cause we're all just kids who grew up (tahlia)

Le fait d’avoir une vie “rangée” ne fait plus autant flipper Perry qu’avant. A une époque, il s’imaginait que ça voulait dire avoir une vie ennuyeuse, ne plus sortir, vivre comme une personne âgée qui fait des mots croisés toute la journée. Mais non, ça veut plutôt dire être entouré de gens qu’on aime, avoir une petite routine sans qu’elle soit trop écrasante, parce qu’il a toujours eu peur de la routine aussi. Il continue à sortir, mais moins régulièrement, il passe surtout ses soirées avec ses enfants, ses colocs, leurs enfants aussi et à eux, ils n’ont pas besoin de sortir pour passer une bonne soirée tous ensemble et s’amuser. Il voit Jackson aussi, de manière plus ou moins régulière, parce qu’il n’a pas envie d’avoir un planning avec les jours définis de quand ils se voient. Il y en a déjà un pour les enfants, pour que tout le monde s’y retrouvent sur qui est là tel jour, avec toutes les gardes partagées, c’est facile de s’y perdre. D’autant plus que bientôt de nouveaux enfants vont venir s'ajouter à l’équation et il se pourrait bien que le 17 soit à nouveau trop petit pour tout ce petit monde. Pourtant il y a dix chambres mais ce n’est pas suffisant pour que chaque enfant ait sa propre chambre. L’arrivée de nouveaux enfants fait aussi flipper Perry sur les éventuels départs. Ils n’en ont pas parlé tous ensemble mais c’est une crainte qu’il a et qu’il essaie d’oublier. Ça fait des années à présent qu’ils vivent tous les quatre, avec des départs et des retours, mais chacun avançant, il a peur que le 17 se sépare et de les voir chacun s'installer dans leur petite vie, tandis que lui reste là. Il n’a pas envie de vivre avec d’autres gens, il a envie qu’ils restent tous ensemble jusqu’à la maison de retraite. C’était un peu ça le plan à la base, non ? C’est en essayant d’oublier toutes ces réflexions bien trop sérieuses qui tournent dans sa tête que Perry arrive au 17, déposant sur le plan de travail de la cuisine les courses qu’il vient de faire. Quelques minutes après lui, Tahlia entre à l’appartement. « Tahl’, j’crois que j’deviens trop adulte. J’ai eu envie d’acheter des légumes ! Genre là on va avoir des poireaux, mais j’ai aucune idée de quoi en faire. Je deviens semi-adulte du coup. » Jackson finit peut-être enfin par l’influencer à manger plus sainement même si maintenant il doit trouver des idées de recettes avec ce qu’il a acheté, ce qu’il ne fera pas. Il laissera peut-être même les poireaux dépérir dans un coin ou alors il demandera à son petit-ami de les cuisiner pour lui.

Quand on regardait le 17, l'ambiance des soirées pleines d'alcools, de jeux stupides ou d'embrouilles futiles étaient bien loin ! Ils étaient tous en couple et tous parents, certains s'apprêtant même à la redevenir une nouvelle fois. Les soirées n'avaient plus la même saveur, parce qu'ils avaient grandi et mûri. Enfin presque. Quand les enfants étaient couchés, il ne fallait pas non plus attendre indéfiniment pour que l'un ou l'autre propose des défis dignes d'eux. Heureusement qu'ils gardaient tout cela, sinon, cela voudrait dire qu'ils étaient bien devenus sérieux ! D'ailleurs, en parlant de sérieux, alors que Tahlia rentrait à l'appartement, elle entendit du bruit venant de la cuisine. Elle s'approcha de la pièce et vit Perry. Perry et ses sacs de course... Perry et ses poireaux. « Tu as de la fièvre ? » demanda-t-elle d'abord, taquine, avant de reprendre, presque avec automatisme : « Tu peux faire une tarte aux poireaux. Ou de la fondue de poireaux. Ou un gratin de poireaux... ou.. » Elle s'arrêta net dans sa phrase, écarquillant ses grands yeux verts et s'exclama : « Mon dieu, je deviens adulte, moi aussi. Ça va pas... ça va pas du tout ! » Elle contourna alors Perry et commença à fouiller dans les placards, sachant très bien ce qu'elle cherchait. Et quand elle trouva ce qu'elle cherchait, elle se retourna, brandissant victorieusement deux barres chocolatées, bien sucrées, qu'elle venait littéralement – et sans remord - de piquer dans les goûters des gamins. Elle en tendit une à Perry, avec un air faussement dramatique : « Tiens, retombons dans nos travers les plus profonds ! » Elle prit la sienne, pour laquelle elle ouvrit l'emballage avant de croquer joyeusement dedans. Tout le 17 savait que Tahlia était une gourmande, ne venait-elle donc pas de faire tout un cinéma juste pour s'octroyer un goûter ? Mais pour autant, alors qu'elle s'accouda sur le plan de travail et qu'elle regarda ces fameux poireaux, objets de discorde, elle demanda, songeuse : « Tu trouves vraiment qu'on a pris un coup de vieux ? » Elle ne parlait pas vraiment de ces poireaux. C'était une métaphore. Ils avaient tous un peu changé. Oui, c'était la vie, c'était dans l'ordre des choses. Mais avec tout ce qui arrivait dernièrement, elle avait l'impression que le 17 prenait un chemin bien plus mature, presque sans retour. Et avec cela venait la question de leur avenir commun.

Face à ses poireaux ramenés des courses Perry ne sait que faire. Ce n’est pas comme s’il connaissait beaucoup de recettes de cuisine, encore moins avec des poireaux. Il pourrait toujours les utiliser pour un atelier loisir créatif avec ses enfants, même si dans ce domaine là non plus il n’y connaît pas grand-chose. Est-ce que les poireaux peuvent servir d’armature pour un château en coussins par exemple ? De base il connaît surtout les poireaux à cause du Pokémon carnartichaut, qui contrairement à son nom ne tient pas dans ses mains un artichaut mais un poireau, tel un fier chevalier du moyen-âge tenant d’une main son épée de l’autre un blason aux emblèmes héraldiques. Désespérant face à ce simple légume, il tente de chercher du secours chez Tahlia, qui lui répond très sérieusement et lui propose différentes recettes pour utiliser ces fameux poireaux, avant de se rendre compte qu’elle aussi semble devenue adulte, comme si un sortilège avait fini par les toucher, les sortant de leur éternelle adolescence. Un peu paniqué il la regarde. « Au moins on saura quoi faire de ces poireaux….mais ouais c’est un peu flippant là ! » dit-il avant d’attraper le barre chocolatée qu’elle lui tend. Voilà qui est plus rassurant, voler le goûter des enfants et ingurgiter une dose de sucre beaucoup trop importante. S’il avait eu un côté un peu plus artiste, Perry aurait pu faire une peinture de ce moment absurde, ou un dessin, un gemmail, quelque chose d’un peu plus stylé que les bonhommes bâtons qu’il se contente de faire lors de leurs soirées entre colocs. Dans ce genre de jeu, personne ne veut tomber dans son équipe, ses dessins étant toujours catastrophiques et incompréhensibles. « J’me rassure en disant qu’à côté de ça on mange toujours n’importe quoi, j’lâcherais pas mes céréales ! » Pour le petit déj il prend toujours des froot loops ou autres céréales plutôt destinés aux enfants, avec beaucoup trop de sucre, là-dessus Jackson n’aura pas réussi à lui donner de bonnes habitudes alimentaires. Un peu plus sérieusement, sa colocataire lui demande s’il a l’impression qu’ils ont réellement vieilli, niveau mentalité. « J’crois un peu...genre j’comprends pas Tik Tok, j’me sens si vieux à chaque fois et des fois j’me fais des réflexions genre : oh il est peut-être un peu tard là, faut que je dorme sinon je vais être fatigué. Des trucs d’adultes quoi ! » Il prend une nouvelle bouchée de sa barre chocolatée pour se calmer, parce que le sucre ça calme, c’est bien connu. « Mais...tu crois c’est la fin de la coloc qu’on a connu depuis qu’on vit ensemble ? » Après tout Concho va avoir un nouvel enfant et sa relation avec Pippa semble stable, lui a Jackson qui traîne dans sa vie depuis un moment maintenant et Tahlia semble aussi être plus ou moins dans une relation.

Elle-même n'en revenait pas de connaître toutes ces recettes qui mettaient à l'honneur le poireau. Tahlia essayait de faire attention à sa ligne – oui elle essayait – mais le poireau n'était pas tellement dans son alimentation. « Je me fais peur. » rétorqua-t-elle, s'empressant rapidement d'aller piquer – sans remord – dans les boîtes à goûter des gamins, comme pour se redonner une bonne conscience d'adulte refusant de grandir. Ils croquèrent tous les deux dans leurs barres, poussant presque le soupir de soulagement. Tahlia regarda son colocataire, riant à sa réponse : « Le jour où tu ne prendras plus tes céréales, là, je m’inquiéterai énormément ! » Perry était indissociable de ses céréales, c'était un duo iconique, à la Starsky et Hutch, à la Omar et Fred ! Mais ces réflexions qui semblaient si futiles pour l'ensemble de la population révélaient un problème bien plus profonds : est-ce qu'ils avaient basculé dans cette catégorie des vieux un peu gênants ?! Elle écouta Perry qui l'affirma avec des arguments implacables. Elle aussi ne comprenait rien à TikTok, elle aussi faisait attention à son sommeil. « … et maintenant quand on fait une grosse soirée, on met trois jours pour s'en remettre. Dur... » Elle lâcha un long soupir, secouant la tête avec dépit. Puis elle releva ses yeux verts sur Perry qui mit le doigt sur quelque chose d'important. Est-ce que c'était la fin de leur colocation ? « Elle a changé, c'est sûr. Je veux dire... on commence tous à se poser un par un. » Certains étaient en couple, d'autres avaient des enfants, ou des projets de vie différents. « Tu parles pour Concho par rapport à Pippa ? Ou toi avec Jackson ? »

tw : alcool

Dans leur coloc, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. S'ils font comme ils peuvent pour s'en sortir dans un monde d'adultes, aucun d'eux n'a réellement envie d'être mature. Le fait que Tahlia s'y connaisse si bien tout d'un coup en poireaux a quelque chose d'alarmant. Les choses ont changé, qu'ils le veuillent ou non. Perry se rassure en se disant que s'il mange des légumes, probablement par la faute de Jackson qui a une trop bonne influence sur lui, il y a encore de la marge pour qu'il abandonne ses céréales d'enfants aux valeurs nutritionnelles catastrophiques. « Je pense que ça sera la fin du monde alors tu t'inquiéteras pas longtemps… » Parce que le monde tourne autour de lui, c'est bien connu ! Si lui ne change pas de marque depuis des années, autour d'eux le monde bouge et même si ça leur fait mal de l'admettre, ils sont un peu à côté de la plaque maintenant. « Parle pour toi ! Moi je suis toujours ultra frais le lendemain. » Prétend-il, ne voulant pas admettre que s'il veut être frais le lendemain, il doit faire beaucoup plus attention à ce qu'il boit alors que lorsqu'il avait vingt ans, il passait son temps à s'enfiler des mojitos (très mauvaise hygiène de vie) sans jamais en subir trop les conséquences. Mais en dehors de leurs soirées et habitudes alimentaires, c'est toute leur vie qui a changé et qui les mènent potentiellement vers la fin de leur coloc. « Nan par rapport à Concho et Pippa, vu qu'ils vont avoir un enfant tout ça. » Se défend-il immédiatement. Rien à voir avec Jackson non, il y a Charlie de toute façon maintenant donc ça ne sert à rien de penser à quoi que ce soit. Il est totalement dans le déni par rapport à sa relation, c'est certain. « J'me dis que l'appart est peut-être plus trop adapté même si on l'a agrandie mais j'vois pas un de vous partir. » Il a beau être deux fois plus grand qu'à son achat, ils sont tous parents et les enfants ça prend de la place et la colocation ce n'est pas non plus le mieux pour développer sa vie de couple.