un temps pour se préparer à ramasser les morceaux quand tout est fini (letícia)

centre commercial de bowen

Seize heures. Pas une minute de plus, ni une minute de moins. Cette fois, c'était bien la première fois que Sara n'arrivait pas en retard à un rendez-vous. Letícia en avait de toute façon l'habitude, des écarts de tête de sa meilleure amie. Avec Sara, il fallait s'attendre à répéter mille et une fois. Parce qu'elle tombait trop facilement dans la lune, elle était parfois trop éparpillée dans son âme créative qui la rendait parfois particulière. Il n'était pas rare de la voir s'emmêler les pieds ici et là, en route pour un entretient important. Néanmoins, ça n'avait pas été le cas aujourd'hui. Seize heures et elle était devant le centre commercial, attendant la brésilienne avec impatience, son sourire fendue jusqu'aux oreilles. Sourire qu'elle justifiait par la nouvelle que sa meilleure amie lui avait glissé entre leur prise de rendez-vous, un nouvel emploi qui sombrait à l'horizon. Optimiste, trop sans doute, Sara était déjà convaincue que Letícia avait passé l'entretient avec brio. Ça en était à peine si elle n'avait pas le champagne dans son sac à main.

Dès que la Brésilienne arriva devant elle, Sara pointa sa montre invisible. « Seize heures cinq », fit-elle sur le ton de la plaisanterie. « Pour une fois que c'est moi qui était à l'heure et non pas perdue dans mes pensées », se moquait-elle d'elle-même. Oui, parce que la belle brune, elle était susceptible, excepté lorsque cela venait d'elle-même. « Aloooooooooooooors, tu me racontes !? »

La vie de Letícia prenait un véritable tournant entre son emménagement avec Fede et son envie de conversion professionnelle. Elle se sentait prête à se stabiliser et c'était quelque chose d'inédit chez la jeune femme. Quelques jours plus tôt elle avait confié à son amie Sara qu'elle allait passer un entretien pour le poste d'éducatrice spécialisée. Elle pensait que le feeling était bien passé entre elle et le chef de service, elle espérait donc avoir des nouvelles rapidement. Vérifiant trop souvent ses mails, ses appels et ses messages, elle n'allait pas partir en avance à sa virée shopping avec Sara. Alors après avoir pris son sac, elle se précipita dans sa voiture et accéléra sur la route. En arrivant au lieu de rendez-vous elle s'attendait être la première venue et étonnamment Sara n'était pas en retard cette fois. Comment ça, tu es à l'heure?rigola t-elle à son tour. Elle enlaça sa meilleure amie et embrassa affectueusement sa joue. L'entretien s'est super bien passé. On a discuté pendant au moins une heure, le chef m'a présenté l'équipe et même les enfants! J'espère troooop qu'on va me rappeler. confesssa Letí, d'une voix pleine d'espoir. Non seulement le poste lui plaisait mais elle avait surtout apprécié la présentation de la structure. Encore mieux : les enfants semblaient curieux et impatients de faire sa connaissance.

Son exploit n'était pas le fruit du hasard. Si Sara n'était pas en retard, c'est qu'elle s'était mis au moins quinze alarmes pour être certaine d'arriver à temps. Elle se faisait rabâcher les oreilles tout le temps par sa meilleure copine. Sara, tu es dans la lune. Sara, tu es toujours en retard. Cette fois, elle ne lui donnerait pas de raison de se moquer d'elle et de sa tête trop souvent en l'air. Et comme de fait, pour une fois, elle était la première arrivée. Et la première à se faire une joie d'en aviser Letícia lorsqu'elle pointa le bout de son nez avec à peine cinq minutes de retard. Sara riait, se délectant gentiment de la scène. « J'suis pas toujours perdue, hein », renchérissait la brune avant de rire de plus belle. « Et... j'sais pas, j'suis à l'heure, c'est tout. » Mais rapidement, la conversation se tourna vers sa meilleure copine qui avait quelque chose de bien plus important à raconter que les raisons du non retard de Sara. « Mais c'est trop biiiiien », commentait la portugaise. « J'crois pas qu'elle t'aurait présenté aux enfants si t'allais pas avoir le poste. C'est horrible de faire ça à des enfants, de leur faire miroiter la perle qu'ils pourraient avoir dans leur milieu, de leur donner un bonbon et de le reprendre aussi tôt. Minha linda, c'est dans la pooooooooche ! », s'excitait Sara avant de retourner une nouvelle question à son amie. « Et les sous-vêtements, c'est pour quelle célébration ? »

Leticia, elle la trouvait attachante, sa Sara. La tête dans les nuages, à ne pas voir l’heure passer à en louper un rendez-vous. Mais c’est ce qui faisait sa personnalité et c’est ainsi qu’elle l’affectionnait particulièrement. Elle taquinait souvent sa meilleure amie pour ses retards répétés mais rien de bien méchant. Je suis impressionnée je tenais à le souligner ! lui dit-elle avant d’éclater de rire et de la saluer chaleureusement. Tandis que Leti lui confia que son entretien professionnel s’était bien passé, elle la prit par le bras et les deux jeunes femmes rentrèrent dans la boutique.  Sara semblait elle aussi avoir un bon pressentiment pour elle et cela la réconfortait. Si je suis prise, « champagne » ajouta-t-elle de son terrible accent. Elle l'entraina directement dans un rayon aux lingeries de couleur rouge. Disons que maintenant que ma vie sexuelle est plutôt mouvementée et… Stable… J’ai envie de surprendre Fede. Non tu n’auras de neveu tout d’suite ! devina Leti qui avait un sourire malicieux.  Ils n’étaient pas encore dans le projet « bébé » bien que les deux amoureux en discutaient parfois. Leti le désirait, de plus en plus, elle se considérait prête et n’attendait plus que son accord pour se débarrasser de cette vilaine pilule qu’elle prenait chaque jour.  

En même temps, une Sara pieds sur terre, ça n'existait pas. Il fallait encore l'inventer. Alors, valait mieux en rire qu'en pleurer, prendre le bon côté des choses et tourner le tout en autodérision. Elle le savait, c'était son défaut. Et elle y travaillait. La preuve, la voilà arrivée avant Leti qui, elle, n'avait pas l'habitude d'être en retard. « Ne t'attends pas à ce que ce soit une habitude, par contre », fit-elle en gloussant à son tour. La prochaine fois, qui sait ce qui retiendra son attention et qui lui fera perdre les pieds de la terre ferme à en monter jusqu'à la lune. Et, qui sait, ce serait peut-être le boulot de la belle brésilienne qui la tiendrait tellement occupée la prochaine fois qu'elle en oublierait l'heure de leur rendez-vous ? Parce qu'à en croire les dires de sa meilleure amie, Letícia sembait avoir fait bonne impression à la responsable de son entrevue. « Quand tu seras prise, tu veux dire ! », affirmait Sara, sûre d'elle. « Y'a pas de raison que tu ne l'aies pas. Et les enfants seraient chanceux de t'avoir! » Ça, Sara le pensait plus que tout. Et sur ce bel optimiste, elle se laissa emporter dans la section lingerie de la boutique qu'elles avaient visitée. « Et moi qui avait déjà acheté un paquet de couches pour mon petit futur neveuuuuu ! », s'exclamait la brune avant de reprendre son calme. « J'fais ton guide conseil ! Tant que tu ne choisis pas des trucs bizarres et louches, là, j'aurai pas le choix de refuser que tu les essaies ! »

Les deux meilleures amies se retrouvèrent chaleureusement, ne manquant pas de plaisanter sur les retards répétés de Sara. Leti ne le lui rapprochait pas pour le moindre du monde, elle en avait l’habitude et s’esclaffa… beaucoup moins lorsqu’elles parlèrent de son entretien d'embauche au sein d'un foyer de l'enfance, elle reprit son sérieux.   J’ai pas d’expérience, je comprendrais qu’ils veuillent prendre quelqu’un d’autre. Même si l'entretien s'était réellement bien passé, elle avait conscience qu'elle n'avait aucun diplôme en poche ni expérience pour ce poste à pourvoir. Tout ce qu'elle avait, c'était cette détermination et sa motivation à travailler dans ce milieu.     Elle adorait les enfants, Leti et cela n'échappait pas à Sara qui prétendait avoir acheté des couches à son futur neveu.  Garde-les, on sait jamais. C’est p’tet toi qui en aura besoin avant lui dit-elle avec un sourire en coin. Il était plus cohérent et plus logique qu’elle tombe enceinte avant elle, Sara était en couple avec son petit ami Hugo depuis BIEN plus longtemps qu’elle. Pourtant Leticia en avait déjà envie. Elle se voyait déjà former une famille avec l’italien. Ils en discutaient parfois, et on sentait que ce désir était réciproque. En dehors du fait que sa situation professionnelle était instable, ils ne vivaient pas ensemble depuis suffisamment longtemps pour se lancer dans cette aventure. Toutefois Leticia, elle ne se le cachait plus, elle n’attendait que ça. Dès lors qu’il le souhaitera, elle arrêtera de prendre la pilule. En attendant, cela ne les empêchaient pas de continuer leurs ébats amoureux. Fede savait la faire monter au septième ciel et pour entretenir cette attirance charnelle elle voulait renouveler sa lingerie.  J’ai envie de couleur précisa Leti qui se dirigea vers un ensemble orange flashy, prête à écouter les conseils de sa meilleure amie.

« Mais qu'est-ce qu'on s'en fou », soufflait Sara, convaincue de ses dires. « Un travail, ça s'apprend. » Et ça, elle en était convaincue. Elle n'avait pas fait de longues études, Sara. Elle n'avait pas de master en vente ou en finances. Et, pourtant, elle tenait une boutique et avait appris le travail à la dure. « En revanche, une personnalité, ça ne se change pas. Et je pense que pour ce métier-là, c'est sans doute ce qu'il y a de plus important. » Elle était sans doute la fan numéro un de Letícia. Et elle serait toujours derrière sa meilleure amie pour lui rappeler sa valeur. Leti et les enfants, ça avait toujours été d'une évidence. Sara se laissait même bercer dans l'idée qu'elle serait un jour tatie, et que ce jour serait dans un futur plus ou moins proche. Quand il était question de Sara, ça n'avait jamais été aussi évident que pour la Brésilienne. « Euh, ouais, non, je pense que je vais les garder pour toi. Ça risque de servir bien plus avant. » Hugo et Sara n'avaient jamais parlé d'enfants. Et bien que c'était un désir pour la brune, ça n'était pas dans les plans actuels, même après plus de dix ans de vie commune.

Les deux amies n'allaient tout de même pas passer leur après-midi sur le pas de la porte du centre commercial. Bien au contraire, elles se décidèrent à entrer dans une boutique de lingerie où Letícia avait dans l'idée d'acheter de quoi célébrer l'amour qu'elle portait envers Fede. Ils étaient beaux à voir, tous les deux, dans leur lune de miel interminable. Peut-être qu'au fond Sara les jalousait, les enviait un peu, de vivre cette éternelle idylle alors qu'elle s'ancrait dans une routine banale. « Le orange, avec ton teint, ça sera trop trop beau », lançait Sara en parcourant les allés. Peut-être allait-elle trouver quelque chose, à son tour, à porter pour raviver la flamme de son couple. Mais pour l'instant, c'était mission Fedetícia. « Le bleu, t'aimes pas ? » Elle lui montra un ensemble en dentelle d'un bleu saphir vibrant. Sara s'approcha encore plus de sa meilleure amie. « Tes seins là-dedans... Je suis certaine que Fede ne pourra pas attendre pour te sauter dessus. »

Face à la force d'optimisme de Sara, Leticia pouffa de rire.   Au fond elle espérait que sa meilleure amie ait raison. La volonté et la motivation d'apprendre était là, il n'y avait plus que l'opportunité qui manquait. Si on lui laissait sa chance, elle ferait en sorte faire ses preuves. Tu crois que je suis assez forte pour ce milieu? demanda-t-elle en toute sincérité. Son tempérament de feu laisser croire que oui, mais sous ce sacré caractère il y a avait avant tout une grande sensibilité. Elle savait que dans le métier d’éducatrice, il fallait savoir se détacher des enfants tout en ayant cette implication et affection pour eux. La difficulté n’était pas moindre mais Leti espérait être à la hauteur. Personne ne pouvait mieux la connaitre que Sara. Enfin, si, désormais il y avait aussi Fede avec qui elle parcourait un bout de chemin. Le couple avait d’ailleurs des projets. Sara savait que Leti désirait de plus en plus devenir mère depuis sa rencontre avec l’italien, elle ne voyait pas fonder une famille avec aucun autre homme, c’était lui le bon. Ils étaient ensemble que depuis bientôt un an, beaucoup moins que sa meilleure amie qui vivait une longue relation durable avec son petit ami. Tu es avec Hugo depuis bien plus longtemps lui fit-elle remarquer. Ou peut-être qu’on sera enceinte en même temps lui dit-elle très enthousiasme, le sourire grand aux lèvres. C'était un peu le rêve de toutes les meilleures amies, partager une grossesse. Leticia était loin d'imaginer qu'entre Hugo et Sara, la flamme s'était atteinte.

C'était bien la première fois que les rôles étaient inversés, elle qui vivait que d'histoires courtes, parfois même toxiques. Sur son petit nuage, elle se laissait guider dans le magasins sous les bons conseils de son amie. Elle vit un ensemble en dentelle orange flashy qu'elle garda en main. De son côté Sara lui en montra un d'un bleu saphir. Magnifique.  Je prends les deux approuva Leti sans réfléchir, non pas sans l'ombre d'un sourire des compliments de sa meilleure amie.

C'est avec beaucoup de positivisme que Sara abordait le changement de métier de Leticia, ainsi que ses doutes. C'était du Sara tout craché. Si, pour elle, elle n'arrivait pas toujours à trouver le positif d'une situation, lorsqu'il était question de ses proches, la question ne se posait plus. Sara était une vraie remonte morale, toujours là pour ceux qui comptaient, s'oubliant parfois au passage. Mais tant que son monde était heureux, c'était tout ce qui comptait. « Tu en doutes vraiment? », répliquait la brune avec surprise. Pour elle, la question ne se posait tout simplement pas. Leticia avait tout ce qu'il fallait pour ce métier, et bien plus encore. Mais si elle avait besoin de se faire rassurer, de se faire rappeler à quel point elle pouvait être qualifiée sans même y avoir étudié, Sara était là pour elle. « Tu doutes parce que tu penses que ta sensibilité te trahira? », demandait Sara sérieusement. « Tu sais, c'est sans doute ta plus belle qualité, ta sensibilité », lui confiait sa meilleure amie avant de sourire. « Ton défi, ce sera de ne pas la laisser t'envahir. Mais je pense qu'en te mettant des barrières, tu y arriveras. Il ne faut tout simplement pas que tu t'enfermes dans ce que tu ressens. » Ne pas ramener les problèmes à la maison, se détacher des situations qui concernaient le travail, être emphatique mais pas trop et, surtout, utiliser les gens autour d'elle pour ventiler. « Alors oui, je pense que tu es assez forte pour ce travail, pour répondre à ta question. »

Il était vrai que Hugo et Sara étaient ensemble depuis bien plus longtemps, mais ça ne faisait pas tout. Ils n'étaient pas au stade bébés, maison, futur. Encore moins depuis que les pensées de Sara se surprenaient à divaguer vers d'autres. « On sera enceinte en même temps lorsque tu seras rendu à ton troisième ou quatrième enfant », plaisantait la Portugaise. Elle aussi, elle voulait des enfants, un jour. Un jour, mais pas maintenant. C'était trop le chaos dans sa tête pour penser à s'occuper d'un tout petit être. Mais ça, Leticia ne pouvait pas le savoir. Même Sara n'en était pas complètement certaine. Une chose était claire, c'était que la mission du jour était de trouver des ensemble terriblement sexy pour sa meilleure copine, ce que les deux jeunes femmes cherchaient. Le orange, le bleu, tout ça rendait la belle Brésilienne plus que séduisante. « Pas difficile à convaincre! », gloussait Sara. « Besoin d'autre chose? » Elle ne regardait même pas pour elle, ce qui ne lui ressemblait pas, elle adorait mettre son corps en valeur avec de la lingerie fine. Seulement, le coeur n'y était pas. Pas pour charmer Hugo.

Letícia n'avait pas un parcours professionnel exemplaire. Préférant voyager elle avait surtout enchaîné les petits boulots quitte à mettre de côté de longues études. Pour elle ce nouveau job impliquaient de grandes responsabilités et elle craignait ne pas être à la hauteur. Prendre en charge des enfants au profil déstructuré et avec des situations familiales complexes, c'était un défi de la vie. Etant donné qu'elle n'avait aucune expérience professionnelle, elle redoutait ne pas avoir bonne approche, la bonne posture. Peut-être serait-elle trop maternelle, ce qu'elle ne devait pas Oui un peu. admit Letí.  Elle hocha une nouvelle fois la tête quant à la question de Sara, confirmant qu'elle avait peur que sa sensibilité la trahisse. Elle écouta attentivement les conseils de sa meilleure amie, approuva à plusieurs reprises. Peu à peu elle se sentit plus confiante et déterminée. T'es un amour. complimenta Letícia avec un large sourire.

De toute évidence Sara ne semblait pas emballée par le projet bébé, contrairement à Letí qui ne se gênait plus pour avouer à qui voulait l'entendre qu'elle avait de devenir mère. Jamais elle n'aurait été dans cet état d'esprit si elle n'avait pas rencontré Fede. Si elle n'aurait pas le pressentiment qu'il était le bon, elle ne se serait pas autant projeté. Hugo et Sara, eux, étaient ensemble depuis suffisament longtemps pour se lancer et pourtant ce n'était clairement pas prévu pour tout de suite. Donc pas avant au moins quatre ans! lui fit-elle remarquer, légèrement déçue. Elle aurait aimer partager sa grossesse avec sa meilleure amie, qu'elles puissent se rassurer l'une et l'autre. Depuis toutes petites elles vivaient plein de choses ensemble et c'est bien une des rares fois où elles semblaient toutes les deux engagés dans une relation à long terme. Néanmoins Letícia ne pouvait s'empêcher de remarquer que Sara ne semblait plus aussi épanouie. Et toi tu prends rien? demanda-t-elle en haussant les sourcils.