Ca, C'était pas prévu ! - PV Donovan

Donovan & Amber

Ca, C'était pas prévu !

Parfois, une attente peut être interminable, et le lieu idéal pour vivre ce genre d’expérience désagréable, c’est une salle d’attente. Vous avez remarqué que dans ce genre de lieu le temps semble toujours passer à une lenteur folle ? Don et moi étions installés sur une banquette qui faisait toute la longueur du mur de la pièce, et autour de nous il y avait un autre couple et deux femmes déjà bien avancées dans leur grossesse qui devisaient gaiement des dernières innovations en matière de poussettes. Sur la table basse, des magasines qui traitaient du sujet qui intéressait toutes les personnes qui venaient ici, au mur des photos de bébés, des dessins d’enfants, et tout un tas de choses acidulées qui étaient sensées faire «cute».

J’avais peu parlé depuis que nous étions sortis de sa chambre d’hôtel. La situation était vraiment bizarre, j’avais beaucoup de mal à imaginer l’avenir. Je crois qu’il faut que je me mette à la recherche d’une maison dès demain, la prendre si possible au plus près de celle de Don. Sauf que... Pour l’instant, il était à l’hôtel, ce qui ne facilitait pas les choses. Mais je ne voulais pas qu’il y ait un long chemin à faire, tout simplement parce que je ne m’imaginais pas être éloignée de mon bébé, même quand il le prendrait avec lui. Et puis ça serait bien plus pratique. Je secouais un peu la tête d’un air désolé sans vraiment m’en rendre compte face à cette drôle d’histoire, et c’est le moment que choisit une infirmière pour faire son apparition.


Mademoiselle Wellington ?


Je me levais, inspirant un grand coup, et jetais un regard peu rassuré à Donovan. Echo, test ADN... Les prochaines minutes vont être émotionellement épuisantes ! Mais bon, il faut bien y aller. Nous suivons donc l’infirmière qui nous conduit dans une salle d’examen gynécologique. Je vais me changer derrière le paravent et passe un pyjama d’hôpital qui permettra de faire l’échographie sans difficulté. Quand je reviens vers le fauteuil où je dois m’installer, je vois posée sur un petit plateau une immense aiguille qui a tendance à me faire écarquiller les yeux. Bon sang... Elle doit faire une bonne vingtaine de centimètres ! Respire Amber, c’est pas le moment de jouer les chochottes... Le docteur est en train d’examiner le papier que m’avait fait le médecin en Thaïlande avec tous les résultats de mon test, et le bougre prend bien son temps ! Allez ! J’ai envie qu’on en finisse ! Enfin surtout avec l’aiguille, parce que l’échographie, j’ai plutôt hâte à vrai dire.


Bien ! Donc première écho et test ADN... Je vais vous appliquer un gel, ça va être froid.


Alors que l’infirmière allumait la machine, le médecin déversait sur mon ventre une grosse masse de gel transparent. L’espace d’un instant, je fermais les yeux pour essayer de balayer le stress qui m’envahissait. Je crois que j’avais peur d’un problème, d’une malformation, d’un foetus trop petit ou je ne sais quoi d’autre qui ferait tourner cet examen à la catastrophe.


Tiens...


J’ouvrais subitement les yeux. Tiens ? Tiens quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi il a dit ça ?

Quoi ? Y’a un problème ?

Attendez, je cherche un autre angle pour que vous voyez mieux. Approchez-vous Monsieur, ça va vous intéresser aussi !


Par pitié qu’il accouche, c’est le cas de le dire ! J’essayais de bouger la tête pour tenter de capter une image, mais il a fallu encore quelques secondes pour que le médecin daigne tourner l’écran en ma direction. Des secondes interminables... Mais quand j’ai vu l’écran, j’ai immédiatement compris, et j’ai levé un regard stupéfait vers Don qui devait, lui aussi, être totalement secoué par l’image qui s’affichait à présent sur le moniteur.

Donovan & Amber

Ca, C'était pas prévu !

C’est stressant, une échographie. Même quand tout va bien, même si aucun signe ne peut annoncer un problème, dès qu’on est appelé pour l’examen, on commence à se poser mille et une questions, à se demander si on ne va pas découvrir un souci qui risque de mettre à mal la grossesse ou même la viabilité de l’enfant. Je ne sais pas comment je réagirais si ça devait arriver. C’est fou, je sais, mais je me suis déjà faite à l’idée que j’allais être mère, que ce bébé était là en train de grandir dans mon ventre. J’avais déjà envie de le protéger et de lui offrir le meilleur, alors oui, je balise pas mal au moment où le médecin va poser son premier avis sur ma grossesse. Imaginez donc dans quel état ça m’a mise de le voir froncer les sourcils, de l’entendre sortir ce «tiens...» qui ne veut rien dire et qui est pourtant si inquiétant dans la position dans laquelle je me trouve !

Dieu merci, ce n’est pas une malformation que l’écho a révélé. Des jumeaux ! Je les vois, clairement sur l’écran, le médecin n’a même pas à interpréter les images. Ils sont là, je vois leurs deux petits coeurs battre à l’unisson, et pourtant j’ai l’impression qu’un guignol va sortir d’un coin avec sa caméra pour nous dire qu’on a été piégés. C’est con, hein ? Mais les surprises s’accumulent et ça fait un peu beaucoup à intégrer. Quand je tourne la tête vers Don, je le vois reculer, le visage défait. Ce que moi j’accumule depuis un peu plus de trois semaines, lui il y fait face en moins de deux heures de temps. Y’a de quoi péter un câble, je veux bien le reconnaître, même si l’entendre dire «j’peux pas» m’arrache une petite grimace. Il va bien falloir que j’y arrive moi, à les porter et à les mettre au monde, et ici je ne connais personne, alors niveau soutien, j’aurais vraiment besoin du sien.


Est-ce que tout va bien dans leur développement ?


Ca reste ma priorité, je veux l’entendre dire que tout va bien, que ça se passe normalement, que cette première échographie ne révèle rien de suspect. Le médecin regarde le futur papa et doit se demander s’il ne va pas tourner de l’oeil dans son cabinet. Il échange un regard avec son infirmière qui avance une chaise pour que Don puisse s’y asseoir un instant et le docteur peut alors répondre à ma question.


La taille est parfaitement dans la moyenne pour une grossesse gémellaire, et les battements de coeur ont un rythme excellent. Je suppose que vous voulez aussi que je vous fasse le test ADN au plus vite ?


Oui, s’il vous plaît.


J’essayais de ne pas prendre attention à se qui se passait du côté de Donovan, préférant pour l’instant me concentrer sur l’image des bébés. C’est flippant... Vraiment flippant. Mais je ne suis pas la première femme à avoir des jumeaux et il n’y a pas de raison que je n’y arrive pas. Je ne sais pas encore comment, mais je vais y arriver, il le faut ! Je hoche la tête sans répondre au docteur qui me dit qu’il va poser un peu de gel anesthésiant sur ma peau là où il va planter l’aiguille. Planter... Ou empaler plutôt ! Seigneur, cette aiguille est énorme ! Je bloque ma respiration et tente de ne pas regarder, fixant toujours le moniteur où je peux voir la progression de l’aiguille. Je serre les dents, on ne peut pas vraiment dire que ça fasse du bien ce truc, mais il faut ce qu’il faut, j’ai voulu ce test, et je sais que c’est une bonne chose de le faire.


Vous savez que votre grossesse est une grossesse à risque n’est-ce pas ?

Pardon ?


Il dit quoi là ? Grossesse à risque ? Désolée, hein ? Mais j’ai le nez planté sur le moniteur qui me montre les deux bébés que j’attends et une aiguille grosse comme mon bras qui me rendre dans le ventre !


C’est le cas de toutes les grossesses multiples, ne vous en faites pas. Vous devez simplement faire particulièrement attention à vous, éviter toute fatigue et tout stress. Vous pouvez prendre rendez-vous pour une séance conseils complète, on vous donnera tous les renseignements, c’est important.


Eviter tout stress ! Sans l’aiguille, je pense que j’éclaterais de rire ! Eviter tout stress... C’est ça... Et la marmotte elle met le chocolat dans le papier alu ! Bon... On respire un grand coup et on se recentre. Tiens, qu’est-ce qu’il devient le papa ?

Donovan & Amber

Ca, C'était pas prévu !

Je n’en revenais pas de cette nouvelle que je venais d’apprendre. Des jumeaux... J’ai déjà vu des femmes enceintes de trois mois avec un ventre plus gros que le mien pourtant, moi c’est à peine si ça se voit, habillée c’est même insoupçonnable. Pourtant j’ai beau fixer l’écran, il me montre toujours la même image, et sur cette image, ce sont deux coeurs qui battent, deux enfants qui sont en train de grandir. C’est un choc, je ne peux pas le nier, ça a de quoi faire paniquer car si avoir des jumeaux doit être une expérience passionnante, je sais aussi qu’ils sont sujets aux naissances prématurées. D’ailleurs, le médecin ne manque pas de me le rappeler : c’est une grossesse à risque, je dois faire attention. Mais comment faire attention ? J’ai conçu ces enfants avec un homme dont je suis amoureuse mais qui est fou d’une autre, un homme qui n’a pas accueilli la nouvelle de ma grossesse avec enthousiasme et qui en ce moment même, est en proie à une véritable panique. Je ne peux même pas lui en vouloir... Ca aurait certainement été plus facile si j’avais pu l’accabler de reproches.

Quand je l’entends dire qu’on allait m’éviter tout stress, ça me donne envie de chialer. Pourtant je ne peux pas le cacher, je ne pleure pas facilement ! Remarquez on dit que les hormones jouent beaucoup sur les femmes enceintes et que ça les rend plus sensibles que d’accoutumée. Pour le coup, je le suis, sensible, et il y a dans cette sensibilité de l’amertume qui ne rend pas les choses agréables. Je me dis que je n’ai pas mérité ça, que j’ai beau être une nana capricieuse et trop gâtée, je n’en ai pour autant jamais été méchante. J’ai du caractère, je peux piquer, mais je n’ai pas un fond mauvais. Alors pourquoi je ne suis pas en train de vivre ça avec quelqu’un qui m’aime et qui attendra nos enfants aussi impatiemment que je les attendrai ? La vie est mal foutue, et là j’ai même l’impression qu’elle se fout carrément de ma gueule.


Vous attendez des jumeaux monozygotes dans le cadre d’une grossesse monochoriale biamniotique. Ca veut dire que ce sont de vrais jumeaux, et ici, il y a un seul placenta, mais deux poches amniotiques.

Je n’ai pas de jumeaux dans ma famille.

Ca ne veut rien dire, et contrairement à ce qu’on pense ce sont les jumeaux dizygotes qui ont le gène de gémellité. Pour les vrais jumeaux, c’est simplement l’ovule qui, une fois fécondée, se divise en deux. Il y a donc un seul ovule et un seul spermatozoïde, ce qui n’est pas le cas pour les faux jumeaux.


Super, on apprend des choses et on tord le cou à des idées préconçues. J’aurais plutôt pensé que c’était le contraire.


Vous fumez ?

Non.

Bien. Evitez les endroits où on fume trop. Vous buvez ?

Comme tout le monde. Mais plus du tout depuis que j’ai appris que j’étais enceinte.

Parfait. Evitez aussi de boire trop de café ou de thé. Ne mangez de légumes crus que si vous les avez préparés vous-même pour être sûre qu’ils ont bien été lavés, plus de tartare, c’est très mauvais, et pour le sport, privilégiez natation, marche à pied... Donc plus de jogging.


Je hochais la tête. J’écoutais ce qu’il me disait bien entendu, mais alors qu’il retirait enfin l’aiguille de mon ventre, j’étais à dix mille lieues d’ici, en train d’intégrer tout ce qui était en train de changer dans ma vie. Maintenant que Don est au courant, je vais devoir appeler mes parents pour leur annoncer la nouvelle, leur dire que je vais rester vivre à Bowen. Ca aussi ça va être quelque chose, j’entends déjà mon père me demander si au moins j’ai eu la bonne idée de me fiancer avec le père ! Dans le genre conservateur, on ne fait pas mieux, j’en sais quelque chose.


Monsieur, vous avez des questions ?


Pendant que le médecin discutait avec Don, j’en profitais pour aller me rhabiller. L’infirmière de son côté avait fait le test ADN et était en train d’étiqueter les échantillons pour les envoyer au labo. Puis elle sortit de la petite imprimante reliée à l’échographe deux clichés quasi identiques qu’elle me tendait. Je la remerciais, remplissait le document qu’elle me tendait pour la facture, et on pouvait sortir de la salle d’examens.


Je ne sais pas si tu en veux une...


Je tendais un des deux clichés à Donovan. J’étais pas mal secouée par ce qui s’était passé et j’avais du mal de faire aussi bonne figure que quand j’avais frappé à sa porte. Apprendre que j’attendais des jumeaux, encaisser le choc et assister à la réaction du papa, m’entendre dire que je devais me ménager et éviter le stress alors que je savais que je devais régler des tonnes de choses avant leur arrivée, comme l’achat d’une maison et son aménagement, par exemple... Ca faisait beaucoup. Il ne fallait pas s’étonner que j’ai les larmes aux yeux quand je les levais vers lui. La fatigue... Entre autres.


Je suis désolée, tu sais... De ne pas être elle.