Et si on oubliait tout, pour une nouvelle vie? | Chaz Walker

Gabriella ne se faisait pas encore à l'idée que sa nouvelle vie se trouvait ici. Tout lui semblait trop étrange, trop différent de son ancienne vie en Italie. Découvrir Bowen en moto, lui permettait de garder une certaine distance avec ses inconnus et découvrir la ville comme elle le souhaitait. Elle adorait la vitesse de sa moto, l'adrénaline qu'elle lui procurait et les émotions qu'elle ressentait une fois assise dessus.
Arrivée il y a six jours, elle avait avalé les kilomètres à moto, découvrant des coins vraiment exceptionnels à Bowen. Elle aimait la plage, car elle lui rappelait le coin éloigné qu'elle chérissait dans son Italie natale. Cette petite crique où elle s'isolait quand elle avait besoin de prendre de la distance avec son monde.

En arrivant près de la baie, elle s'arrêta au bout en souriant. Gabriella ôta son casque, le déposant devant elle avant de libérer ses cheveux de son bandeau. Le jour se levait à peine et le vent était légèrement chaud, faisant voler tous ses cheveux autours de son visage. Le silence de cette ville contrastait tellement avec sa vie Romaine. Elle aimait vraiment ce côté de Bowen, même si elle ne s'y sentait pas encore chez elle.

Le bruit d'une autre moto derrière elle attira son intention, faisant s'envoler ses idées un peu torturées. Il était le premier qu'elle croisait depuis son arrivée et elle ne pouvait s'empêcher de le suivre du regard.

Me vider la tête au guidon de ma belle italienne, c'est devenu une habitude. Après une course, qu'elle soit gagnée ou perdue, j'ai pris l'habitude de grimper sur ma Streetfighter et d’engranger les kilomètres. Cet après-midi, il n'y a pas eu de course. Mais je n'ai rien de prévu non plus et quand je me fais chier, je roule. Je découvre le pays. Je pars quelques fois plusieurs jours et je dors dans des hôtels. Cette fois-ci, j'ai juste besoin de m'aérer un peu. De pencher, frotter le genou, faire vibrer mon casque et faire gueuler la bécane. C'est un besoin que je comble parfaitement. Je suis dans ma bulle, je ne pense qu'à mes courbes. La route défile sous mes yeux. Je fixe la ligne séparatrice et je roule, comme un barjot. Quand j'arrive au bout de la baie, je m'apprête à enquiller sur la suite du bord de mer mais une vision me perturbe. Une moto que j'ai croisé il y a deux jours. Une bécane que je n'avais jamais vu ici. Une Hornet. Sauf que, cette fois-ci, je distingue le pilote. Elle a retiré son casque. Ses cheveux volent avec le vent. Sans le vouloir, elle me déconcentre. J'accélère mais ça n'a plus la même saveur. Une pause, pourquoi pas.

Je passe devant elle et je trace. Je vais faire demi-tour plus loin et je reviens sur mes traces. Je la vois, toujours à côté de sa moto. Je traverse la voie et je viens poser ma meule à côté de la sienne. Je coupe le contact, je retire le casque que j'enfile sur le rétroviseur droit de la moto. Un petit sourire plus tard, mon visage est déjà focalisé sur le sien. Je dois avouer que je préfère sa gueule que sa monture. « Ça t'dérange pas que j'fasse ma pause ici ? » L'air de dire, je viens te faire chier. Tu pouvais être tranquille mais j'en ai décidé autrement. Je lui pose la question par politesse. Si elle veut vraiment rester seule, libre à elle de me le dire. Je suis possessif mais pas non plus téméraire.

Gabriella regarda le motard passer une première fois devant elle, avant de faire demi tour et d'arrêter sa moto près d'elle. La pression qu'elle sentit dans sa poitrine était un mélange d'appréhension et de crainte. Habituellement, les gens qui l'approchait savait qui elle était - dans sa petite ville ce n'était pas compliqué - elle craignait soudainement que son père l'est facilement retrouvé et qu'il envoie une brute pour la ramener rapidement en Italie. Lorsqu'elle vit le visage du motard, elle se sentit presque soulagé. Il n'était pas un des hommes de mains de son père. Elle respira profondément, se sentant encore en sécurité.

Elle répondit franchement à son sourire et ne quitta son regard qu'après quelque secondes. « Ça t'dérange pas que j'fasse ma pause ici ? » Elle se concentra sur les paroles avec attention avant de secouer la tête pour lui répondre. La plage n'appartient qu'à elle et ça me fait du bien de pouvoir discuter une peu. Elle ôta ses gants pour tendre une main amical au motard qui lui faisait face.

Je suis Gabriella! Elle n'avait pas besoin de se présenter plus pour le moment. Son accent montrerait qu'elle était étrangère et les autres informations étaient pour le moment trop intime pour se dévoiler à un homme inconnu.

La pause était prévue mais pas ici. Je comptais m'arrêter un peu plus loin pour faire le plein et boire un café. Histoire d'être tranquille pour faire l'aller-retour. C'est le seul soucis de ma bécane. La taille du réservoir. Au-delà de deux cents kilomètres, la réserve s'allume et je n'ai pas une grosse autonomie. La demoiselle vient de changer la donne. Rouler en solo, c'est marrant. Parler et faire connaissance avec une charmante créature l'est encore plus. Une motarde, qui plus est. Qu'on le veuille ou non, les deux roues sont majoritairement conduits par des hommes. Je parle des motos, bien sûr. J'exclue les scooters, ces merdes qui font un bruit à la con et qui n'avancent pas. Plus j'avance et plus ses traits me plaisent. Je lui tends la main qu'elle serre après qu'elle m'ait donnée l'autorisation de rester ici. D'un côté, elle a pas tort. Si elle avait refusé, je serais resté quand même. Loin de moi l'idée de faire le connard mais cette plage appartient à personne. Je me serais contenté de la zieuter et de faire vrombir la bête afin de lui montrer ce qu'est un vrai roadster.

« T'es bien tombée. Il parait que j'parle trop. » lui répondis-je avec un petit sourire en lui lâchant la main. Je sens tout de suite à son accent qu'elle n'est pas du coin. Un anglais propre mais dépourvu d'intonation australienne. Son prénom confirme ce que je pense. Une italienne, certainement. « Chaz, enchanté. » Je m'approche de sa moto et je regarde un peu plus en détails. Elle a changé quelques pièces, notamment l'échappement qui n'a rien d'origine. « T'es nouvelle dans l'coin ? C'est la deuxième fois que j'te vois avec ta bestiole. » Concernant les motos, j'ai l’œil. Et même sans la voir, le simple bruit de son moteur m'aurait indiqué que je n'ai jamais croisé cette moto avec cette pilote. Je suis incollable, elle peut pas me mentir.