S'il suffisait qu'on s'aime + Woora ♡

Il sourit à son tour. Toutes les épreuves, les embûches, le temps et la distance posés entre eux, n’avaient pas su les éloigner au point que leurs esprits, et un peu leurs cœurs, aussi, demeurent liés. Qu’ils ne se donnent que rarement des nouvelles, au fond, ne signifiait pas grand chose. Ce qui en disait long, c’est qu’à chaque fois qu’ils se retrouvaient, c’était comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. La même puissance, la même intensité, régnait entre eux. Il hocha la tête quand elle lui expliquait ne jamais avoir réussi à aimer Ian, du moins jamais autant que lui l’aimait elle. En même temps, c’était Ian qui avait eu le rôle facile : tomber amoureux de Sara, ça se faisait en un claquement de doigts. Un regard, un sourire, et un homme était condamné. Woody ne répondit rien, il n’avait pas à commenter cette relation ou cette décision de le laisser aller. À la place, il avoua avoir évolué différemment de son côté. Cette fois il ne fuyait pas - enfin … c’était encore à démontrer -, cette fois il avait plutôt choisi de se fiancer. Un léger rire s’échappa des lèvres du trentenaire quand elle lui dit qu’il était romantique. « De plus en plus en vieillissant, je pense. » Il avait cependant encore bien du mal à le démontrer, même s’il était vrai que ce n’était plus l’enchaînement de relations futiles, qu’il recherchait. Lui aussi cherchait à vibrer, à frissonner, avec la même personne. Charlie avait réussi, ça. Mais il avait fallu que la vie lui envoie une belle droite pour le ramener à la réalité, sa réalité, celle où le bonheur n’existait jamais bien longtemps. Les paroles de Sara le firent réfléchir. Il est vrai que la lumière de Charlie avait réussi à le guérir, bien souvent. Il y avait presque cru, qu’il aurait aussi le droit d’être heureux. « Tu as sans doute raison … Je lui parlerai. Une fois le choc un peu plus passé. » Après tout il venait tout juste de perdre sa mère, après un accident qu’il avait causé. Et il sortait à peine de l’hôpital. Ses idées n’étaient pas toutes claires, la souffrance prenant toute la place. La surprise arriva quand même à se pointer dans son regard lorsqu’il apprit l’existence d’une enfant dans la vie de Sara. Elle avait une fille. « Je sais bien … Mais … Tu me prends de court. Je ne savais pas que Ian et toi aviez eu un enfant. » Il esquissa un sourire en entendant le prénom. Bien sûr qu’il savait que c’était l’histoire préférée de Sara. « Alice au pays des merveilles. » Déclara-t-il tout simplement, d’une voix douce. « Je suis content pour toi, Sara. Et je comprends que tu doives repartir. J'ai déjà été assez égoïste avec toi, et de toute façon, je ne fais pas le poids contre ton enfant. » Il sourit tristement, l'idée de savoir qu'elle repartait déjà lui brisait un peu plus le coeur. Il avait l'impression que cette courte heure avec elle n'était qu'une illusion, une construction de son esprit pour mieux vivre le deuil de sa mère.

C’était sûrement le plus beau, ce lien qui les unissait depuis toujours, qui avait fait d’eux des amis, des amants, qui ne s’était jamais brisé malgré les épreuves qui ébranlent. Sara voulait croire que c’était ça l’amour, le vrai. Sans se dire qu’ils devaient à tout prix être ensemble, sans parler d’un lien charnel, ils s’aimaient, de la plus pure des façons finalement. Elle était heureuse qu’il avance dans sa vie, sans elle, mais qu’il ne l’oublie jamais totalement. Woody s’était perdu bien des fois, il avait souvent cru que sa maladie allait faire sa loi et le destituer de lui-même, mais Sara savait que c’était faux, il était bien plus fort que ça, il fallait juste qu’il ait le courage de se battre et qu’il trouve une raison d’être fort. Peut-être Charlie le serait, seul l’avenir le dirait. Quant à elle, Sara, elle était fière du chemin parcouru, elle n’avait jamais attendu après Woody pour continuer sa vie, pour se construire un avenir. Elle aimait la vie et savait à quel point elle pouvait être fragile, elle en profitait. Elle esquissa un sourire quand il concéda devenir romantique, elle n’en avait jamais douté. Il vivait une épreuve actuellement, une épreuve terrible, c’était l’une des choses les plus difficiles qu’il soit de perdre sa maman, surtout dans des conditions pareilles, il lui faudrait du temps et en le regardant elle se prenait à regretter de rester si peu de temps, de ne pas pouvoir être présente pour l’épauler. Mais elle savait qu’il était entouré, que s’il acceptait l’aide de ses proches, il réussirait à s’en sortir. Sara était fleur bleue, elle était de ceux qui pensaient que l’amour triomphait toujours, à la fin. Prends ton temps, elle comprendra sûrement que ce n’est pas simple. Il y avait droit, à son happy end, le bel australien. Elle aussi y avait droit, même si ce n’était pas la même chose, la jeune femme n'était pas chanceuse en amour, mais elle avait trouvé un véritable sens à sa vie en donnant naissance à sa fille. La réaction de son ex était normale, en effet elle le prenait de court, mais pour elle non plus ce n’était pas rien de lui faire une telle annonce. Elle craignait ses réactions, elle savait que ce n’était pas le bon moment, mais si elle ne lui disait pas maintenant, elle se dégonflerait. Elle cilla quand il évoqua Ian à nouveau, se pinça les lèvres, gênée. Oui, il est merveilleux avec elle. Et voilà, elle se dégonflait. Elle sourit quand il évoqua son livre préféré, évidemment il avait compris, Sara n’était pas si difficile à déchiffrer, quoi que. Une larme roula sur sa joue, c’était trop, trop d’émotions, trop en si peu de temps. Et sonnait déjà l’heure des au revoir. Elle avait encore tellement de choses à lui dire, seulement elle ignorait comment faire, intérieurement elle paniquait. Alors elle hocha la tête. C’est moi qui ai été égoïste, je t’ai accaparé dans les pires conditions. Je ne pouvais pas emmener Alice avec moi pour des funérailles, mais un jour je reviendrais, je te la présenterais. Elle rêvait de cette rencontre, autant qu’elle l’effrayait, c’était sûrement la vraie raison pour laquelle elle avait préféré confier sa fille durant deux jours à Ian. Les mots de Woody lui firent mal, même s’il avait raison, c’était sa fille avant tout à présent, mais ça ne changeait rien à l’importance qu’il avait pour elle. Tu dois retrouver les tiens Woody, ils doivent être morts d’inquiétude. Je te raccompagne ? Elle n’avait aucune envie de le quitter mais c’était la meilleure chose à faire, elle s’en voulait déjà bien assez d’avoir volé la vedette aujourd’hui.

Elle avait compris tellement de fois, Charlie, que rien n’était simple avec Woody. Évidemment que cette fois encore, dans les circonstances, elle le ferait passer en premier, lui et ses doutes, lui et son deuil, lui et sa colère. Lui et son silence. Mais combien de fois se mettrait-elle en retrait pour le laisser vivre ses émotions ? Combien de fois lui pardonnerait-elle d’être aussi effrayé d’affronter la vie, les autres ? Il était grand temps que Charlie comprenne qu’elle méritait un amour moins complexe que celui-là. « Sans doute. » C’était bien ce qu’il craignait, Woody. Que Charlie lui pardonnerait son attitude des derniers jours, son retrait, son absence. Elle méritait tellement mieux que lui. Pour une fois, cette affirmation n’avait rien à voir avec sa maladie. Il le pensait à propos de son être tout entier.

Maître du nombrilisme, Woody se concentra cependant complètement à Sara lorsqu’elle lui apprit avoir une fille. En toute logique il en déduit que cette enfant était le fruit de son amour avec Ian. Il l’avait quittée alors qu’elle était encore avec lui, peu importe ce qui s’était passé entre eux lors de ces retrouvailles éphémères en Chine. Elle était revenue à Ian, lorsque lui avait repris les airs vers Brisbane. « Et tu dois être merveilleuse avec elle aussi. » Sara avait tout pour être une bonne maman. Woody l’avait toujours su. Bien avant ce jour il lui était arrivé de rêver à une petite famille pour eux, quand il était éperdument amoureux d’elle mais qu’elle était avec Jamie. Perdu dans ses songes, ce n’est que lorsque la larme roulant sur la joue de la brunette arriva à la commissure de ses lèvres, que Woody la remarqua. « Elle te manque … Je ne te retiendrai pas ici, promis. » Il aurait pu, Woody. Il aurait pu jouer aux égoïstes et la supplier de rester. Ça n’aurait pas été juste. « Je n’aurais pu espérer meilleure compagnie pour une journée comme celle-là … » Il n’aurait pas voulu être entouré de tous ces gens une seule seconde de plus. Étrangement, il n’aurait pas voulu être seul non plus. « Avec plaisir. J’ai hâte de la rencontrer. » Elle devait être extraordinaire, comme sa mère. Cette dernière avait raison : il fallait qu’il retourne auprès de ses proches. Au moins pour leur dire au revoir, en bonne et due forme. Il hocha la tête. « Ouais … ok. » Il soupira, regarda la mer une dernière fois, et se releva pour suivre Sara.

FIN