those violins they are weeping, it's the sound of the secrets they were keeping (alba)

Samedi 11 juin 2022
Je filais le parfait petit bonheur depuis février, depuis que Pippa et moi nous étions avoué nos sentiments, ce que je traînais endormis depuis que nous avions couché ensemble l’année dernière, avant qu’elle ne marie Liam. Et les siens s’étaient réveillés peu à peu quand on avait commencé à s’ouvrir l’un à l’autre, révélant l’évidence. Depuis, on apprenait à se connaître sous un tout autre jour, un jour amoureux, et pour le moment on ne faisait qu’apprécier ce qu’on découvrait. Tout était tellement naturel et simple, ça me faisait le plus grand bien de ne pas avoir de grands drames du cœur. Le dernier en date était Alba, celle avec qui j’avais d’ailleurs passé la nuit, la veille de ma rencontre avec Pippa qui avait officialisé notre relation. Ce souvenir-là me causait un peu de culpabilité mais je me réconfortais en me disant que la veille, rien ne laissait présager que Pippa et moi, on serait ensemble le lendemain. Bref, ce matin je ne pensais pas du tout à cela, ce matin j’étais en train de préparer mon petit-déjeuner post-entraînement lorsque mon téléphone vibra. C’est Alba qui m’appelait. Elle avait l’air un peu soucieuse, un peu nerveuse, et me proposa de la rejoindre pour une balade au jardin botanique. Tout de suite, je me dis que quelque chose s’était encore passé avec Léo. Cette fois, on ne pourrait plus s’égarer, Alba et moi. J’étais ailleurs. J’aurais espéré qu’elle aussi, qu’elle se soit réconciliée avec Léo comme il faut, ou qu’elle soit passé à autre chose. Je ne voulais pas qu’elle souffre, Alba, je l’aimais bien trop pour ça. Je lui promis donc de la rejoindre aussitôt que je le pouvais. J’avalai rapidement mon repas, sautai sous la douche, m’habillai et me rendis au jardin botanique à vélo. Une fois sur place, je trouvai Alba assise sur un banc dans la première allée de fleurs. « Hey, comment ça va ? Tu m’as inquiété au téléphone, tu semblais … j’sais pas, bizarre. » Dis-je en m’asseyant à côté d’elle, la respiration encore un peu haletante d’avoir pédalé vite.

La conversation avec Léo s’était déroulé comme Alba l’avait imaginé. Mal. Les mots échangés avaient été durs et violents, peut-être les regrettaient-ils. Piqué au vif, Alba avait du répondant. Oui, elle était fautive sur plein de points mais certaines paroles dites par le photographe avaient été trop blessantes. Depuis, plus rien n’allait dans la vie de la maman. Tout s’écroulait autour d’elle, effrayée de dire la vérité à ses amies. Charlie et Romy prendraient sûrement la défense de Léo, comme si toutes les fautes qu’il avait fait dans le passé n’étaient rien comparées à ce qu’elle avait fait. Le soir même où elle avait revu Conchobáhr, Alba savait que c’était mal. Oui, elle en avait profité et cette nuit-là, elle s’était sentine désirée et voulue. Il ne lui mentait pas Conchobáhr. En comparant les deux hommes, ils étaient l’exacte opposés entre la communication et la non-communication. Une différence importante. Aujourd’hui, elle devait parler au danseur, lui dire la vérité. Alba avait apprit avec le temps que chaque mensonge finissait par être révélé. Blessé une énième fois Conchobáhr n’était pas son but. Encore une fois, elle s’imaginait les pires scénarios après qu’il ait accepté de la voir au jardin botanique. Alba était fatiguée, ça se voyait sur son visage et sur son corps. Elle était souvent perdue dans ses pensées, ses yeux fixant un point dans le vide attendant que la minute passe. Il arrivait à vélo, la rejoignant sur le banc. Elle ne pu lui offrir qu’un léger sourire comme signe de bonjour. « Hey ! » Répondait-elle. La suite, elle ne l’avait pas préparé. Oui elle paraissait bizarre et encore à cet instant. Comment allait-elle lui dire la chose. « J’ai quelque chose à te dire Conchobáhr. » Parfois, il ne fallait pas attendre pour dire les choses. Les trop longs discours étaient souvent inutiles, surtout pour une nouvelle de ce genre.

Une fois assis, je pris le temps de regarder Alba. Elle n’était pas bizarre qu’au téléphone, même en ce moment, tout en elle respirait irrégulièrement. Elle n’était pas comme d’habitude et même ses traits en témoignaient. Elle me semblait fatiguée, triste, faible. J’eus même une légère panique en m’imaginant qu’elle était peut-être tombée malade. Elle en avait l’air, en tout cas. Ou peut-être Léo avait-il donné le coup de grâce et j’avais devant moi une peine d’amour qui avait marqué le corps d’Alba. Dans tous les scénarios, je ne me réjouissais guère. J’avais beau détester Léo et souhaiter quelqu’un de bien mieux que lui pour la blonde, la savoir aussi chagrinée me faisait mal à moi aussi. Je fronçai les sourcils quand la jeune femme m’affirma avoir quelque chose à me dire. « Ça sonne sérieux. Surtout quand t’utilises mon prénom complet alors qu’il est pas facile à prononcer. » Avais lâché sans trop réfléchir. L’humour n’était probablement pas the way to go, actuellement, à voir le visage d’Alba qui ne changeait pas. Elle était nerveuse et tout d’un coup, ça avait déteint sur moi aussi. Je serrai un peu la mâchoire pour ne pas trop ressentir mon cœur qui en faisait de même, appréhendant la suite. « Ok, j’panique un peu, là. Qu’est-ce qui se passe, Alba ? » J’étais loin de m’imaginer la suite et pourtant, ça n’aurait pas été ma première surprise du genre. Je sentis mes mains devenir un peu moites alors je les essuyai sur mon short, tentant d’être subtil mais ça ne l’était pas tellement et de toute façon, qu’est-ce qu’on s’en foutait, les circonstances semblaient plus sérieuses et importantes que ça. Et Alba semblait tellement perdue dans sa tête, dans ses pensées, qu’elle ne remarquait sans doute même pas tout ce qui se passait autour. Ça ne me rassurait aucunement, d’ailleurs.

Il n’y avait aucune façon d’annoncer le genre de nouvelles qu’Alba souhaitait dire à Concho. Ces derniers mois elle faisait tout de travers. La rencontre avec Concho avait été bouleversante sur plein de points et jamais elle n’aurait imaginer arriver à ce point. Il y avait eu pourtant des signes qui annonçaient une fin compliquée. Parfois, elle s’était demandée si elle n’aurait pas mieux faire qu’il reste ce voisin bruyant qu’elle n’appréciait pas plus que ça. Faire entrer Concho dans sa vie avait été merveilleux, cet homme lui avait tant appris et l’amour qu’elle lui portait n’était pas feint. Elle aimait juste Léo un peu plus. Sauf qu’aujourd’hui ça n’avait aucune importance. Léo la détestait, Concho en aimait une autre. Alba se retrouvait seule, abandonnée face à ce choix cornélien. Elle n’arrivait pas à lui sourire, il fallait qu’elle lui dise au risque de perdre le peu d’amitié qu’il y avait entre eux. Même la blague ne la fit pas rire, au contraire ça rajoutait de la gravité au moment. « C’est sérieux … » Trop sérieux pour espérer sortir de cette conversation le cœur encore plus brisée. Elle soupirait une dernière fois avant d’avouer tout. « Je suis enceinte. » Avouait-elle, aussi facilement qu’une respiration. « Je suis enceinte et je ne sais pas qui est le père entre toi et Léo. » Leur dernière aventure remontait à quelques semaines. Elle s’en souvenait très bien, Léo avait revu Grace et Alba s’était jetée dans les bras de son ancien amant pour consoler sa peine de cœur.

Aucun sourire sur le visage d’Alba, pas même une faible esquisse, pas même un présage. Elle m’inquiétait encore plus. J’arrivais généralement à détendre un peu ses traits, de mes maladresses verbales ou de mes blagues pas très recherchées. Là, pas du tout, rien de ça, juste un sérieux pesant, un silence qui l’était tout autant. La blonde me confirma que ça l’était, sérieux. Je déglutis difficilement, des frissons me parcourant le corps. « Ok. Je t’écoute. » Dis-je d’une voix plus grave, comprenant cette fois que l’humour n’avait pas du tout sa place. Sans davantage attendre, Alba soupira, dernier souffle avant qu’elle ne me largue cette bombe qui m’était à la fois si étrangère et si familière. Ce n’était pas la première fois que j’apprenais par surprise que j’allais avoir un enfant. La première fois c’était lorsqu’Ally m’avait appris que j’en avais déjà un, en fait, de près de quatre ans. La seconde fois fut lorsque Zelda eut ses premières contractions et que j’appris donc, directement à l’accouchement, que j’allais être père une deuxième fois. J’aurais donc dû être habitué à une réaction pour la troisième fois, mais non, on ne s’habitue pas à de telles nouvelles et surtout, cette fois, Alba était enceinte, au début de sa grossesse, c’était presque une annonce belle et normale. Mais rien n’était normal entre Alba et moi. Nous n’étions même pas ensemble. Et elle ne savait pas qui était le père entre Léo et moi. Je la regardai, interdit, déboussolé, cherchant des mots qui ne faisaient aucun sens lorsqu’ils s’alignaient dans ma tête. « Hum … » Je me raclai la gorge. Je tombais des nues. « Comment … comment tu te sens, toi, là-dedans ? » C’était plus facile de lui relancer la balle parce que moi, je n’arrivais pas encore à l’attraper, à la saisir, cette balle.

Elle n’avait pas attendu des jours avant de l’annoncer à Concho. Une fois que Léo l’avait su, elle avait envoyé un message à son autre amant. Ça faisait deux jours qu’elle pleurait sans relâche Alba, entre les hormones et la séparation avec Léo, elle sortait à peine de son lit. Heureusement que Jon était resté chez sa grand-mère quelques jours de plus. Elle ne le récupérait que demain, une soirée de plus pour pleurer. Surtout qu’elle devait affronter Concho, cet amant si doux et si gentils. Elle devrait lui dire qu’elle était enceinte, qu’il était peut-être le père et qu’elle ne garderait pas l’enfant. Alba aurait pu tout simplement avorter sans rien dire à personne. Mais elle leur devait cette vérité. Il ne souriait pas le danseur, conscience de la gravité du moment. Il la voyait trop souvent triste, perdue dans ses sentiments et une fois de plus, c’était auprès de lui qu’elle allait chercher un peu de réconfort. Pourtant, elle se doutait bien que cette nouvelle allait être la fin de cette jolie histoire. Comme Léo, peut-être qu’il finirait par la détester. C’était peut-être pour ça qu’on finissait par l’abandonner Alba. Elle faisait tout pour qu’on finisse par ne plus l’aimer. Elle lâchait cette nouvelle, sans pincette. Elle vit dans son regard qu’il était perdu. Les larmes montaient une nouvelle fois dans ses yeux, comme si elle ne s’était pas arrêtée depuis deux jours. Concho, il était si doux, si consciencieux se préoccupant d’abord de l’état mental et physique d’Alba. « Mal. » Répondait-elle simplement. « J’ai constamment des nausées, Léo m’a quitté et tu vas finir toi aussi par m’en vouloir. » Disait-elle dans un seul souffle. Elle s’en voulait de leur faire du mal. Elle s’en voulait d’avoir entraîner dans sa chute ces deux hommes qui comptaient pour elle. Elle s’en voulait d’apporter ce genre de nouvelles à Concho alors qu’il semblait être heureux avec Pippa.

Les larmes montaient dans les yeux d’Alba et j’aurais voulu la prendre dans mes bras, lui dire de ne pas pleurer, que tout irait bien, mais la vérité était que je n’avais aucune idée de comment je me sentais par rapport à tout ça. Sans doute que s’il n’y avait eu aucune ambigüité par rapport à la paternité, ma réaction aurait été toute autre. Mais le simple fait que Léo vole une partie de ce moment, qu’il soit dans les parages, un nuage noir au-dessus de ma tête, ça suffisait à me déboussoler complètement. Jamais je n’aurais pensé être impliqué dans une telle histoire, un tel triangle amoureux, avec mon bourreau du lycée. Je hochai la tête lorsqu’Alba me répondit qu’elle allait mal. C’était un choc pour elle, c’était normal de se sentir complètement à l’envers. Elle ajouta avoir des nausées, en plus du fait que Léo l’avait quittée et que moi aussi je finirais par lui en vouloir. Je fronçai les sourcils. « Il t’a quittée ? » En sachant qu’elle était enceinte, à nouveau, peut-être de lui, et il se défilait pour une seconde fois ? Mon cœur battait maintenant autant de surprise que de colère. Je pris une grande inspiration pour ne pas me laisser aller à cette émotion, ce n’était pas le moment de laisser ma haine prendre le dessus. Je me calmai un moment, tentant de reprendre mes esprits. « Pourquoi je t’en voudrais, Alba ? Tu n’as rien fait de mal … Enfin, par rapport à moi, nous étions les deux … C’était une décision à deux. » Pour ce qui était de la grossesse, donc, elle n’était pas seule là-dedans. Nous étions peut-être même trois. Je la regardai. « Qu’est-ce que tu comptes faire ? Un test de paternité pour savoir qui de Léo ou moi est le père ? » Il ne me traversait même pas encore l’esprit qu’elle puisse vouloir avorter. La chute n’en serait que plus brutale.

Jamais elle n’aurait cru que son lien avec Concho et celui avec Léo arriverait à cette finalité. Elle savait qu’il était possible d’aimer plusieurs personnes à la fois, et c’était la preuve. Ils avaient chacun une place particulière dans le cœur de l’australienne. Mais eux, ils n’arrivaient pas à concevoir ça. Léo lui avait dit et Concho lui avait fait comprendre. C’était pour cette raison qu’elle s’était éloignée de lui, pour ne pas le faire souffrir. Elle savait qu’elle aurait dû mal à se détacher de Léo et qu’au final Concho souffrirait de ça. Aujourd’hui, c’était elle qui souffrait entrainant avec elle les deux hommes. Léo était partit de chez elle, claquant la porte et à présent elle allait aussi perdre le danseur. « Il m’a quitté oui … » Mais pas à cause de la grossesse. Il était partit parce qu’elle l’avait trompé avec l’homme qui se tenait en face d’elle. Il était si doux et gentil Concho. Encore une fois il prouvait qu’il serait là, assumerait les conséquences de toute cette histoire. Alba était rongée par la culpabilité. Elle savait qu’il serait là, Concho ce grand cœur. Il ne la détesterait pas pour le fait qu’elle soit enceinte. Non il allait la haïr pour la suite. « Non je ne compte rien faire. » Disait-elle à demi-mot. Elle ne voulait surtout pas savoir qui était le père, ça serait trop réel. « Je ne vais pas le garder. » Elle avait mal, lui dire les mots était douloureux et elle savait qu’elle allait le perdre lui aussi. Il tenait trop à la paternité pour ne pas lui en vouloir.

Je ne songeai même pas au fait qu'en avouant sa grossesse à Léo, et la possibilité que ce soit moi le père, elle lui avouait également son infidélité. La nouvelle de la grossesse me prenait bien trop de court pour que mes pensées puissent se diriger ailleurs que sur cette annonce. C'est pourquoi, dans ma tête, je fis automatiquement le lien que si Léo avait quitté Alba, c'était parce qu'elle était enceinte à nouveau et qu'il ne voulait pas assumer. Pour moi, Léo serait éternellement le méchant de l'histoire, et lui donner le mauvais rôle m'arrangeait. « Ce con ... » Soufflais-je plus pour moi que pour Alba, en toute honnêteté. Je me repris cependant, faisant une légère moue, relevant les yeux vers la blonde. « Je suis désolé ... Mais sache que t'es pas seule ... »  Même si lui, la laissait seule dans cette épreuve. C'aurait pu ne pas en être une, épreuve, mais à voir la tristesse dans le regard d'Alba, je me doutais qu'elle n'était pas folle de joie. Je lui demandai d'ailleurs ce qu'elle comptait faire, maintenant, évoquant évidemment le test de paternité puisque pour moi, il était clair que je voulais savoir qui était le père, de Léo ou de moi. « Rien faire ? » Questionnais-je, visiblement un peu confus par cette vague réponse. Alba continua, m'achevant de cette affirmation froide et directe. Ce n'était sans doute pas l'intention de la blonde, mais comment de tels mots pouvaient-ils être perçus autrement que comme des couteaux tranchants ? Je me sentis taillé sur toute la surface de mon coeur.  « Mais ... tu sais, même s'il est de moi et qu'on n'est pas ensemble, même si je suis avec Pippa maintenant, je serais là, Alba. Tu n'as pas à avoir peur pour ça. Je serais pleinement là, pour toi, et pour le bébé. » Insistais-je, presque en supplice.  

Dès qu’elle avait vu les deux barres sur son test de grossesse, Alba savait que les prochaines semaines allaient être difficile. La conversation avec Léo lui avait brisé le cœur et une partie de son âme. Et face à Concho, elle ne savait pas quoi faire. Il était si gentil, si adorable, toujours là dans les moments les plus compliqués. Dans le fond, elle savait qu’elle allait briser cet homme si doux. Il était fait pour être père, elle voyait bien comment il se comportait avec Maxwell. Jon l’adorait, trouvant le danseur drôle et fantasque. Elle savait également qu’il respecterait son choix, celui de ne pas garder l’enfant. Mais à quel prix ? Cette histoire venait clôturer les belles histoires qu’elle avait avec Concho et Léo ? Elle avait déjà perdu Léo, et elle sentait que Concho allait lui aussi prendre ses distances avec elle. Cet enfant, elle avait hésité une seconde à le garder. Ce n’était pas une mauvaise mère Alba. Jon était un petit garçon heureux et chaleureux. Elle aimait ce rôle de maman, choyer sa progéniture et partager des moments doux et complices. Un deuxième enfant ne lui faisait pas spécialement peur. Mais pas de cette façon. Comment cet enfant aurait grandi ? Ni Concho, ni Léo et ni elle lui aurait apporté une stabilité. Puis, comment Jon et ce futur enfant auraient-ils pu grandir alors que les deux hommes se détestaient ? C’était une mauvaise idée, une erreur qui coûtait chère mais qui devait s’arrêter. Elle ne réagissait pas à l’insulte du danseur. Léo et lui ne s’appréciaient pas et ce n’était pas grossesse accidentelle qui allait arranger les choses. Concho croyait encore qu’elle allait le garder, et ça brisait la dernière partie du cœur d’Alba de lui avouer qu’elle ne fera rien. Son regard s’humidifiait et Alba savait que ç’allait être dur. Suppliant, il lui montrait que ça pouvait fonctionner. Au contraire, Alba voyait que les scénarii catastrophes. « Je ne veux pas le garder … » Disait-elle la gorge remplie de sanglot. Elle n’osait pas regarder son amant. Elle aurait pu ne rien lui dire, avorter dans le plus grand silence sans que Léo et lui ne le sachent. « Je t’en supplie, ne me déteste pas. » Concluait-elle.

Entre je ne vais pas le garder et je ne veux pas le garder, il n’y avait qu’un mot de différence, mais un mot qui changeait tout. Ne pas faire quelque chose, dans ma tête il y avait possibilité d’emmener des arguments pour qu’elle en décide autrement. Dans ma tête il était peut-être davantage question de peurs ou d’appréhensions, que de désir. C’est pour ça que je lui avais dit que si cet enfant était de moi, qu’on soit en couple ou non, je serais là. Certes, si elle retournait dans les bras de Léo tout en mettant au monde mon enfant, ce serait difficile. Ce serait difficile pour moi de concevoir être co-parents avec Léo dans le portrait. Mais pour cet enfant, pour notre enfant à Alba et moi, je l’aurais fait. Cependant, si ce n’était pas la peur mais bien l’absence de désir de l’avoir, cet enfant, je n’y pouvais pas grand chose. Elle ne voulait pas le garder. Tout simplement. Cette répétition, avec un seul mot changé, me fracassa. Face à mon silence, Alba me supplia, sans même me regarder, de ne pas la détester. Mes yeux remplis de larmes baissèrent vers mes pieds. Mon visage au complet se referma vers le sol. J’avais l’impression que mon coeur venait d’éclater en mille morceaux de verre sur lesquels on piétinait ensuite, Alba et moi, avec notre malaise grandissant. « J’pourrais jamais te détester, Alba. » Même pas pour ça. Même pas pour m’enlever, en quelque sorte, ce que j’aimais par-dessus tout : être père. « Mais j’ai du mal avec cette décision, alors … je vais avoir besoin de temps. Je suis désolé, je pourrai pas faire semblant que ça m’affecte pas. Je pourrai pas faire semblant que ça va. » Si elle avait le droit de choisir, j’avais quand même le droit de mal le vivre, non ?

Tout ce qu’Alba avait construit des mois s’envolait, comme si les bonnes choses ne demeuraient jamais. Il ne restait plus rien de sa relation avec Léo et elle voyait également la fin de celle qu’elle entretenait avec Concho. Ils en avaient connu des tempêtes les deux artistes, se battant contre une temporalité qui ne leur était jamais favorable. Peut-être s’étaient-ils trop entêtés dans cette jolie rencontre qui aurait pu fonctionner. Cette fois-ci, Alba voyait la fin, un coup de grâce qui en plus de conclure à leur histoire, anéantirait peut-être toute amitié. Comment pouvait-on dépasser une grossesse avortée ? Le danseur ne s’était jamais caché de son amour la paternité, il était né pour être père. Il avait tant d’amour, de patiente à donner que ça arrachait le cœur d’Alba de lui priver de cet enfant. Sauf qu’elle n’en voulait pas. Aucun scénario n’était satisfaisant ni pour elle ni pour cet enfant à naître. Alba croyait en la stabilité familiale. Elevée par deux pères, elle avait vécu une stabilité, même si l’abandon subi bébé restait ancré en elle. Quel lien aurait cet enfant avec Jon, qui avait déjà du mal à suivre la cadence imposé par ses parents. Alba préférait donc sacrifier son amitié et son amour pour Léo et Concho, plutôt que d’offrir un cadre familial instable à l’enfant. C’était peut-être égoïste. Elle savait au fond d’elle que le choix d’avorter allait la suivre jusqu’à la fin de sa vie. Malheureusement, elle assumait toutes les conséquences, suppliant néanmoins Concho de ne pas la détester. Elle ne voulait pas son accord, ni son soutien. Mais elle avait besoin de savoir que quoi qu’il arrive, il l’aimerait toujours un peu, ou aurait toujours un peu d’affection en mémoire de cette relation très éphémère. Les larmes brouillaient totalement sa vison et le malaise grandissait entre les deux anciens amants. Il ne pourrait jamais la détester, elle voulait y croire. Elle se contenterait de ça pour l’instant. Le reste des paroles de Concho lui firent mal, mais elle acquiesçait, acceptant sa position. « Je comprends. » Murmurait-elle. Il n’y avait plus grand-chose à dire à présent. « Je suis désolée. » Concluait-elle, avant de repartir, laissant le danseur seul. Il y avait tant de mot qu’elle aurait voulu dire, mais elle manquait de mot Alba. C’était une page qui se tournait, un chapitre intense et doux, se concluant de la pire des manières.

Fin