oups [Concholing]

Il était certain que si Perry arrivait à foutre le feu alors que je le surveillais, il devenait une cause perdue. Cependant, je ne doutais pas qu’avec un peu de volonté, il serait très bien capable de préparer un repas convenable, qu’il pourrait ensuite reproduire pour les autres. Mon petit doigt me disait que les autres, en ce moment, c’était Aisling. Du moins, elle était sans doute celle qu’il voudrait impressionner en premier avec ses nouveaux apprentissages. Bon, évidemment, je n’étais pas un grand chef cuisinier, j’avais moi-même besoin de suivre des recettes, n’ayant aucune créativité et surtout aucune base dans l’agencement des ingrédients, mais face à Perry je devais être un maître en la matière. Je pourrais lui apprendre deux ou trois trucs. « Je l’aurai à l’œil, t’inquiète. » Je souris à mon invitée et continuai à manger mon petit déjeuner.

Aisling se montra très évasive quant à sa relation avec mon colocataire, et je n’insistai donc pas sur la question, ne manquant toutefois pas de relever que du côté de Perry, elle semblait être la seule. Du moins, la seule qu’il ramenait ici, dans ce grand zoo qu’était leur colocation. Les yeux de la blonde brillaient tout c’un coup, et un grand sourire était apparu sur son visage, ce qui me toucha littéralement droit au cœur. Elle était adorable, et comme ma relation avec Ally m’avait rendu un peu plus romantique, je me laissai avoir par ce regard qu’elle avait tout d’un coup. L’envie de téléphoner à Perry pour tout lui raconter direct après le départ d’Aisling me traversa l’esprit, mais en même temps je me promettais de ne pas me mêler de leurs affaires, ce que j’avais plutôt bien fait jusqu’à présent en ne la questionnant pas plus. « De ce que j’ai remarqué, oui. » Avais-je répondu avec aplomb en la regardant avec un sourire. Tout de suite, Aisling sembla reprendre le contrôle sur elle-même, retrouvant ce visage plus fermé que je lui connaissais depuis quinze minutes, et elle baissa les yeux en concluant que Perry pouvait bien faire ce qu’il voulait. J’haussai les épaules. « Exclusivité ou pas, c’est toujours flatteur et agréable de savoir qu’on est le seul. Et je parle en connaissance de cause. » Avec Ally, tout était parti de là, en fait. Et c’était en réalisant qu’il n’y avait personne d’autre avec qui nous désirions être que nous avions décidé de tenter notre chance. Même si nous n’étions pas encore officiellement ensemble et qu’on ne se disait pas les trois mots d’amour, on savait qu’il n’y avait personne d’autre que l’autre.

Finalement, Aisling ne goûtant pas à ses œufs, je ne puis me retenir de faire un commentaire à ce propos, ne voulant pas que ça refroidisse ou qu’elle se sente mal à l’aise de manger devant moi. Après tout, je me bourrais depuis que je m’étais assis, moi. La blonde piqua donc dans ses œufs et en avala une bouchée, mentionnant que c’était bon. « Merci. » Dis-je avec un sourire satisfait. De mon côté, je venais tout juste de terminer mon assiette, et je fis passer le tout en calant ce qu’il me restait de mon jus d’orange.

Le sourire d'Aisling s'était encore un peu agrandi quand il avait confirmé, avant qu'elle ne s'arrange pour cacher ce qu'elle ressentait vraiment. La déclaration de son hôte lui faisait bizarre.  Elle ne pouvait pas le contredire et elle ne savait pas comment il avait fait pour aussi bien cerner la situation.

-Je me doute bien que je ne suis quand même pas la seule, c'est pas son genre mais... Ouais, c'est agréable.

Elle n'allait pas lui déclarer le contraire alors qu'elle venait de sourire bêtement. Certes, elle nierait en bloc devant Perry, mais depuis lui elle ne pouvait nier l'évidence qu'il avait vu de ses propres yeux.

-En connaissance de cause hein ?

Elle avait esquissé un petit sourire, un peu curieuse. Est-ce qu'il avait eu une relation semblable ? Elle n'osa pas trop poser la question. Elle ne s’immisçait pas dans la vie des autres et appréciait que ce soit réciproque.

Elle commença à manger ses œufs alors que Conchobáhr avait déjà terminé son assiette. Il mangeait aussi vite que Perry en fait. Aisling elle, continua de manger son assiette assez lentement, par petites bouchés. On ne changeait pas les bonnes habitudes.

-Y a que toi qui fait la cuisine ?

Bon, je n’allais pas trop m’avancer plus que je ne l’avais déjà fait, car il était vrai que j’ignorais si Perry couchait avec d’autres femmes chez elles ou dans des lieux publics, ou encore si elles fuyaient en plein milieu de la nuit. Je ne m’occupais pas à ce point-là de ses coups d’un soir, premièrement parce que ça ne me regardait pas, et deuxièmement parce que je m’en foutais pas mal. Tout ce que je savais, c’était qu’à mon déménagement je pouvais de temps en temps croiser différentes têtes en me réveillant, mais que là, Aisling était la première depuis un bon bout de temps. Je me contentai donc de lui sourire, et de rigoler légèrement quand elle renchérit en reprenant mes propres paroles, l’air un peu curieuse. Parler de ma relation avec Ally me dérangeant visiblement bien moins qu’Aisling lorsque venait le temps de parler de Perry, j’expliquai un peu : « Disons que ça a commencé comme ça avec ce que je pourrais appeler aujourd’hui ma … copine. Bon, on n’en est pas encore là, on apprend encore à vivre ce genre de relation, mais on est un couple, en fait, même si on le dit pas haut et fort, ça revient à ça. On en a fait du chemin depuis le début. » À quelque part, je souhaitais que Perry et Aisling fasse un bout de chemin similaire, parce qu’elle avait l’air de tenir à lui et aussi parce qu’elle avait l’air d’une femme vraiment bien. Et Perry étant mon ami avant tout, je ne lui souhaitais que de trouver le bonheur auprès d’une femme comme elle.

Bref, je terminai mon assiette au moment où Aisling entamait la sienne. J’essayais de prendre l’habitude de manger moins vite, moi aussi, moi qui avais eu tant de problèmes de poids, mais c’était une de mes faiblesses. La blonde me sortit de cette réflexion en me demandant si j’étais le seul à faire la cuisine. « Oh, non, Tahlia et Freja aussi en font. Et puis on a tellement des horaires différents qu’on ne mange pas souvent ensemble, alors la plupart du temps on se fait nos trucs séparément. Y’a que pour Perry que j’essaie de préparer de plus grosses portions pour lui en laisser. » Sinon, le pauvre allait se faire livrer à chaque fois et ce n’était ni bon pour le compte en banque ni pour la ligne. Sentant probablement la douce odeur de nourriture, mon carlin Gamborlim ne tarda pas à faire irruption dans la cuisine en secouant la queue. « Ah bah il était temps qu’il se réveille, lui ! » Dis-je en tournant la tête vers mon chien qui renifla d’abord Aisling, essayant de lui grimper dessus alors qu’il était minuscule. Il ne me prêtait aucune attention, le petit con.

Conchobáhr n'était visiblement pas opposé à lui parler de sa relation. Peut-être que c'était un peu moins compliqué pour lui que pour Aisling, ou bien alors il était simplement plus ouvert. Elle pouvait en conclure que sa relation était loin d'être un cas isolé et que finalement les personnes qui essayaient d'y aller petit à petit n'étaient pas rares. Elle n'était donc pas seule à être totalement handicapée des sentiments ?

-Et ni l'un ni l'autre n'aviez eu de relations sérieuses avant ?

Aisling devenait un peu plus curieuse, essayant de trouver des conseils, une voie à suivre, un exemple même si elle ne le disait pas ouvertement. Elle n'était pas du genre à se confier, même à ses amis les plus proches, ni à demander des conseils. En fait, elle n'arrivait pas à concevoir qu'on puisse la comprendre. Elle hocha doucement la tête quand il expliqua comment ça se passait culinairement. Chez elle, déjà elle ne faisait jamais à manger, Lolita non plus, elles passaient plutôt leur temps à commander. Ou bien à ne pas manger du tout en fait. Elle savait pertinemment que ce n'était pas bon, mais elle s'en fichait pas mal en fait.

-Ca doit être des énormes portions plutôt.

Vu ce que Perry mangeait et la vitesse à laquelle Conchobáhr mangeait aussi, ça devait être loin de ses parts à elle. Elle se demandait si tous les hommes mangeaient autant. Aisling n'avait prit que quelques bouchés de ses œufs quand quelque chose la détourna de nouveau de son repas. Elle regarda le petit chien se trémousser jusqu'à elle avec un sourire avant de se baisser pour l'attraper et le mettre sur ses genoux pour lui caresser la tête.

-Je pensais que ça se levait plus tôt les chiens. Il s'appelle comment ?

Mon ouverture quant à ma relation d’Ally ne sembla pas déranger Aisling, au contraire, puisqu’elle me posa d’autres questions. Je me doutais qu’elle ne se serait pas intéressée autant à la chose, même en voulant être polie, si elle s’en fichait. Quand elle me demanda si nous avions eu des relations sérieuses avant, je pensai pour ma part à Alex, et pour Ally à Levi. « La mienne remonte à y’a plus de dix ans, et ça s’est mal terminé. La sienne était plus récente, mais s’est encore plus mal terminée, je pense. Alors tous les deux on avait nos raisons de … de ne pas vouloir se lancer trop vite. » Expliquais-je à la blonde. Au départ, Ally et moi avions bien mis au clair que ce ne serait que du sexe, parce que ni l’un ni l’autre ne tenait à vivre de nouveau un tel déchirement que les peines de cœur entraînent. Toutefois, nous nous étions finalement fait prendre à notre propre jeu. Un peu comme Aisling, peut-être, de ce que j’en comprenais à travers les silences et l’absence d’explications. « Je pense qu’on a juste été chanceux, elle et moi, d’avoir été prêts à peu près en même temps, à vouloir plus. » J’ignorais si Perry ou Aisling désiraient davantage de leur relation, mais de ce que je savais, si ce n’était qu’un qui le désirait et pas l’autre, c’était le moment où les cœurs commençaient à se briser.

Je lui parlai finalement des portions supplémentaires que je faisais pour Perry – ça la rassurerait peut-être, à quelque part, de savoir que son homme avait parfois de bons plats faits maison pour lui. Gamborlim nous interrompit toutefois bien vite en venait se mêler à notre conversation, réclamant toute l’attention d’Aisling, qui ne se fit pas prier pour le prendre dans ses bras et l’asseoir sur ses genoux. Je la regardais avec un sourire, ravi que mon carlin se trouve une nouvelle amie. « Il doit s’être levé pour accompagner les autres ce matin, mais il se recouche après pour m’attendre. J’sais pas pourquoi il a mis autant de temps, là. » Puis elle me demanda comment il s’appelait, et j’esquissai un sourire. « Gamborlim. » Moi, je trouvais ça franchement classe, comme nom, mais on m’avait souvent fait la remarque que je me vengeais de mes parents sur mon chien.

Dix ans, ça faisait un bout de temps. Pour Aisling qui n'en avait que 20, ça représentait la moitié de sa vie. C'était assez dur pour elle se de mettre à sa place. Mais elle pouvait comprendre qu'après une mauvaise expérience ils n'aient pas envie de la renouveler. Son problème était encore autre. Elle n'avait jamais eu de relations sérieuses, enfin oui et non, bref, et avait peur de se lancer et Perry semblait être dans le même cas qu'elle.

-Je crois qu'on a tous les meilleures raisons du monde de ne pas vouloir se lancer.

Aisling sentit son cœur se serrer quand il évoqua la chance qu'ils avaient eu d'être prêt à vouloir plus en même temps. Elle baissa les yeux quelques secondes, se remémorant la scène lorsque Perry avait été la trouver après les cours pour lui dire qu'il voulait plus. Elle se souvenait très bien de ses larmes et de Perry qui lui en voulait.

-Ouais, c'est sûrement idéal.

La néo-zélandaise avait soufflé sa réponse sans grande conviction. Si maintenant ça allait mieux, elle se sentait toujours un peu perdue, à ne pas savoir ou placer ses limites, à ne pas savoir ce qui contrarierait Perry ou non. Elle ne voulait pas lui faire du mal, c'est aussi pour ça qu'au début elle avait refusé. Elle savait que plus ils seraient proches, plus elle le blesserait, consciemment ou non.

Aisling esquissa un petit sourire au récit de la matinée du chien. C'est vrai que ces bêtes là s'attachaient assez facilement et puis elles avaient tendances à suivre leur maître, et les autres partout. Elle continua de caresser le petit chien avant de reporter son attention sur son propriétaire.

-Gamborlim ? Ca vient d'où ?

Certes le nom était étrange mais elle n'était pas du genre à se moquer alors elle s'abstient, surtout que ça avait peut-être une certaine signification pour lui.

J’hochai la tête à la remarque d’Aisling, conscient de ne pas avoir été le seul à avoir peur de faire le grand saut, conscient que c’était le problème de bien des gens de notre génération. Nous avions le choix, contrairement à nos ancêtres, et ce choix, on le prenait bien au sérieux. « Quelle bande de trouillards on est. » Avais-je lancé avec un petit rire, même si au fond, ce n’était pas plus mal d’attendre d’être bien certain de nos sentiments avant d’entreprendre quoi que ce soit. Certes, la peur chez d’autre était paralysante au point d’en être problématique, mais il y avait une belle façon de se trouver dans l’entre-deux. C’était là où je me situais, à mon avis, parce que même si pendant dix ans je ne m’étais pas engagé, je l’expliquais par un manque d’intérêt pour les femmes que j’avais fréquentées. Avec Ally, ça avait été différent. Le courant avait rapidement passé, le fait qu’on ait été dans la même classe au lycée ayant peut-être aidé. Avec elle, voir un avenir n’était plus aussi difficile. Je mentionnai donc bien vite ma chance d’avoir été prêt en même temps que la belle rouquine qui occupait mon cœur. « Je te souhaite de vivre ce bon timing un jour, Aisling. » Je lui souris. Que ce soit avec Perry ou un autre, je lui souhaitais d’avoir cette envie soudaine et incontrôlable d’être avec l’autre, et que l’autre le veuille tout autant. C’était un sentiment si réconfortant, si puissant.

Gamborlim ne tarda pas à faire son arrivée dans la cuisine, nous coupant dans notre élan sentimental. C’était peut-être pour le mieux, en fait, car je sentais que les idées dans la tête d’Aisling défilaient trop vite et qu’elle avait besoin de temps pour tout gérer. Je n’avais aucune idée de ce qui se passait entre Perry et elle, mais je me doutais bien que notre conversation bien innocente de ce matin avait remis certains trucs en perspective. Du moins, je l’espérais. Même si ça ne me regardait pas, j’avais indirectement voulu y apporter un peu d’aide, à leur relation ambiguë. Je ne voulais que le bonheur de Perry, au fond. Et maintenant celui d’Aisling. Bref, mon chien sur les jambes, elle me demanda d’où venait ce nom. « … D’un générateur de prénoms fantastiques. » J’éclatai de rire, rougissant. « C’est carrément généré au hasard, j’avais une liste, j’ai choisi ça. Au moins je sais qu’il est unique, mon Gambo. » Je tapotai la tête de mon chien en allongeant mon bras jusqu’à eux, avant de le relaisser tomber sur ma cuisse, souriant en le regardant bien confortable dans les bras de la belle blonde. « Tu as des animaux ? » Elle semblait en apprécier la compagnie, en tout cas.

Aisling rit aussi à sa remarque, un peu nerveusement il fallait bien l'avouer. Mais elle ne pouvait pas lui donner tort, pas dans son cas en tout cas. Elle était totalement flippée de ses sentiments, et de ceux des autres aussi. Même amicalement, elle avait peur de s'attacher à quelqu'un, d'être abandonnée.

-C'est vrai.

Lâcher prise était devenue compliquée, pour elle, pour tout le monde en fait. Enfin, pour pas mal de monde plutôt. A son souhait, Aisling releva ses yeux bleus vers lui, esquissant un sourire. Il était gentil, et bienveillant. Y avait pas de doute, il devait bien s'entendre avec Perry.

-Ca m'étonnerait que ça arrive un jour.

Parce qu'il y avait peu de chance qu'elle arrive à en vouloir réellement plus un jour, ou du moins qu'elle se l'avoue à elle-même. Elle soufflant ses mots, elle se rendait compte qu'elle en disait un peu trop. Elle détourna donc le regard, l'air de rien, espérant juste qu'il ne relèverait pas.

Aisling arqua un sourcil à sa réponse. En générateur de prénom ? Ca avait l'air cool... Si jamais elle avait des choses à nommer, elle y penserait tiens. Si elle adoptait un chien par exemple. Oui non, pas les enfants, ça elle n'avait pas prévu d'en avoir de toute sa vie. Yerk.

-Mais c'est trop cool ça. Et puis ça lui va bien.

Ca aurait sûrement été à n'importe quel être vivant sur terre puisque ça ne ressemble à rien mais ça avait peu d'importance. Aisling continua de grattouiller la tête du chien. Faut croire que ça la détendait. Décidément, Conchobáhr s'était facilement fait accepter de la blonde. A sa question, elle hocha négativement la tête.

-Non, j'ai déjà du mal à m'occuper de moi-même... je préfère éviter les catastrophes. Mais je fais des études de zoologie.

Donc elle les aimait bien, les animaux. Et même plus, ils l'intéressaient énormément.

Parler d’amour, d’amitié, de sentiments en général semblait rendre bien inconfortable l’irlandaise, parce que même quand je la faisais rire, je dénotais à travers ce rire une certaine angoisse, une nervosité cachée tant bien que mal. J’avais si souvent ri de cette façon-là que maintenant, je ne me faisais plus avoir. Aisling avait ses petits démons, comme n’importe qui, mais ils semblaient la paralyser lorsqu’elle devait ouvrir son cœur à quelqu’un, peu importe de qui il s’agissait.  Je lui souhaitai quand même – parce que ce sont ces gens-là qui en ont le plus besoin – de vivre ce que j’avais vécu avec Ally, et de tomber amoureux pile au même moment que l’autre. Ça ne garantissait pas l’amour éternel, mais ça permettait de vivre une sacrée belle histoire. « La vie est remplie de surprises. Tu n’en serais pas à un étonnement près. » Le nombre de fois où les tournures de ma vie m’avaient étonné, maintenant, je pouvais m’attendre à n’importe quoi.

Nous parlâmes finalement du prénom de mon petit clébard, et elle arqua un sourcil en m’entendant lui parler du générateur de prénom qui m’avait sorti le fameux et original Gamborlim. Elle ne sembla pas me juger, plutôt être intéressée par l’idée, qu’elle qualifia de cool. Ravi de savoir qu’une autre personne sur cette Terre partageait mon point de vue, je me redressai les épaules et le corps, fier. « Merci ! Moi aussi je trouve ça cool. » Tout de suite, ma gêne et ma honte avaient laissé place à ma réelle opinion de la chose. Voyant à quel point elle était à l’aise avec mon carlin, je lui demandai si elle, elle avait des animaux, ce qu’elle répondit à la négative. « Oh, la zoologie, trop bien ! Faut se spécialiser dans un certain type d’animal ou vous les étudiez tous ? Ça en fait des trucs à connaître … » J’avais l’impression que je pourrais parler à Aisling jusqu’au retour de Perry, mais j’ignorais s’il désirait la retrouver ici à son retour, ou si elle-même n’avait qu’une idée en tête : fuir. Moi, je me laissais porter par notre conversation, charmé par la douceur d’Aisling.

Aisling haussa les épaules, lui faisant tout de même un petit sourire. Il était gentil, indéniablement. Il la connaissait à peine mais il lui souhaitait tout de même que du bien. Il avait un peu raison tout de même aussi. La vie réserve des surprises, rien que sa relation avec Perry en était une.
L'idée du générateur de prénom amusait et plaisait assez à Aisling, et maintenant Conchobahr semblait fier de l'avoir utilisé, ce qui n'était pas tout à fait le cas quelques secondes auparavant. Est-ce qu'il aurait eu peur qu'elle se moque ? Elle secoua la tête, tout de même amusée par sa réaction.

-Ouais, c'est génial.

Aisling était passionnée par ce qu'elle faisait. Pas une seule seconde elle n'aurait pensé à changer de filière.

-Au début non on ne se spécialise pas, mais ça vient après oui.

La blonde n'avait pas encore choisi dans quoi elle voulait se spécialiser en particulier, elle trouvait tout un tas d'animaux intéressant. Elle eut un sourire quand il lui dit que ça devait être beaucoup de choses à connaître, oui, c'était une certitude.

-Oui mais comme dans la plupart des études.

Elle  n'allait pas dénigrer ce qu'elle ne pratiquait pas après tout.

Même en ne se contentant que de me dire que sa filière était géniale, je sentais dans la voix et dans le regard d’Aisling qu’elle était passionnée par son champ d’études. Je souriais, touché de voir qu’on pouvait à ce point aimer apprendre sur un sujet. Bon, je n’étais pas le dernier des idiots, mais de mon côté un retour à l’école m’avait toujours semblé bien loin. Même après avoir gagné à la loterie, il ne m’avait jamais traversé l’esprit que je pourrais utiliser cet argent pour finalement terminer le lycée et même aller à l’université. « Tu penses que tu travailleras plutôt avec quels animaux ? » Demandais-je, ne sachant pas vraiment si je devais parler d’une clientèle animale, d’établissements spécifiques ou quoi. Je ne connaissais pas grand-chose là-dedans. Ce que je savais, c’était que ça devait être pas mal de boulot durant l’année scolaire, ce qu’elle affirma en relevant que c’était le cas pour la plupart des études. J’haussai les épaules. « Je saurais pas vraiment te dire. J’ai même pas mon diplôme du lycée alors moi, étudier, c’pas trop ma tasse de thé. » Avais-je dit, sans trop réfléchir, alors qu’habituellement j’avais horriblement honte d’avouer que je ne me qualifiais pour aucun job dans ce monde. Même rentrer dans le domaine de la construction sans mes années d’études de base n’avait pas été simple. Je devais être né sous une putain de bonne étoile pour que ma vie ait pris une tournure aussi positive, au final. Pourvu que ma chance ne tourne pas du mauvais côté de nouveau.

La question de Conchobahr la prend un peu au dépourvu. Elle n'a pas vraiment de réponse, elle n'y a pas vraiment réfléchi non plus. Disons qu'elle avait pas mal de choses à penser autre que ça.

-Je ne sais pas encore, mais je crois qu'il va falloir que j'y réfléchisse.

Elle allait bien devoir prendre une décision à un moment. Et bien la prendre, avec pas mal de réflexion parce que ça déterminerait tout de même le reste de sa vie.
Aisling fut assez surprise quand il lui dit ne pas avoir son diplôme du lycée. Enfin, en soit ça ne devait pas autant sortir du commun que ça mais elle avait plutôt l'habitude d'avoir des gens ayant fait des études supérieures dans son entourage, bien que ce ne soit pas un critère de fréquentation.

-Tu dois vraiment bien t'entendre avec Perry alors.

Elle lui avait fait un sourire, se rappelant qu'il n'avait fait aucune étude supérieure. Il avait juste des parents riches, ce qui semblait lui sauver pas mal la vie quand même.

-Je pense que les années d'étude ça n'a pas d'importance, tant qu'on peut faire un métier qui nous plaît.

Ca lui semblait rester le plus important, aimer ce qu'on faisait. Même si elle devait bien avouer que le salaire que ça allait rapporté comptait tout de même un peu aussi.

Aisling n’était pas encore fixée sur son choix de spécialisation à la fin de ses études, alors je m’imaginai qu’elle n’en était encore qu’à ses débuts. Ce qui m’amena à me demander quel âge elle avait, la pseudo-copine de Perry. Lui en avait vingt-six, mais Aisling avait l’air jeune et le fait qu’elle soit encore aux études me faisait encore plus douter. Bon, après tout, elle était sans doute majeure et lui aussi, alors peu importe la différence d’âge, au fond. Je n’avais pas l’habitude puisqu’en comptant Alex et d’Ally, respectivement plus vieille et du même âge que moi, toutes mes conquêtes du passé tournaient également autour de mon âge. « Tu obtiendras ton diplôme dans combien de temps ? » Demandais-je, pas tant pour enfin me fixer sur son âge que par pure curiosité. Après tout, si elle terminait dans un an ou deux, il faudrait tout de même qu’elle songe à ce qu’elle désirait faire de son diplôme après. Quand je lui confiai que, de mon côté, je n’avais même pas terminé mon lycée et que ce n’était de toute façon pas ma tasse de thé que d’étudier, Aisling releva le fait que je devais bien m’entendre avec Perry. Je rigolai. « Assez, oui. » Mais bon, ce n’était pas forcément pour notre manque d’études supérieures qu’on s’entendait bien. Même si ça me rendait pas mal plus à l’aise dans cette colocation de ne pas être le seul. Aisling ajouta que les années d’études importaient peu, au fond, tant que le métier exercé nous plaisait. « Je suis d’accord. Les autres m’ont souvent poussé à retourner aux études, pour m’assurer un futur, tout ça, mais je suis vraiment bien dans ce que je fais. » Certes, auparavant, j’étais dans la construction et ça ne me plaisait pas autant, mais j’avais été chanceux, et je pouvais maintenant vivre de ma passion. J’étais conscient que c’était un cas bien à part, et que j’aurais pu passer ma vie à construire des maisons sous un soleil assommant, me fatiguant le corps et l’esprit à longueur de journée.

Aisling se mit à se mordiller la lèvre quand il lui demanda quand est-ce qu'elle aurait son diplôme. Disons que c'était une bonne question. Elle ne savait pas trop elle-même. Enfin, évidemment elle savait comment ça se passait, qu'elle pouvait faire une licence, ou bien un master ou même un doctorat. Mais elle ne savait pas encore où elle allait s'arrêter.

-Je ne sais pas. L'année prochaine j'aurais ma licence. Je pense que j'irais au moins jusqu'au master mais je ne sais pas si j'aurais le courage de faire un doctorat.

Un doctorat c'était quand même 10 ans d'étude et elle n'était pas sûre de tenir jusque là. Même si elle prenait ses cours au sérieux elle n'était sûre d'avoir le courage.
Aisling eut un sourire presque tendre en l'entendant dire qu'il se plaisait dans ce qu'il faisait. Oui, c'était le principal au fond, vu le nombre d'année qu'on devait travailler dans une vie.

-Les parents pensent toujours qu'on est plus en sécurité avec des diplômes.

C'était assez compréhensible, mais pour autant ça ne servait à rien de pousser un enfant qui n'aimait pas l'école au point de l'en dégoûter totalement et de le rendre malade.
La blonde se remit à papouiller le petit carlin avant de lever les yeux vers Conchobáhr.

-J'aimerais bien avoir un chien, mais je crois que je serais incapable de m'en occuper.

Je me retins de grimacer quand Aisling me parla de doctorat. Putain, je n’avais franchement aucune idée de combien d’années exactement cela représentait, mais tout ce que je savais, c’était que ça devait être bien chiant. Bon, oui, quand on étudie ce qu’on aime, c’est pas mal, mais quand même. Pendant ce temps-là, le compte en banque attendait, hein. Et les dettes d’études s’accumulaient. « Déjà le master moi je te trouve courageuse. » Un sourire amusé se dessina alors sur mes lèvres. « Remarque, si tu fais le doctorat, je pourrai t’appeler Docteur Aisling. » À condition qu’elle reste dans le portrait, oui, et avec Perry ce n’était pas gagné. D’autant plus qu’elle n’avait pas l’air facile côté sentiments amoureux non plus.

Je parlai donc à mon tour de mon boulot, que j’aimais plus que tout, et qui ne m’avait pourtant demandé aucune année d’étude. Comme quoi, ceux qui me poussaient à retourner à l’école n’avaient peut-être pas totalement raison. Aisling appuya mes propos, parlant des parents qui voyaient les diplômes comme une ceinture de sécurité. J’eus un petit rire gêné et triste à la fois. « Ouais, dans mon cas, mes parents avaient pas grand-chose à dire là-dessus, mais ouais, j’imagine que c’est comme ça pour les autres. » Pour les autres familles, pour les autres enfants et jeunes adultes ayant eu de bons modèles parentaux. De mon côté c’était la merde, alors j’étais bien conscient de ne pas avoir des références qui se trouvaient dans la moyenne.

La blonde recommença à dorloter Gamborlim, qui ne demandait que ça, avant de me regarder de nouveau et de me dire qu’elle aurait bien aimé avoir un chien, mais qu’elle serait incapable de s’en occuper. « Tu prends Gambo quand tu veux pour te pratiquer. » Je rigolai. J’adorais mon petit carlin, oui, mais parfois avoir un chien était bien demandant.