« on the road » Sian

J'arrivais à voir la souffrance dans ses yeux, et comme lui, j'essayais de l'ignorer, de détourner son attention, de le faire oublier. Quoi de mieux que d'aborder un terrain neutre ? Un sujet qu'il maîtrise sur le bout des doigts, incapable de l'énerver. « Le champ libre ? Carrément ? » demandait-il, surpris, prit au vif. Je secouais la tête de haut en bas en souriant. « Tu me connais bien, non ? » disais-je en pensant à ces soirées qu'on a passé ensemble, à parler, rigoler, débattre, il était un ami, un soutien et ça me faisait mal de le voir se détruire. Il semblait choqué. « Tu me fais confiance à ce point-là ? ». Mon sourire était en coin, et je le regardais, exaspérée. « Ouais, même si tu en doutes. » me contentais-je de répondre. Et pour détendre l'atmosphère, je me reculais d'un pas, levant les bras de part et d'autre de mon corps. « Champ libre sur tout, même sur l'endroit. Je serais une page vierge pour ton art. » plaisantais-je.

Le voyant s'allumer une clope, je décidais de l'imiter. Sortant un paquet de tabac, des feuilles de ma poche arrière, je m'activais et en même temps, je le contemplais. Il était mal, je le savais, et je ne pouvais m'empêcher de frissonner à ces pensées. Quand comprendra-t-il enfin que des gens peuvent tenir à lui ? Je secouais la tête, chassant ses idées, non ce n'était plus le moment, je lui avais causé encore plus de douleur en cherchant à comprendre. « J'adore dépuceler les filles, c'est cool, merci ! ». Je me marrais, et je passais mes bras autour de sa taille alors qu'il m'embrassait le front. Ma clope improvisée terminée, je m'écartais un peu de lui pour l'allumer. J'étais silencieuse, légèrement souriante mais d'un coup il piquait ma curiosité. Il me dévisageait de haut en bas, et je me dandinais pour essayer de lire dans ses pensées. « J'ai tellement envie de savoir ! Dis moi . . » le suppliais-je du regard. Il allait maintenant falloir se trouver un créneaux pour réaliser cette oeuvre.

Je n'avais pas de préférence entre les roulées et les clopes classiques, je fumais point. J'observais son regard et une fois de plus je le reconnais. Bien sûr, j'pouvais pas m'empêcher de sourire. Il fallait reconnaître que c'était plutôt flatteur de se sentir désirer mais bizarrement, et aussi beau soit-il, je n'éprouvais pas la même chose pour Swann. Il était un pote, un ami, un frère. J'avais toujours eu tendance à m'entendre beaucoup mieux avec les mecs et ça me faisait marrer de voir qu'il fallait toujours qu'ils tentent leur chance, comme si avant d'être pote avec une fille fallait qu'ils vérifient si ça ne pouvait pas être une maîtresse de plus. « Vas falloir supplier mieux que ça pour me soutirer des informations... » Je pouffais de rire, après tout, c'était peut-être à mon tour de m'amuser. Je faisais à nouveau un pas vers lui en me mordant la lèvre inférieure, le regard plein de sous-entendus. Mon visage était proche du sien, si proche que je sentais son souffle. Puis j'approchais mes lèvres de son oreille. « Sérieux, tu t'attendais à quoi là ? » murmurais-je en lui donnant une tape dans l'épaule.

Je n'avais jamais été ce genre de fille à faire toute une comédie parce qu'elle refusait de coucher avec ses amis. L'amitié entre Swann et moi n'était pas la seule raison, j'étais parfois fortement attirée par mes amis et à une certaine époque, nous pouvions coucher ensemble. Mais Swann, c'était autre chose, je n'éprouvais pas de désir physique pour lui et je ne me l'expliquais pas, il était beau, craquant, et puis il avait ce côté torturé, amoché, et pourtant non, je savais que j'aurais l'impression d'embrasser un membre de ma famille. Beurk. Ma petite blague le faisait rire, et putain qu'est ce que ça faisait du bien de le voir dans cet état. D'ailleurs, je ne touchais plus la terre, et moi aussi j'étais prise d'une crise de fou rire. Je ne savais pas si c'était son épaule ou ma crise de rire qui me faisait mal au ventre mais qu'importe, je m'amusais. J'avais même l'impression de retomber en enfance. Je tentais de me débattre en lui donnant des coups dans le dos. La tête en bas, mes joues prenaient une teinte rosée, virant peu à peu au cramoisie. Entre deux rire, j'articulais. « Reposes moi, ou j'risque de faire un malaise à cause du sang dans mon crâne et tu seras obliger d'appeler les pompiers. » Sans trop y réfléchir, je faisais référence à Mathys, mon ex, ou le mec qui me sauve tout le temps quand je me mets dans des états pas possible.

Et voilà, il avait gagné, malgré sa tentative loupée de me poser en douceur sur le sol, on s'étalait sur le macadam pour la deuxième fois de la soirée. J'avais mal au ventre, mais qu'est ce que c'était bon de rire, enfin et de bon coeur. Swann, il doit être un peu comme moi, du genre bipolaire, pouvant passer par toutes les émotions en quelques minutes. Il me balance que j'suis lourde, et moi, j'suis toujours affalée au sol, je prend cet air un peu choquée, énervée. Et là, j'soulève mon tee-shirt, révélant mon ventre sculpté, mon éternel maillot de bain. « J'te met au défi de trouver un centimètre de graisse ici ! ». J'me sens bien en sa compagnie, on s'amuse, on fait les fous, et on pense après. « J'crois que j't'aime bien en fait. » Je stoppais net mes rires, j'étais profondément touchée, jamais il ne m'avait fait une telle révélation. C'était trop. Je bondissais dans ses bras, le poussant à se rallonger au sol avec moi, et je lui faisais un câlin. « Tu vois que tu peux être miiignooon. » balançais-je avec une petite voix mielleuse. J'avais envie de le protéger, de ne jamais le lâcher, mon écorché vif de copain.

Non, je sais que je ne suis pas comme la plupart des autres filles, lorsqu'elles s'attardent dans les boutiques, je cours, je surfe, je skate, la vérité, c'est que je n'arrête jamais. Au moins grâce à tout ça, j'ai su acquérir un corps athlétique en parfait santé. Je lui pince le ventre avec mes petits doigts, pour l'embêter, pour vérifier aussi. Et il a raison, il est mince, élancé, mais son corps n'est pas celui d'un grand sportif. « J'vais te prendre en entrainement avec moi, tu verras, ça changera. » Bien sûr, je rigole, je sais très bien que je n'arriverais pas à me concentrer avec quelqu'un qui me suit nuit et jour. C'est d'ailleurs peut-être pour cette raison que j'arrive pas à garder un mec, j'aime trop mon indépendance. Je suis sur lui, encore, toujours, sans aucune ambiguïté. Je lui fais un câlin, mon menton est posé sur son torse et je le regarde, toujours avec ce stupide sourire, surtout lorsqu'il me fait une énième avance. Je le regarde, pensive, interloquée. Et puis machinalement, peut-être dans un geste idiot, j'attrape le col de son haut pour l'attirer à moi, le tout dans une certaine violence. Mes lèvres viennent se plaquer au siennes pendant de longues secondes, ma langue joue, titille la sienne puis s'en échappe. Je reprend mon souffle. « Voilà qui devrait calmer tes ardeurs pendant quelques temps. » disais-je en lâchant son tee-shirt que j'avais sûrement déformé.

« Nan j'ai peur de l'eau en fait ! » A cette réplique, tu pouffais de rire, il était capable d'inventer n'importe quoi pour éviter que tu le traînes un jour avec toi sur une planche. Avec lui, il allait falloir que tu te contentes de faire du skate, c'était déjà pas mal. Comme tu t'en doutais, il te rendait ton baiser, et finalement, ce n'était pas aussi répugnant que tu l'avais imaginé. C'était même . . agréable. Ton regard portait en lui les lueurs d'une éventuelle possibilité, qui sait, peut-être qu'un jour tu finiras par craquer. « Ouais jusqu'à ce qu'on couche ensemble ! » Il n'est jamais rassasié, encore et toujours plus. Tu levais les yeux au ciel, et puis son rire t'aspira dans cette tournure. Tu rigolais, toujours installée sur lui, maintenant à califourchon. Tes doigts glissaient sur son torse, suivaient les lignes de son corps. « Si j'couchais avec toi, j'aurais l'impression de me taper toutes les meufs de Bowen ! ». Puis taquine, tu lui pinçais le ventre. Tu connaissais sa réputation de dragueur.

« Ce serait pas qu'une impression ! » Bien sûr que non, ce n'était pas une simple rumeur, monsieur Hodgson est un vrai dragueur et tu en viens même à penser que ce serait plus simple de compter les filles avec qu'il n'a rien fait que celles qui se sont jetées dans son lit. Pauvres petites choses insouciantes. Oh non Sian, tu ne peux pas les juger, tu aimes trop les plaisirs de la vie pour avoir quelque chose à dire à ce sujet. Tu riais à sa remarque. C'est vrai que tu passes plus de temps dans l'eau que sur terre. « Tu sais ce qu'on dit des sirènes, n'est ce pas ? » Arquant un sourcil, tu fais bien sûr référence au mythe qui les entourent, ces créatures attirantes et séductrices. Tu secoues la tête, faisant toujours promener tes doigts. Et puis, il se redresse, grimaçant de douleur, ayant certainement oublié sa main. Tu soupires. « C'est ça de vouloir jouer les gros durs ! » Mais cette fois, tu disais ça pour rigoler, t'avais pas envie de te le remettre à dos. « Il va falloir que tu soignes cette main si tu veux pouvoir me tatouer ton super projet, d'ailleurs tu pourrais me dire ce que c'est aussi. » Tu tentais de prendre ton sourire le plus angélique, sachant pertinemment que de toute façon, ça ne marcherait pas.