Chaos in the calm + Tamsin

Tamsin & Jackson

Quelle longueur choisir ? Quel bois serait le plus solide ? Quelle couleur ? Clair, oui, clair c'était le meilleur choix. Il se trouvait là, avec son mettre à mesurer, son bout de papier déchiré avec quelques cotes griffonnées à la hâte, devant tout un tas de différentes planches, à hésiter, dans un magasin de bricolage à la périphérie de Bowen. On aurait pu le prendre pour n'importe quel bricoleur du dimanche à choisir des matériaux pour la charpente de sa future maison, mais il n'en était rien, Jackson cherchait à fabriquer un cadre pour une toile aux dimensions hors norme. Certes, il y avait des professionnels pour ça, mais il ne voulait pas mettre une fortune dans un cadre tout préfabriqué qui ne lui conviendrait pas de toute façon. Il avait un côté maniaque et se rendait compte que plus il évoluait dans son métier, plus il devenait exigent avec lui-même, avec le matériel qu'il utilisait, la qualité de ses toiles, des marques pour ses peintures, il en venait à choisir des pigments naturels qu'il faisait venir d'Italie, juste parce qu'il les trouvait mieux que d'autres. Et il fallait dire que tout cela lui plaisait énormément. Parce qu'il avait fait de son art un métier qui devenait petit à petit très lucratif et que ça le passionnait un peu plus chaque jour, parce qu'on reconnaissait son travail au delà de Bowen et il avait de quoi en être fier, même s'il restait toujours modeste, c'était une telle reconnaissance, une telle satisfaction de voir qu'il était enfin sorti des ténèbres, de sa torpeur, pour embrasser une lumière bienfaitrice et salvatrice. Rien n'était gagné, il avait encore un long chemin à faire, pour devenir un artiste totalement reconnu et aussi pour se dire soigné, les démons étaient toujours là, tapis dans l'ombre, attendant la moindre occasion pour se rappeler à son bon souvenir, mais il tenait bon, il avait appris à vivre avec ces compagnons de fortune qui l'obligeaient à garder les pieds sur terre, à filer droit.
Il hésita encore un instant avant de se décider, il allait prendre des planches de merisier, pour son cerclage ça serait parfait. Il se retourna pour demander l'aide d'un employer lorsqu'il remarqua une tête blonde au loin, il resta interdit un instant avant de faire rappeler à l'ordre par un vieux monsieur, il gênait le passage. S'excusant rapidement, il entreprit de se faufiler à travers les rayons, tel un gosse qui jouerait à cache cache, pour la suivre sans être vu. Elle s'arrêtait à différents rayons, la moue boudeuse, parfois hésitante Lui, il avait surement l'air d'un malade à la suivre de la sorte, mais c'était bien plus simple que de se présenter là devant elle, comme un sot qu'il était. Parce qu'il ne savait pas bien quoi lui dire, à Tamsin. Ils avaient vécu des retrouvailles riches en émotion quelques semaines auparavant et depuis elle était dans la plupart de ses pensées... un peu comme avant finalement, sauf que maintenant il savait qu'elle vivait là, tout près de lui, qu'il n'avait qu'à marcher un peu pour l'atteindre, qu'il n'avait qu'un mot à dire pour qu'elle lui revienne. Mais il s'était enfui, le fou, il avait pris peur de se consumer totalement devant elle, alors il avait pris ses jambes à son cou. Et depuis lors il n'arrêtait pas d'imaginer des plans plus bêtes les uns que les autres pour au moins la revoir, sans jamais les mettre à exécution, mais voilà qu'une fois encore le destin lui forçait la main, la mettant sur sa route. Il resta un instant de trop à la fixer, perdu dans ses pensées et leurs regards se croisèrent. Réaction des plus puériles, il se retourna, comme si un rayonnage de visses pouvait le cacher d'elle maintenant qu'elle l'avait repéré. Pour la filature, il repasserait.

Chaos in the calm

Tamsin & Jackson

La vieille flanelle de sa chemise bruissait sur ses bras, ses manches remontées accompagnant ses gestes tandis que Tamsin hésitait devant un rayon entier de pots de peinture. Son autre bras reposait le long de son corps, un panier en plastique à moitié plein serré entre ses doigts. Si le théâtre était encore loin d'être totalement rénové, la blonde avait besoin de se projeter. Entre autres, elle s'était rendue dans ce magasin de bricolage afin de choisir les couleurs de son futur décor. Elle avait déjà l'idée, il lui manquait les fournitures. Et le talent, également. Avant de peindre, il fallait dessiner, chose qu'elle ne savait pas faire. Avant de dessiner, il faudrait un support. Avant le support, il faudrait le faire tenir sur quelque chose. Avant encore, il faudrait réparer la toiture. Avant, Tam, avant ... Pense à l'instant présent ! se moqua-t-elle d'elle-même, poussant son index vers un cobalt attrayant. Pour mieux se raviser. Non, l'avant est important. Tu ne peux pas faire ça n'importe comment. Pour qu'un bâtiment tienne, il faut des fondations ! Les lèvres légèrement tordues en une moue à mi-chemin entre la bouderie et la déception, elle se força à changer de rayon. Elle avait convenu avec l'entreprise qu'ils lui feraient une remise si elle s'acquittait de certaines tâches elle-même. Il fallait refixer les planches de la scène, recoudre les rideaux, voire les changer tellement ils étaient mangés aux mites ... Les boiseries avaient aussi grand besoin d'être traitées et vernies. Oui, avant. Il faut vraiment s'occuper de cet 'avant'.

Ainsi erra-t-elle d'allées en allées, le regard légèrement perdu dans le vague. Un marteau était tellement moins attrayant que tous ces jolis pots qu'elle avait vu un instant auparavant. Elle qui avait assuré retrouver les nuances lorsqu'elle était descendue de l'avion à Bowen, trouvait l'existence un peu terne depuis quelques temps. Plus exactement, depuis qu'il était reparu. Depuis qu'il était reparti. Il avait suffi qu'ils se retrouvent pour qu'un arc-en-ciel explose dans ses prunelles. Alors, forcément, le voile était quelque peu retombé. Et pour peu qu'il ne se relève plus de si tôt, il faudrait bien compenser. Soupirant, elle pivota sur ses talons. Les clous. Commencer par les clous.

Leurs yeux se heurtèrent.
La marée montante reprit sa course folle vers cette plage à engloutir.
Les couleurs reprirent leurs teintes bariolées.
Il était là.

Sauf qu'il fuyait. Tel un enfant prit la main dans un pot de confiture, il opéra un demi-tour fuyant tout à fait éloquent. Loin de s'en offusquer ou de s'en sentir blessée, Tamsin sourit. Dissimulant ses lèvres ourlées derrière le dos de sa main, elle attendit un instant que son hilarité retombe pour contourner un rayonnage et s'approcher du bout de l'allée où Jackson s'était réfugié. Le panier désormais dans ses deux mains, l'épaule calée contre une étagère, elle lui adressa une moue mutine assortie de sa plus belle oeillade amusée. " Tu sais, Jenny pourra te le dire, j'ai toujours été la meilleure à cache-cache. " Elle se moquait un peu. Gentiment. En réalité, tout dans sa posture et dans la façon dont elle le regardait trahissait sa joie de le revoir. Heureusement que les bonnes cachettes étaient peu nombreuses, dans le coin.
 

Tamsin & Jackson

Jackson tenta au départ de se cacher, pire qu’un gosse, il se serait donné des gifles pour tant de bêtise, leurs regards s’étaient croisés, une seconde, tout au plus, mais suffisamment longtemps pour que Tamsin comprenne qu’il était là et, pire que tout, qu’il la suivait. Pris de panique, tel un animal dans les phares d’une voiture, il restait interdit, ne savait quoi faire, il restait alors, cloué sur place, espérant presque qu’elle prenne peur elle aussi et qu’elle n’ose pas venir à sa rencontre. Mais quel âge avait-il pour se comporter de la sorte, il n’était plus un adolescent timide qui avait peur d’embrasser une fille pour la première fois et puis cette fille là il la connaissait, il l’avait trop attendu, il l’avait espéré, depuis tellement d’années, voilà que pourtant il se défilait, comme la dernière fois qu’ils s’étaient vu. Il avait préféré fuir pour se protéger plutôt que de faire face à ses sentiments et à ceux que lui avait livré Tamsin, cœur ouvert. Le sien était telle une plaie béante mais, pire que tout, chose qu’il n’osait s’avouer, il avait une peur bleue de se laisser aller à écouter ce cœur qui lui avait joué trop de tours. Mais il semblait que Tamsin soit bien plus téméraire que lui puisqu’il la remarqua, du coin de l’oeil, s’avancer devant lui, il ne tournait pas la tête, restant là, tendu comme une perche, se persuadant que le rayonnage le cachait, comme s’il pouvait faire corps avec les barres de métal, quel crétin ! Il restait résolu à ne pas vouloir la regarder, comme un gamin qui boudait, alors qu’elle se calait près de lui et qu’elle le raillait d’une voix amusée. Il fini par tourner le visage vers elle, crispé, pourtant il se dérida un peu en voyant sa mine réjouie, visiblement elle était d’humeur joyeuse et mutine. Et puis elle était belle à se damner, comment résister... Jenny, il pourrait vous la décrire dans les détails alors qu’il ne l’avait jamais rencontré, mais Tamsin adorait sa sœur et elle lui en avait parlé souvent. C’est triché, tu as toujours eu un radar pour me prendre en flagrant délit. Et puis qui te dis que je n’avais pas besoin d’acheter des... Il tendit le bras pour attraper un paquet dont il lisait l’étiquette. Ah, oui, c'est ça, des visses à bois... pour un cadre. Il grimaça, pitoyable, son excuse était bidon, il se rendait d’autant plus ridicule. Puis il s’accouda au rayonnage, se tournant totalement vers elle, osant même un sourire en coin. Qu’est ce qu tu viens faire ici Tam, besoin de fournitures pour le théâtre ? Les travaux avancent bien ? Voilà quelques semaines qu’ils ne s’étaient pas vu, qu’il n’avait pas cherché à la contacter, qu’il l’évitait, même, parce que sa présence à Bowen il avait encore du mal à l’accepter, à s'y faire. Pourtant il y pensait tous les jours, au fait qu’il n’avait qu’un coup de fil à passer, que quelques pas à faire, pour la rejoindre, à l’idée qu’ils respiraient à nouveau le même air et qu’elle n’attendait qu’un signe de sa part. Il se réveillait chaque matin, essayant d’effacer l’image de son visage tout près du siens, la sensation de ses lèvres sur sa main, mais elle était là dans chaque parcelle de son être et une fois encore on la mettait sur son chemin, même dans un lieu aussi désuet qu’un magasin de bricolage. Alors là il ne pouvait plus reculer ni se cacher derrière des excuses, elle était face à lui et il devait bien s’avouer qu’il était plus que content de la voir, même mort de trouille il était fou de joie. Et puis il restait inquiet pour elle, pour la montagne de travail que lui imposait la remise à neuf de son théâtre, mille fois il avait eu l'envie de venir lui prêter main forte pour lui rendre la tâche plus simple, mais il n'osait pas ne serait-ce que proposer, il ne voulait surtout pas s'imposer dans sa vie.

Chaos in the calm

Tamsin & Jackson

Tamsin avait eu une belle enfance. Une de celles que beaucoup lui aurait envié, faite de goûters d'anniversaire gigantesques, de courses dans le jardin familial, de cabanes dans les arbres, de parents qui dansaient au son d'une vieille chaîne stéréo dès lors que l'envie leur en prenait, de rires et parfois, de remontrances tout à fait justifiées. Elle avait été bien élevée. Elle avait été entourée. Elle avait été aimée. Alors, elle avait essayé de rendre cette grâce, à son échelle, comme elle le pouvait. Et surtout, elle ne s'était jamais montrée envieuse, ou pire, ingrate. Quand elle évoquait Jenny, c'était avec cette tendresse propres aux soeurs ayant su être bonnes l'une pour l'autre, dans les meilleurs comme dans les pires moments.

Elle aurait tout aussi bien pu se perdre dans ces réminiscences, dans ce passé révolu, dans ce bonheur qui remplissait les albums de famille. Mais pour ça, il aurait fallu que Jackson ne soit pas là. Pas devant elle, à accepter qu'elle l'ait retrouvé dans cette allée sans tourner les talons de nouveau. Il aurait fallu qu'il ne rentre pas dans son jeu, qu'il ne se saisisse pas de la première boite à portée en feignant l'innocence alors que son regard clamait le contraire. Il aurait fallu de l'indifférence, un "au revoir" glacial. Quelque chose. N'importe quoi qui aurait donné l'impression à la blonde qu'elle se montrait puérile et qu'il était passé au-dessus de ces enfantillages. Peut-être, alors, serait-elle revenue sur Terre et n'aurait-elle pas senti que de petites plumes lui caressaient le dos, prémices des ailes qui lui poussaient dès qu'il se trouvait dans les parages. Son sourire s'agrandit. " Bien sûr, des vis à bois. Pour un cadre. " répéta-t-elle, faussement sentencieuse, comme si elle mesurait toute la solennité de cette révélation. Elle dut faire appel à toute sa maîtrise pour ne pas échapper le rire qui lui brûlait la gorge. Semblait-il que ni l'un ni l'autre ne souhaitait vraiment grandir. Elle appréciait la fluidité de cet instant, l'aisance de la réplique du jeune homme, parfait miroir de celle qu'elle avait eu à son attention une seconde plus tôt. Elle avait connu tant d'ex-amants dont même un simple 'bonjour' se transformait en parcours du combattant, entre rictus crispés et posture guindée. Au moins n'étaient-ils pas ceux-là. C'était rassurant. Malheureusement, cela éveillait aussi en elle des sensations qui n'étaient pas les bienvenues. Pas ici. Pas avec lui. Pour leur bien. N'est-ce pas ? Oui, pour leur bien.

Seulement, comment pouvait-elle rester insensible au portrait qu'il lui offrait ? Ses prunelles rivées aux siennes, sa décontraction ... Et ce sourire. Seigneur ! Fallait-il être une entité bien pernicieuse pour inventer les effets d'un simple tressautement de lippes sur le coeur de quelqu'un ! Ses jambes se ramollirent et elle se félicita d'avoir eu la bonne idée de s'accoler à l'étagère, sans quoi, nul doute qu'elle aurait vacillé. Un ridicule consommé dont elle-même se rendait compte. Quel âge avait-elle, au juste, pour se comporter de la sorte ? Elle aurait fait honte à la plus fleur bleue des adolescentes ! Se raclant la gorge, elle se redressa, sans perdre pour autant sa mine avenante. Jackson avait, Dieu merci, trouvé un sujet plus sérieux. Un peu trop. Son regard se fit fuyant un instant et elle perdit quelque peu de sa superbe. Néanmoins, comme à son habitude combattante, elle ne mit pas longtemps à retrouver sa contenance. " Exactement, je suis venue chercher des ... Clous. Et des ... " Elle fouilla dans son panier. " De la colle à bois, du vernis ... " énuméra-t-elle sans conviction, sa grattant la tempe de sa main libre, quelque peu circonspecte. " Ne le dis pas aux ouvriers, mais je n'y connais pas grand-chose, en fait. " ajouta-t-elle, conspiratrice tout en redressant le menton. Petit mensonge, tout de même. Son père était artisan, elle savait parfaitement de quoi elle parlait. Sauf qu'entre la théorie et la pratique ... Les tâches qui l'attendaient lui apparaissaient gigantesques en comparaison de ses capacités.

Elle réalisait parfaitement qu'elle avait sciemment occulté sa question concernant l'avancée des travaux. Elle aurait aussi bien pu continuer dans cette veine, elle doutait qu'il insiste. Mais peut-être parce que c'était lui, ou tout simplement parce qu'il était l'une des rares personnes qu'elle ne craignait pas de décevoir, elle reprit : " Pour être honnête, il y a bien plus à faire que je le croyais. La toiture est percée d'à peu près partout, de la salle aux loges, le papier peint s'affaisse, les boiseries sont rongées par les mites ... Je pense que je vais y laisser jusqu'à mon dernier penny ! Voilà pourquoi je suis venue m'équiper, j'essaie de faire quelques petites choses moi-même, pour faire des économies. " Le pire était que toutes ces déconvenues ne semblaient pas particulièrement l'affecter. La lueur dans ses iris ne montrait pas le moindre fléchissement de détermination. C'était à se demander ce qui aurait bien pu l'entamer. " Et toi, alors ? Tu prépares une nouvelle exposition ? " Sincèrement curieuse, elle ne put s'empêcher d'espérer qu'il réponde par l'affirmative. Son travail était absolument splendide et elle ne se laissait pas de découvrir chacune de ses nouvelles oeuvres. Dans l'ombre. Et de loin, désormais.
 

Tamsin & Jackson

Dans son fort intérieur, Jackson avait espéré que Tamsin n'entre pas de ce petit jeu puéril, qu'elle viendrait le saluer et puis qu'elle prétexte être pressée, vérité ou non, qu'elle se détourne de lui au lieu de lui offrir son sourire amusé. S'aurait été plus simple d'essuyer sa fuite, il aurait pu se murer dans son silence et ne pas sentir tout son être se mettre en branle, son coeur se réchauffer et ses lèvres s'ourler d'un sourire alors qu'elle choisissait la second option, qu'elle avançait vers lui, badine, visiblement ravie de le trouver ici. C'était étrange comme tous deux réagissaient différemment à chaque fois qu'ils se trouvaient ensemble, ça avait toujours été le cas, Tam était celle qui allait de l'avant, qui faisait des projets, pendant que Jax se terrait dans son trou, toujours incapable d'avancer. Des idées, des envies, pour elle, pour eux, la blond en avait mille, toujours en stock, c'était étourdissant pour celui qui voyait la vie à travers un entonnoir et même s'il l'aurait bien suivi au bout du monde, il avait toujours en tête qu'il finirait par la décevoir alors il avait préféré la faire se lacer de lui. Et aujourd'hui c'était à peu de choses près encore et toujours la même histoire, elle était joyeuse, solaire, elle semblait heureuse, de sa vie mais aussi de le revoir, tout comme lors de leurs retrouvailles, elle semblait fourmiller de projets et n'hésitait pas à s'ouvrir à lui, à lui faire comprendre qu'elle serait capable de le voir dans le tableau de sa vie, à nouveau. Alors que lui prenait peur se disant qu'il aimerait tant se réchauffer à son contact, toucher du doigt le bonheur à nouveau, mais il se pensait toujours incapable de se prendre en main, elle avançait pourtant vers lui et il n'avait qu'une envie, la serrer contre lui, il faisait malgré tout deux pas en arrière, se cachant derrière un bouclier d'excuses bidons et de frayeurs qui le paralysaient. Mais pourtant en cette après-midi, il se permettait de sourire à son ex, elle avait vu clair dans son jeu et le prétexte minable des visses à bois n'ayant pas été des plus probants, il rit même de son propre ridicule. Elle était bien aimable de ne pas s'esclaffer même s'il sentait qu'elle se retenait de rire, rendant la situation encore plus bête. Mais on ne sentait pourtant aucune gêne malsaine entre eux, certes Jax était sur la défensive, comme toujours, mais il ne prenait pas ses jambes à son cou il se prêta même à la confidence. Je t'ai aperçue dans une allée, tu m'as pris la main dans le sac. Il lui sourit doucement, gêné mais soulagé d'un poids bien inutile et puis il savait bien qu'elle l'avait compris depuis le départ alors autant avouer. Il l'observait, d'abord du coin de l'oeil, comme à la dérobé, puis totalement, après tout elle le mangeait des yeux elle aussi alors autant ne pas se priver, elle était si belle, bon Dieu comme il fulminait de se dire qu'elle avait pu devenir la femme d'un autre, qu'un autre avait posé ses mains sur sa peau si délicate et qu'elle aurait pu rester avec cet autre jusqu'à la fin, comme il le haïssait. Parce que Tamsin c'était la sienne et qu'il était possessif. Et jaloux. A cette pensée il fini par se focaliser sur quelque chose de sérieux, n'importe quel sujet même le plus banal serait le bon, alors il choisi la banalité. Et il perdit le contact, Tam s'était presque éteinte, comme déstabilisée qu'il brise instant magique, mais même si se perdre dans ses yeux c'était toucher un peu de sa grâce du bout du doigt, il arrivait toujours à se retrouver terre à terre, c'était son moyen à lui de ne pas se perdre totalement. Elle semblait perdue, répondit en bafouillant, il la regardait avec curiosité farfouiller dans son panier. Oui, je vois que tu es aussi perdue que moi par ici. Il lui offrit un sourire empreint de douceur et de compréhension. Et puis, après un instant de flottement, elle finit par vider son sac, lui expliquer à quel point elle semblait se noyer sous la masse de travail, avec pourtant une mine qui n'avait pas l'air déconfite du tout, il croyait même deviner une sorte d'excitation à l'annonce de tout ce qu'elle aurait à accomplir, comme si elle était parfaitement à sa place. Pourtant la blonde ne tarda pas à lui demander s'il avait lui aussi des choses de prévu dans sa vie. Il se gratta l'arrière du crâne, il avait tellement de mal à parler de son travail qui n'en était pas du tout un pour lui. Mon agent s'en occupe, je lui fais entièrement confiance, moi je fourni les toiles. J'en ai pas mal en stock, j'ai été assez productif ces derniers temps. Pour ce qui est de l'agencement des expos, moi je n'y connais rien, lorsqu'il pense que c'est bien je viens donner mon approbation. Enfin tu sais... je ne suis jamais très à l'aise en société alors les vernissages... Il préférerait avoir la grippe ces jours là. Il remua un peu sur place. En gros, je suis assez dispo... si tu as besoin d'un coup de main pour les travaux, n'hésite pas. Je suis mauvais en bricolage mais je suis brave. Il en bomberait presque le torse, même s'il exagérait et elle le savait, il était plutôt bon de ses doigts, en homme manuel, il avait construit ou réparé pas  mal de choses dans son atelier. Sa proposition spontanée le surprenait presque lui-même.

Chaos in the calm

Tamsin & Jackson

La jeune femme comprenait sans peine le succès des oeuvres de Jackson. Elle se souvenait les avoir admiré dès le premier coup d'oeil. Si elle avait été moins respectueuse, elle aurait touché du bout des doigts la peinture pour s'en imprégner, pour capter l'essence émotionnelle qui s'en dégageait. A l'époque déjà, elle se demandait ce que les galeries attendaient pour se ruer sur lui, lui proposer expositions et beaux chèques. Mais au fond, elle le savait. D'ailleurs, il le lui confirma. Les belles assemblées, les cocktails, les amateurs d'art questionnant sur le sens profond de telle couleur, de telle courbe ... Ce n'était pas pour lui. Son ancien amant était un solitaire, un de ceux qui travaillaient dans l'ombre et dont il aimait les ténèbres. Se confronter à la critique, c'était probablement risquer de perdre l'équilibre. Et bien qu'il s'en soit sorti, elle ne doutait pas qu'il fut précaire.

Au moins continuait-il à peindre et en cela, c'était une excellente nouvelle. La célébrité avait tôt fait de vous tourner la tête, de vous faire oublier la passion qui vous muait à l'origine. Elle en avait vu d'autres se perdre. Elle avait bien manqué en être. Ce qui avait été compliqué, une lutte difficile, se transformait soudain en un courant fluide, tranquille, comme si tout était soudain acquis. Au fond, si elle retenait une victoire de ses années à New York, c'était celle-ci : avoir su s'écouter et lorsque le temps était venu de refaire sa valise. Au mot "agent", le sien se rappela à son souvenir. Malgré le fait qu'elle lui ait dit qu'elle ne reviendrait pas sur sa décision, il continuait de lui laisser régulièrement des messages. Non pas qu'il ait eu une quelconque considération pour son bien-être - auquel cas, il aurait cessé son harcèlement depuis un moment -, il tentait seulement de récupérer sa poule aux oeufs d'or. Des dollars cartoonesques clignotaient dans ses petits yeux de fouine lorsqu'il la regardait. Il arrivait même à en transpirer par la bouche quand il lui demandait, sur un ton mielleux, de le rappeler. Grotesque.

Elle ne voulait plus de ça.
Elle aspirait à mieux.

Aussi, alors qu'elle rivait ses prunelles à celles de Jackson était-elle encore davantage confortée dans son choix. Une partie d'elle-même lui soufflait qu'elle s'engageait là dans un jeu dangereux, qu'elle risquait d'y laisser encore quelques plumes et pourtant, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle ne pouvait retenir son coeur de battre avec ferveur ou ses veines se laisser parcourir par une douce chaleur familière. Sa raison n'avait jamais été particulièrement maîtresse de ses sens, ses désirs, en revanche ... Elle cligna des yeux et renversa légèrement la tête en arrière. Elle se sentait s'abîmer dans des rêves qui n'existaient même plus. Retournée sur terre, elle renvoya une oeillade compréhensive à son interlocuteur. " Je suis sûre que le costume te va très bien. " se moqua-t-elle gentiment, en réponse à son malaise. Ainsi qu'il l'a été dit, elle voyait très bien où il voulait en venir. Peut-être même était-il accompagné dans cette tâche ardue qu'étaient les vernissages. Une femme. Une belle femme, probablement. Accrochée à son bras et qui ... Une bouffée de chaleur l'envahit. Il fallait qu'elle repousse cette vision avant que son ventre ne se mette à gronder de jalousie. Ce n'était pas juste pour Jackson. Il était libre. Qu'elle que soit sa vie désormais et s'il la partageait avec quelqu'un, il en avait parfaitement le droit. Enfin, si tel était le cas, sa proposition suivante était pour le moins déconcertante. Malgré elle, son sourire redoubla. " Alors, tu es engagé ! " répliqua-t-elle aussitôt, sans réfléchir. D'un naturel spontané, en plus grisée par la perspective de passer quelques heures supplémentaires avec lui, elle réalisa sa stupidité un instant plus tard. Ses joues s'empourprèrent. " Je veux dire, bien sûr, ce sera avec plaisir. Crois-moi, inutile d'avoir fait une formation quelconque pour passer une couche de vernis sur les boiseries. " Voilà, c'était mieux. Plus ... Plus adulte. Elle raffermit sa prise sur son panier. " Si ça te dit, je serai au théâtre dans une petite heure. Je dois passer chez mes parents avant mais j'y serai. Sans faute. " Il était fort probable qu'il n'attende pas une invitation si rapide. Il lui avait même demandé, lors de leurs retrouvailles, de lui laisser le temps. Seulement, elle ne pouvait se défaire de la façon dont il la regardait, celle dont il l'avait surprise au détour d'un rayon et qu'il n'ait pas fait mine de s'enfuir. Tamsin avait appris à saisir toutes les opportunités, même les plus minces.
 

Tamsin & Jackson

Tamsin l’écoutait, avec la bienveillance et la douceur qui la caractérisait. Et ça rappelait à Jackson ces heures passées chez lui, des instants qu’il croyait oubliés, perdu à jamais dans les limbes de sa mémoire défaillante à cause de trop d’abus. Pourtant les souvenirs étaient toujours là, dans un coin de sa tête, bien cachés, ils n’attendaient que leur heure pour se frayer un chemin jusqu’à lui et couler de ses veines jusqu’à son palpitant pour le réchauffer d’une exquise mélancolie. Lui revenaient ces instants où il peignait dans les premières lueurs du jour, une cigarette aux lèvres et qu’elle le regardait faire, vêtue d’un simple t-shirt trop grand, l’un des siens, une tasse de thé à la main. Il laissait s'exprimer sa créativité et en même temps ils refaisaient le monde. A cette époque il était presque loquace notre artiste, il lui parlait de ses rêves, des ses envies, il disait qu’il voulait la faire voyager, l’emmener à LA, sur les traces de sa mère, elle lui parlait de sa troupe et ses aspirations de comédienne, ils parlaient encore et encore. Et puis quand Jax en avait assez de noircir ses toiles il revenait à elle, il retirait ce t-shirt qu’il trouvait de trop et puis de ses doigts tâchés de peinture il parcourait une autre toile, sa favorite, celle dont il ne se lassait jamais. C’était une époque bénite où ils se suffisaient presque à eux-même, tous les deux ils s’étaient construit un monde, une forteresse de tendresse contre un monde bien trop noir, Jackson se permettait d’espérer qu’un jour il irait mieux, elle lui offrait ce luxe là où bien d’autres personnes avaient échoué. C’était si bon de retrouver cette sensation, fut-elle réapparu entre les rayonnages d’un magasin de bricolage, peu importe l’endroit, puisqu’elle était là et qu’elle le regardait, elle n’avait d’yeux que pour lui et c’était dans ce regard là qu’il se révélait, il se sentait presque important grâce à elle, lui, l'insignifiance incarnée. Il rit doucement, il ne possédait en tout et pour tout qu’un seul costume, acheté pour des funérailles et qui faisait aussi l’affaire lors des vernissages, il n’en avait rien à faire de son look. Avec une jolie femme à mon bras ça mettrais le costume bien plus en valeur. Il se sentit bête d’avoir sortit cette réplique sans réfléchir, comme s’il lui proposait de l’accompagner.
Et dire qu’il l’avait presque supplié de lui donner du temps la dernière fois qu’ils s’étaient vu, se laissant envahir par trop de sentiments contraires à son égard, trop de sentiments tout court, lui qui croyait ne rien éprouver pour personne, ce jour là il s’était senti glisser dans une nostalgie accablante qui l’avait paralysé. Mais voilà, dans le fond Tamsin avait toujours été une sorte de drogue pour lui, une addiction presque pire que celle à l’héroïne parce qu’elle attaquait le coeur du bonhomme et aujourd’hui il était en manque. De l’avoir ne serait-ce que touché du doigt l’autre jour, il était retombé dans la dépendance. Alors voilà qu’il lui proposait son aide. Et que la belle sautait sur l’occasion elle aussi, il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre, tous les deux ils s’entraînaient, incapables de se repousser, incapables de résister. Il sourit doucement lorsqu’elle se rattrapa. Alors je devrais m’en sortir, c’est une sorte de peinture, finalement c’est même plutôt dans mes cordes. Voilà qu’il en rajoutait, comment se rendre indispensable, l’air de ne pas y toucher. S’il fut surpris par sa proposition de la rejoindre au théâtre dans une heure, il n’en fut pas moins ravi, même s’il restait impassible. Je… j’ai encore un travail à terminer, une toile à monter sur cadre et à préparer à l’envoi, une grosse commande. Il hésita une seconde, prenant peur, encore une fois, cherchant presque une issue, un terrier dans lequel se cacher, encore, alors qu’il mourrait d’envie de la retrouver un peu plus tard. Et puis il flancha, parce que de toute façon ça ne serait toujours que reculer pour mieux sauter. Je peux te rejoindre dans la soirée. Quand j'aurais terminé. Finit-il par lâcher, un fin sourire aux lèvres, laissant cette fois-ci le cœur l'emporter sur la conscience.

Chaos in the calm

Tamsin & Jackson

Les battements de son coeur s'étaient un peu plus emballés. Elle n'aurait pas cru ça possible, étant donné l'état actuel de son palpitant, et pourtant ... La proposition soudaine, spontanée, qu'elle venait de faire à Jackson, lui apparaissait, avec quelques secondes de recul, quelque peu malhabile. Et probablement prématurée. Peu importait. Mieux valait les remords que les regrets. Si la jeune femme s'était mordue la langue, elle craignait de se flageller plus tard pour avoir eu peur. Parce que ce n'était pas dans son tempérament. Elle essayait, elle tentait, s'engouffrait dans la moindre petite brèche. En ça, elle était restée la même. S'il le lui refusait, et bien ... Elle s'en accommoderait. C'était mieux, toujours mieux d'avoir osé, que de s'être brimée.

Après l'emballement, ce fut la suspension. L'espace de quelques secondes, temps, corps et âme vécurent dans l'attente de sa réponse. Elle fut percutée par son dilemme, par le léger malaise qui venait de le saisir. Du moins, ce fut se qu'elle crut voir. En proie à ses propres émotions, elle les refléta sur son interlocuteur pourtant resté impassible. Seule sa première réponse et son ton mal assuré trahit son hébétude. Une pointe de déception naquit dans son esprit. Elle était allée trop vite, trop loin. Il avait besoin de temps, d'être apprivoisé de nouveau et elle, elle se jetait presque sur lui. Cependant, avant d'avoir pu de sentir totalement stupide, elle eut la chance qu'il continue, lui assurant que lorsqu'il aurait terminé son travail, il la rejoindrait. Elle ne put retenir l'immense sourire qui dévoila ses dents immaculées. Pour peu que Jackson ait apprécié sa proposition, lui, avait eu la décence de n'en rien montrer. Tamsin avait, visiblement, bien moins de retenue. " Aucun problème. On se retrouve là-bas quand tu seras libre. De toute façon, j'ai pris l'habitude de travailler de manière tardive ... " Comme c'était étrange, ce besoin tout aussi soudain qu'elle ressentait de se justifier. Elle dissimula ses joues menaçant de s'empourprer d'une mouvement de tête, en secouant légèrement le menton. La vérité, c'était qu'elle l'aurait attendu jusqu'à l'aube, voire la prochaine, s'il le lui avait demandé. Consciente de sa naïveté éculée, elle se racla la gorge et ajouta, d'un ton plus posé : " A tout à l'heure, Jax. " Un sourire plus tard, elle pivotait sur ses talons et se rendait jusqu'aux caisses afin de régler ses quelques achats.

Elle n'avait pas menti, elle devait bien se rendre chez les Blackwell avant de rejoindre le théâtre. Sa mère avait insisté pour qu'elle passe, désirant son avis sur les nouveaux flyers destinés à faire un peu de publicité à son association contre les violences faites aux femmes. Une cause chère à son coeur que sa fille avait toujours soutenu, autant par conviction que par amour pour sa mère. Cette dernière parvint même à la convaincre de se dégager une soirée. Un gala de charité devait avoir lieu dans quelques semaines et l'association faisait partie de celles pour lesquelles ils tenteraient de récolter des dons. Il paraissait important que la blonde soit là, ne serait-ce qu'en soutien. Inutile de préciser qu'elle préparait déjà le chèque : sa mère n'aurait même pas voulu en entendre parler. Elle réclamait sa présence, non qu'elle puise dans le butin amassé à New York. Puis, Tamsin passa par l'atelier de son père. Une accolade chaleureuse plus tard, elle l'interrogea sur sa dernière oeuvre. Un rocking-chair pour Jenny. Attendrie, elle observa l'homme aux tempes grisonnantes qui deviendrait bientôt grand-père. Cette perspective la mettait autant en joie qu'elle la rendait mélancolique. Jenny avançait, construisait une belle vie. Elle était heureuse pour elle. Mais également quelque peu triste d'en être encore si loin. Repoussant les sentiments désagréables, elle se concentra sur le discours passionnée de son père. Le moral remonté en un rien de temps, elle finit par prendre congé.

Le crépuscule était déjà bien avancé lorsqu'elle se gara devant le Rosa Parks. Néanmoins, l'endroit était plus vivant que jamais. Jackson n'était pas le seul à s'être proposé pour venir donner un coup de main : la troupe, motivée par leur metteur en scène et l'espoir qu'elle faisait renaître en eux avec son projet fou, se relayait à coups de pinceaux et de marteaux. Après un accueil aussi enthousiaste que s'il avait s'agit de sa propre famille - et d'une certaine manière, ça l'était -, elle se joignit à eux. Environ une heure plus tard, alors qu'elle tentait de réparer un vieux fauteuil dans les coulisses, elle entendit une voix s'exclamer : " Hey ! Un petit nouveau ! " Abandonnant aussitôt sa tâche, elle s'empressa de rejoindre la salle où son ancien amant venait d'apparaître. Un sourire à demi-béat hantait ses lèvres. " Tu es venu. " Avant de réaliser qu'une demi-douzaine de personnes les fixaient. Non contente de l'avoir invité sur le vif, on aurait pu croire qu'elle lui avait tendu un guet-append. Le jeune homme n'avait sans doute pas imaginé qu'il trouverait autant de monde à cette heure. Mortifiée, elle parvint néanmoins à conserver une certaine contenance devant ses amis. " Jackson s'est proposé pour nous donner un coup de main. Donc, tout le monde, voici Jackson. Et Jackson, je te présente ... Tout le monde ! " Des rires lui répondirent et chacun vint le saluer, mais également le remercier. S'ils reconnurent l'artiste fraichement propulsé au sommet, ils n'en montrèrent rien, se contentant de l'accueillir comme ils l'auraient fait avec n'importe qui, à grands renforts de gentillesses. Tamsin respira un peu mieux. Les présentations terminées, elle l'entraina un peu à l'écart. L'inquiétude se lisait sur son visage. " Je suis désolée, j'aurais dû te dire qu'ils seraient là ... " Elle était sincère. Elle savait qu'il n'était pas à l'aise en présence d'inconnus. Elle espérait seulement que leur façon d'être et d'agir quand il était arrivé lui avaient permis de se détendre. " Tu veux bien rester quand même ? Je te promet qu'ils sauront se comporter. Ils n'ont pas envie d'avoir affaire à moi. " ajouta-t-elle avec humour. Avec un peu de chance, elle achèverait de le convaincre. Non que qui que ce soit la craignait - quelle blague -, simplement qu'en ces lieux, il pouvait se sentir aussi chez lui que c'était le cas pour elle.
 

Tamsin & Jackson

Il avait promis de venir la retrouver au théâtre et rien que lire la joie si pure sur le visage de Tamsin le rendit fou, ça le galvanisait. Jackson qui n'était pas familier des effusions resta lui très calme, il la salua doucement et puis la regarda partir, surpris qu'elle l'ait appelé Jax, ce surnom qu'il n'avait pas entendu résonner dans sa bouche depuis si longtemps resta un moment à faire écho dans son esprit, chatouillant doucement le creux de son ventre, les papillons comme aimaient appeler ça les jeunes filles fleurs bleues, lui n'était pas tellement romantique, c'est ce qu'il se laissait croire. Il resta encore un instant à regarder dans la direction qu'elle avait prise, bien après qu'elle n'ait disparu du magasin, comme hypnotisé par cette rencontre providentielle et les conséquences qu'elle avait engendré.
Et puis il rentra chez lui, fini le travail déjà engagé et prépara cette toile qu'il devait livrer le lendemain. L'heure tournait et il avait la tête ailleurs, il essayait de ne pas penser à Tamsin mais c'était impossible, elle était là dans chaque coin de sa tête, à se rappeler à son bon souvenir, elle et son parfum délicat, ses cheveux d'or et ses yeux hypnotiques. Elle qui le fascinait comme une lumière attirait un papillon de nuit. Au moment de partir pour enfin la retrouver une sorte d'angoisse monta en lui, de ces vieux démons qui ressortaient toujours au moment opportun comme un garde fou qui tentait de lui faire passer un message, accourir vers Tamsin c'était courir à sa perte, c'était se jeter dans le vide, sans filet, c'était embrasser son rêve qui pourrait virer au cauchemar, c'était oser croire à nouveau que cette chimère qu'on appelait le bonheur pourrait lui être accessible, alors qu'il n'y croyait pas, qu'il n'y avait jamais cru, à peine touché du doigt durant quelques superbes mois il y a si longtemps... et vite réduit en poussière. Il faisait encore jour et il se mit à tourner en rond. Allumant une cigarette il retourna vers ses anciens tableaux, ceux qu'il n'avait  jamais finis, il en avait quelques uns, il en cherchait un en particulier. Lorsqu'il le trouva enfin il le sortit du lot, l'observant un instant en laissant la clope se consumer doucement entre ses lèvres il soupira. C'était l'un des nombreux portraits de Tamsin, l'un de ceux qu'il avait fait après son départ, un tableau sombre, presque mortuaire, il n'allait pas très bien au moment où il avait jeté la peinture sur la toile, il s'était défoulé, apposant sa frustration et sa tristesse de l'avoir laisser partir. Il posa le tableau sur un chevalet et pris une bombe de peinture aérosol, une couleur vive, un bleu clair, il ajouta des touches de couleurs qui illuminèrent la toile, il lui rendait sa splendeur. Ne remarquant pas que le soleil s'était couché, il finit par se mettre en retard, ce ne fut que quand la lune rayonna dans le ciel qu'il se rendit compte que le temps avait passé. Il essuya ses doigts mais n'en retira pas toutes les taches, il se précipita à l'extérieur, presque persuadé qu'il était trop tard et qu'il trouverait porte clause devant le théâtre.
Mais ce fut au contraire une joyeuse cacophonie qui l'accueillit à son arrivée. Surpris, presque déçu de ne pas se trouver seul avec Tamsin et en même temps soulagé, il avança doucement dans la grande salle. Un grand black au sourire franc vient le saluer, il lui tendit la main en lui disant qu'il s'appelait Tom, Jax se présenta à son tour en lui serrant la main avant de voir Tamsin accourir des coulisses. Ils restèrent un instant à se manger des yeux comme s'ils avaient été seuls avant qu'elle ne brise un silence devenu gênant. Il offrit un de ces demi-sourire dont il avait le secret à toute l'assistance avant de lever une main timide vers tous ces inconnus qui le fixaient. Salut, j'arrive un peu tard, désolé ! Et la glace fut brisée, on vint le saluer, lui serrer la main, l'embrasser, il entendit une quantité de prénom qu'il oublia instantanément. Cette petite bande chaleureuse était à l'image de son ex. Il se demanda si certains savaient qui il était, pour elle, mais personne ne dit rien. Si on l'avait reconnu comme l'artiste à la mode, il s'en moquait totalement, il n'était pas là pour ça. Et puis une fois que le tour des présentations fut fait, Tamsin l'entraîna à l'écart, visiblement gênée. Il sourit doucement à sa confession. Je ne m'attendais pas à un tête à tête ne t'en fais pas. Enfin si, un peu, mais un tête à tête qu'il redoutait, alors avec du monde ça l'aiderait surement à ne pas se sentir trop mal à l'aise. Elle avait une mèche de cheveux qui lui barrait le regard, il la repoussa d'un geste vif, sans trop s'attarder. J'ai promis de t'aider, tout comme tes amis, avec la masse de travail on ne sera pas trop je crois. Qu'est ce tu me donnes à faire ce soir ? Même s'il était mort de trouille de la côtoyer à nouveau, il se montrait courageux, il avait à coeur de l'aider.

Chaos in the calm

Tamsin & Jackson

L'inquiétude lui nouait l'estomac. Elle se sentait stupide. Tellement bête de s'angoisser pour une chose aussi triviale, regrettant presque l'insouciance dont elle faisait preuve envers la plupart des gens qu'elle côtoyait. Pourtant, elle s'était montrée si naturelle, lorsqu'ils s'étaient croisés au magasin ... Peut-être cela avait-il un rapport avec l'endroit. Le théâtre était son monde, son intimité. Elle s'y sentait à la fois forte et vulnérable. Et maintenant que Jackson venait d'y rencontrer les perles de son existence, cette troupe qu'elle avait réussi à réunir après des années de séparation, formant une équipe soudée et protectrice, la peur qu'il tente de fuir ce qu'elle avait reconstruit la tenaillait. Ridicule. Ce n'était pas comme si quelque chose était reparu entre eux, n'est-ce pas ? En tout cas, Tamsin, essayant de protéger son coeur, tentait de s'en convaincre depuis leur entrevue ici-même, si peu de temps auparavant. Tout en saisissant la moindre opportunité pour se retrouver auprès de lui. Ridicule et contradictoire.

Quoi que son ancien amant ressentit réellement face à cette situation, il prit la peine de la rassurer. Elle retint son souffle quand il dégagea une mèche rebelle de son visage, trouvant malgré tout le courage de lui adresser un sourire reconnaissant. Il ne semblait pas se sentir piégé, ce qui était un bon début. Elle ressentit cependant une pointe de déception tandis qu'il lui affirmait ne pas avoir espéré un moment en tête à tête avec elle. Il lui fallut forcer sur ses zygomatiques pour que son sourire ne perde pas de sa superbe. " Et bien, comme je sais que tu as un bon coup de pinceau, je te propose d'aller rejoindre Rebecca au vernissage des boiseries ! " répondit-elle avec bonne humeur, soucieuse de ne pas, en plus de se faire l'âme d'une midinette, se froisser pour si peu. " Elle a tout le matériel et les ouvriers lui ont expliqué la marche à suivre, elle fera une excellente professeure. " Elle lui désigna une silhouette repartir à sa tâche, un peu plus loin. Rebecca était une grande et belle rousse toute en jambes, coach sportive dans la vie de tous les jours. Sociable et au rire facile, elle ne voyait pas personnalité plus idéale pour accompagner Jackson dans son épopée au Rosa Parks'. " Je ... Serai dans les parages, au besoin. " Elle avait légèrement buté sur sa phrase et pour cause : son regard ne quittait pas celui du jeune homme, au point qu'elle se sentait à nouveau fébrile. Presque gauche. Seigneur, il était temps qu'elle installe la clim', il faisait vraiment trop chaud, dans le coin. Après un nouveau sourire moins assuré que les précédents, elle l'accompagna jusqu'à la fameuse Rebecca, laquelle se fit une joie plus qu'évidente d'accueillir le brun à ses côtés. L'oeillade qu'elle lui porta aussitôt était plus que limpide. Il ne la laissait pas indifférente. Plus que libérée à ce niveau-là, elle ne prit pas la peine de le cacher, bien qu'elle resta, en tout cas tant que Tamsin fut près d'eux, simplement sympathique. A contre-coeur, la blonde finit par les abandonner. Elle n'aurait pas son tête à tête, mais apparemment, une autre, si. Quoi qu'elle aurait été bien en peine de leur en vouloir, après tout, c'était elle qui avait décidé de les faire travailler ensemble.

La jeune femme retourna en coulisses et s'acharna un moment sur le fauteuil qu'elle avait délaissé avant de se raviser. Malgré toute sa bonne volonté, elle n'avait pas les compétences suffisantes pour réparer le bois mangé aux mites. La contrariété se lisant sur ses traits, elle décida de changer d'activité. Saisissant un marteau et une boîte de clous, elle réapparut sur la scène et entreprit de refixer les planches avec assiduité. Ainsi qu'un peu plus de force que nécessaire. Elle avait observé son père travailler le bois pendant si longtemps qu'elle se découvrait certains réflexes quand il s'agissait de travailler ce matériau. Si elle avait également appris une chose du travail de Josh Blackwell, c'était la concentration à toutes épreuves et infaillible qu'il réclamait. Pourtant, ses prunelles ne cessaient de dériver vers l'endroit où Jackson et Rebecca s'affairaient. A un rire un peu plus perché que les autres de la rousse, une émotion violente la parcourut. Elle n'eut pas le temps de l'identifier. Ses gestes suivants ses ressentis, elle frappa la planche brusquement. Ou plutôt, son doigt. Un cri lui échappa, suivi d'un " Aïe ! " retentissant. Sa crinière pleine de poussière voleta autour d'elle tandis qu'elle rejetait la tête en arrière, les lèvres crispées par la douleur. Et bien, on pouvait dire que ça aussi, elle l'avait cherché. Ça lui apprendrait à se laisser distraire !

 

Tamsin & Jackson

A force de se protéger des autres, Jackson était devenu un bon menteur, il était capable d'affirmer le contraire de ce qu'il pensait avec un aplomb crevant de vérité et généralement ça fonctionnait très bien. Avec Tamsin c'était un peu différent parce qu'il voulait être honnête envers elle la plupart du temps et que, souvent quand il essayait de lui dissimuler quelque chose, elle s'en rendait vite compte. Mais ce soir alors qu'il affirmait ne pas s'être attendu à un tête à tête il lui mentait à mi-mot, simplement parce qu'il avait trop peur qu'elle comprenne qu'il aurait accouru presque ventre à terre plutôt que de rater une occasion de la voir. Un sourire presque crispé se dessina sur les lèvres de la belle alors qu'elle lui indiquait une tâche qui lui conviendrait. Evidemment il ne montra rien de sa déception de travailler avec une autre qu'elle, si elle cherchait à mettre des barrières entre eux elle s'en sortait très bien, même si Jackson se demandait alors pourquoi elle s'était empressée de lui proposer de venir l'aider ce soir. Mais finalement la réponse était bien simple, c'était lui le premier qui avait dit avoir du temps à tuer et elle n'avait fait que sauter sur l'opportunité de trouver une paire de bras supplémentaires. Peut-être même qu'il s'imaginait des bêtises lorsqu'il croyait comprendre ses regards ou ses sourires, peut-être qu'il n'y avait rien entre eux qu'un reste d'affection passée... peut-être qu'il devait faire attention, s'il continuait dans cette voie, à chercher sa compagnie, à se réchauffer auprès d'elle, il allait certainement souffrir, parce que Tamsin avait changé et finalement rien n'indiquait qu'elle ressente toujours la même chose pour lui. Son sourire s'élargissait alors, à mesure qu'il prenait conscience qu'il devait se blinder, il souriait d'avantage, un peu d’insolence comme pour cacher sa déception d'en avoir encore une fois trop attendu. Dans le fond il restait toujours le clown triste de l'histoire. Devoir faire de la peinture sans avoir à attendre l'inspiration, une vraie récréation ! En vérité jamais Jax n'avait eu à faire autre chose que noircir des toiles artistiques avec un pinceau à la main. Je serai bon élève, promis. Il avait le cœur à ne pas décevoir la blonde qui avait tant besoin d'aide. Alors qu'elle débutait une nouvelle phrase, leurs regards s’accrochèrent un instant, un peu trop longtemps et Jackson s'y perdit, encore une fois. Si quelques secondes plus tôt il s'était promis d'arrêter d’espérer trop d'elle, il avait encore une fois failli à son engagement. Il se força alors à baisser les yeux et Tamsin se rattrapa en continuant. Il sourit faiblement. Je suis un grand garçon Tam, ça ira ! En remontant l'allée jusqu'à ladite Rebecca, notre brun observait toutes ces petites fourmis qui lui avaient été présenté plus tôt s'affairer à leur tâche. C'était beau à voir, tout ce monde que Tamsin avait réuni, cette famille qu'elle s'était créé de toute pièce, de rencontre en rencontre, une famille de cœur qui lui correspondait parfaitement. Jackson ne se sentit pas mal à l'aise auprès d'eux, étrangement il s'y sentait même bien, lui, l’asociale qui n'avait jamais eu beaucoup d'amis. Il fut alors présenté à la sculpturale Rebecca, chevelure flamboyante et corps de rêve, Tamsin ne faisait pas les choses à moiter pour l'éloigner d'elle. Et déjà la rousse lui souriait de façon plus qu'équivoque. D'un coup notre artiste se sentit mal à l'aise et eut presque l'envie de fuir mais cette réaction bien puérile ne servirait pas à grand chose alors il lui sourit pour toute réponse et se présenta juste avant que son ex ne les laisse tous les deux. Il la suivit du regard avant qu'elle ne disparaisse dans les coulisses et puis se retourna vers Rebecca qui n'avait rien manqué de la scène, elle le regardait avec un sourcil en l'air et un sourire malicieux aux coins des lèvres. A voir les tâches que tu as dans les cheveux et sur les mains je dirais que tu n'es pas à ton coup d'essai en matière de peinture. Espérons que tu ne sois pas mauvais en tout cas ! Elle lui tendit un pinceau et un pot de vernis. Par réflexe Jax passa une main dans ses cheveux, en effet ça ne devait pas être glorieux, il ne se regardait que très rarement dans une glace. Je suis artiste peintre. Les avis sont partagés sur mes aptitudes ! Il prit les ustensiles et écouta son nouveau professeur. Bon, t'as de la chance, on a déjà poncé pour toi, mes ongles sont dans un état catastrophique d'ailleurs, faut vraiment qu'on l'aime, blondinette, pour se tuer autant à la tâche ! Elle rit et Jackson lui sourit, par politesse. Tu n'hésites pas à mettre du vernis, le bois va boire énormément, avec un mouvement comme celui-ci, tu vois ? C'est pas bien compliqué, surtout si tu es manuel... Elle son regard glissa encore sur ses mains et puis vint se planter dans le sien. Avec qui Tamsin l'avait-elle laissé ? Il se mit rapidement au travail, une rangée derrière Rebecca, elle discutait, riait beaucoup, il remarqua quelques regards appuyés sur son postérieur, très classe. Et alors, comment tu as connu Tamsin ? On ne t'a jamais vu dans le coin ? Il devait bien s'attendre à un interrogatoire, ça faisait partie du jeu. Relevant la tête il hésita un instant. On s'est rencontré il y a... quelques années... peu de temps avant qu'elle ne quitte Bowen. A cause de lui... Il se doutait que sa réponse plus qu'évasive ne soit pas suffisante. C'est toi ? Le mec, qui l'a rendu folle ? Il la fixa un instant, interdit. Et elle se mit à rire d'un rire franc et amusé par la situation. Tam et moi on se connait depuis des années, évidemment qu'elle m'en en a parlé, même si elle est pudique et que je n'en ai pas su autant que j'aurais voulu... Et puis j'suis pas folle, j'ai vu la façon dont vous vous regardez. Faudrait être aveugle. Elle lui sourit, bien plus doucement qu'avant. Jax baissa la tête, reprenant son travail, gêné. C'est de l'histoire ancienne. Surement que Tamsin n'avait pas choisi la meilleure personne avec qui mettre Jax, parce qu'à force de discuter, à l'allure à laquelle Becca allait, les bancs seraient vernis dans quelques mois ! C'qui est sûr c'est qu'elle a sacrément bon goût... d'ailleurs si c'est de l'histoire ancienne... Alors que le brun aurait tout fait pour aller se cacher dans un trou de souris on entendit une plainte, Jax releva la tête et vit Tamsin sur la scène, se tordre de douleur. C'était le moment parfait pour fuir. Il se précipita vers l'estrade et y grimpa rapidement pour rejoindre la blonde. Tu veux un peu de glace ? Bien qu'il doutait qu'il y ait un congélateur par ici. Il remarqua un verre d'eau qui traînait pas loin, l'attrapa et y plongea la main de son ex. Ca n'était pas la meilleure solution mais l'eau fraîche apaiserait un peu la douleur. Tu es meilleure comédienne que bricoleuse si tu veux mon avis... A moins que tu ne cherchais un moyen de me dégager des griffes de Rebecca ! Il sourit, observant sa main. Je pense qu'on pourra sauver le doigt mais tu risques d'avoir mal un sacré moment. Tu veux faire une pause ? Je n'ai pas mangé... Il avait oublié de se nourrir, ça lui arrivait souvent mais en vérité son ventre criait famine.

Chaos in the calm

Tamsin & Jackson

La bouche toujours tordue, elle secoua vivement sa main, comme pour tenter de chasser la douleur violente qui venait de l'assaillir. Un réflexe aussi grégaire que l'instinct qui avait détourné son attention de sa tâche et lui valait cet accident. Son doigt était déjà rouge et légèrement gonflé. Un peu comme son visage, en réalité. Un poisson-lune jeté dans de la teinture carmin, les mèches blondes en plus. Le spectacle qu'elle offrait n'avait rien de glamour, il fallait l'avouer. Elle en aurait ri si elle n'avait pas aussi mal.

Elle entendit des pas se précipiter dans sa direction, relevant finalement la tête pour découvrir Jackson à ses côtés. Son ex amant avait délaissé la belle rousse pour elle, l'empotée de service. Un sourire ourla ses lèvres malgré les décharges qui continuaient de pulser dans son appendice malmené. " J'ai juste été ... Distraite. Un petit instant. " se justifia-t-elle, quelque peu embarrassée. D'un certain côté, elle lui donnait raison, bien qu'elle avait provoqué cette réaction à l'insu de son plein gré. Il y avait tout de même des manières moins douloureuses d'attirer l'attention ! Il saisit sa main, la plongeant dans le premier verre d'eau à portée. L'effet fut instantané. Elle soupira de soulagement, à temps pour saisir le reste de ses paroles. " Si tu veux mon avis, je suis bien d'accord avec toi. " répliqua-t-elle à sa remarque sur ses compétences en bricolage. Elle n'allait certainement pas lui avouer qu'elle était en réalité plutôt douée de ses mains. Quand il n'était pas dans les parages. Sa maladresse avait bon dos, pour le coup. Elle s'apprêtait à lui répondre lorsque la porte d'entrée du théâtre s'ouvrit sous une voix tonitruante. " On arrête tout, les bricolos du dimanche ! A table ! " L'accent marqué de la Jamaïque roulait sous la langue du nouvel arrivant, tout en cheveux crépus, tablier sale et djembé accroché dans le dos. Son arrivée fut accueillie avec la chaleur qui caractérisait le groupe. Chacun abandonna sa tâche, rejoignit la scène et ses devants, seuls endroits suffisamment en bon état pour faire office de lieu de rassemblement. Bientôt, Jackson et Tamsin se retrouvèrent dans la joyeuse mêlée de la troupe. Rebecca, naturellement, prit soin de s'assoir à côté du beau brun, peu perturbée par l'empressement qu'il avait mis à rejoindre sa 'patronne'. Elle ne s'avouait pas facilement vaincu. " Patty de boeuf et fruits frais ! " roucoula le dénommé Akiel tout en distribuant une sorte de beignet fourré à chacun, avant de déposer son gigantesque plat. Il tira de son dos son instrument, ainsi qu'un sac à dos débordant des fruits promis. Il avait la quarantaine et une magnifique rangée de dents blanches brillant révélée par un grand sourire au milieu de sa peau noire. Surprenant la blessure de Tamsin, il arqua un sourcil. " Voyez qu'on va nous la casser, notre Tamy ! Met ça, tu verras, tu te sentiras bien mieux ma toute belle ! " ordonna-t-il, rieur, avant de lui tendre la peau épluchée d'une mangue qu'il fit tenir avec un bout de scotch marron. Un pansement de fortune mais plutôt efficace, il fallait le reconnaître.

Au lieu d'assaillir Jackson de questions à propos de ce qu'il faisait dans la vie, comment il avait connu leur metteur en scène ou encore comment il avait atterri dans un vieux théâtre délabré, les comédiens eurent à coeur de l'intégrer à leur joyeuse petite communauté. Ils s'invectivaient, se chamaillaient gaiement en prenant le peintre à partie, partageaient des anecdotes sur l'ancien temps, quand ils étaient encore tous jeunes, pleins de rêves aujourd'hui avortés. La plupart avait un métier des plus ordinaires, certains une famille, des crédits et parfois, un quotidien morose. Tamsin les observait tour à tour, riait avec eux, avec l'impression prégnante que malgré la folie de son entreprise, elle touchait déjà un bout de son rêve en leur offrant cet espace fantasmatique, aussi mal en point fut-il pour le moment. Les réserves d'Akiel englouties, un silence moribond propre à la digestion retomba. On parlait peu, se laissant envahir par une sensation de tranquillité.

La jeune femme le savoura jusqu'à ce qu'Akiel s'empare de son djembé, échangeant un regard entendu avec un certain Ismaël. Bientôt, la peau de l'instrument commença à résonner sous les tapes maîtrisées du jamaïcain. D'abord légères, tranquilles, il prenait son rythme. Ismaël se racla la gorge, paupières closes, s'abandonnant au tempo. Puis, il se mit à chanter. Des paroles en arabe, une comptine égyptienne sur le Nil, la mère de son pays natal. Une chanson qui remerciait le fleuve pour sa prospérité. Un pied de nez à l'infortune. Le rythme s'emballa, Akiel se faisant plus vif, plus dansant, toujours accompagné par les notes puissantes de son comparse. Ils avaient dû s'adonner à ce petit rituel de nombreuses fois car d'autres voix, basses et aigües, se joignirent à eux. On se leva. On forma des duos, des trios de silhouettes se mouvant, emportées par la musique. Tamsin frappait dans ses mains en gardant son index à l'abri, ses joues creusées en un immense sourire béat. Attirée par Rebecca qui la saisit par sa main indemne, elle se remit à son tour sur ses pieds. Ses hanches se balançaient sous ses mouvements, ses bras levés vers le plafond soulevant sa chemise et dévoilant son ventre nu. Elle se défoulait, se laissait aller, sans se préoccuper de son image, de ce qu'elle pouvait bien dégager. Ici, elle était chez elle. Ce soir, le monde lui appartenait. Les deux musiciens changèrent de chanson, sans pour autant délaisser le rythme pétillant de leur binôme. Au bout de quelques minutes, la jeune femme tourna la tête vers Jackson, lui faisant signe de les rejoindre. Elle s'approcha, les prunelles grisées par l'effervescence. " Danse avec moi. " proposa-t-elle, doigts tendus en une invitation difficile à refuser. Mais qu'il pouvait refuser. Comme d'habitude, elle ne l'obligeait à rien. Elle espérait, voilà tout.

 

Tamsin & Jackson

Il avait accouru, comme un chevalier blanc de bas étage, comme il le faisait toujours lorsqu'il s'agissait d'elle, sans réfléchir, Jax s'était propulsé sur la scène et déjà il s'improvisait apprenti infirmier juste pour ses beaux yeux. Si on ne savait pas qu'il en crevait d'affection pour elle là il était clairement grillé auprès de tous, mais Jackson s'en moquait bien. Et puis les joues rougissantes de Tamsin lui faisaient bien oublier tout le reste. Distraite ? Il était pourtant bien naïf, loin de penser que les éclats de rire de l'incendiaire Rebecca puissent être l'élément déclencheur de tant de maladresse. D'ailleurs déjà Jax cherchait de quoi soulager sa belle et il trouva ce verre d'eau qui sembla lui faire du bien instantanément. Il ne se cacha pas pour lui donner le fond de sa pensée et elle semblait lui donner raison. Le brun lui sourit alors, amusé. Et alors qu'il lui avait proposé une pause bien méritée et qu'elle semblait vouloir accepté ce fut comme si le ciel les avait entendu parce que cet inconnu pour Jax fit irruption dans la grande salle, avec son accent chantant et son barda plein les bras. Le nouveau se retourna pour observer l'effervescence nouvelle qui anima tout le groupe, ces autres pourtant si studieux trente seconde plus tôt avaient tous abandonné leur tâche et chacun s'attela à dresser une grande table de fortune, branlante mais qui tenait debout par un réel miracle. Et alors que Jackson avait cru un instant pouvoir s'échapper avec Tamsin de toute cette agitation, il fut rapidement emporté par la foule et l’allégresse générale, assis autour de cette table providentielle et calé entre Rebecca et un grand blond aux allures de surfeur qui le dépassait d'au moins une tête. Tamsin s'installa presque en face de lui mais avec le brouhaha générale s'ils avaient voulu se parler c'était clairement raté. Rebecca se pencha sur Jackson avec un sourire enjôleur. C'est moi où tu m'as posé un lapin tout là l'heure ? Il la fixa sans trop comprendre alors qu'Akiel commença à faire raisonner le son de son djembé. Pour ta peine tu me devras une danse. Jackson piqua alors du nez dans son assiette pour éviter de lui répondre. Il avait horreur de danser alors elle devrait faire preuve d'une sacré imagination pour le bouger ! Il goutta à son plat et son ventre lui en fut plus que reconnaissant, Dieu que c'était bon ! Et le son des instruments et ces autres qui parlaient, qui riaient, qui chantaient, qu'il aimait cette ambiance, qu'il s'y sentait bien. Il n'avait pas besoin de parler beaucoup, il n'avait pas besoin d'être autre, il n'avait pas à se forcer, il profitait juste du moment, d'être avec tout ce groupe, toutes ces personnes si différentes qui de prime abord n'avait rien à faire ensemble, qui formaient un groupe si étrangement beau, si homogène, on lui parlait de Tamsin et des heures passées à fouler ces planches, on lui fit part de fous rires et de moments de complicité, de cette époque bénite qu'ils faisaient renaître de ses cendres depuis le retour de la blonde et il s'y voyait avec eux. Il lançait quelques regard en direction de Tamsin parce qu'elle était rayonnante, parce qu'il était heureux d'être là, si près d'elle et même si c'était loin d'être un tête à tête comme il en aurait rêvé, c'était tout aussi bien parce que ce soir elle lui avait ouvert en grand les portes de sa vie. Peut-être sans s'en rendre compte elle lui avait offert bien plus que lors de l'année qu'ils avaient partagé ensemble, parce que jamais elle ne lui avait présenté ses amis auparavant. Et peut-être que c'était ce dont Jackson avait besoin, d'une communauté comme celle-ci, de se sentir bien avec d'autres qui lui ressemblaient parce qu'ils étaient différents mais tolérants. Peu à peu le silence ce fit sur cette assemblée qui faisait honneur au repas et qui fut finalement repu.
Et puis le son de l'instrument repris, avec une voix magique qui l'accompagnait, Jackson se cala dans son siège, profitant du spectacle, certains se levèrent pour danser sur la grande scène qui sembla revivre tout d'un coup, d'autres défirent la table, Jackson aida puis finit par s’asseoir sur un vieux siège de velours râpé pour observer les autres danser. Rebecca qui semblait avoir enfin oublié notre peintre attrapa Tamsin pour l’entraîner dans une valse endiablée, Jax n'en manqua pas une miette, elle était belle, sa muse, à virevolter sur cette scène, à dévoiler ses courbes et à se laisser aller, un frisson lu parcouru l'échine et il eut l'envie de l'emporter loin d'ici, de la faire valser à son tour mais d'une toute autre façon. Et ce fut comme si elle l'avait entendu penser tout haut parce que Tamsin descendit de la scène et vint à sa rencontre. Elle lui tendait la main, il l'observa un instant, le regard brûlant. Il avait une sainte horreur de la danse et elle le savait, il se sentait gauche, mauvais mais elle semblait s'en moquer, ou peut-être qu'elle avait oublié, ou peut-être que c'était un énième test. Et puis au diable ses états d'âme, à notre ténébreux, on lui avait prouvé ce soir qu'il pouvait être qui il souhaitait, qu'on ne le jugerait pas, ici. Alors il se leva et enserra la taille de celle qui le rendait fou. Tu sais que je danse mal. Mais déjà il se laissait envahir par le rythme de tambour fou et sans comprendre comment il se balançait comme jamais il ne l'avait fais, plantant ses prunelles dans celles d'une Tamsin qui vibrait elle aussi et qui ne le quittait pas du regard. Surement que Rebecca était médusée du spectacle mais il l'avait déjà oublié. C'est pas si mal, d'entrer dans ton monde. C'est même plutôt sympa. Il n'était pas bon pour montrer qu'il était heureux mais cette confession du bout des lèvres valait toutes les effusions du monde. Il la fit tournoyer pour mieux la ramener à lui alors que le rythme de la musique s'accélérait. T'es tellement belle ce soir, ce sourire... tu as l'air si heureuse. Peut-être que sa présence à lui aidait un peu, mais c'était probablement d'être là, entourée de tous ses proches, dans ce lieu qu'elle aimait tant.

Chaos in the calm

Tamsin & Jackson

Quelques moments, tantôt pernicieux, tantôt miséricordieux. Toujours faits de choix, d'entente avec sa conscience. Pensées qui s'agitent, bourdonnent et finalement, s'enivrent. Ivres de ces moments choisis en toute conscience. Tamsin connaissait si bien tous ces mots, les inspirant et les expirant chaque fois que l'instant se présentait et que, petit à petit, sa raison s'éteignait au profit du simple désir. Ou du désir simple. Envie de se mouvoir. Besoin de sentir son corps bouger, s'animer, se languir, féline et prudente à la fois. Bras vers les cimes du théâtre, pointes des pieds effleurant le plancher tordu, elle se sentait elle et autre. Elle se dissociait tout en se révélant. Toute peur la quittait. Au point de risquer un terrible coup du sort en s'avançant vers le seul dont elle souhaitait le regard et l'attention. Qu'elle avait déjà, considérant l'oeillade iridescente qu'il avait posé sur elle. Elle se sentait s'embraser sous les prunelles vives et tranchantes de Jackson. Un feu qu'elle accueillait telle une bénédiction, pourvu qu'il ne meurt pas étouffé par ses propres braises. De cette main qu'elle tendait, elle n'espérait que la chaleur d'une paume en retour. Non, davantage, bien davantage ! A peine les doigts se refermaient-ils sur sa taille qu'elle sentit son coeur pulser à un rythme infernal dans ses veines. Elle ne se retint pas de passer ses bras autour du cou de son cavalier, riant à son affirmation. Il pouvait bien danser comme un manchot une nuit d'aurore boréale, elle l'aurait suivi jusqu'au Pôle Sud et plus loin encore. " Ce n'est pas le souvenir que j'en ai. " affirma-t-elle, bien qu'elle pensa à une toute autre sorte de danse, bien plus intime que celle qui se jouait ce soir-là. Comment détourner les yeux d'un tel spectacle ? Ils étaient si proches, tellement plus physiquement qu'ils ne l'avaient été depuis longtemps. Beaucoup trop longtemps. Il lui aurait suffi d'avancer le visage de quelques centimètres pour que leurs lèvres se rencontrent. Naturellement, elle n'en fit rien. Aussi emportée qu'elle était en cet instant, la valse ne lui avait pas encore suffisamment fait tourner la tête pour qu'elle en perde tout son nord. La jeune femme se contenta de se serrer un peu plus contre lui, appréciant le balai parfaitement synchronisé de leurs corps.

Tout ce qu'il y avait autour d'eux avait tout bonnement disparu de ses considérations. Adieu scène, fauteuils, odeurs de patty et troupe ! Ne restait dans le giron de ses émotions que le beau brun, sa silhouette ferme et rassurante et ses courbes à elle, noyées sans détours entre ses bras. Comment ne pas se laisser consumer par ce regard vibrant, la transperçant de part en part ? Elle s'immolait littéralement, se liquéfiant sans orgueil ni fierté. Elle se laissait aller, voilà tout. Aller à lui. C'est pas si mal, d'entrer dans ton monde. C'est même plutôt sympa. Un battement qui dérape et la tête qui tourne. La bouche sèche, le bout de sa langue vint humecter ses lippes ourdies en un sourire radieux. " Ce monde existe grâce à tout ce qui le compose. Et grâce à toi, Jax, les couleurs n'ont jamais été aussi belles. " Ravivées, réanimées par son apparition, son introduction dans son univers. Sans lui, tout était si terne, manquait tant de vie. Qu'était une toile sans son peintre ? Un artiste sans sa muse ? Savait-il comme il l'avait inspiré, toutes ces années ? S'imaginait-il que lorsqu'elle montait sur les planches, c'était le fond de ses iris sombres qui se rappelaient à ses souvenirs et libéraient son jeu d'actrice ? Avait-il seulement conscience de ce qu'il avait représenté pour elle, pour la femme, la professionnelle, l'amante et l'amie qu'elle était aujourd'hui ? Elle brûlait de lui confesser le bonheur qu'il lui avait apporté, sans parvenir à s'y résoudre. Elle était partie. Et elle était revenue. Comme s'il avait voulu personnifier cette allégorie, il la fit tournoyer, l'arrachant à lui pour mieux la rattraper l'instant d'après. Partir pour mieux revenir. Son souffle était court, désormais. Elle frôla la nuque de Jackson du bout des doigts, se penchant à son oreille pour lui murmurer par-dessus la musique qui résonnait toujours autour d'eux : " J'en ai l'air parce que je le suis. Emmène-moi, Jax. Emmène-moi où tu veux, tant que c'est avec toi, tant que cela ne s'arrête pas. Qu'importe que ce ne soit peut-être que jusqu'au coucher de la lune ou des suivantes, je sais que mon bonheur est là. " Parce que si les notes venaient à mourir - et elles le feraient -, elle ne pourrait supporter de se détacher de lui. Elle serait incapable de retourner au groupe, à tous ces gens qu'elle aimait pourtant comme sa propre famille. Pas ce soir. Pas maintenant.

 

Tamsin & Jackson

Elle était une apparition, elle était solaire, gracieuse, pleine d’un charme qui lui était propre et qui prenait Jackson par les tripes. C’était mieux que le crack ou que l’héro, parce que dans ses délires de camé elle était toujours un peu floue, insaisissable, volatile alors que là elle était réelle. Il la regardait danser c’était bon de savoir que d’un seul geste il pourrait l’attirer à lui et qu’elle serait là, dans ses bras. Dieu qu’elle était belle. Et lui il la bouffait du regard, il la matait sans même s’en cacher, de toute façon elle faisait tout pour capter son attention alors autant qu’il se laisse faire. Cette soirée envoyait tout en l’air, ses craintes et ses peines, sa colère et ses incertitudes. Il avait tellement rêvé que Tamsin lui revienne, sans jamais y croire vraiment, il avait nourri espoir et rancœur durant des années, à coup d’aiguilles dans la peau, de larmes et de coups de pinceaux rageurs. Et même s’il avait voulu au départ se méfier d’elle, de ses sentiments qu’il repoussait, il savait bien, au plus profond, qu’elle gagnerait toujours la partie, qu’envers et contre tout il serait toujours attiré par sa chaleur. Il avait longtemps cru être la lune amoureuse du soleil, un amour impossible, une belle idée d’éternel romantique-dramaturge-pessimiste. Pourtant aujourd’hui il avait plus l’impression d’être un moustique attiré par une ampoule, il avait une envie irrépressible de s’y réchauffer, quitte à s’y brûler. Peu importe qu’il lui en veuille d’être parti, qu’il se déteste d’avoir tout gâché, qu’il pense que rien de bon ne les attendait, il n’était de toute façon pas capable de la quitter. Alors il accepta sa main et cette danse, advienne que pourra, de toute manière il était déjà foutu parce que complètement envoûté. Dans une ultime tentative de se raccrocher à son éternelle réserve, Jackson tenta de rappeler à la belle qu’il dansait mal, mais ce fut peine perdue parce que déjà son rire cristallin lui faisait chavirer le cœur. Il lui sourit alors, contrit, il battait en retraite. Et en vérité ce moment il le savoura, parce que c’étaient les retrouvailles brûlantes de deux corps qui s’étaient tant connu, qui s’accordaient parfaitement des années plus tôt et qui ne s’étaient pas oubliés. Il se surprenait à avoir une aisance naturelle, menant la danse comme s’il en avait toujours connu les pas, la serrant davantage contre lui par peur qu’elle ne lui échappe à nouveau. Mais Tamsin se laissait faire volontiers et il en souriait comme un simplet. Il l’éloigna de lui pour mieux pouvoir l’observer, pour pouvoir plonger son regard dans le sien et s’y perdre totalement, pour avoir le plaisir de la retrouver contre lui à nouveau, peut-être qu’ils ne dansaient pas en rythme mais ils s’en moquaient bien, ils avaient tout oublié, enfermés dans leur bulle ils savouraient ces sensations retrouvées. Sa langue qui vint humecter ses lèvres de façon presque anodine, cette façon qu’elle avait de lui sourire et de lui parler, Jackson cru défaillir à nouveau et il ne pu retenir ce sourire franc qu’il retenait depuis si longtemps. Il eut l'envie folle de l'embrasser mais savait qu'il ne le ferait pas, pas ce soir, pas ici devant tout ce monde, pas comme ça. Il donnait de la couleur à son monde, pour un artiste peintre c’était un beau compliment et l’idée lui plaisait, surtout que le sien à lui, sans elle, était tout aussi terne et morne. Chaque jour depuis cinq longues années il s’en voulait de l’avoir laissé partir, mais espérait que ce fut pour une bonne cause, les paroles de Tamsin lui faisaient se mordre davantage les doigts, parce qu’elle s’était elle aussi languit de lui. Pourtant c’était fait, il ne pouvait pas revenir dessus mais il avait l’occasion inespérée de pouvoir se rattraper, non pas le temps perdu mais de se donner une nouvelle chance d’être enfin l’homme qu’il lui fallait. Après avoir tournoyé telle une sylphide, la blonde vit poser sa main au creux de la nuque de l’artiste, lui arrachant un frisson de plaisir et son souffle caressa doucement son oreille pour lui murmurer les mots qu’il attendait depuis le début de cette soirée. Il sourit, charmé par la proposition, se demandant bien où il pourrait l’entraîner, il était capable de l’emporter au bout du monde, simplement pour avoir la chance d’être seul avec elle. Il songea à son atelier mais trop de souvenirs, aussi bons que mauvais, d’une époque révolue, remonteraient à la surface et il n’était pas prêt, il eut peu de l’entraîner dans un endroit trop intimiste, peur qu’ils se retrouvent submergés, pris au piège par cette proximité oubliée en se retrouvant seuls. Alors il s’éloigna d’elle et la fixa un instant avant de faire glissa cette main qui était resté fermement plaquée contre son dos jusqu’à sa main à elle, il entremêla leurs doigts et lui sourit de façon énigmatique. Suis-moi. Il se moqua bien des autres qui les fixaient d’un oeil surpris, presque réprobateur qu’il gâche leur petite fête improvisée, oui, il leur enlevait leur étoile, il la prenait en otage, mais elle était volontaire. Et puis ils s’éloignèrent du théâtre, la plage n’était pas loin, c’était son objectif, l’amener sur le sable. Lui n’aimait pas forcément ce lieu, il n'y allait quasiment jamais, surtout pas seul, toute cette eau le rendait mélancolique. Mais il savait que Tamsin aimait s’y rendre, que c’était son refuge alors ce soir ça serait le leur, parce qu’avec elle il ne voyait les choses que plus belles. Il voulait qu’ils soient tranquilles, dans un lieu neutre mais qui les ferait se sentir libres et tous petits à la fois, pour pouvoir se rapprocher l’un de l’autre, le bord de mer était alors l’endroit rêvé. Durant leur petite marche il ne parla pas, il avait entouré les épaules de Tamsin de son bras et l’entraînait avec lui. Ils s’installèrent sur le sable frais et Jackson joua avec quelques grains un instant avant de percer l’obscurité pour la regarder. Tes amis vont me détester de t’avoir enlevée. Pourtant il lui sourit, il n’était pas désolé, pas du tout, plutôt amusé, même presque fier de lui, d’avoir eu le courage de tenter la folie.