said i'm fine, said i moved on (effy)

Levi ignorait peut-être l’origine de ses maux, mais il pouvait les ressentir dans chaque cellule de son corps, de son cœur percuté par cette peine qui se déversait sur le visage de celle qu’il avait tant aimé. S’il l’avait pu, il aurait balayé ce nuage noir d’un revers de la main, l’aurait emmené loin des orages menaçants pour faire taire les tremblements de son corps. Parce-qu’il n’avait jamais supporté de voir Effy crouler sous ses tourments, Levi se rappelant de cette promesse qu’il s’était faite des années plus tôt, celle de les tenir autant que possible à distance de la brune. Même si c’était éphémère, même si c’était utopique. Ses bras autour de son corps se voulaient être la garantie qu’elle n’était pas seule, pas ce soir, qu’aussi inconscient que ça paraissait, elle l’avait lui. Parce-que même si son contact ravivait cette nostalgie qui bousculait son être dans tous les sens, Levi, il avait décidé de refuser l’idée de la laisser seule face à ses démons, seule face à elle-même ce soir. Il en était tout simplement incapable. Pourtant, il percevait aisément dans cette éteinte que le point de rupture avait été atteint et qu’Effy avait tenté de retarder son échéance et ce, jusqu’au dernier instant. Et la question n’était certainement pas de savoir le pourquoi du comment de ce flot d’émotions qui suintait de son cœur, mais de lui montrer qu’il était l’épaule sur laquelle elle pouvait se reposer ce soir, qu’il était prêt à prendre la relève de ce poids que ses épaules semblaient porter depuis trop longtemps, qu’importent les conséquences qui en découleraient. Un relai sur sa peine, un laissez-passer de ces émotions qui avaient visiblement trop longtemps été court-circuitées avant d’exploser, c’était ce qu’il tentait d’être pour elle. Dans la délicatesse de ses gestes, Levi avait réduit la distance entre leurs visages, accrochant son regard avec une tendresse qu’il pensait avoir perdu depuis que leurs chemins s’étaient séparés. Au fond de lui, il avait compris que c’était instinctif, qu’il ne saurait jamais jouer l’indifférence face à cette femme qui avait chamboulé son existence, à bien des égards. Il était lui-même, au sommet de sa vulnérabilité alors qu’une seule de ses larmes agissait comme une lame aiguisée triturant son palpitant. Evidemment qu’il aurait aimé lui dire que tout irait bien, mais Levi, il était encore suffisamment conscient pour comprendre que son mal était bien plus profond, bien plus intense, et qu’à lui seul, il n’aurait sans doute pas la capacité de l’apaiser. Alors, dans l’écho de ses sanglots qui lui brisaient le cœur, il releva lentement son visage à hauteur du sien pour faire glisser ses lèvres sur son front, dans un baiser qui se voulait aussi doux que la caresse d’une plume. « Laisse-toi aller… » Murmura-t-il enfin, ses paumes quittant son visage pour la ramener contre lui à nouveau, dans son étreinte chaude et protectrice qu’il lui offrait ce soir, comme un refuge à ses peurs les plus sombres.

Elle se détestait de tout lâcher, de perdre pied ainsi. Déjà, parce qu'elle ne le faisait jamais. Ensuite, parce que la dernière personne qui méritait de se prendre les vagues écrasantes de sa douleur, c'était Levi. Mais comme toujours, même des années plus tard, il réveillait des choses en elle, foutait le bordel dans son esprit sans même le vouloir, ce qu'elle faisait réciproquement, et parvenait d'une façon ou d'une autre à faire ressortir tout ce qu'elle enfouissait au plus profond d'elle-même. Alors elle se retrouvait là, à pleurer dans ses bras et contre sa peau, avec l'impression qu'elle ne pourrait jamais s'arrêter. Avec l'impression que jamais cette souffrance ne cesserait. C'était faux, bien sûr. Effy s'était relevée de toutes sortes de choses bien malgré elle, la grande majorité due à elle-même. Elle aurait juste voulu rester à terre et ne rien devoir à ce monde perdu et insensé, mais il fallait croire que le sol préférait la renvoyer d'où elle venait. Les sanglots déchirants ne semblaient pas vouloir quitter sa poitrine, elle restait cachée dans les bras du garçon, les larmes creusant des fleuves sur ses joues délicates alors que chaque geste et chaque mot de son sauveur la touchait au plus profond de son âme, venant enflammer les cicatrices qui y étaient encore, bien que passées par le temps. Un baiser sur son front, sa voix douce et un peu rauque d'émotion, toutes ces choses qui venaient jouer avec des souvenirs patinés par les années. Cela lui parut être une éternité, mais Effy finit par se calmer. Alors que son souffle retrouvait un semblant de régularité, elle resta couvée dans les bras de Levi, réfugiée contre son torse, comme une enfant qui a peur de faire face au monde extérieur et se cache du reste du monde dans des bras sécurisants. Elle finit néanmoins par s'en détacher, de quelques centimètres seulement, incapable de lâcher les bras rassurants de l'Anglais. « I'm so sorry. » murmura-t-elle, forçant sa voix faible à prendre un peu plus d'aplomb. C'était stupide de s'excuser, mais c'était la seule chose qu'elle était capable de dire. Parce qu'elle n'était pas capable de lui parler de quoi que ce soit d'autre. Son cœur lacéré d'émotions envahissantes et ingérables, elle était mentalement incapable de lui expliquer toute l'étendue de ses tourments. De justifier cet étalage de tristesse. C'était trop pour ce soir. Ce soir, elle voulait juste être avec lui, qui agissait comme un répulsif à ses démons et la ramenait vers des souvenirs de jours plus heureux.

Il aurait aimé l’alléger de ce poids qui lui faisait courber l’échine, le seul son de ses sanglots parvenant encore à l’anéantir, même des années plus tard. Il avait cette boule qui grandissait dans sa gorge, cette peine qui faisait écho à la sienne alors qu’il ignorait les raisons pour lesquelles Effy s’était effondrée ce soir. Il n’avait pas le droit de faiblir. Pas ce soir, pas devant elle. Elle avait besoin qu’il soit fort, pour elle, pour eux, c’était ce qu’il s’était mis en tête alors qu’il l’étreignait contre lui, sans vaciller, la serrant comme si sa vie en dépendait. Le contact de sa peau contre la sienne le bouleversait, le propulsait dans un passé qu’il s’était efforcé d’oublier pour son propre bien, et pourtant, il ne cillait pas, décidé à l’étreindre jusqu’au bout de la nuit s’il le fallait, si c’était le seul moyen d’apaiser ses tourments. Parce-que c’était elle, que l’amour qu’il lui avait porté était toujours présent, sûrement mal placé car trop longtemps enfoui pour ne pas réveiller les douleurs du passé. Levi, il lui donnait le temps dont elle avait besoin, comme il le lui avait promis quelques minutes plus tôt, prêt à affronter la nuit avec elle, partiellement ou entièrement si elle le désirait. Effy était au centre de ses attentions, comme elle l’avait été pendant un bon moment de sa vie, la protégeant dans l’étau de ses bras qui ce soir, n’étaient voués qu’à elle, qu’à faire barrage aux orages qui menaçaient de s’abattre sur son corps. Il avait laissé échapper quelques gestes empreints cette douceur instinctive, dont il avait toujours fait preuve avec elle, comme si son naturel ne s’était jamais totalement envolé. « Ne le sois pas. » Répondit-il, en secouant légèrement la tête, balayant ses excuses qui n’avaient pas lieu d’être à ses yeux, conscient qu’elle avait fait son possible pour retenir l’afflux de ses émotions. Il rattrapa son regard dans la pénombre de la nuit, laissant un faible sourire étirer ses lèvres alors que ses doigts caressèrent ses joues pour effacer le passage de sa peine. Levi, il n’avait pas besoin de mots pour lui signifier qu’il était là et qu’il n’avait pas l’intention de la confier à ses démons. Pas ce soir. « Tu veux qu’on reste dehors…? J’peux te ramener si tu préfères ou… tu peux venir à l’appart’. » Lâcha-t-il, sans prendre conscience de la portée de sa proposition, lui qui n’avait à présent qu’en tête cette volonté de la suivre pour tenter, par ses propres moyens, d’éloigner Effy de ses tempêtes émotionnelles.

Alors qu'elle reprenait ses émotions devenues ingérables et totalement destructrices en main, son regard osa enfin croiser celui de Levi. Semi-bonne idée, parce qu'elle se sentait à nouveau emmenée vers un torrent de souvenirs et de sentiments qui martelaient sa poitrine jusqu'à lui donner la sensation de se craqueler, de s'étouffer sur elle-même. Et pourtant elle ne pouvait s'empêcher de les inspirer à plein poumons, ces sentiments. Elle ne pouvait s'empêcher de se perdre dans le ciel de ses iris, partageant sa peine mais voilés d'une douce patience, d'une tendresse aussi turbulente qu'apaisante. Et si Effy ne savait que faire de tout ça, elle savait qu'elle voulait poursuivre ce moment avec lui. En espérant que cette nuit ne finisse pas. C'était beau d'y croire, de se bercer d'illusions clémentes. Elle pouvait lire en lui toute la peine qu'il avait absorbée, celle dont elle l'avait inondé sans le vouloir, mais sans pouvoir la lui cacher. Il lui sommait de ne pas s'excuser, ce qui arracha un sourire feutré, parce qu'elle savait déjà que telle serait sa réplique. Même après tant d'années séparées, Levi était toujours là pour éponger toutes ses émotions, toutes celles qu'il lisait en elle et qu'il tirait à l'air libre sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit. Il était là pour apaiser les battements de son cœur autant que les enrager, rien que par sa présence à ses côtés. Et si la jeune Anglaise n'était pas certaine d'y survivre, elle savait que ce soir en tout cas, elle acceptait de s'y oublier. Les doigts aériens du brun sur sa joue, Effy chassa les derniers nuages orageux de ses yeux pour se laisser aller à ce réconfort, que seul lui savait amener de cette façon. De par ce qu'ils avaient vécu ensemble, il y aurait toujours cet apaisement particulier qui pouvait réchauffer son âme un temps, juste parce que c'était lui. Son pouls tressaillit quand Levi poursuivit en lui demandant ce qu'elle préférait faire, proposant de la ramener, chez elle ou chez lui. Ça la ramenait à nouveau quelques vies en arrière, l'expérience avait déjà entendu cette question résonner et en connaissait le résultat. Et si Eff' aurait voulu se laisser tenter par un cataclysme bienvenu qui balayerait toutes ses pensées, elle avait la lucidité de comprendre que c'était trop risqué. Qu'au fond, ce n'était pas ça qu'elle voulait, pas ça qui la guérirait. Elle aurait probablement dit oui à quelqu'un d'autre. Mais Levi n'était personne d'autre. Unique à ses yeux et à son cœur, elle ne voulait pas lancer un nouveau jeu dangereux entre eux et prendre le risque d'éclater sa seule bulle d'oxygène du moment. Pas plus qu'elle ne souhaitait l'utiliser, comme pansement bancal et remplaçable. Il était tout sauf ça. Non, elle voulait qu'ils s'accompagnent dans leurs démons, qu'ils se complaisent dans la noirceur de la nuit, telles deux étoiles sur la fin, comme ils l'avaient fait maintes fois. « On peut continuer à se perdre dehors. Peut-être que si on y croit fort, le soleil se lèvera pas. » sourit la brune, comme une entente tacite alors que son regard encore un peu humide se parait d'une étincelle rassurée. Elle noua à nouveau ses doigts à ceux de Levi, tranquillisée par la tangibilité de sa présence à ses côtés, alors qu'ils repartaient à l'assaut de la nuit.

End.