruire à petit feu. Lennox n’osait pas croire que tout était perdu avec Lou. Parce que leurs belles promesses ne pouvaient s’être envolées aussi facilement. Cependant, le fait de savoir que sa douce avait profité de son séjour en cure de désintoxication pour revivre ses jeunes années de folie laissait un goût amer dans la bouche de Lennox. Lui qui avait tant souffert, Lou n’avait fait qu’enfoncer le couteau dans sa plaie béante. Et pourtant, il l’aimait tellement, il l’aimait à ce point qu’il voulait plus que tout lui pardonner. Il voulait effacer cette douleur à coups de demandes en fiançailles. Enfin, une seule suffirait. Il l’espérait. Il ne savait même plus. Lou avait peut-être changé d’avis, au fond, vu tout ce qui s’était passé. Vu le silence. La froideur de leur chambre. Lennox réfléchissait encore et encore à comment les réparer, Lou et lui, quand on toqua à la porte. Il tourna la tête vers celle-ci, n’attendant personne. Il se leva, incertain, et marcha jusqu’au hall d’entrée. Il ouvrit doucement la porte, et tomba face à face avec un homme qu’il ne connaissait ni d’Adam ni d’Ève. Il demandait à voir Lou. Étrangement, Lennox fut menacé par cette demande. Ça ne laissait rien présager de bon, et pourtant, cet homme n’avait encore rien dit d’autre. « Euhm, non. Elle n’est pas là présentement. Est-ce que je peux lui laisser un message de votre part ? » Demanda Lennox, par politesse mais aussi pour son propre compte. Ainsi, il pourrait savoir à qui il avait à faire, et pour quelles raisons. C’était sans doute malsain de songer ainsi, mais après la trahison de Lou, il était perdu. Confus. L’homme s’intéressa à son identité à lui, et visa juste. « Oui, c’est bien moi. Désolé, je ne pense pas vous connaître … ? » Demanda-t-il. Il savait qu’il ne le connaissait pas. Et Lou ne lui avait pas parlé d’une nouvelle rencontre à Bowen.

Elle n'était pas là. Tu te demandais bien dans quel genre de plan elle t'avait embarqué. Elle voulait que tu lui parles, tu espérais qu'elle serait là. Très vite, bientôt. Ton coeur battait un peu trop vite et lorsqu'il te demandait s'il devait prendre un message. Tu hésitais. Que devais-tu dire ? Oui ? Non ? Je ne sais pas ? C'était bien le cas, tu ne savais pas trop ce que tu pouvais laisser comme message. Devais-tu lui parler malgré qu'elle ne soit pas là ? Devais-tu lui demander à entrer et attendre son retour ? Et si elle ne revenait pas ? Présentement, tu te posais trop de questions. Tu haussais les épaules. « Vous n'aurez qu'à lui dire que je suis passé. » avais-tu ajouté doucement. Enfin c'était bien beau de lui dire que tu étais passé, si elle ignorait qui. Après avec ta description elle avait peu de chance de se tromper. Mais ça restait mieux si tu te présentais à ton tour. Maintenant que tu savais que c'était lui, tu pouvais le jauger. Déterminé si fallait mettre le plan en action. Tu aimais Lou et tu devais faire tout ce qui était en ton pouvoir pour l'aider. Présentement, ça se présentait sous la forme d'un dialogue avec son copain, ce qui te mettait un peu mal à l'aise. « Je suis CJ, un de ces amis d'enfance. » Tu t'étais presque senti obligé de le lui dire. Comme si ça allait changer les choses. Elle devait lui parler de toi, l'avait-elle fait ? Tu le découvrirais bien aussi vite de toute façon. Il ne fallait pas presser les choses, tu espérais juste ne pas te prendre un poing dans la gueule. Ton nez pété t'avait bien suffit l'autre jour, tu n'avais pas spécialement envie de retourner à l’hôpital. Tu ne faisais pas trop le malin à sourire à tout va. Tu attendais tranquillement que quelque chose se passe, mais son visage semblait si impassible, comme un mur infranchissable. Tu te demandais bien à quoi il pouvait penser là.

L’homme qui se tenait devant chez lui, devant chez eux, décida après un moment d’hésitation qu’il pouvait lui dire qu’il était passé la voir. Son hésitation ne faisait que rendre Lennox encore plus nerveux et curieux, parce que l’homme avait l’air d’avoir quelque chose à cacher. Quelque chose à lui cacher à lui. Et vu les actes de Lou pendant qu’il s’était retrouvé en cure de désintoxication, il ne pouvait s’empêcher de penser que ce Woody n’était peut-être pas le seul. Il osait croire que Lou lui avait tout dit lors de cette soirée d’accusations et de vérité, mais il en avait tellement eu trop à encaisser qu’il ne voyait plus clair. Entre l’infidélité et le rôle de maman de Lou, Lennox avait l’impression de chuter de nouveau, lui qui s’était promis de mettre tout ça derrière lui. Pour elle. Pour eux. Il ne pensait pas être capable d’en prendre davantage, alors l’arrivée de cet homme l’angoissait. « Et vous êtes ? » Demanda Lennox, puisqu’il voulait bien informer Lou de sa venue, mais il ne croyait pas être en mesure de lui faire une description physique assez détaillée. L’homme se présenta alors comme étant CJ, un ami d’enfance. Le corps de Lennox se figea complètement, son regard se faisant plus insistant sur celui de l’homme. CJ n’était pas qu’un ami d’enfance, ça, il le savait maintenant. CJ était le père de l’enfant de Lou. CJ était celui qui avait une partie de la vie que Lennox désirait avoir avec Lou. CJ lui avait volé un peu de cette magie à laquelle Lennox s’attendant, dans quelques années. « Oh. CJ. Oui, je sais qui tu es. » Plus la peine de le vouvoyer, maintenant qu’ils partageaient une femme si importante pour tous les deux. Le ton de Lennox était froid, peu hospitalier. Il ne savait pas s’il serait capable d’être chaleureux auprès de cet homme, alors qu’il n’avait rien fait de mal, au fond. Mis à part mettre la femme de la vie de Lennox enceinte, il y avait de cela bien des années. « Tu veux rentrer ? Lou devrait être là relativement bientôt. Ça t’évitera de repasser. » Proposa Lennox, surtout parce qu’il désirait être là lorsque Lou reviendrait et qu’ils se parleraient. Après tout, si Lou n’avait plus rien à lui cacher, ça ne lui poserait pas problème qu’il soit là aussi, n’est-ce pas ?

Tu sentais un malaise se créer entre vous. Comme si les choses avaient changés à l'évocation de ton prénom. Il te semblait moins tendu, comme s'il avait eu peur que ce soit un autre homme, peut-être celui avec lequel elle avait dérapé. Venu pour le narguer ou remettre ça. Tu ne savais pas trop, mais au final, si ça tension était parti le temps d'une seconde, elle était vite revenu. Il savait qui tu étais. Et maintenant c'était toi qui était tendu. Tu avais peur de mettre un pied dans cette baraque et d'en ressortir dans des sacs poubelles, en morceaux détachés. Tu te faisais trop de films aussi. « Je ne sais pas si ça doit être rassurant. » ajoutais-tu en souriant doucement. Tu ne savais pas non. Tu ignorais tout ce qu'elle avait pu dire de toi, tu ne pensais pas qu'elle ait pu avoir des mots méchants envers toi, mais tu devais admettre que tu l'avais abandonné elle et votre fils. Tu ne le savais pas, sinon tu ne serais peut-être pas parti. Mais ça ne te confortait pas, surtout en sachant pourquoi tu étais venu ici aujourd'hui. « Je veux bien, si ça ne te dérange pas. » Tu te glissais à l'intérieur de son antre quand il se poussait de la porte pour te laisser passer. Tu restais comme un con, les mains dans les poches, dans son couloir, sans savoir quoi dire, ni où aller. Tu n'avais pas réalisé que tu serais aussi impressionné par ce type. Tu n'avais pas encore trouvé ce que Lou aimait chez lui, mais tu lui avais fait la promesse et même si c'était le pire de cons pour toi, tu ferais ce que tu avais à faire.

Moi non plus, aurait voulu répondre Lennox. Parce que lui non plus ne savait pas si le fait de savoir qui était CJ devait être rassurant. Il était certes content, d’un côté, que Lou lui ait finalement dit la vérité, toute la vérité. Cependant, d’un autre côté, Lennox aurait aussi préféré ne pas le savoir, maintenant qu’il était au courant de la place qu’occupait ce CJ dans la vie de sa douce. Il représentait pour lui une menace et un souvenir blessant de tous ces mois que Lou avait passés à lui mentir. CJ était ce douloureux rappel que Lou avait eu une vie bien complexe avant sa rencontre avec Lennox. Qu’elle avait un passé dans lequel il n’avait pas sa place. Qu’elle avait un passé dont il ignorait les moindres détails. Qu’elle avait un passé composé d’hommes qui ne lui ressemblaient guère. Et ce passé, prenant vie avec le retour de CJ, les rattrapait tous les deux. Lennox avait énormément peur de ce que cela signifiait pour eux, pour Lou et lui. « Elle ne m’a dit que ce qu’il y avait à savoir sur toi, si c’est supposé être mal ou non, à toi de me le dire. » Avait répondu avec un mince sourire Lennox, même si cette phrase ayant pu être interprétée à la blague ne l’était pas, au fond. C’était au contraire une phrase directe, froide, trop franche. Lennox ne connaissait pas cette facette de lui-même, ce côté jaloux et mauvais qu’il avait. Malgré cela, il l’invita à rentrer, autant parce qu’il voulait être là quand Lou rentrerait et le verrait, que parce qu’il désirait aussi parler à CJ, seul à seul, sans la présence de Lou qui viendrait teinter leurs discours. « Si ça m’avait dérangé, je ne l’aurais pas proposé. » Encore un mince sourire, mais encore ce sentiment de malaise suite aux attaques dissimulées de Lennox. « Tu veux quelque chose à boire ? Je n’ai rien d’alcoolisé, cependant. » Chercha-t-il à spécifier. Lennox avait jeté tout ce qu’il avait d’alcoolisé suite à sa cure, évidemment.

Tu ne savais pas s'il y avait quelque chose à dire. Tu savais qu'elle avait du dire les choses bien, et défendre ton départ. S'il y avait quelque chose à défendre bien sûr. Tu n'étais pas vraiment dans la bonne position. Tu avais fui, aussi vite que tu le pouvais pour ne pas avoir a affronter ta vie, tes problèmes. Ça ne faisait pas de toi un homme bien, au contraire. A coward. Tu vivais avec ta lâcheté, l'assumant mais ce n'était pas toujours facile d'accepter le regard des autres dessus. Tu entrais dans la grande maison. Un palace oui, heureusement que Lou était aveugle, toi ça te donnait le vertige. C'était trop grand, comment pouvait-on vivre ainsi ? Il mettait quoi, une heure à traverser la pièce ou bien ? Peut-être un peu exagéré certes, mais cette impression d'espace t'oppressait plus qu'elle ne devrait. C'était même un peu trop vide à ton goût. Comme si on mettait dans une villa, une table et un tapis. C'était ridicule. Certes, trop surchargé n'était pas non plus une option, mais tu avais le sentiment qu'il venait de se faire cambrioler à l'instant. Tu l'écoutais te proposer à boire, regrettant d'un coup d'être là. Et en plus, tu n'pouvais même pas noyer ta peur et ton angoisse dans un verre. « Un verre d'eau fera l'affaire. » lui dis-tu en souriant faiblement. Il t'invitait à le suivre dans le salon, et tu pris place dans un des fauteuils en cuir qui s'y trouvaient. « J'dois avouer que j'sais pas trop quoi dire.. » avouais-tu de manière honnête. Tu pensais sincèrement que Lou serait là, et le fait qu'elle ne l'était pas, te mettait mal à l'aise. Lou t'aurait aidé à aborder le sujet, alors que là, tu ne savais même pas comment le lancer. C'était con non ? Tu étais con, et pris au piège dans une maison trop grande, sans avoir le sentiment de pouvoir t'échapper.

CJ n’avait pas l’air à l’aise, mais alors pas du tout. Encore moins que Lennox qui, pourtant, même s’il était dans son propre logement, se sentait comme un intrus. C’était con, c’était chez lui et il pouvait renvoyer cet homme d’où il venait dès qu’il le voulait. Enfin, d’où il venait … s’il pouvait réellement d’où il venait, à l’autre bout du monde, ce serait encore mieux. Au moins, le simple fait de savoir que Lennox pouvait le chasser de sa vue à n’importe quel moment le rassurait, en un sens. Il n’aurait pas à endurer ce silence et ce malaise trop longtemps si Lou tardait à revenir. À sa proposition, CJ demanda un verre d’eau. Lennox hocha la tête et se dirigea derrière son ilot de cuisine, ouvrit le réfrigérateur et en sortit un pichet d’eau en verre, et deux verres. Il versa l’eau dans les deux contenants et posa le pichet sur le comptoir, ne prenant pas la peine de le réfrigérer de nouveau. Il amena son verre à CJ. « Tiens. » Lança Lennox d’un ton ni chaud ni froid, tendant son verre à l’homme. Lennox s’assit dans le fauteuil en face de celui qu’il avait choisi, et croisa une jambe par-dessus l’autre alors que l’homme lui avouait ne pas trop savoir quoi dire. « Alors mets-toi à ma place, j’me retrouve devant l’homme qui a fait un enfant à la femme que j’aime, et qui se ramène ici pour je-ne-sais-quelle-raison. J’sais pas trop quoi dire non plus. Quoi en dire. » Avait dit Lennox d’un ton plus ferme, plus froid. Pourtant, il gardait tout son calme, et prit même une gorgée de son eau en regardant CJ sans sourciller. Il soupira, discrètement, avant de renchérir : « Qu’est-ce que tu lui veux, CJ ? T’es venu à Bowen pour elle ? » Demanda-t-il, bien franchement et directement. Lennox n’avait pas envie de tourner autour du pot pendant mille ans. Il désirait savoir ce qu’il cherchait de la part de Lou, et si Lennox devait avoir le sentiment que leur relation était menacée. Plus menacée qu’elle ne l’était déjà.

Il te tendit le fameux verre et tu l'attrapais pour en boire une grande gorgée avant même de le remercier. « Merci » Il s'installait face à toi, t'avouant qu'il ne savait pas quoi en penser non plus. Au moins, on pouvait dire que vous étiez tous les deux dans le flous en ce qui concernait cette relation. Cette visite aussi. Comme si tu venais chercher la merde alors que non. Enfin, peut-être un peu, tu voulais le pousser voir jusqu'où il irait pour elle, comme si tu voulais savoir qu'il était digne d'elle. Mais si Lou l'aimait, tu ne ferais rien de stupide, tu essayerais en tout cas. « Je ne lui veux rien, je suis venu à Bowen, parce que j'ai vécu ici. Et que je devais revenir. Je l'ai croisé par hasard, mais si je suis venu ici c'est pour elle. Pour plaider sa cause. Elle m'a raconté pour son dérapage et je la connais depuis que je sais marcher, j'ai pensé que peut-être.. » Tu laissais ta phrase en suspens, il n'y avait pas de bonne manière de faire. Mais ce n'était pas le moment de t'arrêter en si bon chemin. Tu avais déjà affronter son regard, tu étais assis en face de lui, dans sa maison. Pour te débiner c'était un peu raté. Maintenant, tu prenais une grande inspiration et tu reprenais ton discours. « C'était con comme idée, mais de la façon dont elle m'a parlé de toi, de son amour pour toi, j'ai voulu l'aider à se battre pour faire en sorte que son mariage arrive. C'est la fille la plus chouette que je connaisse. Elle est tendre et passionnée, et elle s'est égarée. » Un nouveau temps, une nouvelle pause, pour respirer et pour remettre tes idées en ordre. Tu avais l'impression de t'égarer si tu te mettais à parler d'elle, et il ne fallait pas t'éparpiller. Focus, action. « Et alors, j'ai envie de dire. Elle est humaine, et l'être humain fait des erreurs. On ne peut pas être parfait, et je sais que tu en feras une si tu la laisses partir. » Tu portais ton verre à tes lèvres pour le finir. Tu avais l'impression d'avoir fait un monologue tant il t'avait laissé parler sans t'interrompre une seule fois.

Comme si la question de Lennox avait été une attaque, comme si sa question avait réveillé en CJ ses plus grands mécanismes de défense, ce dernier s’emballa dans son monologue d’explications, de justifications et de compliments pour Lou. Comme s’il se battait pour elle. Et, en toute honnêteté, il se battait mieux pour Lou que Lou ne s’était battue pour elle-même. Lennox s’adossa au fauteuil, les épaules bien droites, la tête relevée. Il ne ratait pas un mot de ce que CJ lui disait, même si les passages concernant Lou n’arrivaient pas à se frayer un chemin jusqu’à son cœur. Le fait d’entendre cet homme, cet étranger qui n’en était pas un pour elle, vanter la personne qu’elle était, ne faisait qu’envenimer la situation. Lennox avait l’impression qu’il était celui de trop, qu’il était l’intrus, dans ce triangle où Lou et CJ semblaient tout connaître l’un de l’autre. Dans ce triangle où Lennox était débarqué sans même le savoir, parce qu’au fond, lui ne connaissait pas grand-chose de Lou. Il n’était pas avec elle depuis qu’elle avait appris à marcher, il n’était pas avec elle au moment où ses yeux voyaient encore davantage que les âmes des gens. Il n’était là que depuis une année, une toute petite année. Comment rivaliser avec cet homme qui avait toute une vie passée auprès d’elle ? Lennox le regardait, mais dans sa tête des émotions comme la tristesse, la haine et le dégoût se succédaient. Il haïssait CJ de venir ainsi chez lui pour se battre pour Lou alors que ce n’était pas son combat. Il haïssait CJ d’être celui qui avait eu la chance de connaître Lou par cœur à chaque étape de sa vie. Il haïssait CJ d’avoir volé à Lou la beauté d’être mère pour la toute première fois. Il aurait voulu que ce soit lui, Lennox, le premier à lui offrir ce cadeau. Mais CJ lui avait volé toutes les premières fois. Et Lennox redoutait maintenant qu’il lui volerait toutes les dernières, et ce malgré son discours. « Je sais qui est Lou. Je sais qu’elle est tendre et passionnée. Plus encore, elle est forte, elle est unique, elle est humaine. Je n’ai pas besoin qu’on m’en convainc. Je vois Lou comme la personne qu’elle est. » Dans toute sa splendeur et dans toute sa noirceur. « Et ce n’est pas parce que toi, tu as fait l’erreur de la laisser partir que tu as le droit de venir me faire la morale sur mes choix. » Avait répondu Lennox, le regard toujours immuable.

Sans plus attendre, sa réponse avait fusé. Comme un coup de tonnerre. Et l'orage sonnait fort, tombait vite. Il ne semblait pas ravi de tes paroles. Et tu n'en avais vraiment que faire. Tu n'étais pas là pour lui, pour ses sentiments à lui, mais pour elle. Pour l'aider elle. Et tu n'allais pas t'arrêter en si beau chemin. Maintenant que tu avais sonné la cloche, que tu avais réveillé la colère chez cet homme, tu allais faire tout ce qu'il fallait. Tout ce que tu pouvais, en réalité, pour lui faire ouvrir les yeux. Peut-être qu'il te jetterait dehors, avec son poing dans la gueule, ou peut-être de manière plus civilisé, mais au moins, il aurait entendu tout ce que tu avais à dire. Et tu en avais des choses à dire. Cette conversation n'allait pas être plaisante et encore moins s'il essayait de te piquer au vif. Tu avais peut-être tourné le dos à Lou, l'abandonnant alors qu'elle aurait eu besoin de toi. Mais tu avais déjà assez de tes propres remords pour que lui se permette de te juger sur ce point là. « Tu sais tout ça, et pourtant, de ce que je sais, vous n'êtes pas réconciliés. » ajoutais-tu un fin sourire sur les lèvres. Ce n'était pas la bonne manière de t'y prendre. Le provoquer n'aiderait pas, pourtant, son air suffisant sur le visage, ne te plaisait pas. Tu voulais qu'il sache que si lui prenait la décision de tourner le dos à Lou, toi tu serais là. Tu la ramasserais à la petite cuillère, prenant sa place dans son cœur. Tu le savais, tu pouvais gagner le cœur de la belle Lou si lui décidait de l'écraser. Et même si tu aimais Lou, tu ne l'aimais pas ainsi, mais lui faire croire le contraire, le déciderait peut-être à bouger son cul. « T'attends quoi, le déluge peut-être ? » demandais-tu toujours aussi calmement. Rien ne servait de t'énerver, tu n'étais pas du genre violent. Et il pourrait dire tout ce qu'il voudrait, il aurait vraiment du mal à te mettre hors de toi. Sauf peut-être s'il manquait de respect à Lou. « Parce qu'elle souffre, et si tu ne le vois pas, tu es encore plus aveugle qu'elle. » Et tu plaignais ton amie, si son compagnon était ainsi. Tu te demandais même si elle avait déjà pu le voir comme ça. Prêt à te sauter dessus, limite jaloux de ce que tu avais pu vivre avec le jeune québécoise.

Autant CJ que Lennox avaient des choses à dire, des messages à faire passer à l’autre, et le notaire avait l’impression que plus il s’entêtait à tenter de lui faire comprendre sa position, plus CJ se bornait à élever ses défenses et à le contredire. Pourtant, rien de tout cela ne regardait le québécois. Rien de tout cela ne le concernait, au fond. Il avait peut-être un rôle à jouer dans leurs querelles, un grand rôle même, mais cela ne lui donnait aucunement le droit de s’immiscer entre eux deux comme s’il détenait réellement son mot à dire. Le couple que formait Lou et Lennox était ça, un couple, à deux, pas à trois. Et ce qui faisait en sorte qu’aujourd’hui, ils battaient de l’aile, n’avait pas à être interprété par qui que ce soit d’autre qu’eux-mêmes. Déjà, au vu de l’agacement de CJ, Lennox pouvait comprendre que c’était à celui-ci que Lou avait décidé de se confier. Cette simple idée suffisait à le dégoûter, alors aussi bien ne pas y penser. « Non, nous ne sommes pas réconciliés. Parce que tu ne connais pas toute l’histoire. Tu ne connais pas notre histoire, CJ. » Savait-il seulement que Lou l’avait trompé alors qu’il tentait tant bien que mal de soigner des blessures qui remontaient à avant même la naissance de Lou, et par le fait même celle de CJ ? Savait-il seulement à quel point cette trahison par la femme qu’il aimait l’anéantissait jour après jour ? D’homme à homme, CJ ne pouvait pas réellement tenter de le raisonner dès maintenant et de la pardonner, alors que la blessure était encore à vif. Lennox ne voulait pas y croire. Ce fantôme du passé de Lou demanda alors à Lennox ce qu’il attendait, parce que pendant ce temps-là, Lou, elle souffrait. Il fronça les sourcils en secouant la tête, hors de lui face à ces paroles injustes. Injustes pour lui. C’était Lou la fautive et pourtant c’était à Lennox de réparer les pots cassés ? Ceux qu’elle avait violemment jetés par terre sans se soucier de la valeur de leur amour, et de sa fragilité ? « Et moi dans tout ça, n’aie-je pas le droit de souffrir après ce qu’elle m’a fait ? » Il se fit silencieux un moment, le regardant, interdit, avant de finalement se lancer : « Que t’a-t-elle dit, exactement ? » Osa-t-il demander, voulant avoir le cœur net sur l’envers de la médaille que Lou montrait aux autres pendant que lui se refermait sur lui-même.

Il avait raison. Qui étais-tu pour te mêler de cette histoire ? Pour qui tu pensais te prendre ? C'est simple, tu pensais être le héros de Lou. Tu voulais être l'ami pour elle, qui plaidait sa cause auprès de son amoureux. Tu connaissais Lou sur le bout des doigts, elle n'avait pas eu besoin d'en dire beaucoup pour que tu saches tout dans les moindres détails. Elle était une partie de toi, et inconsciemment tu avais voulu la protéger. Et faire une promesse que tu ne pouvais pas tenir. Au fond, ce n'est pas toi qui pouvait sauver son couple, c'était Lennox. Le seul et l'unique. Et lui semblait sur la défensive. Te parlant de ses sentiments. Et tu sentais ton coeur exploser. Tout ça, toute cette mascarade n'avait que trop durée. « Et toi, tu t'en fous des sentiments qu'elle a traversé après ta tentative de suicide ? » rétorquais-tu presque aussi froidement que lui. C'était un peu facile de mettre ça sur le tapis, mais au fond, s'était-il vraiment soucié de Lou ce soir là ? Avait-il pris en compte ses sentiments ? La peur qu'elle aurait de le retrouver ainsi ? Et l'idée que tout ça, pouvait être sa faute ? Non, probablement pas. Peut-être. Tu ne savais pas, tu le découvrais bien assez vite. Il fronçait les sourcils, sûrement surpris que tu saches ça. « Oui, elle m'a parlé de ça. Et de combien elle se sentait coupable parce qu'elle est persuadée que c'était sa faute si tu avais voulu mettre fin à tes jours, mais de ce que je sais, elle a eu lieu avant sa tromperie. » avais-tu ajouté, toujours aussi calmement. Lou n'avait pas de secret pour toi, et il allait vite le comprendre. Comprendre à quel point vous étiez liés, à quel point vous vous battriez pour l'autre. Parce qu'elle était comme ça votre amitié. Tout comme elle irait sûrement plaider ta cause auprès de Nevaeh si jamais les choses venaient à être un peu trop compliquées pour toi. Unis, à jamais et pour la vie. « Elle était encore confuse, encore tourmentée par ses sentiments et elle a bu de l'alcool, se laissant emporter par trois compliments minables. Qui peut la blâmer pour ça ? » Pas toi en tout cas. L'erreur pouvait arriver. Elle n'était plus maître de son corps, responsable de ses actes. Et si lui continuait de ne pas voir ça, alors c'était un minable. Presque autant que l'autre type qui avait abusé de ton amie.

C’était injuste. Tellement injuste. Que CJ lui reproche d’avoir tenté d’enlever sa vie, se souciant guère des sentiments de ceux qui l’entouraient. C’était peut-être un geste égoïste aux yeux de certains. C’était peut-être une décision centrée sur soi-même pour lui. Mais pour Lennox, ça avait été la seule sortie. La sortie de secours, la seule qu’il voyait clignoter dans le noir, lui montrant le seul chemin à suivre. CJ n’avait pas le droit de lui reprocher d’avoir voulu réduire au silence sa douleur alors qu’il ne connaissait rien de lui. « Non, je ne m’en fous pas. Je ne m’en fous pas du tout. T’as pas idée à quel point je m’en suis voulu qu’elle m’ait trouvé. Et j’sais même pas pourquoi j’te le dis, j’ai pas besoin de me défendre auprès de toi. C’est mal connaître la souffrance que de penser qu’au point où j’en étais, j’avais encore assez les idées claires pour pouvoir penser à autre chose que la délivrance. » Puis, Lennox prit le temps de réaliser à quel point CJ en savait trop sur lui, sur Lou et lui, sur leur histoire et leurs déboires. Ça ne lui plaisait pas du tout de savoir qu’un inconnu avait fait intrusion dans sa chaotique vie sans prévenir. Lennox avait toujours été quelqu’un de très secret, gardant tout pour lui, autant le bon que le pire. Il n’aimait pas qu’on le connaisse, il n’aimait pas être le nom sur les lèvres des autres. Il préférait largement s’effacer, pour mieux disparaître. Lou aurait dû savoir, Lou aurait dû comprendre qu’il y avait d’autres façons de se confier autrement qu’en révélant tout sur lui. Il se sentait trahi, une seconde fois. Est-ce que ça allait cesser un jour ? « Je lui ai moi-même assuré qu’elle n’y était pour rien. Ne va pas croire que j’oserais lui mettre un tel poids sur les épaules. » Répondit-il froidement, mais toujours aussi calmement. Lennox détestait comment CJ l’attaquait indirectement, avec des non-dits et des sous-entendus qui l’irritaient au plus haut point. Puis, l’infidélité de Lou reprit place au centre de leur discussion et encore une fois, CJ tenta de justifier ses actions. Pourquoi n’était-ce pas Lou qui tentait de lui expliquer cela ? Pourquoi n’était-ce pas Lou qui prenait le temps de s’asseoir avec Lennox et de tenter de réparer les mille morceaux étalés autour d’eux ? Lennox ne voulait rien entendre de CJ, parce qu’il ne le connaissait pas. Ils ne se connaissaient pas. « Je n’ai pas le droit de la blâmer de m’avoir été infidèle mais toi tu te donnes le droit de me blâmer d’avoir voulu mourir ? » Lennox rit jaune, secouant la tête. Il aurait voulu se pincer pour se réveiller de ce rêve ridicule. « Tu es son ami, CJ, son passé. Je comprends. Mais tu n’as rien à voir là-dedans. Tu ne sais pas de quoi tu parles. » Lennox ne désirait une chose, en ce moment : qu’il parte. Qu’il parte pour toujours et qu’il ne revienne jamais se mêler à sa vie.

Tu l'écoutais tout en serrant les dents. Tu n'aimais pas son ton, tu n'aimais pas le son de sa voix et tu n'aimais pas les mots qui sortaient de sa bouche. C'était insupportable, d'autant plus qu'il avait raison. Tu ne savais pas comment il avait ressenti les choses. Tu le jugeais parce qu'il ne voulait pas pardonner ton amie pour sa faute. Mais avant d'être ton amie, elle était sa fiancée. Celle qui serait prête à l'épouser sans ciller et pourtant elle avait déjà cillé. Sans le savoir, son sort était déjà joué. Seul lui avait les cartes, et tout ce que tu pourrais dire pourrait tourner en la défaveur de la belle. Il ne fallait pas que tu sois la cause de son refus.  Tu ne voulais vraiment  « Tu as raison. Je ne sais pas, je ne te connais pas mais clairement les choses n'ont pas été bien dites sinon elle ne se blâmerait pas. » Tu ne pouvais pas passer au dessus. Tu ignorais comment il avait pu lui dire les choses mais de la façon dont tu les avais entendu, il était clair que le discours n'était pas rentré dans sa tête. Peut-être parce qu'elle s'obstinait à ne pas l'écouter non plus. Au fond, elle était assez têtue par moment et Dieu sait que tu avais essayé. Il n'y avait aucun moyen d'en tirer quelque chose, et si elle s'obstinait un peu plus, elle n'aurait pas de mal à le convaincre, à lui prouver  « Je devrais partir. » Tu te levais d'un bond. Tu n'avais plus vraiment ta place ici. Il fallait que tu sortes de cette maison avant que la colère ne t'envahisse un peu plus. Tu ne voulais pas le maudire totalement, il agissait peut-être comme un con actuellement, mais ça n'en était pas spécialement un. Et la vision que tu avais de lui était biaisé par tes sentiments.