Je me lève et je te bouscule (Flynn)

Depuis que j’ai beaucoup trop abusé de l’alcool et que j’ai eu une aventure avec une pure inconnue un soir. Je fais en sorte de ne plus abuser sur le whisky, mais surtout, j’ai réalisé une chose qui me déprime au plus haut point. Je commence à fatiguer d’être haïe de tous, et je ne pouvais blâmer que moi-même. En dehors de mon métier qui n’est pas des mieux vu, mais qui rapporte beaucoup. Je n’ai jamais vraiment été des plus agréables en dehors de mon travail. Et cette diction que je connais si bien : on ne récolte que ce que l’on sème, me tombe dessus comme un revers de gifle en pleine figure. J’ai toujours récolté l’argent du fruit de mon travail en tant qu’un des meilleurs avocat criminalistes. Mais j’ai toujours rejeté toute possibilité d’avoir une quelconque relation amicale. Pourquoi ? Je n’en sais rien, j’ai toujours été hautain, prétentieux, désagréable, je me suis toujours vu supérieur à tout le monde. Mais maintenant, maintenant, je sais que j’avais tout faux, je n’ai que l’argent pour seul ami et je me sens terriblement seul. C’est vraiment de cette vie-là que mon père jugeait d’idéal pour moi ? Et dire que ma mère, c’est tuer à me dire que j’étais dans l’erreur et voilà que je commence enfin à me remettre en question quand elle est morte. Je suis pitoyable.

Une ordure.

Qu’est-ce que je mérite maintenant au juste hein ? Qu’est-ce que je suis censé faire ? Les retours en arrière n’existent pas et ironiquement, j’ai beau défendre des criminels, je suis incapable actuellement à me défendre moi-même. Par automatisme, je sors un verre de whisky et m’apprêtais à m’en servir un verre pour enfin de compte me figer. Ce n’était pas la solution, non, il ne fallait pas que je noie tout ça dans le l’alcool comme je l’ai toujours fait à présent. Je dois tenter autre chose, déjà commençons par sortir d’ici. Je pose mon verre, déterminé, prends ma veste ainsi que mon portefeuille et paquet de cigarettes et sort de chez moi. J’erre pensif quand un bateau attire mon attention. Les souvenirs me restant de cette nuit avec Zelda concernaient un navire, je voyageais sans vraiment voyager. Je me sentais si bien… Je veux retrouver cette sensation, ce bien-être… Je me dirige alors vers ce navire et constate plutôt avec joie que c’était un restaurant. J’y rentre pour prendre une table seule près d’une fenêtre afin de pouvoir admirer le paysage qui défilera lorsque le bateau partira.

La soirée passe, et j’ai rapidement mangé ma commande étant plus en quête d’évasion que de dégustation. Regardant le paysage défiler, je me commande enfin de compte un verre de whisky sans glaçon et décide de sortir une fois le verre reçu. J’alterne mon regard entre l’eau et le ciel et fini enfin de compte par laisser mon regard sur le paysage. Je ne pensais plus à rien, et ferme doucement les yeux me laissant bercés par le bruit des vagues et du moteur du bateau jusqu’à ce qu’une voie interrompe mon havre de paix. Surpris je réouvre les yeux et regarde perturber la responsable. Les faibles lueurs des lanternes du bateau ne m’ont pas permis de la reconnaître tout de suite. Je ne savais clairement pas ce qu’elle me voulait. C’est seulement quand elle déclare que je ne me souviens pas d’elle que je réussis enfin à savoir en quoi cette voie m’était si familière. Ma supposition se confirme lorsqu’elle recule pour partir révélant un peu mieux son visage et elle m’appelle de la même manière que mes clients m’appellent habituellement. Par réflexe, je me redresse et tente maladroitement de me défendre.

« C’est plutôt dur d’oublier une personne assez culottée pour tenter d’avoir les services d’un avocat criminaliste sans être un criminel et en plus de ça sans avoir les moyens de se l’offrir financièrement. Vous êtes la seule à m’avoir fait ce coup-là, et pourtant, j’en ai bien vu des cas. »

Je me tourne vers elle et tente de me remémorer son nom. C’était une histoire de divorce, d’alcoolémie et accident faisant perdre un bébé, je crois… Montar… Non, Monté… Mh non, non plus. Ah oui, c’est bon.

« Montgomery, je crois ? »

Je bois une gorgé de mon verre. Tout de même, quelle idée lui était passée par la tête de venir mon voir en espérant que je jouerais volontiers les bons samaritains ? Ça m’a marqué, car c’est la seule personne qui a pu voir la possibilité que j’étais un gentil monsieur qui allait accepter de l’aider. Habituellement, j’ai droit à des commentaires du style, monstre ou tu devrais avoir honte et parfois pire encore. Mais elle non, elle a décidé de demander mon aide et je me demande encore pourquoi aujourd’hui. Une question alors me brûle les lèvres.

« Si je peux me permettre de demander… Ce procès, c’est quand même bien passé pour vous malgré tout ? »

Je ne sais pas tellement si ça m’intéresse vraiment de le savoir, je tournais plutôt au tour du pot. Ce que je veux vraiment savoir, c’est la raison pour laquelle elle a décidé de m’adresser la parole malgré le fait que j’ai refusé de l’aider par le passé.

« Mais surtout… Pour quelle réelle raison êtes-vous venus m’adresser la parole ? Que je sache… Je ne dois pas être une agréable surprise pour vous… »

Je soupire et fini mon verre cul-sec et me réinstalle contre la barre sur bateau et murmure d’un air dépité.

« Comme pratiquement tous ceux qui me connaissent d’ailleurs… »

Je me cherche mon paquet de cigarettes dans le revers de ma veste pour m'en allumer une.

Ce genre d’interaction et comportement envers moi est une habitude. Au départ, je réussissais à me défaire de toute culpabilité en partant du principe qu’ils étaient tous jaloux que je réussisse aussi bien dans ma vie contrairement à eux. Mais maintenant que je considère mon quotidien comme triste est misérable, je n’arrive plus à avoir ce genre de penser en guise de consolation. Ça me faisait mal, et me confortait dans le triste fait que je finirais ma vie seul et triste. Et se sont ce genre de sentiment qui me pousse à la curiosité de si elle a réussi ou non avoir gain de cause grâce à sa persévérance que je n’ai pas. Et intérieurement, je culpabilise moins à savoir que ses efforts ont payé qu’elle a eu ce qu’elle voulait. Cependant, bientôt si ça continue, je n’oserais même plus sortir, même quand je retournerai en Amérique. Parce que ce n’est pas qu’à Bowen que je me prends ce reproche de défendre les criminels lors du tribunal. Alors que j’allumais ma cigarette dans la vaine tentative de passé outre à ses dires et paraître totalement insensible, une chose totalement inattendue ce produit. Un retournement de veste, des excuses sur son comportement. Ce n’est jamais arrivé autrefois, normalement, je n’inspire que haine et jamais de regret sur quelconque comportement qu’on a eu sur moi. Plus que surpris par les dires de la jeune Montgomery, j’en reste bouche bée et la regarde sans toucher sur le coup à ma cigarette pourtant allumé. Je n’en trouvais pas de mots, et je ne savais même pas quoi en penser. Je tire une bouffé de ma cigarette dans l’espoir que ça me mette les idées plus claires. Comme si ça ne suffisait pas, elle ne s’en tient pas à de simples excuses orales expliquant ce qui l’avait sentimentalement poussé à agir de cette manière envers moi. Non, elle tente de se faire pardonner en m’offrant un verre exprimant sa honte d’une manière non seulement exagérée, mais aussi un peu beaucoup culpabilisateur en cas de refus. Un peu comme notre rencontre d’ailleurs. Mais je me suis plus concentré sur le fait que je serais selon elle, possiblement accompagner.

« S’il y a bien une chose que je ne suis pas souvent, c’est être accompagné un soir en dehors de mon travail. »

Je tire encore un peu sur ma cigarette et crache la fumée derrière moi histoire de ne pas enfumer mon interlocutrice. Et sans trop le contrôler, je lâche un soupir de lassitude sur l’éventualité que je viens de lui énoncer. Je regrette amèrement cette époque où la solitude ne me dérangeait aucunement.

« Et c’est plutôt difficile de refuser votre invitation, je me vois mal vous laisser en compagnie de cette personne qu’est la honte. Surtout pour si peu, elle aura cette salle manie de vous ronger jusqu’à la moelle et de ne plus vous lâcher, une vraie possessive. »

J’essaye désespérément de m’en débarrasser depuis plusieurs mois déjà, plus d’une année même. J’ai refusé de l’aider pour sa cause, donc si je peux me racheter ne serait-ce qu’un petit peu et lui épargnant d’avoir honte pour un simple sarcasme... Autant le faire.

« Puis bon… Si ça peut vous rassurer, votre comportement était très respectueux comparé aux autres réflexions que je reçois, bien plus virulent que la vôtre. »

Je me prends une autre bouffé de la cigarette, soudainement plongée dans mes pensées. Quand j’y repense… Ce genre de réflexion que je reçois donnait carrément la sensation qu’on me voit pour un meurtrier, comme si c’était moi qui avais commis le délit et non mes clients. Toujours dans mes pensées et fixant l’eau que le navire fait bouger, je termine alors.

« Je termine ma cigarette et je suis à vous… Si jamais vous voulez commander en attendant, ce sera un whiskey pour moi. »

Toujours appuyé contre la paroi du bateau, je tapote sur ma cigarette déjà bientôt terminé et inspire un grand coup dans l’espoir d’y chasser toutes mes mauvaises pensées.

Ma morosité m'empêche de réaliser pleinement que cette jeune femme veut enfin de compter passer du temps avec moi. Pourquoi ? Elle seule pourra le savoir. Je réalise doucement et sûrement seulement quand je vois qu'elle continue à m'adresser la parole sans agressivité. Ce n'est clairement pas dans mes habitudes, surtout par le fait que j'ai de base, refusé de l'aider par le passé. De plus, j'aurais très bien pu lui donner des bâtons dans les roues en bossant pour son ex s'il en avait les moyens. Aucun remord, aucune honte, enfin... Pour la honte, je commence à la sentir sur mes épaules depuis plusieurs mois déjà... Un petit rire s'échappe de ma bouche lorsqu'elle dit que l'alcool fait que la honte nous laisse tranquille. Si elle savait... J'applique moi-même cette méthode depuis la mort de ma mère et la disparition de Bessie. Mais savoir qu'elle aussi tente d'étouffer une honte par l'alcool me pousse à vouloir la connaître. Nous avons tout les deux un point commun pas glorieux et inconsciemment alors que nous nous sommes à peine adressé la parole, les simples évocations de honte respective me fait sentir plus proche d'elle. Sentiment que je préfère laisser de côté pour le moment, c'est très certainement cette gentillesse inhabituelle qui me rend comme ça. Et elle serait comme ça avec tout le monde, donc inutile de se faire des idées.

« Si seulement plus de personnes pouvaient penser comme vous... »

Un rire nerveux s'échappe de nouveau de mes lèvres. Je regarde la table qu'elle désigne et me contente d'un haussement de tête pour la laisser partir après lui avoir dit ce que je comptais prendre. Je n'avais pas réellement compris quand elle a demandé si j'avais besoin d'autre chose. Nous avons tout les deux un point commun pas glorieux et inconsciemment alors que nous nous sommes à peine adressé la parole, les simples évocations de honte respective me fait sentir plus proche d'elle. Oui, m'imaginer qu'une inconnue veuille m'aider est fortement improbable pour moi. Et je me vois mal m'ouvrir ou me confier à quelqu'un que je rencontre à peine.

« Une simple compagnie avec une bonne boisson, c'est déjà beaucoup, merci. »

Une fois de nouveau seul, j'alterne mon regard entre l'eau et ma cigarette encore pensif. Une fois la cigarette terminée, j'inspire un grand coup espérant que d'avoir de la compagnie ne sera pas une mauvaise idée et que tout se passera pour le mieux. Je n'avais pas besoin de plus d'embrouilles, juste passé un bon moment, au moins une soirée normal pas insultante ou bourré d'insulte. Je m'avance donc vers sa table une fois la cigarette finie, m’assoit en face d'elle et saisit le verre pour l'avancer vers elle pour trinquer.

« A votre réussite, mademoiselle Montgomery. »

Car je reste tout de même admiratif que malgré sa situation, elle a réussi à obtenir ce qu'elle voulait. Une femme forte et qui sait ce qu'elle veut et est prête à tout quand on voit qu'elle voulait le meilleur des avocats sans en avoir les moyens et en plus de ça qui n'est pas dans ce domaine. Une fois le toast donné, je ne savais plus vraiment quoi dire de plus... Mais je me voyais mal laisser installer le silence après avoir bu une gorgée. Lui faire parler d'elle tient, histoire d’éviter de parler de moi.

« Comment cela ce fait-il qu'une personne comme vous soit seul un soir dans un restaurant comme celui-ci ? »

Basique, mais généralement efficace. Et si elle me retourne la question, je sais que ça ne me dérangera pas d'y répondre.