Vous avez un message [ft. Charlie K.]

Un sms est arrivé, un numéro que je ne connais que très bien me donnant rendez-vous à l'un des bars de Bowen. Un sourire en coin, j'suis excitée comme une puce, me levant de bonne humeur pour changer de d'habitude. Travail, attitude agréable avec les clients, une douche en rentrant et des habits de saison pour partir en direction du bar de la plage. J'attends, petit jus d'orange en main avant de l'apercevoir. Session films et séries : j'me lève d'un bond, courant vers elle avant de venir la prendre dans mes bras et de la plaquer au sol. J'ai pas tendance à faire ce genre de choses en général mais je suppose qu'avec elle c'est différent, faut pas m'en vouloir. Un baiser déposé sur sa joue, je me sépare d'elle et l'aide à se relever, enlevant le sable que je me suis mis partout. "T'imagines pas comment ça me fait plaisir que tu sois là! oh bordel!" On se redirige vers la table que j'ai réservé pour nous et me fais craquer les doigts, prête à entamer une bonne conversation. "Et maintenant tu viens sans prévenir à l'avance? C'est louche ça mad'moiselle Keynes. Une explication?" Un grand sourire aux lèvres, tête au creux de mes mains, j'la regarde comme émerveillée d'être en aussi bonne compagnie. je me redresse d'un coup. "Oh, tu veux boire quoi au fait?" lui demandais-je en cherchant à appeler le premier serveur que je croise.

Je ne sais pas pourquoi mais j'ai toujours su qu'un jour je déposerais mes valises, définitivement, à Bowen. Après tout, c'est ma ville natale. J'y suis indéniablement attachée. Puis, il y a Ariel. On avait beau se voir pendant les vacances ou des week-ends, il me manquait tout le temps. Je ressentais un vide atroce, constant. Pas étonnant que je me suis jeter dans les bras du premier inconnu. J'ai un vide à combler. 

Ce que je veux dire, c'est que l'erreur est humaine. D'habitude je suis plutôt pragmatique. Je ne suis pas du genre à prendre des décisions à la légère. Abandonner mes études pour un homme, n'est pas une si mauvaise décision en soit. La physique quantique ne me correspondait plus. Par contre quitter du jour au lendemain un homme avec qui je vivais une idylle, juste parce que je commençais à flipper... Alerte aux mauvaises décisions!

Je peux compter sur certaines personnes qui ne me jugeront pas (bien que je mérite d'être sermonnée). Billie est ma meilleure amie. Elle n'est pas encore au courant de tout, je préfère lui expliquer ma situation merdique de vive voix. Par ailleurs, je tenais à parler à Ariel avant car je pense qu'il m'en aurait voulu si je ne l'avais pas fait.

J'ai donné rendez-vous à Billie au bar de la plage. Parce que j'adore cet endroit. L'odeur de la mer me donne des frissons. Les retrouvailles me mettent à terre. Littéralement. Billie me plaque au sol et me serre dans ses bras. Tu m'as manqué! Ma voix s'évanouit contre son épaule. Que c'était si bon de retrouver quelqu'un que je connaissais. De toute évidence, ma venue surprend tout le monde. Elle me demande des explications. Pas avant de boire un verre. Billie appelle le serveur pour prendre notre commande. Un thé glacé, merci. Le serveur prend congé et je me tourne vers elle. Mon sourire s'est perdu. J'vais pas tourner autour du pot. J'ai merdé. Tu sais que j'étais avec quelqu'un en ce moment. Bien entendu, car je me suis jurée de ne jamais délaisser l'amitié en dépit de l'amour. Je me suis barrée. J'ai pris la fuite. C'était trop flippant. Tout était si parfait... Je ferme les yeux. J'ai tellement honte. Je me trouve ridicule. Écoute, tout ce que je te demande c'est de ne pas l'appeler par son nom d'accord? On pourrait pas l'appeler tu-sais-qui comme Voldemort? Mes lèvres forment un demi sourire. J'essaie de me détendre.

Un large sourire sur ma trogne, je laisse mon regard suivre mes pas jusqu'à la table, mains dans les poches avant de nous installer. Commande passée pour Charlie, elle commence finalement le potin, portant toute mon attention sur ses dires. Oui, j'sais bien qu'elle était avec quelqu'un, un amour presque fusionnel au point même d'avoir fait de la pâtisserie pour lui. Faut être timbré, c'est vrai mais au moins ça lui a permis de trouver sa vocation. Je souris, acquiesçant à sa demande de garder l'anonymat de ce gars qu'j'avais parfois rencontré en aller la voir à Sydney. "Pas de soucis. Du coup, tu as merdé. Tu l'as trompé? Tu es partie par peur de vivre quelque chose de trop sérieux encore une fois? T'es une vraie flipette." J'rigole, j'la taquine, je me rapproche légèrement plus pour mieux écouter ce qu'elle a à me dire. "Comment il l'a pris? Ariel est au courant je suppose?" J'attends simplement ses explications, n'allant pas la couper en plein milieu. Un peu de tenue tout de même. En attendant, j'sirote mon verre en gardant un contact visuel avec elle.

Elle me demande si je l'ai trompé, immédiatement je hoche la tête sans avoir le temps de répondre que non. Cette meuf est incroyable. Il ne lui a suffit que de deux secondes pour deviner ce qu'il s'est passé. Dans le mille. J'étais impressionnée mais aussi exaspérée. Billie me connaît si bien. Je sais, je suis une froussarde. Qu'est-ce que je peux être conne! Je m'exaspère. Je pousse un grognement plaintif. Ariel est au courant, oui. J'emménage chez lui. Le problème c'est que cette fois, je suis partie définitivement, et vraiment, vraiment, vraiment sans rien dire. J'ai paniqué. Tu sais que je ne suis pas douée pour les ruptures. J'ai pris toutes mes affaires, j'ai bloqué son numéro, ses réseaux sociaux. Disparition totale. Je n'ai même pas été foutu de trouver une raison bidon pour le quitter. Mon regard se pose honteusement sur mon verre. J'aimerais me noyer dans mon thé glacé. Pitié Billie, lance-moi une bouée avant qu'il ne soit trop tard.

Je souris. "Conne n'est peut-être pas le mot." J'tente d'en savoir plus. J'suis peut-être au courant maintenant mais il est évident que je ne suis pas la première, sinon elle aurait toutes ses affaires avec elle au bar. Je continue à boire mon verre, avale ma dernière gorgée avant de prendre la parole. "Tu l'aimes vraiment ce type? C'est ça qui t'a fait partir ou il a fait quelque chose, dit un truc de travers?" Essayons de creuser. "Tu regrettes?" lui demandais-je bien que ce ne soit pas la vraie question à se poser. "C'est quoi du coup la vraie raison de ce départ? Qu'est-ce qui s'est passé?" enchaînais-je, histoire qu'elle me réponde au moins tout d'un coup. Je fronce légèrement les sourcils avant d'esquisser un sourire. "Au moins maintenant tu es avec nous h24, faut voir le côté positif je suppose." J'hausse les épaules.

Si seulement je savais quel était le déclic à mon départ... Mais non je n'ai aucune excuse. Rien ne justifie à mon comportement. Même pas. J'étais dingue de lui! Ça me rendait folle. Quand t'es amoureuse, t'es pas censée vivre dans la peur qu'il te détruise non? Billie me demande si je regrette. Je peine à réfléchir. Non... Oui... Je ne sais pas. Il me manque mais au moins maintenant je suis libre. Une éternelle paumée de l'amour. J'ai honte. Elle tente de mieux comprendre mais moi-même je n'ai pas les idées claires. 

J'ai flippé. Il a capté que j'étais du genre à saboter mes relations. Il arrivait à me supporter, à me rassurer. Je m'enfonce encore plus. Elle voit bien que c'est le moment de relativiser. Oui, je suis là pour de bon.

Heureusement, je ne suis pas seule à Bowen. Alors qu'à Sidney, en dehors de celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer le nom, (ouais je vais l'appeler comme ça désormais) je me sentais terriblement seule. Ici j'ai mon frère, quelques amis, mais j'ai surtout ma meilleure amie Billie. Ça me fait du bien de t'en parler. C'est si bon de te revoir! Enfin je vais pouvoir la voir autant que je veux. Plus besoin de faire 1500 km pour être avec ma confidente, avec qui je partage mes pensées les plus intimes.

Je fronce légèrement les sourcils. Je ne peux même pas l'aider. Quand il s'agit d'amour, avant même qu'elle ne demande conseil, elle agit. Après c'est une certaine manière de contrôler sa propre vie sans avoir l'influence d'autrui mais ce n'est pas pour rien qu'elle arrête de paniquer dès que sa décision est prise. "Alors en temps normal, je ne crois pas. Ca peut te traverser l'esprit en pensant à une possible rupture mais tout le temps... Après ça laisse un certain pouvoir à l'autre de te détruire oui mais c'est le goût du risque non?" J'tente vraiment de la rassurer mais elle le sait bien, je n'ai jamais vraiment été bonne à ça. J'suis plutôt le genre de personne qui voudra en parler, quitte à être trop franche, à te dire ce qu'il en est. J'prends une gorgée de mon jus, la regarde tout en essayant de trouver le bon dans cette histoire. "J'suis persuadé qu'il fera tout pour te retrouver. Peu importe s'il doit créer des faux comptes ou même engager un détective privé." J'hausse les épaules. Ton partenaire s'en va du jour au lendemain, y'a de quoi devenir fou. Mais j'lui souris, attrape délicatement sa main en la caressant rapidement du pouce avant de la lâcher. "Et tu n'imagines même pas ce que je peux ressentir. J'viendrais te voir chez toi et même si tu es chaud, dès que tu en as envie, pour que tu partes de chez Ariel, on pourrait peut-être faire une colocation qui sait?" J'roule des yeux, un sourire en coin avant de poser mon regard sur elle. "Tu vas continuer dans la pâtisserie ici aussi? Il me semble qu'il y a pas mal d'édifice, tu pourras trouver tranquille." Un petit haussement d'épaules, une fois de plus. Non ce n'est pas un toc, une façon d'être je suppose.

Mmm fis-je d'un grognement imperceptible. Je reste sceptique. Prendre des risques en amour me semble inconcevable. Je ne pourrais pas. Comment faire confiance à nos sentiments alors qu'ils peuvent disparaître à tout moment? Me remettre avec lui? Jamais de la vie. Pour être honnête, je ne sais pas si j'en aurais envie. La plupart du temps j'explose car je n'arrive pas à garder ce que j'ai au fond de moi. Une relation amoureuse normale ne devrait pas être rythmée de disputes. Peut-être que je ne suis pas faite pour être heureuse. Tout comme le mariage ratée de mes parents

Je suis partie sans rien dire. Je l'ai mis un peu dans la merde pour le boulot, faut pas l'oublier. Je l'ai planté. Puis j'ai bloqué son numéro. Non, il va juste... Me haïr. Je l'aurais bien cherché. Billie me prends la main, elle essaie de me réconforter et de me rassurer. Je serre sa main et lui sourit tristement en fronçant les sourcils.  Cela me fait tellement du bien de savoir qu'elle sera là pour moi quoi qu'il arrive. Elle me propose même de devenir sa colocataire. J'sais pas si t'es prête à me supporter h24. Je ris. 


On aborde le sujet de ma recherche de travail. Pour moi c'est évident que je postulerais pour un poste de pâtissière. Ouais, j'aimerais bien trouver un job en ville. Si jamais tu as écho qu'on cherche un pâtissier... Un petit coup de pouce serait la bienvenue.

J'souris à son grognement. "Oh fais pas la moue." J'la taquine avant de l'enchaîner. Il faut toujours penser au pire, j'suis bien placée pour le savoir. D'autant plus qu'un homme frustré, on ne sait jamais à quoi s'attendre. Du harcèlement ? Un viol ? Un meurtre ? Les trois à la fois ou même pire ? Elle en est tout de même assez sûre qu'il ne reviendra pas vers elle mais je préfère rester vigilante, être cette petite voix dans sa tête qui la mettrait en alerte au moindre mouvement suspicieux. "Après, n'était-ce pas réellement le but en soi? On va dire que c'est ta signature en terme de rupture." J'ai un petit rictus aux lèvres avant de lui demander ce qu'elle compte faire maintenant, lui proposant même de faire une colocation. "Je pense qu'il y a pire à supporter. Pourquoi ? Tu comptes partir et faire en sorte que je te haïsse à mon tour?" Je vanne. Peut-être est-ce trop tôt encore. Je fronce légèrement les sourcils à sa réponse. "Je ne suis pas trop du genre à feuilleter les petites annonces mais il y a je-ne-sais combien de pâtisserie en ville, vraiment. Fais du porte à porte. T'es brillante, souriante, tu as tout pour toi, même une belle gueule sous tes beaux jours donc ils te prendront sans hésitation." Un petit clin d'oeil. J'crois que j'pourrais dire que je suis comme sa plus grande fan. Je prends une grande respiration avant de laisser tout évacuer. "Et tes parents?" Une question fâcheuse, je le sais bien mais qui se doit aussi d'être posée.

Billie me sourit. Je ne fais pas la moue! Je proteste en toute mauvaise foi, puis sourit à mon tour. Je devrais affronter mes peurs, seulement voilà, je ne suis pas du tout prête. Mes relations amoureuses sont un désastre. Billie a complètement raison. Fuir, c'est ma signature de rupture. Ça me fait franchement rire. C'est le cas de le dire! Comme c'est bon de ne pas se faire juger. Une belle et vraie preuve d'amitié. 

Vivre en coloc avec Billie me ne déplairait pas. Je vais y songer sérieusement. En espérant que tout se passe bien. Qu'elle ne songe pas que je puisse fuir comme je l'ai fuis, lui. L'amitié est pour moi une valeur très chère. Je ne te ferais jamais ça. 

En attendant, je crèche chez mon frère. A tout hasard, je lui demande si elle connaîtrait pas quelqu'un qui cherche une pâtissière. Apparemment non, mais elle est aussi confiante que moi. On verra bien ce que l'avenir me réservera. Mais merci pour cette farandole de compliments. C'est qu'elle pourrait me faire rougir! J'évite son regard modestement mais sourit.

Un sourire que je perd aussitôt. Le sujet qui fâche. Mes parents. Ils ne sont pas du tout au courant que j'ai abandonné mes études. Je n'ai aucun doute là-dessus, ils seront furieux. Leur petite fille parfaite, modèle, accomplie, qui ose descendre de l'échelle sociale. Ils ne savent pas. Ils sont censés venir à Sidney dans deux semaines. Je me gratte le nez d'un air détaché. Au début j'appréhendais, maintenant je m'en fou. Si il y a bien une personne dont l'opinion m'importait le plus dans ma famille, c'est Ariel. Lui, il m'a répondu du tac au tac on s'en branle. Je suis bien d'accord.

On ne pouvait pas le nier non, ni elle, ni moi. C'était sa façon d'être, sa façon d'exprimer ses sentiments en soi. Je ne suis pas là pour juger, elle le sait très bien tout comme elle sait qu'en général ça me fait de la peine pour ces types qui n'ont absolument rien demandé et qui doivent vivre après la rafale qu'elle leur a foutu dans le tronche en partant aussi rapidement. On parle de colocation, je lui souris. De toute façon si cela devait se faire, ça se fera en temps et en heure. On n'y est pas encore même si je compte rapidement partir de la maison familiale, avoir un semblant d'indépendance en bonne compagnie du moins. Elle me demande si il y a du boulot en ville, je lui réponds que je n'en sais foutrement rien mais qu'elle finira bien par trouver. Une simple vérité en soi mais la conversation se base sur quelque chose de plus sérieux; ses parents. "Dans deux semaines? Et ils verront bien que tu ne seras pas présente. Comme tu vas faire?" J'm'inquiète un peu en soi même si elle semble prendre le sujet presque à la légère. "C'est l'important en soi de se détacher de ce qu'ils peuvent penser mais tu ne redoutes pas la rencontre? Tu vas couper les liens définitivement?" Je fronce légèrement les sourcils. Je ne voudrais pas la retrouver en rogne, ne sachant pas vraiment ce qu'elle pourrait faire? Serait-ce peut-être une occasion pour s'éclater à une soirée entre personnes proches à se bourrer la gueule tout en râlant sur sa vie. J'imagine bien la soirée improvisée avec les deux Charlie, Ariel et moi même en train de se plaindre de tout et n'importe quoi, une soirée d'adolescents et d'adultes fatigués de la vie.

Alerte au sujet qui fâche. Mes parents. Comment vont-ils réagir en apprenant que j'ai abandonné mes études? Comment je vais leur annoncer cette nouvelle? Je ne sais pas trop. J'envisageais le face à face en faisant croire que j'étais de passage à Bowen. L'option le dire au téléphone me plaisait moins. Puis la sortie de secours la plus lâche, ne rien dire et inventer mensonge sur mensonge. Ce que je ne ferais pas. Peut-être que Billie pourrait me conseiller sur la meilleure attitude à adopter. Je suis déboussolée.

Enfant, j'étais très studieuse. Tout me passionnait. La pression parentale n'avait pas trop d'effet sur moi, jusqu'à ce que je grandisse. Je sentais que les enjeux étaient différents. Et puis ils ne voulaient pas que je sois instable, comme peut parfois l'être mon frère. Ils l'ont et le traitent encore comme un moins que rien. Je les ai toujours haïs pour cette raison. Couper les ponts me serait envisageable. Pourquoi pas? Je m'y prépare. Depuis toute petite, ils me voyaient comme la fille parfaite qui travaille bien à l'école. Qui a de l'ambition dans la vie. Mais je ne suis plus une petite fille. Je ne supporte plus ce statut. Je veux juste être moi. Si ils ne l'acceptent pas, c'est qu'ils ne méritent pas d'être dans ma vie. J'ai parlé avec détermination mais je suis soudaiement hésitante. Mes yeux implorent une réponse sincère. J'ai tort? Est-ce que je vais trop loin dans mes propos? 

Je soupire à ses réponses. Qui suis-je pour lui donner des conseils à ce sujet sachant que la meilleure personne qui peut répondre à ces interrogations n'est rien d'autre qu'elle-même. Je fais une petite moue, légèrement soucieuse ne sachant pas réellement quoi répondre à Charlie. "Disons que ton argumentaire se tient. Peut-être pas couper les ponts directement, peut-être juste essayer de leur faire comprendre que tu as changé et que toi ou Ariel -car oui ça rentrera forcément dans la conversation, j'en suis persuadée- n'avez plus aucun compte à leur rendre." J'hausse les épaules, le genre de phrases qui rendraient plus d'un parent malade. "Mais si après cette discussion rien ne change ou qu'ils décident de n'en faire qu'à leur tête, juste laisser le temps passer sans reprendre de nouvelles. Peut-être qu'il vaut mieux ça que tout arrêter d'un coup sec, tu ne crois pas?" Je lui adresse un sourire pincé. Je ne sais même pas si j'ai raison ou tort, c'est juste ma vision de la chose. Je ne peux plus me rebeller comme une gosse de mon côté donc ce n'est seulement que des hypothèses. "Et au pire vous les recontacterez pour des enterrements ou des mariages. Ils voudront toujours de vous dans leur vie même si sur le moment vous pouvez leur faire honte avec les chemins que vous voulez prendre. Il leur faudra du temps comme toi il t'a fallu du temps pour comprendre ta vraie vocation." Des paroles que j'essaie de rendre sage. "Qu'est-ce qui serait le mieux d'après toi?" C'est surtout ça qui compte au final.

Je réfléchis, je reste silencieuse. Tout conseil est bon à prendre. Billie ne croit pas que couper les ponts avec mes parents soit la meilleure des solutions. Je devrais leur donner le bénéfice du doute. Chose ultra compliquée quand on connait l'intolérance dont ils font preuve. Je sais pas. Je sais que je me répète mais je suis vraiment dans le flou total. Le problème c'est que... je crois qu'ils ne manqueront pas dans ma vie dis-je d'une voix éteinte. C'était moche à dire. Mais véridique. Les voir uniquement aux mariages et enterrements me suffirait.
 Au fil des années je ressentais de moins en moins d'affection pour eux. Toutes leurs remarques envers Ariel, tous leurs mensonges sur leur supposé mariage. Ils m'insupportent.

Soudain je me rends compte que je dois grave plomber l'ambiance. Désolé je voulais pas t'étaler mes stupides problèmes. Si tu me parlais de toi, quoi de neuf? Subite changement de conversation, c'est préférable.

J'tente de lui proposer des solutions mais comme j'ai beau lui faire comprendre, seul la décision qu'elle prendra sera probablement la bonne. "Et bien c'est tout vu alors." J'hausse les épaules. "Tu vas les revoir dans pas longtemps, vous vous prendrez la tête et puis ce sera fini. Vous vous recontacterez juste pour événements familiaux, tu n'as pas à t'en faire. Savoir qu'ils vont te perdre, ça va les faire chier et peut-être qu'ils se remettront en question, qui sait? Un miracle peut toujours arrivé." J'lui adresse un grand sourire, accompagné d'un clin d'oeil. Si c'est ce genre de sentiments qu'elle a envers eux, elle ne devrait pas à avoir à redouter ce moment. Je secoue négativement la tête à sa réflexion. "On est bien là pour en parler non? Tu n'as pas à t'en faire." Un sourire qui se veut bienveillant. Qu'est-ce que je raconte de beau? "Euh... Pas grand chose en soi. J'suis toujours à mon taf de dvds, j'vais à la bibliothèque. Il se pourrait que j'essaie d'aborder le bibliothécaire mais j'sais pas encore comment m'y prendre." J'hausse les épaules. "Du coup, tous les mardis j'vais y prendre des livres que je ne lis pas juste pour le voir lui et lui parler, c'est complètement con." J'rigole, j'ai juste l'impression d'être une adolescente. "Mais j'sais pas. De ce que je ressens en le voyant, ça a l'air d'être quelqu'un de calme et de doux, timide aussi, patient. Il n'a pas l'air d'être du genre à s'emporter et il est plutôt mignon en soi." J'roule des yeux mais bordel entendez-moi. C'en est presque pathétique. "Puis il a cet accent so british." L'un de mes bras vient s'accouder sur la table, ma tête allant dans le creux de ma main. J'ai toujours eu un faible pour les "étrangers", les britanniques étant des êtres supérieurs à mes yeux.