Whatever I did, even if it's done I'm still loving you - Emersen

Un mot. Un souffle et une apnée d’au moins une minute. Elle serrait les dents et son cœur s’arrêtait de battre pendant un instant. Enceinte. Alba était enceinte. Le test pouvait se tromper mais elle le savait qu’il était véridique. Ces dernières semaines, elle avait vomi. Elle s’était sentie mal. La fatigue était plus que présente et même Léo l’avait remarqué. Léo … Qu’est ce qu’il dirait ? En ce moment, entre eux, tout était compliqué. Ils communiquaient difficilement. Depuis Noël, rien ne s’arrangeait et Alba culpabilisait chaque jour un peu plus. Elle l’avait trompé. C’était un geste horrible, une action qu’elle regrettait. Ce jour-là, elle l’avait vu avec Grace. Il n’avait pas daigné à lui dire la vérité prétextant qu’il était un ami de longue date. Ce n’était que le lendemain qu’il lui avait dit la vérité. Mais il était déjà trop tard. Elle avait couché avec Concho. A cette pensée, Alba eu une boule dans le ventre. Conchobáhr. Elle calculait vite fait dans sa tête. Et la jeune femme eut une envie de vomir. Elle courrait dans les toilettes vomir son repas de ce matin. Merde. Elle était enceinte, mais de qui ? Cette soirée là, elle ne dormit que très peu, ressassant les dernières semaines dans sa tête. Les jours qui suivirent n'étaient pas mieux et elle voyait que Léo se posait des questions. Ce soir, il fallait qu’elle lui parle. Le matin même, elle appela Charlotte pour qu’elle puisse garder Jon. Son fils adoré devait être loin de ses parents parce que ce soir, elle expliquerait tout à Léo. Il le fallait. Toute la journée, elle sentait l’angoisse montée ce qui n’aidait pas avec ses nausées. Elle dormait mal donc elle était de plus en plus fatiguée. Elle se demandait si Léo pouvait se douter de quelque chose, il avait beau essayer de trouver des remèdes, elle continuait à se sentir mal. Peut-être qu’il ne savait rien finalement. Il n’avait jamais vu Alba enceinte les premières semaines de Jon, voir même presque tout le long de la grossesse. A trois mois, elle était réapparue dans sa vie avec le ventre légèrement arrondi et il lui avait demandé de partir. Toute la journée, elle avait pleuré. Elle mettait la faute sur les hormones. La photographe ne s’était pas réjouie de cette grossesse, loin de là. Au fond d’elle, ça sonnait comme la fin de la relation avec l’homme qu’elle aimait. Jamais Alba ne pourrait lui cacher la vérité, cette femme pouvait avoir plein de défaut, mais le mensonge n’en faisait pas parti. Alors qu’elle rangeait les derniers vêtements de Jon dans l’armoire, elle entendait la porte se fermer. Léo était là et son cœur battait à une vitesse. Ils se voyaient de moins en moins et les escapades nocturnes se faisaient plus rares. Quelque chose avait été brisé à Noël et ça c’était fracassé le jour où il avait Grace et où elle avait couché avec Léo. « Comment tu vas ? » Demanda-t-elle en descendant. Ils s’embrassaient et à cet instant, elle avait envie de ne plus rien lui dire, de mentir pour garder cet amour entre eux. Ils s’étaient dis qu’ils s’aimaient. Plus de sept ans après leur rencontre, ils avaient enfin franchit ce cap. « Léo, il faut que je te dise un truc » Sa voix se perdait à force de parler. « Promets moi Léo que quoi qu’il arrive tu ne me haïras pas. » Non, elle devait lui dire parce que sinon elle ne pourrait plus jamais apprécier la femme qu’elle était.

Comment sait-on que c’est la fin d’une histoire ? Léo avait expérimenté cette sensation quelques fois et généralement il était à l’initiative de la rupture, ou bien il avait fait la connerie qui avait tout fait basculer. Au fond, il aimait l’idée d’être celui à qui les femmes s’accrochaient, ça le rassurait, il se sentait en contrôle, il n’avait jamais connu le fait d’être trompé, alors qu’il avait déjà trompé. A chaque fois qu'une histoire se terminait avec une femme c'était que, quelque part, il avait merdé. Mais cette fois c'était différent. Depuis des mois il sentait qu’ils étaient sur le déclin avec Alba et il détestait cette sensation. Il y avait eu leur voyage idyllique aux allures de lune de miel et puis juste après les choses s’étaient gâtées. Et il n’arrivait toujours pas à comprendre réellement pourquoi, comment ? Comment ils avaient fait pour en arriver à ce point de non-retour. La réponse était pourtant simple, flagrante, devant ses yeux depuis toujours. C’était l’absence de communication qui avait tout gâché, elle avait entraîné les doutes d’Alba, les disputes où aucun des deux ne se comprenait, les portes qui avaient claqué. Durant un temps, ils avaient réussi à sauver les meubles grâce à l’amour qu’il se portait et cette attirance physique, toujours intacte, ces deux points étaient irréfutables, mais malheureusement pas envers et contre tout. En France il y avait déjà eu une première vraie alerte, puis les choses s’étaient plus ou moins tassées. Et puis Léo avait revu Grace, c’était stupide, une simple rencontre hasardeuse, un café partagé, quelques réminiscence de leur histoire, peut-être, mais en soi rien de méchant, puisque Léo était fou amoureux d’Alba et que Grace faisait sa vie de son côté. Seulement il s’était senti fautif d’avoir voulu passer du temps avec elle, parce qu’il s’agissait de cette femme en particulier et de leur passé si fort, il n’avait pas avoué tout de suite à Alba qu’il l’avait revue, inventant un vieil ami, l’erreur classique, bête, mais pas anodine. Depuis rien n'allait plus, il le savait bien et malgré tous ses efforts pour tenter de sauver quelque chose, ils prenaient l’eau et ils étaient au bord du naufrage. Pourtant Emerson ne voulait pas y croire, il ne voulait pas abandonner, pour une fois qu’il était certain de ce qu’il voulait, pour une fois qu’il n’avait aucune crainte sur ses sentiments. Et puis depuis quelques jours il y avait ce doute qui s’installait doucement en lui, une alerte, il voyait que quelque chose clochait. Il n’était pas aveugle, le photographe, il avait remarqué la fatigue et le changement de comportement de sa compagne. Ce soir il la rejoignait chez elle après un rendez-vous professionnel, il avait envie de la voir, envie de mettre les choses au clair, peut-être de parler, enfin, vraiment. Alors qu’elle descendait l'escalier, il croisa son regard lasse, son visage fatigué et il n’eut qu’une envie, la prendre dans ses bras. Parce que si le navire prenait l’eau, elle était toujours son phare, sa faiblesse. Ça va, et toi ? Il se sentait vraiment concerné, ses sourcils étaient froncés quand elle vint se caler dans ses bras pour l'embrasser. Il était incapable de renoncer à cette tendresse là, si évidente. Pourtant les mots de la blonde résonnèrent, graves, sonnant la fin de la douceur. Léo s'appuyant contre le canapé en observant Alba. Je t'en voudrais de me cacher des choses, oui sûrement, mais … Il se posa deux secondes, pour être sûr qu’il ne pensait pas mal, qu’il n’allait pas dire une énorme connerie, mais tant pis, il devait poser la question. … est-ce que tu es enceinte, c'est ça ? Il n'était pas menaçant, au contraire, il pensait simplement avoir compris ce qu'elle avait à lui dire. Elle était épuisée depuis des jours, elle était malade aussi, même si elle tentait de le lui cacher il l'avait bien vu et puis Jon avait demandé à son père la veille, pourquoi maman vomissait, si elle était malade… Le photographe comprenait les craintes de la jeune femme, la première fois qu'elle lui avait fait une annonce pareille il l'avait totalement rejeté, elle avait donc toutes les raisons au monde d'être inquiète. Mais cette fois c'était différent, cette fois il l'aimait, il ne refoulait plus ses sentiments et même si c'était quelque chose de totalement inattendu, de non désiré, il se disait qu'au fond il tomberait peut-être bien, cet hypothétique bébé. Comme si faire un enfant pouvait vraiment sauver un couple.

Certains matins, Alba se demandait si elle se sentait mal à cause du fait qu’elle était enceinte, ou si elle culpabilisait. La grossesse la fatiguait, mais elle passait des nuits blanches à ressasser le pire des ces dernières semaines. La photographe sabotait cette relation dont elle en avait rêvé pendant tant d’année. Incapable de mentir, elle savait que les jours approchants, il fallait lui dire. Il fallait leur dire. A eux deux. Léo et Concho. C’était une évidence pour Alba qu’ils devaient être au courant, quitte à les perdre tous les deux. Ça lui brisait le cœur d’avance. Il n’y avait plus aucun doute sur les sentiments que Léo avait pour elle et inversement. Sauf que les choses ne se passaient pas comme dans toutes les belles histoires. Les disputes, les regards froids et les doutes faisaient partis de leur quotidien. La passion de leur corps ne suffisait plus. Combien de fois avait-elle rêvé Alba d’être avec lui pour toujours. Aujourd’hui, ils formaient une si belle famille, presque idyllique. Le genre de famille qu’on pouvait voir sur le brochures ou les pubs. A l’évidence, à l’intérieur dans l’intimité, tout était loin d’être parfait. La photographe se souvenait de cette blessure si profonde qui avait ressurgit quand elle avait vu Léo avec Grace. De toutes les femmes au monde, Grace était celle qu’Alba avait le moins envie de voir. Non, elle ne la détestait pas. Mais une fois Léo était partie pour elle, laissant la jeune maman seule. C’en était suivi un exil à Brisbane pour s’éloigner de cet homme qui lui faisait tant de mal. Ce jour-là, les revoir ensemble, riant avait fait remonter à Alba un sentiment d’insécurité et cette peur panique de l’abandon qui avait imprégné tous les pores de son corps. Loin d’être parfaite, Alba avait renoué avec ces vieux démons. La suite était connue et aujourd’hui, il fallait qu’elle en parle et qu’elle se lave de toute cette culpabilité. Les larmes montaient rapidement et elle fit un effort tout au long de la journée pour les ravaler. Entendant la porte s’ouvrir, elle rejoignait Léo. Les cernes dessinaient son visage et la nausée était toujours aussi présente. Les larmes menaçaient de revenir, sachant qu’après ce soir tout allait changer. Elle gardait l’espoir Alba, que peut-être Léo ne lui en voudrait. Peut-être que ce dernier écart allait les rapprocher. Quelle naïveté ! Mais elle voulait y croire parce que Léo elle l’aimait depuis tellement d’année. Doucement, elle le rejoignait pour sceller ses lèvres aux siennes. Profitant de cette étreinte, elle restait quelques secondes de plus dans ses bras. Mais finalement elle s’en échappa. Il fallait qu’elle lui parle maintenant sinon jamais elle n’aurait la force de le faire. « Je suis fatiguée. » Répondait-elle tout simplement. De toute façon, Léo le voyait bien qu’Alba n’allait pas depuis quelques semaines. Malheureusement, il ignorait vraiment les raisons de son mal être. Si seulement, il ne pouvait pas la détester. Si seulement, il pourrait l’aimer encore après. Les choses allaient mal entre eux, mais ils s'aimaient. Peut-être que ça pourrait suffire. « Oui. » Répondait-elle tout simplement. Léo avait deviné. Et en même temps, c’était assez évident. Pourtant, il n’avait jamais connu Alba enceinte les premiers mois. Il n’avait pas été présent quand elle avait su qu’elle était enceinte de Jon. A trois mois, elle l’avait retrouvé pour lui annoncer la nouvelle, mais il avait fui, la laissant seule avec son bout de ventre rond. A l’époque, la photographe savait qu’elle garderait cet enfant. Aujourd’hui, tout était différent. Il n’y avait aucune joie sur le visage de la blonde, aucune envie d’être reconnaissante de cette nouvelle. « Je ne vais pas le garder. » Annonçait-elle comme un pansement que l’on arrachait. Cette décision, elle y avait réfléchi pendant des jours et des nuits. Finalement c’était le meilleur choix, pour elle, pour Léo et pour Jon.

Il l’avait prise pour acquise, quelle erreur ! Alba, celle qu’il avait tant désiré, puis repoussé, plus fort que tout, celle qu’il avait éloigné de lui alors qu’elle avait, finalement, toujours été celle qui lui fallait. Léo l’avait cru sienne et il s’était reposé sur cette certitude qu’ils étaient faits l’un pour l’autre, enfin réunis, que rien ne pourrait alors arriver. Pourtant ils n’étaient pas un couple banal, loin de là, elle n’était pas une femme ordinaire, pas de celle qu’on enferme dans une cage, pas de ces femmes qui rêvent au prince charmant. Alba était libre elle vibrait de cette liberté qui la caractérisait totalement, même avec un enfant, même follement amoureuse de son amant, elle avait besoin d’exister. Elle était exactement comme Léo en soi, la séduction faisait parti d’elle et si elle se sentait menacée ou en insécurité il était simple pour elle de jouer de son charme, quitte à tout faire capoter. Il savait, il l’avait déjà fait, tellement de fois, avec tellement de femmes, même avec elle. Pourtant ça ne lui était jamais arrivé de se retrouver dans la situation inverse. Et même s’il savait que la blonde était faite du même bois que lui, jamais il n’aurait pensé qu’elle puisse lui faire ce coup-là. Parce qu’on ne trahit pas Léo Emerson, jamais ! Ainsi donc il ne s’était pas méfié, il avait accepté qu’ils s’éloignent, qu’ils se disputent, que leur relation s’étiole jusqu’au point de non-retour, non pas par joie, ça le détruisait à petit feu, mais au fond de lui il gardait l’espoir que tout n’était pas perdu, qu’ils étaient dans le creux de la vague et qu’ils finiraient par remonter, sortir la tête de l’eau et que la flamme renaîtrait à nouveau, comme à chaque fois entre eux. Parce qu’ils s’aimaient si fort, ça ne pouvait pas s’arrêter, cet amour devait suffire, non ? Il devait pourtant savoir, lui plus que quiconque, que l’amour ne suffisait pas toujours ? Combien de femmes avait-il aimé et pourtant quitté ? Blanche, la dernière en date, il en était amoureux et il l’avait quand-même trompé … Et puis ce présentiment qui trottait dans sa tête depuis un moment, cet espoir un peu fou qu’un bébé miracle puisse tout arranger, c’était totalement déraisonnable, mais il s’y accrochait, sans oser demander, comme pour faire taire l’angoisse qui montait en lui, le malaise qu’il voyait dans les yeux de sa compagne depuis des jours et qui le contaminait petit à petit. Elle n’avait pas besoin de lui dire qu’elle était fatiguée, il le devinait bien seul. Il déposa un baiser sur son front puis s’installa face à elle, il était temps de mettre les choses au clair. Elle répondit très simplement à sa question, sans grande effusion, sans grand sourire, un petit oui, presque résigné, qui lui confirmait qu’elle était enceinte. Léo la fixait avec douceur, il osa un sourire timide, alors qu’elle restait impassible. En d’autres circonstances il aurait pu sauter de joie, la prendre dans ses bras et la faire tournoyer dans la pièce. Elle attendait un enfant, bordel ! C’était un belle nouvelle ! Mais il interpréta sa réserve comme de la peur, après tout, la première fois qu’elle lui avait annoncé qu’elle attendait un enfant de lui, il lui avait claqué la porte au nez après lui avoir craché au visage toutes les horreurs de la Terre. Cette fois-ci, doutait-elle encore de lui ? Cette deuxième grossesse n’était pas non plus désirée finalement. Alba c’est… merveilleux. Ce mot si fort ne sortit jamais de sa bouche, il resta coincé là, au bord de ses lèvres, alors que la bille semblait vouloir prendre sa place. Elle lui avait coupé l’herbe sous le pied, elle ne comptait pas le garder. Il resta interdit, la fixant sans comprendre. Il fallait être deux pour décider, mais elle ne lui laissait pas le choix. Au bout de quelques secondes il secoua la tête. Pourquoi ? On pourrait… On pourrait quoi ? Il sentait qu’il y avait autre chose.

Tout ce pourquoi elle s’était battue ces derniers temps s’envolaient. Pourquoi fallait-elle qu’elle doute à ce point de Léo au point de commettre l’irréparable. Elle avait fait taire cette culpabilité lorsqu’elle était avec Concho. La peine que lui avait infligé Léo avait suffit pour qu’elle décide de franchir le pas avec Concho. Tout aurait pu rester secret, une énième fois avec Concho dans le plus grand secret. Mais il avait fallu qu’elle tombe enceinte à ce moment-là, alors que ça faisait des mois qu’avec Léo ils ne se protégeaient pas. Il y avait de grande chance que cet enfant soit de lui, mais il y aurait toujours un doute. Cela aurait fini par la tuer à petit feu et Alba ne pouvait pas garder ce secret. Il se serait su de toute façon. Concho aurait fini par faire le lien et se poser des questions à juste titre. Alba avait des défauts, mais elle ne mentait pas. Elle aimait trop Léo pour lui cacher cela même si ça mettait fin à cette relation. Tout la brisait à l’intérieur, ce baiser sur le front et le regard si amoureux qui lui portait. Combien de fois l’avait-elle détesté quand elle avait appris qu’il l’avait trompé avec Grace. Sans elle, sans ce café, elle ne serait pas allée voir Concho. Mais ça serait hypocrite de faire peser la faute que sur ce café. Ça faisait des mois qu’ils n’y arrivaient pas Léo et Alba, bien avant ce café. Déjà à Chamonix, elle avait l’impression qu’il n’était pas heureux avec elle. S’attendant toujours à ce qu’il la quitte pour une autre, elle n’avait pas imaginé le scénario où c’était elle qui fautait. Alba avait toujours considéré l’amour comme un tout. Même Léo n’avait pas suffi à lui prouver que l’amour était unique. Avec lui, elle se voyait vivre jusqu’à cent ans et s’en contenter. La première difficulté fut fatale, un sentiment d’abandon suffisait pour qu’Alba aille se réconforter dans d’autres bras. Les bras de Concho étaient tendres et doux. Le choix qu’elle avait fait quelques mois plus tôt n’était pas si limpide parce qu’avec Léo c’était une continuelle bataille entre leur amour et leur absence de communication. La nouvelle était tombée, et elle vit dans son regard un moment de joie. Ses yeux pétillèrent. C’était ce regard là qu’elle aurait voulu qu’il fasse six ans plus tôt. Pourquoi fallait-il que ça arrive six ans trop tard et que la joie arrive quand Alba ne voulait pas de cet enfant. Un autre enfant ne l’aurait pas gêné, au contraire. Léo et elle faisaient tout de travers mais ils étaient de très bons parents. Ensemble, ils avaient élevé Jon. Mais celui qu’elle attendait, il ne viendrait jamais au monde. Alba avait réfléchi pendant des jours à la suite. L’abandon qu’elle avait vécu avait été un traumatisme. Pour Jon, il était inconcevable qu’elle s’en débarrasse. Mais aujourd’hui, si elle menait à bout sa grossesse, que deviendrait cet enfant ? Tous les scénarios qu’elle avait imaginé se terminait de la même manière. Peu importe le père, elle serait seule, peut-être pas à l’élever, mais elle serait une mère célibataire avec deux enfants. A un moment, elle aurait dû découvrir qui était le père. Elle connaissait assez Léo pour savoir qu’il ne s’occuperait que de son enfant et Concho aurait aussi voulu savoir. Alba c’était tout le contraire, elle ne voulait rien savoir. Il était inconcevable qu’elle garde à vie cet événement. Il ne comprenait pas Léo pourquoi elle ne le gardait pas. « Tu n’es peut-être pas le père. » Avouait-elle, confessant enfin son crime. Léo n’était pas bête, il lui suffisait de calculer pour savoir à quel moment Alba avait-elle pu fauter et faire les liens.

Jamais Léo n’aurait pensé que ce café, ce moment des plus simples, aurait pu causer de telles conséquences. Innocemment il avait juste passé un moment agréable. Oui il y avait eu l’omission d’en parler à Alba, par réminiscence du passé. Mais s’il avait su, il le lui aurait dit, il ne l’aurait pas caché, voir même, il aurait invité la blonde à se joindre à leur table. Il aurait pu se payer le culot de présenter à Grace celle dont il lui parlait justement, avec qui il lui avait avoué être heureux. Il avait voulu garder pour lui ce rendez-vous improvisé, non pas par peur de fauter, mais parce qu’il était précieux. Toutes les fois où il voyait Grace étaient précieuses, parce que cette femme avait compté pour lui, elle lui avait appris à aimer vraiment, totalement et à ne pas avoir peur de le dire, elle lui avait appris à ne pas avoir peur de la différence, à l’accepter, à l’apprivoiser, avec elle il était devenu bien plus ouvert d’esprit, jusqu’à la laisser partir, parce que même si elle l’avait aimé, son bonheur était ailleurs, pas avec lui. Et il avait compris plus tard que son bonheur à lui n’était effectivement pas avec elle. Pourtant il restait cette tendresse, cette envie de savoir comment elle va, parfois, alors quand l’occasion s’était présentée de prendre un café avec elle, il n’avait pas hésité longtemps. Et il n’avait aucune envie de s’en justifier, il estimait qu’il n’avait pas à le faire. Pourtant ce simple café en terrasse avait été la goutte d’eau qui causerait la fin de son couple avec Alba, comme cinq ans plus tôt, Grace avait séparé les deux amants. Seulement Léo n’en était pas encore conscient. Il regardait sa compagne avec tendresse, espérant encore naïvement que ce soir les choses allaient enfin se tasser et qu’ils pourraient se parler à cœur ouvert pour mieux avancer ensemble. La nouvelle de sa grossesse l’envahi d’une joie en demi-teinte, il se dit que le chemin était encore long, que les plaies étaient encore trop ouvertes pour qu’Alba puisse se sentir sereine quant à ce deuxième bébé, mais Léo se sentit prêt à lui donner confiance en lui, en eux, il était prêt à dissiper ses doutes et à la faire changer d’avis pour garder l’enfant. Cette fois-ci il ne fuirait pas, ils pourraient la vivre à deux, cette grossesse et accueillir un petit être dans une famille aimante, tout ce que Jon aurait mérité. Evidemment Emerson se voilait la face et il prit donc la réponse de Jensen comme une gifle violente en pleine figure, de celle qui vous cloue sur place tout en vous dévissant la tête. Il ne comprit rien, la fixa sans la voir. Il avait perdu sa superbe, Léo et ses rêves de famille unie en même temps. Il s’était perdu lui également, en une fraction de seconde. Quoi ? Il restait là, hébété, oui, c’aurait été simple de faire le calcule, d’aligner les dates, de comprendre, mais il était en incapacité de réfléchir à quoi que ce soit, il était sonné. Après la stupéfaction il parvint tout de même à articuler un douloureux : Comment ? Comme une complainte. Et puis, dans la foulée, comme si son cerveau s’était remis en branle, un bien plus rageux : Qui ?

Parfois il suffisait de petites choses pour créer un ouragan. C’était le cas de ce café. Léo avait revu Grace, un moment hors du temps, des sourires et des rires pour parler du bon vieux temps. Il avait confesser son amour pour Alba, un point final pour tourner une page. De l’autre côté, Alba n’avait vu que la rapprochement de deux amants, dont l’amour était assez fort pour faire disparaitre celui de Léo envers Alba. Ils auraient pu en discuter le soir en rentrant, communiquer sur ce sujet. Mais ça faisait des mois que les doutes prenaient de plus en plus de place dans le cœur d’Alba. Elle le voyait faire des efforts tous les jours et pourtant il manquait cette chose après laquelle Alba courait depuis des mois. Leur complicité à Bangkok. En Thaïlande, les choses étaient plus simples, plus nettes et plus précises. Ce qu’Alba ne comprenait c’était qu’en Thaïlande ils étaient jeunes. Ils ne parlaient pas plus, c’était même le contraire. La photographe taisait ses doutes pour profiter de chaque instant avec son amant. Aujourd’hui, ils parlaient plus qu’ils n’avaient jamais parlé auparavant. Sauf qu’elle ne le voyait pas et elle s’entêtait dans ce cercle qui les détruisait à petit feu. Tout aurait été si beau si Alba était enceinte de Léo, il y aurait eu des difficultés, mais l’amour qu’ils se portaient aurait suffit. Il n’y avait aucun doute sur l’amour que portait chacun l’un pour l’autre, mais ils s’aimaient si mal. Alba particulièrement ces derniers temps. Mentir n’avait jamais été une option pour elle, ce n’était pas concevable qu’elle cache ce si lourd secret à Léo. Elle espérait dans le fond qu’il finirait par lui pardonner alors qu’en lui mentant sur des années, leur chute aurait été inévitable. Le regard pétillant et joyeux de son amant fit mal à la jolie blonde. Il y avait quand même beaucoup de chance que cet enfant soit celui de Léo, mais le doute était trop présent. Elle arrachait les mots de sa poitrine pour lui dire la vérité et mettre un coup d’épée à cette relation si belle. Les difficultés, ils en avaient connu mais aujourd’hui elle avait l’impression qu’ils ne pourraient pas la surmonter. Le visage de Lé se décomposait. Les yeux perdirent leur éclat et le visage si animé devenait livide. Les yeux d’Alba se remplissaient de larmes. Maintenant qu’elle était lancée, elle lui devait toute la vérité et non quelques bribes. « C’est le soir où t’a revu Grace. » Non, elle ne voulait pas mettre la faute sur lui, elle voulait juste qu’il ait les informations. Il lui avait fallu le lendemain pour que Léo lui dise que ce n’était pas un pote mais bien Grace avec qu’il avait partagé un café. « Je vous ai vu à ce café et tu m’as répondu que t’étais avec un ami. » Quelle stupidité. Les larmes montaient, elle se disait qu’un seul message aurait pu changer la suite de leur relation. Elle se doutait bien qu’il allait lui demander avec qui. Concho et Léo ne s’aimaient pas, cela datait d’il y a des années. Elle se souvenait de la fois à la Saint-Valentin où Léo avait ramené un doudou de Jon et avait trouvé Concho chez la maman. Ou encore à Chamonix où elle avait laissé le photographe seul une journée pour passer la journée avec Concho et Maxwell qui était un ami proche de Jon. Il fallait lui dire mais elle avait peur de sa réaction. « A quoi ça te servirait de le savoir ? » Demandait-elle prudemment.

Jamais cette relation n’aurait pu fonctionner, pas dans l’état actuel des choses, pas avec le manque de confiance qu’il y avait entre eux et, pire, avec le manque de confiance qu’ils avaient en cette histoire. Ils avaient voulu y croire, si fort, autant l’un que l’autre sûrement. Pourtant Alba avait trop de séquelles de ces années à aimer, à espérer son amant, à souffrir de ses mensonges et de ses tromperies, pour réussir à surpasser les épreuves qui se mettaient sur son chemin. Ils avaient tous les deux la nostalgie de cette année en Thaïlande, de ces quelques mois idylliques aux allures de lune de miel, de cette complicité si limpide. Seulement là où Léo avait envie d’essayer d’avancer, Alba n’y arrivait pas. Le photographe avait cru que leur escapade thaïlandaise de la fin d’année dernière les aurait aidés, en effet elle avait révélé des vérités que la blonde ignorait encore, elle lui avait fait comprendre que son amant avait des regrets, beaucoup de remorts, mais surtout qu’il l’avait toujours aimé. Malheureusement ça n’avait été qu’une belle parenthèse et le quotidien et ses doutes avaient bien vite pris le dessus. Et Grace avait été la goutte d’eau. Dans une autre réalité cette grossesse surprise aurait peut-être pu réparer les blessures. Seulement il y avait la tromperie d’Alba, ce doute trop grand sur la paternité et ça, Léo le découvrait dans une stupéfaction totale, jamais il n’aurait cru qu’elle soit capable d’aller voir ailleurs, surtout pas par vengeance. Il était tellement abasourdi qu’il en perdait son verbe et tous ses espoirs de futur, en une seconde. Il s’enferma dans un mur de silence durant un moment, avant de revenir à lui, assez pour avoir besoin de réponses. Il ferma les yeux quand elle lui révéla quand c’était arrivé, il avait été totalement aveugle, du moins il s’était mis des œillères pour ne pas ouvrir les yeux sur une vérité qui se voyait pourtant comme le nez au milieu de la figure. La suite de sa réponse laissa place à la colère, Alba se justifiait en rejetant la faute sur Léo, c’était trop facile, il n'acceptait pas. C’est ça ta réponse ? Tu m’as menti sur la personne avec qui tu prenais un café alors je suis allé voir ailleurs ? Vraiment ?? Le ton était vite monté. Une petite voix dans sa tête lui disait que même si elle avait su, même s’il avait été honnête, Alba avait tellement peur de la menace Grace que la fin aurait été la même. Mais ils n’étaient pas là pour ça, pas pour se disputer au sujet de cette femme qui avait déjà été l’objet de trop de de discorde entre eux. Il soupira, souffla sa dernière question, qui ? S’il avait été en capacité de réfléchir Léo aurait pu vite faire le lien, mais il ne pouvait pas. Et quand bien même il penserait à Concho, il ne valait mieux pas que ce soit lui, il préférerait mille fois qu’elle soit allée voir le premier inconnu qui passait, plutôt que cet homme qui avait finalement toujours été une vraie menace pour Emerson. Sa réponse arracha un rire froid à l’homme blessé, il avait bien envie de répondre que ça lui servirait à aller le tuer à mains nues, mais il se retenu. De toute façon, dans un état pareil, il serait bien incapable de se battre, quoi que … A ce que tu me regardes dans les yeux et que tu me dises avec qui tu as détruit notre histoire. Il enrageait, même s’il restait calme en façade, ce calme glacial qui laissait comprendre combien il bouillait de l’intérieur. Crois-moi, Alba, j’arriverais à le savoir, que tu me le dises ou non. Et il préférait largement l’honnêteté, elle la lui devait bien.

Les minutes avancèrent et Alba voyait disparaitre au fur et à mesure cette relation dont elle avait tant rêvé. Ils n’étaient jamais en phase, comme si chacun leur tour il détruisait des années de progrès. Léo avait tout quitté pour la photographe. Heureux en ménage, il avait succombé une nouvelle fois au charme de son ex, quittant Blanche qu’il avait tant aimé. C’était là-dessus leur différent. Elle comprenait qu’il puisse aimer différentes personnes. Elle ne voulait juste pas le partager. Elle voulait le garder pour lui, son Léo de Bangkok, le sourire aux lèvres, avec sa malice légendaire. Elle aimait tout en lui et aujourd’hui elle avait tout gâché. Lui, il ne comprenait pas et n’avait jamais compris qu’elle puisse en aimer d’autres que lui. Les crises de jalousie et sa possessivité avaient empêché la photographe de faire le deuil de leur relation. Il l’a gardait sous le coude, pour qu’un jour il décide de revenir et qu’elle soit là pour l’accueillir. C’était presque le cas, sauf qu’Alba était trop libre et trop instable pour n’être que cela. Au moindre doute, elle avait fauté et ce n’était pas surprenant. Chacun prenait le risque d’être déçu par l’autre. Pendant des années, ce fut Alba mais aujourd’hui Léo vivait le mal. Ce n’était pas juste et pas correcte, surtout que la maman ne voulait pas faire souffrir cet homme. Sa soirée avec Concho avait été un trop plein d’émotion, les peurs étaient revenues. Elle n’aurait sûrement pas réagi de la même manière si ça n’avait pas été Grace. L’autre blonde lui rappelait les dernières années de tristesse. Il était partie pour elle, laissant Alba fuir jusqu’à Brisbane. Il ne comprenait pas. Il voulait la vérité alors elle lui disait, mais en rien elle justifiait son acte. Elle l’avait fait c’est tout. « Ce n’était pas n’importe qui ! » Répondait-elle avec un ton de voix plus élevée que ce qu’elle avait voulu. « Je n’aurai pas du le faire, ça ne justifie en rien ce que j’ai fais. J’essaye juste de t’expliquer. » Il pouvait le comprendre ça Léo, que Grace n’était pas n’importe qui. La plupart des doutes qu’elle avait envers Léo la concernaient elle. Elle était la seule femme qui avait donné envie à Léo de délaissé Alba. Il n’y en avait pas eu d’autres, juste Grace. Ses yeux se remplirent de larmes, incapable de contrôler les émotions qu’elle avait. La grossesse n’aidait pas puisqu’Alba pleurait régulièrement. Elle ne fut pas étonnée qu’il demande avec qui elle l’avait trompé. Léo avait de l’orgueil, c’était lui qui trompait pas l’inverse. Aujourd’hui, il découvrait ce nouveau rôle qu’Alba aurait préféré éviter qu’il ne subisse. Si l’annonce de la tromperie était déjà difficile, elle savait que la suite allait être pire. Concho était un sujet sensible entre eux, un homme pour qui Alba avait beaucoup d’affection et il le savait Léo. Elle aimait Concho différemment de Léo mais elle l’aimait quand même. Elle était persuadée que de l’annoncer à Léo servirait à quelque chose, le mal était fait et l’enfant ne viendrait pas. Il avait des mots durs Léo et Alba le toisait. Orgueilleuse également, même si elle avait tous les torts, elle ne le laisserait pas remettre toute la faute sur elle. « Il n’y a pas que ça qui a détruit notre relation. » Osait-elle dire. La tromperie n’était que le dernier élément d’une succession d’événement. Depuis Chamonix, les choses étaient compliquées entre les deux amants. Avec le temps, elle était persuadée que les choses se seraient arrangées. Ils étaient faits pour être ensemble, leur corps ne demandait que ça et ne souhaitait que l’autre. Mais la barrière mentale n’était toujours pas baissée et c’était ce qui les avait conduit ici. Alba n’arrivait pas à faire confiance à Léo, malgré toutes les preuves d’attention qu’il faisait. Au lieu de le confronter à son mensonge avec Grace, elle était allée se réfugier dans les bras de Concho. Il voulait savoir qui c’était, et elle n’avait aucun doute. Il finirait par le savoir. « C’est Concho. » Disait-elle. Elle lui devait la vérité. Elle préférait qu’il l’apprenne par elle. Encore une fois et naïvement, elle pensait que peut-être un jour tout s’arrangerait. Mais pour cela, il fallait que ce soit elle qui dise les choses, et non qu’il l’apprenne par une tierce personne.

C’était une foule de sentiments et de sensations nouvelles qui s’emparaient de Léo ce soir. Il n’avait jamais encore expérimenté le fait d’être trahi, du moins jamais de cette façon-là, jamais par une femme. Il avait énormément d’orgueil Léo et une bien trop grande confiance en lui et en son pouvoir sur les femmes. Seulement, comme toujours avec Alba, c’était différent, parce qu’elle n’avait pas besoin de lui pour exister, elle n’attendait pas après lui, malgré les sentiments qu’elle avait pour lui depuis le début, elle avait toujours avancé, la tête haute, avec ou sans son amant terrible. Elle pouvait avoir le monde à ses pieds et elle en était pleinement consciente. C’était l’une des choses qui attirait tellement Léo la concernant, elle le rendait fou de désir, de jalousie et de tout le reste, elle savait le faire courir après elle et il en était tombé amoureux entre autres pour cette raison-là. Et ce soir elle le rendait fou de tristesse, chose qu’aucune autre n’avait réussi à faire. Il avait trompé, plusieurs fois, il n’en était pas fier, mais c’était arrivé, il était capable de l’admettre, il était conscient du mal que ça faisait, de se sentir trahi, de subir l’infidélité de la personne qu’on aimait, il en était conscient mais sans jamais l’avoir vécu. Ce soir il prenait pleinement conscience de ce que ça faisait de voir tout son monde s’écrouler, ses certitudes ébranlées. Il comprenait aussi pourquoi Alba était tellement distante ces derniers temps, lui, il avait l’impression de la perdre en apprenant son erreur, mais elle, elle savait depuis des semaines déjà que tout était terminé entre eux. Jensen tentait de se défendre mais elle savait que, pour une fois, elle avait les torts. Pour elle aussi c’était sûrement une situation nouvelle, autant Léo lui avait déjà fait du mal par le passé, il l’avait laissée bien des fois avec ce sentiment d’insécurité et d’abandon, mais cette fois-ci c’était elle qui avait abandonné. Peut-être à raison, peut-être qu’ils n’avaient pas d’avenir, malgré tout l’amour qu’ils se portaient, malgré l’attirance physique qu’il y avait toujours entre eux, comme au premier jour, elle avait arrêté d’y croire la première et il était probable que ce soit au final la chose la plus saine à faire. Mais elle n’était pas obligée d’aller voir ailleurs pour faire couler le navire plus vite. Ca fait des années que c’est fini entre elle et moi. En vérité il ne voulait pas qu’elle explique, il comprenait bien que Grace avait été le prétexte, le trop plein après des mois à espérer que son amant lui donne confiance en lui alors qu’il en était incapable. Non pas qu’il manquait de preuves de son affection et de son envie d’avancer avec elle, mais si elle n’acceptait pas qu’il soit lui-même, avec son penchant pour les femmes, avec son lourd passé affectif, avec ses lacunes en communication et sa jalousie parfois trop possessive, alors elle aurait toujours peur qu’il l’abandonne, malgré toute la bonne volonté de Léo. Pourtant ces défauts-là elle les avait toujours connus, il ne les lui avait jamais cachés. Et à l’époque de Bangkok, ça ne lui faisait pas peur. Mais c’était une autre époque, bien plus naïve, certainement. Quant à savoir avec qui Alba avait possiblement fait un enfant dans le dos de Léo, alors ça, c’était une tout autre histoire, parce que si on parlait du fait que le photographe mettait sa maîtresse en alerte avec toutes ses conquêtes, avec son passé amoureux, lui n’était pas du tout à l’aise avec le fait qu’elle ait fréquenté Concho. Sans parler de leur rancœur qui ne datait pas d’elle, il était conscient que Ronsenbach avait pris une place particulière dans le cœur de la blonde, elle avait de l’affection pour lui, pour ne pas dire des sentiments, voir même pire, de l’amour, chose qui rendait Léo malade. Dans une autre vie où elle n’aurait pas eu son terrible amant dans la peau, il était clair que Concho aurait pu la rendre heureuse et qu’ils auraient pu vivre une très belle histoire, mais ça, Léo ne voulait pas l’admettre, pour aucun homme, et surtout pas cet homme-là. Non, tu as raison, si ça n’avait pas été Grace c’en aurait été une autre, tu attendais le moindre faux pas pour confirmer le fait que tu ne te sentais pas en sécurité avec moi. Jamais je n'ai réussi à faire taire tes doutes, malgré tout ce que j’ai pu essayer … Il était amer, il prenait de plus en plus conscience que leur histoire ne fonctionnait plus depuis trop longtemps et ça le rendait malade. Et enfin elle lâcha le prénom, le seul qu’il redoutait. Léo ferma les yeux et lâcha un soupire douloureux. Donc il s’agissait de plus qu’un simple moment d’égarement entre Alba et le premier inconnu qui passait. Il n’avait plus la force de se battre, elle l’avait mis à terre, il était K.O. Il imaginait le danseur jubiler de savoir qu’il avait enfin eu sa revanche sur son ancien bourreau. Il l’imagina brièvement dans ses bras en train de vibrer et cette image termina de lui arracher le cœur. Sonné, il se leva quand même, chancelant, presque livide. Sois heureuse Alba, avec lui si c’est ce que tu veux. Avec n’importe qui, puisque moi je ne peux pas t’apporter ce que tu veux. Il était étrangement calme, alors qu’il s’apprêtait à quitter la maison de sa désormais ex, il était vaincu, rompu.

Pour Léo, Alba était capable du pire comme du meilleur. Pour lui, elle était capable de traverser le monde pour le rejoindre, de lui pardonner ses erreurs pour n’être aimé que par lui. C’était à cause de Léo qu’elle avait découvert cette possessivité qui dormait en elle. Alba était une femme jalouse, envieuse du bonheur des autres quand elle ne l’avait pas. Elle se réjouissait tout de même de la joie de ses amis ou sa famille parce que c’était une gentille personne et très aimante. Sauf avec Léo. Ces derniers temps, elle ne l’avait pas été aimante. Pour lui, elle était capable du pire ou du moins ressentir le pire. Pour lui, elle voulait être parfaite, souriante, l’amante et la femme qu’il rêvait. Elle était tout sauf ça ces derniers temps. Léo faisait des efforts de dingue, prouvant son amour à la belle blonde. Ils savaient qu’ils avaient des choses sur lesquelles travailler pour que leur couple survive. Il y avait eu beaucoup de blessure et peu de communication. Léo était comme Alba capable du meilleur comme du pire, sauf qu’en ce moment il ne faisait que le meilleur. Elle le connaissait son amant terrible, séducteur et beau parleur. Il lui suffisait d’une phrase pour briser une nouvelle fois la photographe. Comme Léo, elle arriverait toujours à se remettre sur ses pieds. L’indépendante Alba avait appris à se construire seule au lieu de se construire avec quelqu’un. Elle se connaissait par cœur, sachant ses faiblesses et ses forces. L’abandon était sa plus grande faiblesse et Léo peut-être sa deuxième. Cet homme était capable de lui donner ce sentiment de liberté et d’être à la maison. Il était aussi capable le lendemain de briser toutes les certitudes de la blonde et lui offrir sur un plateau d’argent sa plus grande peur l’abandon. Le fait qu’il revoit Grace n’était qu’une goutte d’eau sur un vase de problème. La confiance, elle ne l’avait Alba. Et même si ça faisait des années que c’était terminé avec Grace, la blessure profonde revenait. « Léo … » Disait-elle avec les larmes qui commençaient à couler sur ses joues rouges. Seul Léo pouvait la consoler à cet instant, mais il ne le fera pas. « Tu es déjà partit une fois avec elle, pourquoi tu ne recommencerais pas ? » Avec cette phrase, elle montrait toutes les peurs et les incertitudes qu’elle avait. Ce n’était pas forcément que de la faute de Léo si aujourd’hui elle se sentait comme ça. Peut-être qu’elle n’aurait pas aussi peur si la photographe n’était pas partit deux fois. En retournant avec lui, elle avait prit le risque d’être blessée une nouvelle fois. Finalement, c’était elle qui avait achevé cette relation. La colère, la jalousie et surtout la peur avait eu raison d’elle et ce café pourtant anodin avait conduit la jeune femme dans les bras de Concho. Elle sabotait elle-même son couple avec Léo pour ne pas être blessée. Finalement, elle l’était tout autant. Elle n’était pas trahi mais qu’est-ce qu’elle se sentait mal à présent. Il n’y avait plus de bébé qui tienne, pour elle son choix était déjà fait. Elle voulait juste que Léo ne claque pas la porte, qu’il lui pardonne. C’était trop facile, trop simple. Même Alba n’avait toujours pas pardonné entièrement le photographe pour des méfaits qui dataient de plusieurs années. Parfois l’amour ne suffisait pas. Sur ce point Léo avait raison, il n’avait pas réussi à la rassurer. Les larmes ruisselaient sur les joues d’Alba. Si ça n’avait pas été Grace, elle savait qu’elle ne serait pas aller voir Concho. Peut-être auraient-ils fini par se séparer Léo et Alba, mais pas de cette manière. « Je suis désolée … » Répondait-elle la voix brisée par son cœur et ses larmes. « J’ai essayé, je te jure. » Elle avait essayé de lui faire confiance, de l’aimer de manière plus saine. Alba avait trompé Léo, mais c’était presque le procès du photographe. Si une personne avait trahi la confiance de l’autre c’était bien Alba. Leur histoire était compliquée, mais elle l’aimait Léo, sincèrement et comme jamais elle n’en avait aimé d’autre. Concho, ce n’était pas qu’une aventure, mais elle ne l’aimait pas autant que Léo. Ils étaient si différents sur ce point Léo et Alba. Lui, il avait beaucoup aimé parfois en même temps mais il n’acceptait pas qu’on puisse aimer quelqu’un d’autre que lui. Alba était là pour lui rappeler que malgré ce qu’il était, elle pouvait en aimer d’autre. Il suffirait d’un peu de courage pour quitter cette relation tant fantasmée pour aller avec un autre. Sauf qu’elle n'en avait pas envie. Ses envies et sa volonté revenaient toujours auprès du photographe. C’était auprès de lui qu’elle se sentait la plus vivante, la plus aimée et la plus belle. Il n’y avait que Léo qui avait connu la jolie blonde dans toutes son essence. Son cœur se brisait un peu plus quand il soufflait douloureusement à sa révélation. Elle ne pouvait pas lui cacher le fait que ce fut Concho, surtout qu’elle avertirait le danseur de sa grossesse également. Il se retournait Léo, prêt à partir de la maison de la blonde après ses dernières paroles. Il ne pouvait pas quitter cet endroit, pas après les bons souvenirs qu’ils avaient eu et toutes les fois où il s’était faufilé en douce dans le lit de la blonde. Sa main agrippait le poignet du brun, le suppliant de rester là. « Non Léo, c’est toi que je veux ! » Sa voix se brisait. « J’ai fais une erreur, une terrible erreur mais c’est toi que j’aime Léo, pas d’autres. » C’était lui qu’elle aimait ainsi, il n’y en avait jamais eu d’autres.

Amants terribles, ce n’était pas juste une expression pour ces deux-là. Ensemble ils étaient capables de de tout, clairement du meilleur, comme de s’aimer follement, démesurément, partout, sans jamais être rassasié de l’autre. Mais aussi du pire, en ne sachant pas exprimer leurs sentiments et en se faisant terriblement mal, ils ne savaient pas se dire qu’ils s’aimaient, mais ils ne savaient pas non plus faire part de leurs peurs, de leurs angoisses pour l’avenir de leur couple, des doutes qui les dévoraient. Pour Alba c’était la peur qu’il l’abandonne, comme elle avait été trop de fois laissée, par d’autres, mais surtout par lui. Pour Léo c’était des doutes quant à l’avenir, au couple qui rentre dans la routine, au temps qui passait et qui faisait s’essouffler les sentiments, il avait tellement vu d’histoires s’étioler de cette façon, se faner avec le temps et ça l’effrayait. Il avait aussi peur de lui-même, de son attirance parfois déraisonnée pour les femmes qui le rendait capable de tout plaquer juste pour un sourire. Qu’est ce qui pouvait garantir qu’il ne le ferait pas, demain, dans un an, dix ans ? Rien, il l’avait bien avoué à Alba, lors de leur séjour à Bangkok en fin d’année. Ça revenait à confirmer les craintes de la blonde envers sa fidélité toute relative. Pourtant il en faisait des efforts pour lui prouver qu’il ne voulait qu’elle, il voulait croire qu’il s’assagissait avec les années et que, peut-être, elle était finalement celle qui rendrait les autres femmes fades et sans intérêt. Même Grace, aussi parfaite qu’elle soit, n’avait pas éveillé en lui l’envie de la séduire. C’était aussi pourquoi l’annonce de la tromperie d’Alba, à cause de cette femme en particulier, était si difficile à encaisser, pour une fois il n’avait ressenti aucune attirance envers son ex, celle pour laquelle il avait pourtant tout laissé derrière lui plusieurs fois. Il serra les dents à sa question, voir les larmes rouler sur les joues de Jensen le rendait tellement triste, mais ses mots le mettaient hors de lui. Tu n’as jamais eu confiance en moi. As-tu seulement essayé ? M’as-tu vraiment, un jour, laissé le bénéfice du doute ? Il était malade en réalisant à quel point elle avait peur, elle n’avait aucune confiance, il comprenait alors que leur relation n'aurait jamais pu fonctionner puisqu’elle s’attendait à ce qu’il la quitte un jour ou l’autre. Si ça n’avait pas été Grace, elle n’aurait peut-être pas eu ce moment de faiblesse pour Concho, mais la peur qu’il faute aurait fini par prendre toute la place et le conflit n’aurait été que plus terrible avec le temps, les doutes auraient étouffé leur couple, ils avaient déjà commencé depuis quelques mois. Et comme tu n’as pas réussi tu t’es dit que la meilleure façon c’était d’aller voir ailleurs puisque moi je le faisais bien. C’est donnant donnant, si je comprends bien ? Il était sarcastique, blessant, parce qu’il était blessé. Mais il ne haussait pas le ton, il n’en avait pas la force. Et puis, au fond de lui, il ne supportait pas de la voir en larmes, ramer pour lui dire cette vérité qui lui faisait autant de mal à elle qu’à lui, elle avait brisé leur histoire, trahi leur amour, elle le brisait lui, mais elle était elle aussi, totalement brisée, il le voyait et ça lui faisait mal, au plus profond de son être, mais il était incapable de la prendre dans ses bras, il avait bien trop d’orgueil. Il allait donc partir, la laisser choisir ce qu’elle voulait de mieux pour elle, il ne voulait plus entendre parler de Concho ou de cet enfant qui, de toute façon ne verrait pas le jour. Il avait besoin d’air, même s’il ne savait pas bien ce qu’il allait faire de sa pauvre carcasse vide une fois qu’il aurait refermé la porte derrière lui. Alba l’attrapa par le bras et ce contact le brûla, il la fixa avec un mélange de rage et de profond chagrin. Elle le retenait, elle le suppliait, là où lui aurait simplement fait le fier et se serait enfoncé dans ses conneries pour se rendre encore plus détestable, elle tentait de le faire rester. Mais le mal était fait, elle l’aimait, elle le lui disait, il la croyait, il le savait, seulement l’amour ne triompherait pas aujourd’hui. Qu’est-ce que tu espères, Alba ? Que je laisse couler et que j’accepte que tu voies d’autres hommes ? Tu veux que je voie aussi d’autres femmes, comme ça on serait quitte ? Il soupira, dégageant son poignet et brisant le contact physique. Tu n'aimes pas l'amour exclusif, mais regarde-moi et dis-moi que tu accepterais de me partager avec une autre ? Moi je ne veux te partager avec personne, encore moins avec un homme qui t'aurait fait un enfant dans mon dos. Et j'attends que ce soit la même chose de ta part. Tant qu'on ne sera pas prêt pour ça alors toute cette histoire ne rimera à rien. Peut-être qu'on ne sera jamais prêts … Il lui lança un regard emprunt de tristesse puis ferma les yeux pour qu’elle ne voit pas qu’il s’emplissait de larmes. Tout était fini et il la quittait sur ces paroles qui lui faisaient si mal.