Nuit nocturne... Ou pas [PV]

La vision altérée de notre relation qu'avait ma sœur me dérangeait. Je ressentais de la colère pure et simple envers elle à ce moment-là, et je n'aimais pas du tout ce sentiment à l'égard de ma sœur, mais en même temps elle ne me laissait pas vraiment le choix. Elle semblait chercher à me mettre hors de moi, répondant des trucs vraiment insensés et faux. Je levai les bras en l'air, en signe de désespoir, quand elle dit qu'on ne se voyait pas tout le temps comme des vrais frères et sœurs. « On n'habite plus chez papa et maman, on ne peut plus être vingt-quatre heures sur vingt-quatre ensemble ou presque comme avant. Ça me fera plaisir de te voir plus souvent, Amé, mais t'as ton boulot, j'ai le mien, et nos horaires ne sont visiblement pas les mêmes ... » Ajoutais-je. Amélia ne semblait pas comprendre que nous étions passés à l'âge adulte, que nous avions des responsabilités et des vies à mener. J'adorerais aller prendre un verre ou sortir avec elle plus souvent, mais on ne pouvait pas se voir tout le temps comme elle le disait. Ça ne faisait aucun sens de m'en vouloir pour ça. Je ne répondis rien au fait qu'elle fumait souvent au travail, car à mes oreilles cela sonnait comme si son travail était une énorme source de stress qu'elle ne pouvait gérer que par la cigarette. Je doutais qu'elle veuille m'entendre lui rappeler cela en ce moment. Alors je la questionnai plutôt sur sa consommation de drogues, afin d'éclaircir le mystère de ce qui se passait, là. Sa réponse me rassura, quand même. « Tant mieux. J'préférais vérifier, on sait jamais, c'aurait pu expliquer certaines de mes interrogations ... » Avouais-je à ma sœur.

Ma tête recula par surprise, mes sourcils se haussant. J'arborais ce visage de stupéfaction beaucoup trop souvent, ce soir. Décidément, Amélia avait un grand besoin de me déstabiliser ou de me faire sentir comme de la merde. Et c'était réussi. Je ne savais pas ce qu'il lui prenait, mais ce serait difficile à pardonner. Plus elle allait loin, plus je me détachais de la situation, malgré la colère qui augmentait. Je ne faisais que répliquer pour répliquer. J'en avais marre de ce qu'elle me balançait cruellement à la figure. « Ah bah merci, c'est gentil ça. » Répondis-je avec sarcasme quand elle me dit qu'elle ne me supportait plus. Maintenant, peu importe ce que j'ajoutais, Amélia ne m'écoutait plus. D'ailleurs, elle m'arrêta sec en me disant qu'elle me laissait pour aller s'occuper de sa demande privée. « C'est ça, va-t-en, on se reparlera quand tu seras calmée. » Parce que visiblement, ma soeur n'était pas dans son état normal, là. C'était peut-être un moyen de défense face à la situation. Je n'en savais rien. Dans tous les cas, je lui en voulais énormément pour tout ce qui venait de se dire. C'était à en croire qu'Amélia n'en avait rien à foutre de moi et de ce que je pouvais ressentir, alors que j'y allais avec des pincettes et inquiétude envers elle. J'étais toujours assis sur la chaise, la tête entre mes mains, quand j'entendis Amélia crier à quelqu'un de la lâcher. Sans plus réfléchir, je me levai d'un bond et me dirigeai vers le couloir. J'ouvris toutes les portes sur mon passage, interrompant des séances privées peu respectueuses de la femme, pour finalement tomber sur celle de ma soeur. Ce fut horrifié que je découvris un de mes meilleurs potes, retenant ma soeur contre lui. Je m'approchai d'eux, pris Amélia par les épaules et l'enlevai de là d'un coup sec mais sans lui faire mal, et je ne lâchai jamais le regard de mon ami. « Ne touche pas à ma soeur, sale pervers dégueulasse !! » Lui criais-je, avant de lui asséner un coup de poing en plein visage. Mon ami ne tarda pas à riposter, m'envoyant son poing en pleine tronche également. Il sentait l'alcool à plein nez. Je reculai, tenant mon nez entre mes mains ; je saignais. Je me remis droit debout, et pointai mon ami du doigt. « Va chier, Alan. T'es qu'une pourriture. » Oh, comment une soirée supposée être si drôle et ludique avait rapidement tourné au vinaigre pour moi.

Ma soeur, visiblement jamais capable de ne pas y mettre son grain de sel, alla à son tour frapper mon ami. Enfin, ami, je ne sais plus s'il s'agissait du terme adéquat dans cette situation. Probablement n'allais-je plus jamais lui adresser la parole, peu importe l'excuse qu'il me donnait. C'est à ce moment-là, sans doute alarmé par tout le vacarme, que le patron de ma soeur entra dans la petite pièce privée et vira Amélia, sans même chercher à connaître le fond de la situation. Je n'eus même pas le temps de comprendre ce qui venait de passer entre Allan, le patron et Amélia que celle-ci m'attrapa par la main pour me sortir de cette boîte de striptease. Il faut dire que j'étais encore un peu sonné par ce coup sur le nez et que je n'arrivais plus trop à y voir clair, alors je me laissai entraîner sans chercher à comprendre ce qui venait de se produire. Le vent de l'extérieur me rafraîchit les idées, et malgré la douleur, j'arrivai à ouvrir les yeux et voir ma soeur plantée devant moi, l'air plutôt inquiète. Elle déclara que nous allions à l'hôpital. Je secouai faiblement la tête. « Non. Pas besoin. Ça saigne juste un peu. J'ai juste besoin de nettoyer tout ça. » Déclarais-je, surtout pour me convaincre moi-même. Je touchai légèrement mon nez, comme pour nous prouver à tous les deux que ça ne faisait pas plus mal que ça, mais au premier contact avec l'os de mon nez, je me tordis de douleur. « Putain de merde !! Fuck !! Aïe ... Ok ... ok ... on va à l'hôpital. » Nul doute là-dessus, je venais de me faire casser le nez pour la première fois dans une bataille.

Je montai dans la voiture de ma soeur, de toute façon je n'avais pas la mienne puisque j'étais venu avec des amis. Ça faisait même mon affaire d'avoir quelqu'un pour me ramener, parce qu'il n'était pas question que j'attende cette bande d'ivrognes à l'intérieur pour revenir avec eux. Je serais revenu chez moi à pieds et, avouons-le, il s'agissait d'une assez longue marche. Ma soeur me demanda si ça allait, fumant sa cigarette. « Ça s'endure ... par contre Amélia, sérieux, j'ai déjà assez de mal à respirer comme ça, tu pourrais pas faire une trêve de cigarettes pour dix minutes ? » Au moins le temps de se rendre à l'hôpital et que je sois entre les mains d'un médecin, là, elle pourrait sortir dehors évacuer son stress par le tabac. Rendu là, je m'en fichais pas mal, tant que je pouvais retourner chez moi ce soir avec quelques pansements et des médicaments contre cette horrible douleur. Je posai ma tête sur le dossier du banc et je fermai les yeux, un mouchoir toujours tenu sous mon nez afin de ne pas propager davantage le sang partout sur mes vêtements

Une fois arrivés à l’hôpital sans qu’Amélia et moi on ne se dispute, je sortis de la voiture après que ma sœur m’ait ouvert la portière. Tout d’un coup, c’était comme si ce qui s’était passé dans la boîte de nuit ne s’était jamais déroulé. Nous ne nous étions pas fait de reproches ou lancé d’insultes. Comme de vrais frères et sœurs, ces histoires-là s’effaçaient assez rapidement quand quelque chose de plus important se produisait. Bref, je marchai avec elle qui me tenait le bras par inquiétude jusqu’à l’entrée des urgences. Il y avait déjà un tas de personnes, évidemment, comme dans toute salle d’attente d’hôpital. J’allai avec ma sœur donner mes informations à la dame à l’accueil, remplir le formulaire et tout, puis j’allai m’asseoir parmi tous ces autres malades et blessés. « Merci d’être venue avec moi. Si t’as autre chose à faire, tu peux y aller, ça peut être long l’attente et je ne veux pas te retenir … » Lui dis-je. Au pire, je pourrais appeler les parents ou rappeler Amélia quand ce serait terminé. Au moins, elle n’aurait pas à se taper les longues heures à attendre pour un putain de nez cassé.

Dès que je proposai à ma soeur de rentrer afin de ne pas se taper toute cette attente rien que pour moi, celle-ci hocha la tête et se leva. Sans rien dire de plus, Amélia tourna les talons et me laissa en plan. Certes, c'était mon idée de la convaincre de me laisser seul, mais j'aurais au moins espéré qu'elle me dise au revoir ou quoi que ce soit de plus réconfortant. Là, elle était juste partie, presque froidement. Je fronçai les sourcils en inclinant la tête sur le côté, puis je lâchai prise en secouant la tête légèrement puisque mon nez me faisait toujours mal. Décidément, ma soeur n'était pas dans une très bonne phase. Je me laissai un peu glisser dans ma chaise, posant ma tête sur le mur derrière moi, fermant les yeux. Je ne sentis même pas les autres personnes s'asseoir autour de moi tellement j'étais concentré à oublier la douleur et à me reposer un peu. Je ne fus sortis de mon mi-sommeil que lorsque je sentis quelqu'un s'asseoir sur moi. Tout de suite j'ouvris les yeux et réalisai qu'il s'agissait de ma soeur, assise sur moi, qui passa machinalement ses bras autour de moi. Je souris. Je passai mes bras autour d'elle. « Mais pourquoi t'es revenue ? » Demandais-je avec douceur. J'étais content qu'elle soit revenue.

J'hochai la tête en signe de compréhension lorsque Amélia m'apprit qu'elle n'avait qu'été garer la voiture dans le stationnement. Je me rappelai alors qu'effectivement, dans l'empressement et la folie du moment, elle s'était mise au bord du trottoir menant à l'urgence. Elle aurait eu un ticket bien rapidement si elle était restée là plus longtemps. « C'est gentil de rester. » Lui dis-je en souriant. Ma soeur me colla alors un bisou sur la joue avant de me serrer un peu plus fort et de me dire qu'elle m'aimait. Je souris davantage. « Je t'aime aussi p'tite soeur. » Et c'est ainsi que, malgré les hauts et les bas, des frères et soeurs trouvent toujours le moyen de se retrouver. Je soupirai donc légèrement en regardant ma soeur, et je déclarai : « Je m'excuse pour ma réaction. J'ai été ... disons ... très surpris. Mais tu es assez vieille pour faire tes propres choix et je dois respecter ça ... même si je suis pas du tout d'accord ... » Je tenais quand même à souligner le fait que malgré mes excuses, je n'approuvais tout de même pas son emploi.

Je souris. C’était la première fois que ma sœur m’appelait « son amour ». Si ça se trouve, les gens autour de nous pensaient que nous étions un couple des plus amoureux et non pas un frère et une sœur. Après tout, il était vrai que cela pouvait porter à confusion. Amélia, assise sur mes genoux, ses bras autour de mon cou. Mes bras autour de son corps. Elle qui m’appelle par des surnoms tout à fait appropriés pour un véritable amoureux. Elle qui pose son front sur ma tête. Je souris tout de même à cette image, parce qu’au diable ce que les autres pensent, ma sœur et moi nous aimions d’un amour inconditionnel. Et nous n’avions pas peur de le montrer.

Après mes excuses concernant ce qui s’était passé plus tôt dans la soirée, ma sœur secoua la tête et refusa mes excuses, expliquant sa vision actuelle de la situation. J’étais content qu’elle se soit rendue à l’évidence. Qu’elle comprenait enfin l’effet que ça m’avait fait de la voir sur scène, à moitié nue et plus encore. « Je vais t’aider à te trouver un emploi, Amé. Je vais t’aider à te remettre sur pieds. Je ne te laisserai jamais en difficulté. » Parce que contrairement à ce qu’elle avait semblé me crier à la tête plus tôt, je ne me fichais pas d’elle du tout.

C’est à ce moment-là que le médecin appela mon nom. Je fus surpris par la rapidité. Ma sœur se leva tout de suite de moi afin de me laisser me lever, afin que je ne perde pas ma place en ne répondant pas à l’appel. « Tu m’attends ici ou … ? » Demandais-je. Elle pouvait m’accompagner à l’intérieur si elle le voulait. Après tout, ce n’était qu’un nez, rien de gênant à cacher.