long time no see ☞ hideshi&violet

J'avais 5 ans lorsque j'avais tenu une guitare pour la première fois dans mes mains. Je les regardais toujours dans la vitrine de la grande boutique de musique sur la 46e avenue, près de ma maison new-yorkaise. Chaque fois que nous passions devant la boutique, je devais m'arrêter pur les contempler. Elles m'obsédaient. Et pourtant, à 5 ans mon obsession aurait dû être plus réaliste, comme une nouvelle poupée par exemple. déjà à cet âge, je n'étais pas dans la norme. Julia, tu auras ta propre guitare un jour. Quand tu seras assez grande. disait toujours mon père. Et pourtant, je savais que j'étais assez grande pour en avoir une et pour apprendre à en jouer. Mes parents pensaient que cette envie serait passagère, comme la plupart des envies d’enfants de cet âge. Et pourtant, je ne cessais de le demander. Mon rêve s'exhaussa enfin, lorsque mes parents comprirent qu'il s'agissait d'un réel désir. Pas simplement d'un caprice. Depuis, ma guitare me suivait partout. Contrairement à mon prénom. Julia, c'était mon véritable nom. Violet n'était qu'en fait mon deuxième prénom. Cependant, lorsque j'ai quitté ma ville natale, j'y ai également laissé mon ancienne vie. Et mon ancien nom. Depuis mon départ, je n'étais que Violet. Ce changement marquait le début de ma nouvelle vie, loin de l'hypocrisie et du drame.

Je terminais donc ma prestation. Un verre à la main, je profitais de l'ambiance calme et paisible du bar en ce soir de semaine. Je regardais l'horizon au travers de la grande baie vitrée qui menait sur la plage. Un fond d'écran parfait pour me laisser à mes rêveries. C'est alors qu'une voix familière me sortit de mes pensées. Je me retournais vers cet étranger familier qui semblait visiblement me connaitre. En me retournant, j'eus d'abord un regard perplexe. Cela me prit quelques secondes avant de le reconnaitre. Hideshi. Mon correspondant de jeunesse avec qui j'avais échangé plusieurs lettres. Il avait changé, il fallait l'avoué, depuis la dernière fois que je l'avais vu. Hideshi ? Dis-je, surprise de le trouver ici. Oui, ça fait super longtemps ! La dernière fois que j'avais essayé d'avoir de ses nouvelles, on m'avait dit qu'il était en prison. Sa famille semblait même lui avoir tourné le dos. J'étais choqué, je me souviens. J'avais reçu des millions de lettres et jamais je ne m’étais douté qu'elles provenaient d'un établissement carcéral. À la suite de cette découverte, je n'ai plus tenté de maintenir une relation de correspondance avec lui. Je pensais que nous nous disions tout, par courrier. Je lui avais partagé plusieurs choses, dont le changement de sexe de mon frère. Si si, assied-toi! Que fais-tu à Bowen ? ajoutais-je en prenant une gorgée de mon cocktail.

Lorsque j'avais quitté New York, je m'étais sentie délivrée. Je me sentais vivre à nouveau. Mon départ m'avait permis de faire les quatre coins du monde et d'y vivre, librement. J'avais d'abord été à Hawaï où j'avais fait du surf avec Ramone, mon moniteur. Ramone, c'était un local. Il vivait là depuis toujours. Puis, j'avais fait la connaissance de Isahia. Isahia qui était un peu comme moi, un vagabond sans endroit où vivre réellement. Puis, j'étais ensuite retournée en ville pour gagner un peu d'argent. À Hawaï je surfais la moitié du temps. L'autre moitié, je travaillais dans un petit hôtel pour gagner ma vie. Mais il fallait avouer que cela n'était pas suffisant. J'avais besoin d'un vrai travail. Mais trouver un vrai travail dans cette ville paradisiaque était difficile. À Los Angeles, par contre, c'était un jeu d'enfant. Je pensais faire une pierre deux coups en m'installant en Amérique. Gagner ma vie et voir un ami d'enfance. Pourtant, rien ne s'était passé comme je l'avais espéré. Hideshi était en prison. Il avait entretenu un mensonge avec moi, et ce depuis je ne sais combien de temps. Je ne savais ni pourquoi ni comment, mais je savais qu'il m'avait menti. Le revoir ici était à la fois une belle et une douloureuse surprise. Et en l'écoutant raconter son récit de vie, je ne pus m'empêcher de penser qu'il m'avait menti. Alors, lorsqu'il arrêta son histoire, que j'avais écoutée à moitié seulement, je lui fis un sourire quelque peu malaisé. Wow, bien dit donc.. Ce n'est pas reposant tout ça S'il m'avait menti une fois, comment pourrais-je être certaine qu'il ne le faisait pas encore? Pourtant, il ne semblait pas être le genre de personne à commettre des meurtres, j'en conviens. Mais rien ne me garantissait qu'il me racontait, cette fois, la vérité. Disons simplement que j'avais besoin d'un vent frais, de changement.

Le crime de Hideshi, je ne le connaissais pas vraiment. Lorsque j'avais sonné à sa maison familiale, on ne m'avait pas donné plus de détails qu'il en fallait. Après tout, aurais-je vraiment voulu en savoir plus que cela alors que je venais simplement pour retrouver un ami d'enfance ? Non. Mais je demeurais tout de même un peu rancunière face à la situation. Il m'avait menti, m'écrivant pendant des mois suite à son incarcération sans daigner me donner ne serait-ce qu'un indice de la vérité. Aujourd'hui, je ne lui en voulais pas autant que sept ans auparavant, ma colère s'était évaporée, mais je gardais tout de même une petite amertume envers le Californien.

Il précisa des quelques détails sur son incarcération, me racontant qu'il avait fini par être innocenté seulement après le décès de sa mère, cette femme qui m'avait elle-même dit que son fils était mort à ses yeux. Je suis désolée de l'entendre, Hideshi. Personne ne mérite de se faire tourner le dos ainsi. J'espère que ta vie à Bowen est plus agréable. J'eus une pensée pour ma propre soeur à qui mes parents avaient tourné froidement le dos par le biais de sa différence. À croire que toutes les familles ne sont pas parfaites, finalement. Non, pas du tout! m'exclamais-je en riant. Le chant, c'est une passion et ce n'est surtout pas payant. Pas que je sois à l'argent, mais j'ai quitté Los Angeles pour faire autre chose de ma vie. Vivre d'une autre passion. Je suis propriétaire d'une boutique de surf à quelques mètres d'ici. lui confiais-je. Mais pas celle-là dis-je en pointant la boutique de Terrence du doigt.

Ils étaient là, les deux vieux amis, à discuter de la vie présente et de la vie ancienne. Alors que Violet l'écoutait parler, elle ne pouvait s'empêcher de penser au mensonge qu'il lui avait caché et qu'il ne lui aurait probablement pas avoué si elle n'avait pas découvert la vérité d'elle-même. C'était une grande rancunière, Violet, et elle n'oubliait pas ce qu'on lui faisait vivre. Jamais mieux servie que par soi-même, la devise était véridique dans cette situation où elle avait dû découvrir d'elle-même pourquoi les lettres voyageaient de moins en moins vite. Elle connaissait les problèmes de santé de Hideshi, il le lui avait mentionné dans plusieurs de leurs échanges internationaux. Pourtant, elle ne s'était pas imaginé que sa vie était si rocambolesque qu'il le lui racontait ce soir, autour d'une boisson. Boisson qui s'enquit une question chez la blonde. N'avait-il pas des contraintes s'il se trouvait aussi tôt sorti de derrière les barreaux ? N'avait-il pas une interdiction de se retrouver hors de sa résidence passé une certaine heure et de consommer de l'alcool ? Elle n'en fit pas de plat, du moins pour le moment. Je vais dire comme toi, c'était une grosse galère oui. répliqua-t-elle alors qu'elle prenait une nouvelle gorgée de son verre avant de confier à son ancien confident ce qui se passait avec elle et les raisons pour lesquelles elle avait décidé de quitter son Amérique natale et pourquoi elle se retrouvait dans des bars, à l'occasion, pour chanter. L'Américaine ne le faisait pas par envie d'être payée, de toute façon elle savait que ce métier n'était pas chérant puisqu'elle s'y était abandonnée lors de son passage à Los Angeles. Non, bien au contraire, elle ne faisait que s'amuser en accordant, par le fait même, une bonne soirée aux gens qui venaient l'écouter gratter sa guitare. Je ne t'en voudrai pas, à moins que tu décides d'aller visiter la boutique de mon plus grand compétiteur plutôt que la mienne. Lui disait-elle, en riant alors qu'elle parlait de Terrence comme de son pire ennemi. L'astrophysique ? Wow, c'est tout un domaine! Ça mérite un toast. Elle leva son verre, attendant que son ami fasse de même. En fait, elle en profitait pour pouvoir lui poser une question qui lui brûlait le bord des lèvres. Alors, tu es en genre de libération conditionnelle ?

Violet sourit à la remarque de Hideshi, comprenant qu'il l'avait dit à haute voix, sans trop le vouloir. Avec tendresse dans la voix, son côté apaisant faisant surface alors qu'elle sentait une certaine détresse dans le commentaire de son correspondant de longue date. Au final, qu'est-ce que c'est qu'une vie normale ? Je n'ai jamais été fan de ce terme. Tout le monde avait son lot de problèmes. Certains étaient plus prenants que d'autres et Violet comprenait que sa vie n'avait rien à voir avec celle de Hideshi, et pourtant elle ne considérait pas avoir « une vie normale ». Personne n'en avait une et c'était ainsi la vie. Violet avait du s'exiler elle-même de son Amérique natale, quitter sa famille pour éviter d'étouffer. Certes, elle n'avait pas fait de prison et, jusqu'aux dernières nouvelles, elle n'était pas atteinte d'un trouble psychologique quelconque, mais était-ce réellement plus normal de vivre comme elle le vivait ? La conversation dévia rapidement sur la boutique de surf, le gagne pain de la commerçante. Elle ne put s'empêcher de le mettre en garde de son plus grand compétiteur, la proximité entre sa boutique et le bar l'obligeait. Chaque fois que Violet se trouvait sur Grays Bay, elle ne pouvait que penser à lui et aux horribles choses qu'ils s'étaient faites. Elle ria doucement, finissant tranquillement sa boisson. Si un jour tu changes d'avis, ou que tu as tout simplement envie de passer, n'hésite pas.
Une question brulait les lèvres de la blonde, plusieurs questions même, quand arriva sur la table son arrestation et son séjour en prison. Les choses n'étaient pas claires pour elle, qui s'y connaissait un peu en termes de lois. S'il était donc en libération conditionnelle, que faisait-il aussi tard le soir dans un endroit où l'on vend de l'alcool ? Je ne suis pas certaine de comprendre Hideshi, pardonne ma curiosité mais... Tu ne seras pas dans le pétrin s'ils réalisent que tu es dans un bar aussi tard ?

Le monde de la prison et de la criminalité lui était inconnu. L'Américaine n'y connaissait que ce qu'on entendait aux nouvelles ou dans les séries à deux balles qui passaient tard le soir à la télévision. Le genre d'épisode racontant la vie de tueurs en séries vivant dans des quartiers paisibles ou de criminels lugubres aux doubles vies. Les technicalités lui échappaient donc. Pourtant, des questions lui traversaient l'esprit. Loin de là l'idée d'être blessante, insolente ou énervant aux yeux de son ami qu'elle venait à peine de retrouver. Violet cherchait tout simplement à comprendre et à refaire le puzzle des années qu'ils avaient passées sans se donner de nouvelles. Sans s'écrire leurs correspondances qu'ils avaient l'habitude de faire. Lui parler en personne était comme renouer avec ses anciennes habitudes, la possibilité d'effacer en moins. La blonde sourit à son ami qui lui confirma que l'eau faisait encore partie de ses grandes peurs, mais qu'il travaillait sur cette phobie. On peut toujours terminer la soirée ailleurs, si tu ne te sens pas à l'aise sur le bord de l'eau. Son verre était d'ailleurs presque terminé et elle ne voyait aucun problème à prendre l'addition et à continuer leur discussion dans un lieu où l'océan n'était pas si présent. Hiseshi lui expliqua donc les informations qui lui manquaient, celles qui la tracassait depuis qu'elle l'avait vu dans au tout début de la soirée. Elle secoua la tête, refusant de gouter à son verre pour s'assurer qu'il ne contenait pas d'alcool. Je te crois. lui assura-t-elle en souriant. Elle le croyait sur parole, sans même avoir à vérifier. Peut-être était-elle naïve, pourtant elle n'avait pas envie de jouer aux paranoïaques. Elle se doutait que plusieurs personnes le seraient face à une situation pareille à celle-ci. Je suis désolée pour toutes ces questions. C'est... peu commun... de rencontrer quelqu'un avec une situation comme la tienne.

Rassurante, Violet posa ses yeux sur le visage de son ami de longue date qu'elle semblait découvrir à nouveau aujourd'hui, sous un tout autre jour. On a qu'à aller marcher vers les rues commerçantes, là où l'eau est assez loin et peu visible. Elle lui sourit avant de se lever en lui montrant le chemin. La dernière chose que la blonde voulait était de rendre son ami mal à l'aise. D'ailleurs, c'est un drôle de choix d'être venu à Bowen avec ta phobie de l'eau. ajouta-t-elle avant de glousser de son rire contagieux et mélodieux qui la caractérisait si bien. La question se posait, Bowen était une petite ville bordée par l'océan. Partout dans la ville, il était possible d'entendre le bruit des vagues qui fracassait les baies. Tout un défi pour une personne en peur de cet élément. Violet ramassa sa guitare qu'elle posa dans son étui et posa le sac sur son dos, payant pour sa consommation ainsi que celle de son ami avant de quitter l'endroit qu'elle connaissait si bien, ce petit bar où elle y chantait à l'occasion. Elle était loin de se douter que, très rapidement, il serait synonyme de querelles entre des gens qu'elle aimait tant.

Les deux amis marchèrent quelques instants sur le pavé des rues commerçantes de la ville, sous le peu de lampadaires qui illuminait le chemin. La lueur des boutiques était suffisante pour frayer un chemin aux aventuriers nocturnes. Hideshi expliqua les termes de sa condition à Violet qui l'écoutait en buvant ses paroles, oscillant entre la fascination et l'incompréhension. Comment quelqu'un pouvait se rendre là ? Comment était-il possible de commettre un tel acte ? Heureusement, encore, que ce ne soit pas commun! Dit-elle sans réfléchir. Enfin... Je veux dire... Il faut de tout pour faire un monde, mais... Mais il ne fallait pas que des criminels. Violet tut le reste de sa phrase, tentant de ne pas s'enfoncer les pieds plus loin qu'ils étaient déjà.