Le hasard fait-il vraiment bien les choses ? Moi j'ai un doute • MAYBELLE

Maybelle n'attendait pas qu'il lui saute dans les bras, ni même qu'il accepte le fait d'être père d'un enfant qu'il ne verrait jamais après plus de trois ans de silence. Mais elle avait été surprise par son discours plein de rage - de haine ? Il n'avait pas tort, cela dit. Elle savait très bien qu'elle était la seule responsable et qu'elle cherchait simplement à rejeter la faute sur son père pour se déculpabiliser un peu... Mais l'entendre de cette façon faisait mal. En fait, tous les mots prononcés par Arthur lui transpercèrent le cœur. Et elle avait du mal à comprendre. Elle ne comprenait pas en quoi elle avait "bousillé sa vie", ni en quoi le fait qu'il soit bisexuel (ce qu'elle ignorait totalement, d'ailleurs) la concernait. C'était comme s'il insinuait que la nuit qu'ils avaient passé ensemble avait bouleversé sa vie toute entière, comme si elle était responsable de tous ses maux. Malgré sa soif de réponses, elle n'avait pas le courage de poser la moindre question. Elle se contentait de le regarder fixement, attendant qu'il termine son monologue par une réplique assassine qui l'acheverait pour de bon. Elle maudissait le destin d'avoir remis Arthur sur sa route - et elle se maudissait plus encore d'avoir accepté qu'il la raccompagne. Elle qui était persuadée que la situation ne pouvait pas être pire se retrouvait plus paumée que jamais, un étrange goût d’amertume au fond de la gorge. Finalement, elle n'aurait peut-être pas dû être honnête. Il y avait des secrets qu'il était préférable de garder pour soi, et celui-là en faisant partie. « Rentre chez toi. » Complètement sonnée, May réalisa qu'il avait terminé sa tirade. Elle baissa les yeux, honteuse, puis elle attrapa son sac en vitesse. Elle n'avait qu'une hâte : quitter cette voiture. Elle ne retournerait jamais à la librairie. Elle ne voulait plus jamais voir Arthur. Elle voulait juste oublier ce qu'il venait de se passer et se convaincre que ce n'était qu'un mauvais rêve. Sa petite sœur prétendait souvent qu'à force de croire à quelque chose, cela devenait vrai... Peut-être que ça marcherait si elle y mettait assez de bonne volonté. « Merci de m'avoir raccompagnée », murmura-t-elle d'une voix tremblante, peinant à contenir ses sanglots. Puis elle ouvrit la portière et sortit de la voiture, regagna sa maison avec hâte sous la pluie qui continuait à tomber.