at christmas, you tell the truth (perring)

Aisling ne put empêcher un léger pouffement quand il se mit à parler de rose et de chou. Elle n'arrivait pas vraiment à se résigner à ça comme métaphore pour sa fille. Et puis bon, elle n'était plus un bébé non plus, plus maintenant... Elle la regarda un instant. C'est vrai qu'elle grandissait, plus vite qu'elle ne l'aurait cru au début.

-Des cours ? Mais je t'ai déjà donné plein de cours !

Elle lui tira la langue alors que Siobhan revenait dans ses jambes

-Moi maman elle me fait plein plein de cours !

Elle esquissa un sourire. C'est vrai qu'elle faisait particulièrement attention à son parcours scolaire. Sans doute parce qu'elle y accordait beaucoup d'importance. Pas qu'elle serait déçue que sa fille fasse un métier qui ne nécessite pas d'études - Isaiah lui en voudrait si c'était le cas - mais parce qu'elle voulait qu'elle puisse choisir parmi le plus de possibilités ce qu'elle voulait faire.

Oui, son amour des études n'avait rien d'une blague contrairement à Perry et les langues - elle était fille de traductrice alors c'était presque un affront. Elle ne put s'empêcher de secouer la tête de droite à gauche, non sans un certain sourire amusé.

-Ca devait être fatiguant.

Être prête à avoir un enfant. Il semblait à Aisling qu'on ne l'était jamais tout à fait, mais on l'était toujorus plus qu'elle quand Siobhan est arrivée. S'iels étaient toustes heureux·ses aujourd'hui, en réalité, les choses auraient pu prendre une tournure dramatique, ce jour-là.

-Ca va nous vieillir en plus.

Aisling qui ne s'imaginait déjà pas mère allait encore moins s'imaginer grand-mère.

Siobhan semblait déborder d'énergie aujourd'hui, sans doute enthousiasmée par une sortie avec ses deux parents, et voilà qu'elle se mettait même à les taquiner. Devant la menace de Perry, elles furent deux à tourner un regard perplexe vers lui.

-Pas des masses crédibles papa, hein ?

Siobhan fit non de la tête et Aisling déposa un baiser dans ses cheveu.

-Quand tu seras ado' on verra bien qui est cool ici.

Des cours sur comment faire les bébés, ils en ont fait plein tous les deux, c’est certain, même s’ils ont toujours pris soin que la confection d’enfant reste une théorie. Mais finalement, Siobhan a pointé le bout de son nez, ce qui fait qu’ils se retrouvent là tous les trois à s’amuser. Comment leurs vies auraient été si elle n’avait jamais existé ? Perry n’arrive pas à l’imaginer. Aisling aurait sûrement fini par disparaître de sa vie, par seulement se faire un signe de main en se croisant au supermarché mais rien de plus. Comme quoi le destin tient à peu de choses et il est ravi qu’il ait décidé de prendre ce chemin. « Et j’étais un élève très impliqué ! » continua-t-il en plaisant avant que leur fille ne dise que sa mère aussi lui donne des cours (pas le même genre de cours!). « Heureusement que c’est maman qui te donne des cours parce que papa il va pas trop t’aider à avoir des bonnes notes….mais il peut t’aider à être la reine de la cour de récrée. » Chacun sa spécialité, ils se complètent bien niveau éducation tous les deux finalement. Perry est content que sa fille puisse avoir une mère comme Aisling, capable d’aider sa fille à l’école, même si pour l’instant il arrive aussi à suivre et peut l’aider à faire ses devoirs, il sait que rapidement il sera perdu. En histoire et géographie, il l’est déjà un peu. Lui qui vient des États-Unis, il connaît très mal l’histoire de l’Australie et apprend plein de choses grâce aux cours de ses enfants, qu’il suit tout de même, même s’il ne comprend pas tout. Ça fait un moment d’ailleurs que Penny ne lui demande plus d’aide pour ses devoirs, sachant bien qu’il sera perdu, à part pour les présentations orales, ça il gère ! « J’ai toujours eu beaucoup d’énergie. » répond-il tout fier à propos des pseudo-cours de langue qu’il donnait au lycée. Leur attention se rapporta sur leur fille qui, avec le temps grandit, ce qui avec le temps, les fait vieillir eux. Et l’âge, vieillir, c’est une des angoisses de Perry alors imaginer sa fille bien plus vieille, ça lui met un petit coup de déprime. Ce n’est pas la première fois, l’imaginer aller à l’école lui a fait pareil et à présent elle y est depuis plusieurs années sans qu’il ne se sente trop vieux (parce qu’il n’est pas vieux en même temps). « L’âge c’est dans la tête. » Il se dit ça tout le temps pour réussir à ne pas avoir peur du temps qui passe mais il a peur de devenir un vieux faux-jeune un peu cringe, sa hantise. Face aux commentaires de sa fille, il tente de jouer les parents autoritaires mais il n’a aucune crédibilité dans ce rôle, Aisling ne l’aidant pas non plus. « Hey ! T’es censé être de mon côté toi ! » dit-il à l’attention de la mère de sa fille. « Vous êtes super cools !….J’peux avoir une glace ? » demanda leur fille avec un grand sourire qui fit éclater de rire Perry. « J’ai comme l’impression qu’elle essaie de nous manipuler. » Perspicace.

Ca pour être impliqué, Aisling ne pourrait jamais le lui reprocher. Ils avaient passé de bons moments, elle l'oubliait parfois. Souvent, à vrai dire. Mais au moins quand ils étaient comme ça, tous les trois - ce qui était assez rare - elle s'en rappelait, et ça la faisait sourire. Elle n'avait pas été que malheureuse, bizarre, mauvaise dans sa vie. Elle eut un sourire amusé alors qu'il se défendit d'être utile pour autre chose que pour les cours.

-C'est vrai que là-dessus, mieux vaut toi que moi.

Aisling elle était plutôt du genre à cracher sur les autres à la cours de récrée - mieux valait que sa fille ne suive pas son exemple. Elle espérait qu'elle ait de meilleures vibes, comme Perry, qu'elle soit du genre à se faire des ami·e·s facilement.

-Est-ce que tu veux avoir toute la cours de recrée à tes pieds ?

L'enfant haussa les épaules, ne semblant pas comprendre tous les tenants et aboutissants de cette histoire.

-Les autres me donneraient leur goûter ?

Aisling eut un rire à cette question. Quoi d'autre pourrait l'intéresser après tout ? La blonde arqua un sourcil à la réponse de Perry sur l'âge mais ne fut pas vraiment étonnée. Il avait toujours été dans le déni. S'il ignorait les problèmes alors ils n'existaient, quelque chose comme ça. S'il ne pensait pas aux choses sérieuses, alors rien n'était sérieux.

-Je t'en prie, ne garde pas un comportement d'ado, à 50 ans tu lui feras honte.

Ces personnes -souvent des hommes, non ?- qui se comportaient comme des adolescents pour se convaincre qu'ils étaient jeunes. Ca avait toujours tendance à lui faire pitié. Evidemment, comme la plupart des gens elle avait du mal avec l'idée de vieillir, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas lutter contre. Et puis, quoi qu'il arrive, elle serait toujours plus jeune qu'Isaiah et Perry, c'était un lot de consolation intéressant.

Être de son côté ? C'est vrai qu'elle était sans doute censée l'être maintenant, mais elle avait tellement eu l'habitude d'être de l'autre côté qu'elle avait du mal à prendre le pli. Elle lui adressa un petit sourire mi amusé, mi désolé, et éclata franchement de rire quand Siobhan parla de glace.

-Je crois bien, mais moi aussi je veux une glace ! Tu nous offres ça ?

Siobhan a sa mère pour être la première de la classe et son père pour être la plus populaire, la combinaison des deux risque surtout de la rendre très agaçante aux yeux de certains. Comment ça elle est à la fois cool et intelligente ? Non, c’est pas juste. Même s’ils ont déjà ri tous les deux de ce que pourrait donner leur fille en étant un parfait mélange des deux, qu’elle pourrait dominer le monde, ce n’est pas vraiment le but recherché. Aisling a un côté un peu plus machiavélique que le jeune homme, qui lui visualise davantage les choses comme devenir populaire plutôt que comme avoir tout le monde à ses pieds, c’est une petite différence. Mais Siobhan se demande surtout si ça voudrait dire que les gens lui donneraient leur goûter. « Alors non mon cœur, on prend pas le goûter des autres même s’ils nous l’offrent. » explique-t-il. Il n’a pas envie qu’elle soit harcelée à l’école c’est sûr mais il n’a pas envie non plus qu’elle soit elle, une harceleuse. Lui-même il se dit qu’il n’a peut-être pas toujours été exemplaire là-dessus. Il faisait parti des gens populaires et il a toujours joué de l’humour pour se faire apprécier, mais il a sans doute parfois été trop loin en se moquant de certaines personnes pour rire, il n’y a jamais vraiment réfléchi. Il a aussi un peu subi parfois, parce qu’être un mec bi qui s’assume et le cri haut et fort dans une école privé au Texas, ce n’est pas toujours que se faire des amis. Oui parfois il a pris cher à cause de ça mais il ne se voyait pas se cacher pour éviter que des débiles le laissent tranquille. Et il se dit que lui avec sa figure de type populaire, il a peut-être aidé d’autres à s’assumer aussi, même s’il ne pense pas être un exemple non plus. « Nan j’serais genre George Clooney à 50 ans. » Il essaie de se persuader mais être un vieux mec faux cool, ça l’angoisse un peu parce qu’il n’a absolument pas envie d’être un gars cringe dont ses enfants auraient honte. Pour l’instant il reste encore jeune alors ça va, mais plus tard il ne pourra plus jouer les types de vingt ans. Bon évidemment Aisling et sa fille se liguent contre Perry pour avoir une glace. Faut dire qu’il n’est pas dur à convaincre. « Bon ok mais j’en prends une aussi. » Le deal ne semble pas à son avantage puisqu’il paie dans tous les cas. Les stands de glace ne manquent pas, remplaçant ceux de churros et autres mets chauds dans les marchés de noël des pays plus froids. « Bon alors vous voulez quoi ? » demanda-t-il en regardant lui aussi le choix. Il y a quelques goûts spéciaux pour noël, ça lui donne bien envie de tenter.

Aisling esquissa un sourire à la réponse de Perry. Elle hocha la tête pour aller dans son sens, avant de compléter.

-Si tu n'as pas assez de ton goûter, dis-nous et on t'en mettra plus dans ton sac.

Elle avait le droit d'avoir très faim après tout. La blonde se fichait un peu de ce qu'elle pouvait entendre à droite à gauche : pas de sucre, pas de si, pas de ça, pas laisser grossir les filles. Evidemment, elle évitait les choses transformées, la nourriture industrielle - elle vivait quand même avec Isaiah. Mais elle n'allait pas commencer à restreindre sa fille pour faire attention à sa ligne.

Elle arqua un sourcil alors qu'il avançait devenir George Clooney. Aussi riche ? Peut-être. Aussi sexy ? Qui sait. Aussi connu ? Elle avait de sérieux doutes.

-Tu épouseras une femme beaucoup plus jeune que toi tu veux dire ?

La blonde ne put réprimer un léger rire et haussa les épaules.

-Nous n'avions pas prévu de te torturer en t'obligeant à nous regarder manger. Pas vrai ?

Elle baissa les yeux vers sa fille qui secoua vigoureusement la tête. Manger une glace en famille ça avait une autre saveur après tout. Ils s'approchèrent d'un stand de glace et Aisling commença à lire la liste des parfums à Siobhan qui opta pour "pâte à cookie" tandis qu'elle choisissait Spéculoos.

-Tu vois, on est des femmes qui savons ce qu'on veut !

La solution de donner un goûter plus conséquent à Siobhan plutôt qu’elle n’aille piquer celui des autres semble être la meilleure. Même si Perry a quelques doutes sur le fait que ce soit la faim qui pousse les enfants à piquer les goûters des autres. Après il n’est pas expert en psychologie, encore moins en psychologie des enfants alors il se passe uniquement sur son expérience personnelle d’avoir vu des enfants à l’école se faire piquer leur goûter juste pour être humiliés. C’est pour cette raison qu’il surveille de prêt la vie de sa fille à l’école pour s’assurer que tout va bien, ce dont il doute parfois par rapport à certains comportements qu’elle peut avoir, même si visiblement il s’agit seulement de celui d’une enfant qui grandit et qui découvre la vie. Comme il n’a pas connu ça avec Penny qui était une enfant très mature et assez discrète, ça lui fait toujours un peu bizarre. Il doit se préparer à ne pas toujours pouvoir tout gérer parce que ces enfants vont grandir, expérimenter, prendre leur indépendance et lui va vieillir, ce qui le fait le plus flipper dans le lot. Pour se rassurer il s’imagine tel George Clooney, à son prime une fois les cheveux blancs arrivés, le privilège d’être un homme qui se bonifie avec le temps comme on dit plutôt qu’une femme qui sera périmée aux yeux du monde une fois la trentaine passée, et encore. « Ça me paraît assez improbable quand même...mais j’en ai date une quand même, en quelque sorte. » Avec Aisling ils n’ont certes pas dix ou quinze ans de différence mais sept ans ce n’est pas rien, surtout lorsqu’ils se sont connus et que la jeune femme était à peine dans la vingtaine. A présent il date Jackson, qui est aussi plus jeune que lui mais ils ont seulement trois ans de différence, bien plus raisonnable. En parlant de goûter, l’appétit de tout le monde s’est ouvert, enfin surtout Siobhan, qui aimerait bien avoir une glace. Devant le stand, tout le monde se décide, Perry hésitant un instant en voyant sa fille et sa mère choisir un seul parfum, mais en gourmand qu’il est, il opte pour trois, se disant qu’il a déjà dû faire des choix difficiles pour s’en tenir seulement à trois parfums. « J’en a jamais douté ! » Le fort caractère d’Aisling et de leur fille n’est plus à prouver. « Vous pourrez goûter dans la mienne si vous voulez. »

Aisling sourit, effectivement c'était plutôt improbable qu'il épouse une femme beaucoup plus jeune. Déjà parce que la blonde avait compris qu'il s'orientait plus vers les hommes que vers les femmes, et ensuite parce qu'il lui semblait tout de même ne pas être du genre à aimer de telles différences. Comme il le faisait remarquer, ça n'avait pas empêché qu'ils aient eu une relation tous les deux. Et peut-être d'ailleurs que cet écart d'âge n'était étranger à leur relation chaotique et la fin de celle-ci.

-Et ça t'a servi de leçon on dirait !

La conversation "glace" est plus légère. Et les choix assez rapide bien que ce soit quand même Perry qui se décide le dernier et opte pour trois différents. Elle ne peut s'empêcher de sourire devant ce pêcher de gourmandise mais n'est pas étonnée un seul instant. Siobhan, elle, paraît très excitée à l'idée de goûter dans la part de son père.

-Oh tu vas vraiment partager ?

Elle eut un petit rire et une fois que leurs glaces furent servies ils s'installèrent à une petite table. Elle commença à lécher la sienne et eut un peu l'impression de retomber en enfance.

-Ca fait tellement longtemps !

Elle sourit et vint essuyer le nez de sa fille qui s'était déjà mis de la glace dessus.

-Niveau élégance ce n'est pas tout à fait ça.