aura's phone

Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Je crois que j'avais envie de te faire réagir, d'avoir autre chose que des mots bateaux comme ceux qu'on a échangé ces dernières semaines. Ça me semblait presque plus facile que de venir te parler tout simplement. Je suis désolé. Il s'arrête quelques secondes. Pourtant, on sait que ça nous affecte l'un et l'autre, mais malgré ça,  on continue à le faire. Et cela le dépite. J'espère que le therapeute pourra nous conseiller sur tout ça.

Oui, je vois parfaitement ce que tu veux dire. Aller au front, ça leur avait au moins permis de montrer l'un à l'autre qu'ils existaient, d'établir un contact même si cela n'avait pas été fait de la bonne manière. Mais ce n'était pas viable. Chaque provocation, chaque mot mal placé faisaient mal. Et cela affectait aussi leur fils. Mon bébé... souffle Livio, son coeur de papa parlant pour lui. On sait se remettre en question, Aura. ça ne sera pas toujours tout rose, on se prendra la tête, mais je sais que l'on fera tout pour ne pas que ça affecte nos enfants. Nos enfants. La dernière phrase d'Aura lui brise le coeur. Tu sais, je la vois toujours, notre famille nombreuse. Je sais qu'on va y arriver, qu'on va se relever en tant que couple et qu'on aura d'autres beaux bébés. Il sait la pression qu'elle se met, les questionnements qu'il y a pu avoir sur le pourquoi cela ne fonctionnait pas, à se demander s'il y avait un problème. Si jusqu'à présent, Livio évitait le sujet, il finit enfin par assurer sa présence auprès d'elle en disant Et si là aussi, on a besoin d'aide, alors on ira taper aux bonnes portes.

Elle la voit toujours, leur famille. Livio sent un poids en moins en entendant cette phrase. Mais très vite, Aura fait part de son incompréhension. Il est vrai que pour Leandro, un seul petit oubli de préservatif avait mis en route la machine à bébé. Pourquoi n'y arrivent-ils pas, là, maintenant alors qu'ils mettent toutes leurs chances de leur côté ? Le corps humain est une machine parfois difficile à comprendre. Il réfléchit quelques secondes avant de reprendre. Peut-être que psychologiquement,  on n'était pas vraiment dedans... ou peut-être qu'on l'était un peu trop. À trop parler de ces essais bébé, à se dire que ça allait arriver de suite, à mettre la barre trop haute. Peut-être qu'on a voulu faire les choses trop vite...

Il sent qu'elle n'est pas convaincue par ses mots, mais clairement, il n'a pas la force d'en ajouter davantage, de prendre le risque de refaire une étincelle qui rallumerait le brasier. Encore moins par téléphone où chaque phrase, chaque mot - privé de tout langage corporel - pouvait être mal perçu. Mais quand elle souffle qu'ils arriveront, Livio répond aussitôt : Bien sûr que oui, on y arrivera. C'est même certain. Quand elle lui demande s'il est en route, il confirme : Oui, je suis dans la voiture. J'arrive dans cinq minutes.

Un sourire prend place sur ses lèvres alors qu'il repond à son tour Je t'aime aussi. À tout de suite. Il raccroche et démarre la voiture, impatient de la retrouver.